Les Français raffolent de ces médicaments. Mais tout grippé n'a pas besoin d'antibiotiques pour guérir. C'est au médecin d'apprécier la gravité du mal.



Même si, comme on l'a récemment appris, la France n'est plus championne d'Europe de la consommation de médicaments, elle continue à raffoler des antibiotiques, elle occupe encore le premier rang. En révolutionnant le traitement des maladies infectieuses, les antibiotiques ont prolongé l'espérance de vie des Français. Mais, depuis quelque temps, on s'inquiète à juste titre de voir un certain nombre de ces bactéries devenir résistantes, en particulier - mais pas seulement - celles transmises à l'hôpital. À court terme, nous risquons de nous retrouver dans une impasse thérapeutique pour un certain nombre de maladies bactériennes.
En France, les antibiotiques ont été prescrits de manière trop systématique dans presque tous les cas de fièvre prolongée et d'infection respiratoire, même quand celle-ci était étiquetée virale, alors que les antibiotiques ne s'attaquent qu'aux bactéries et sont totalement inefficaces sur les virus. Depuis les années 2000, la France a mis en place une politique très dynamique pour lutter contre ce phénomène de prescription excessive des antibiotiques dans les infections virales avec des résultats significatifs. Cette attitude est même désormais perçue par les médecins comme synonyme d'un comportement moderne.
Ce sont les bactéries qui ont tué les malades de la grippe espagnole

En pratique, si la grippe est une infection déclenchée par un virus, sa sévérité et sa mortalité sont essentiellement dues aux complications bactériennes. Et ces bactéries - comme le pneumocoque -, qui "sur"infectent le malade, sont sensibles aux antibiotiques. C'est l'ignorance de ce phénomène qui a déclenché la peur panique de l'OMS en 2009, devant la survenue d'une épidémie de type grippe espagnole. Nous savons aujourd'hui, grâce à l'étude des autopsies de l'époque, que ce sont les bactéries qui ont tué les malades infectés par le virus de la grippe espagnole. C'est pourquoi un nouvel épisode de grippe aussi dévastateur n'est plus possible. D'ailleurs, il a également été démontré que les personnes vaccinées contre le pneumocoque sont moins souvent hospitalisées avec un diagnostic de grippe !

La question du traitement par antibiotiques ou pas de la grippe est complexe et le choix doit être laissé au médecin traitant. Il est vraisemblable qu'il faut prescrire des antibiotiques chez les sujets à risque - en particulier les femmes enceintes - affichant plus de 48 heures de fièvre, et ce, afin d'éviter les complications mortelles. Pour ce qui est des pneumonies, il n'existe pas de barrière nette entre celles d'origine virale et celles d'origine bactérienne qui justifient un traitement antibiotique. Les pneumonies sont souvent le fait d'un "gang microbien" associant des virus et des bactéries. Il est donc impossible de considérer comme une erreur la prescription d'antibiotiques dans le cas d'une grippe diagnostiquée qui n'a pas l'air de se résoudre spontanément et rapidement toute seule. En pratique, la médecine est bien plus compliquée qu'en théorie !

Par LE PROFESSEUR DIDIER RAOULT