Obsolète le rêve américain ? La promesse qu'un homme de rien puisse nourrir les espoirs de fortune les plus fous n'est-il plus qu'une chimère ? Christophe Deroubaix explique que c'est le constat presque déshonorant qu'est en train de faire la première économie mondiale. Extrait de "Dictionnaire presque optimiste des Etats-Unis" (2/2).
La Gloire et la fortune, Un simple petit Irlandais, Le Petit Télégraphiste, Célébrité et Fortune : l’ascension de Richard Hunter, etc. : cent dix-neuf livres, au total, pour raconter la même histoire du self-made man à qui la société américaine offre la possibilité de grimper, à force de travail et de mérite, les barreaux de l’échelle sociale. Horatio Alger (1832 - 1899) est une figure particulière du roman national américain. Il est le premier à avoir donné des lettres à la religion civile du pays : la foi dans le rêve américain. Si Cosette était née sous la plume d’Horatio Alger, elle aurait fini par épouser un capitaine de l’industrie naissante et croiserait de temps en temps, dans les jardins du Luxembourg, les Thénardier, devenus d’honorables restaurateurs dans les beaux quartiers.
A la fin des années 60, l’écrivain et militant noir, Amiri Baraka, alias Le Roi Jones, avait déjà proclamé, au regard de la situation de la communauté africaine-américaine, « la mort d’Horatio Alger » mais, cette fois-ci, le patient semble bel et bien mort pour tout le monde.
Le 12 janvier 2012, l’avis de décès a été très officiellement dressé par Alan Krueger, le président du Conseil des conseillers économiques, chargé, comme sa dénomination l’indique, de conseiller le président des Etats-Unis en matière de politique économique. Il a présenté un graphique, astucieusement baptisé « La courbe de Gatsby le Magnifique », du nom du roman qui dépeint la bourgeoisie oisive et vaniteuse des années 20. Quand Francis Scott Fitzgerald a raison contre Horatio Alger, c’est que le pays va mal.