La plupart des coucous sont des usurpateurs. Ils déposent leurs oeufs dans le nid d'autres espèces d'oiseaux, qui les acceptent le plus souvent, nourrissant les jeunes intrus au détriment de leur propre progéniture. Le mérion superbe (Malurus cyaneus) a trouvé une parade pour démasquer les imposteurs. On ignorait jusque-là en quoi elle consistait.

C'est par hasard qu'une équipe menée par des biologistes de l'université de Flinders, en Australie, a percé le secret du mérion superbe, une espèce commune à l'île-continent. Les chercheurs avaient placé des microphones sous des nids afin d'enregistrer les cris d'alarme contre les prédateurs - principalement d'autres oiseaux. Ils ont remarqué que les femelles chantaient régulièrement pour leurs oeufs durant les derniers stades du développement des embryons...
Spécialiste de la communication acoustique animale à la School of Biological Sciences de l'université de Flinders, Diane Colombelli-Négrel relate la suite : "Nous avons enregistré le cri utilisé par les oisillons lorsqu'ils réclamaient à manger. Ce cri consistait en une seule note, et chaque couvée d'oisillons avait des cris différents. Puis nous avons constaté que le cri d'incubation de la femelle contenait le même cri." Les jeunes mérions utilisent donc un mot de passe appris de leur mère durant la couvaison pour s'identifier et obtenir à manger ! Le coucou, lui, n'a pas le temps d'assimiler la leçon, car il sort de l'oeuf au bout de deux jours, contre cinq pour le mérion.
Apprentissage
Pour savoir si cette similitude de cris était génétique ou acquise, les chercheurs se sont ensuite livrés à quelques manipulations, ainsi que l'explique la biologiste : "Nous avons échangé des oeufs entre différents nids et découvert que les cris des oisillons ressemblaient davantage aux cris de leur mère adoptive qu'à ceux de leur mère génétique. Nous avons aussi montré que les parents ne nourrissent pas les oisillons si les cris diffusés ne contiennent pas le mot de passe." L'acquisition du permis de manger relève donc bien d'un apprentissage.
Mais, si élaboré soit-il, ce stratagème ne permet de confondre que 40 % des imposteurs. Car les coucous s'essayent malgré tout à imiter le cri de leurs hôtes et y parviennent souvent malgré leur temps d'apprentissage réduit. Cette efficacité relative tient à plusieurs facteurs, dont la fréquence variable du chant des femelles durant la couvaison, que des données complémentaires permettront d'éclaircir.
Mais Malurus cyaneus risque aussi d'intéresser les chercheurs pour d'autres raisons. Des études récentes tendent à prouver que les nouveau-nés de notre propre espèce peuvent distinguer la langue de leur mère à la naissance. L'apprentissage a été suggéré comme explication, mais reste difficile à isoler d'autres facteurs. Or "les oiseaux sont un excellent modèle pour l'étude du langage chez les humains", relève Diane Colombelli-Négrel. "Les couvées peuvent être facilement échangées entre mères, nous pouvons démêler les comportements appris et innés chez les embryons - ce qui serait très difficile à faire chez l'humain."
Entre tentatives d'usurpation des coucous et manipulations des biologistes, espérons que le mérion superbe retrouvera ses petits