Des dizaines de blessés et, surtout, deux jeunes hommes décédés: le triste bilan des pétards de la nuit de la Saint-Sylvestre en Alsace suscite plus que jamais le débat dans la région, où est posée la question d'une interdiction totale.
A l'instar de l'Allemagne, la région a l'habitude de célébrer le Nouvel An par un concert de pétards et fusées. Cette tradition, le plus souvent bon enfant, provoque aussi de nombreux accidents, qui ont conduit ces dernières années à un durcissement de la réglementation.
Cela n'a pas empêché les services d'urgence des hôpitaux alsaciens d'être à nouveau très sollicités cette année: pour le seul Bas-Rhin, la préfecture a fait état d'une trentaine de blessés, à la main, aux yeux ou encore au visage. Une femme enceinte de 8 mois et une fillette de 3 ans ont été touchées.
"Ce qui a changé, cette fois-ci, c'est qu'il y a eu mort d'une personne", a souligné le nouveau préfet du Bas-Rhin, Stéphane Bouillon, en référence au décès mardi matin dans ce département d'un jeune homme de 20 ans, atteint à la tête par l'explosion d'un mortier qu'il manipulait.
"Il faut que nous durcissions notre arsenal réglementaire et les sanctions", a estimé le préfet.
Depuis, le bilan s'est encore alourdi: un autre jeune homme, âgé de 24 ans et blessé dans les mêmes circonstances dans le Haut-Rhin, est mort à son tour mercredi après-midi à l'hôpital de Colmar.
Les autorités alsaciennes ont pourtant multiplié ces dernières années les actions de prévention et les contrôles, qui ont conduit cette année à saisir quelque 1,2 tonne de pétards, environ le double de l'an dernier.
Pourtant, "on n'a jamais autant travaillé sur la prévention", a relevé le Pr Philippe Liverneaux, chef du service SOS mains du CHU de Strasbourg, impliqué dans les campagnes en direction notamment des établissements scolaires.
Mais "cette prévention n'a pas fonctionné, il suffit de regarder les chiffres. Pour moi, c'est un échec", a-t-il déploré. Selon ce médecin, il faudrait inventer un système permettant de ne pas allumer les pétards en les tenant dans la main.
Pour Olivier Bitz, adjoint PS au maire de Strasbourg, il faut aller plus loin et interdire totalement les pétards. "Il n'est pas acceptable, au nom d'une tradition stupide, d'avoir à déplorer chaque année des accidents graves", a-t-il souligné.
Tolérance sociale sur ce sujet
Même si les mortiers utilisés par les deux jeunes hommes décédés n'étaient a priori pas autorisés, "une interdiction générale des pétards aurait une portée pédagogique face à la tolérance sociale sur ce sujet-là", a poursuivi M. Bitz.
Dans le Bas-Rhin, seuls les pétards les moins puissants sont autorisés, et de manière très encadrée. Leur vente est interdite aux mineurs et n'est autorisée en décembre pour les majeurs que le 31. Il est par ailleurs interdit d'en transporter plus d'un kilo par personne.
Quant à leur utilisation, elle n'est autorisée par dérogation en décembre que durant la nuit de la Saint-Sylvestre, et aux seuls adultes et mineurs sous l'étroite surveillance d'un adulte.
Dans le Haut-Rhin, où la réglementation ces dernières années était calquée sur celle du Bas-Rhin, les restrictions ont été allégées cette année, à la suite d'une action en justice des fabricants de pétards.
"Le problème qui se pose est que nous sommes frontaliers", a expliqué le député UMP du Haut-Rhin Jean-Louis Christ, indiquant qu'en "Allemagne, on peut acheter des pétards de calibrage encore plus important".
"En même temps, on peut acheter sur internet des espèces d'engins de guerre, ce qui est absolument aberrant", a-t-il poursuivi. Selon lui, le jeune homme décédé mercredi se serait procuré son mortier sur internet.
Pour le député, si une harmonisation européenne et un durcissement de la réglementation sont souhaitables, une interdiction totale des pétards serait inutile. "Je ne pense pas qu?on puisse y parvenir", a-t-il estimé.