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Discussion: Kurdes

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    KURDES






    Le Kurdistan a fait son entrée sur la scène internationale, après la Première Guerre mondiale et l'effondrement de l'Empire ottoman, avec le traité de Sèvres, signé en 1920 par les belligérants. Le Kurdistan préconisé dans le traité ne regroupait pas toutes les régions habitées par les Kurdes de l'Empire ottoman et ignorait ceux de Perse, mais il faisait des « sauvages » décrits par les voyageurs européens duXIXe siècle une entité nationale reconnue. Cependant, le redressement de la Turquie et les convoitises des puissances étrangères (France et Grande-Bretagne notamment) sur le pétrole du Kurdistan méridional furent des obstacles majeurs à la création d'un État kurde. Aussi, avec la délimitation des États modernes au Proche-Orient, les Kurdes, qui étaient répartis jusqu'au début du XXe siècle entre deux empires, se retrouvèrent dispersés principalement entre trois États : Iran,
    Turquie et Irak, avec une petite minorité en Syrie et quelques éléments en Transcaucasie soviétique. Le nationalisme kurde se développa alors, face au patriotisme exacerbé de la Turquie jacobine d'Atatürk, à l'idéologie conquérante de la « Grande Nation arabe » et à la monarchie centralisatrice du chah d'Iran. Chaque fois que les Kurdes se révoltèrent pour obtenir leurs droits nationaux, leurs gouvernements répondirent par une répression sévère.
    Fort de la sympathie internationale, le nationalisme kurde n'en a toutefois reçu que des appuis limités : jusqu'à l'effondrement du bloc communiste et à la guerre contre l'Irak (1991), les dirigeants occidentaux refusaient de s'aliéner les pays arabes producteurs de pétrole et craignaient que le moindre encouragement au séparatisme ne déstabilisât une région voisine de l'Union soviétique. Totalement enclavés, les Kurdes sont contraints de solliciter l'aide des pays voisins, rivaux de celui auquel ils appartiennent, mais qui eux-mêmes oppriment leurs citoyens kurdes ; aussi sont-ils à la merci d'un renversement d'alliances. La donne de la question kurde s'est vue largement modifiée au cours des années 1990-2000. Si cette question reste vivace en Iran, comme en témoigne l'assassinat de dirigeants kurdes iraniens en Europe (en 1989 et en 1992), c'est surtout en Irak et en Turquie qu'elle s'impose comme source de conflit.
    Christiane MORE
    Le peuple kurde a donc aujourd'hui pris conscience de son originalité ethnique et culturelle, même si le pays montagneux qu'il habite n'a guère favorisé son unité linguistique et même si sa sujétion à divers États au cours des siècles a constitué un obstacle certain à l'éclosion de sa littérature. Pendant des siècles, les Kurdes instruits écrivirent en arabe, tant leurs ouvrages de théologie, ou de droit, et même leurs travaux d'histoire, que leurs poésies lyriques et mystiques. Certains se servirent du turc. La majorité préférait le persan considéré comme plus noble. Les Kurdes sont encore polyglottes et polygraphes.
    Thomas BOIS
    1. Histoire

    • Un peuple sans État

    Le « Kurdistan » est un pays sans frontières. Territoire situé au cœur de l'Asie Mineure, peuplé en majorité de Kurdes, il est partagé entre plusieurs États. En forme de croissant, s'étendant sur 530 000 kilomètres carrés environ de la Méditerranée au golfe Persique, il part de l'est de la Turquie, entame légèrement le nord de la Syrie, recouvre les régions septentrionales de l'Irak, pénètre en Iran pour suivre la courbe descendante d'une bonne partie de la frontière jusqu'aux rivages du golfe.
    Les chaînes de montagnes du Taurus et du Zagros dominent ce pays fortement escarpé. Deux grands fleuves – le Tigre et l'Euphrate – prennent leur source en territoire kurde, tandis que leurs affluents arrosent de nombreuses vallées fertiles. Peuple de chasseurs et de pasteurs (éleveurs de moutons en particulier), les Kurdes cultivent également la terre. Ils en tirent du maïs, du millet et, en quantités plus substantielles, du riz et du tabac. La vigne produit des crus variés.
    En l'absence de statistiques précises, on estime – selon la source – entre 20 et 22 millions le nombre des Kurdes, dont la moitié vit en Turquie. Leur langue – d'origine indo-européenne – est apparentée au persan moderne. La grande majorité des Kurdes est musulmane, de secte sunnite.
    Deux thèses ont été avancées concernant l'origine des Kurdes : l'une soutient qu'ils appartiennent, au même titre que les Persans, au groupe indo-européen ; l'autre les apparente aux peuples asianiques autochtones, tels les Géorgiens. Aujourd'hui, il est couramment admis que des tribus iranisées aient peuplé le Kurdistan dès leVIIe siècle avant notre ère. De la chute de Ninive en 612 avant J.-C. jusqu'en 1514, date à laquelle les empires turc et persan se partagent la région, l'actuel Kurdistan est successivement conquis par les Mèdes, les Achéménides, les Grecs, les Séleucides, les Parthes, les Arméniens, les Romains, les Sassanides (qui se le partagent au gré des batailles avec les Byzantins), les Arabes, les Bouyides (pour une part), les Seldjoukides, les Mongols et enfin les Turcomans. Du XVIe auXIXe siècle, les principautés kurdes se firent souvent la guerre. Et ce n'est qu'au début du XIXe siècle qu'un mouvement nationaliste kurde authentique commença à se manifester. Dès 1804, les révoltes se succédèrent, toujours durement réprimées par la Sublime Porte. Celle-ci ne put, au cours de la Première Guerre mondiale, rallier à sa cause les populations kurdes disséminées à travers l'Empire ottoman ; au contraire, elles accueillirent en libérateurs les Anglais à Mossoul (Irak). Le traité de Sèvres (10 août 1920) combla les vœux des nationalistes kurdes en leur offrant la perspective d'un État autonome. Mais le traité ne fut jamais appliqué, essentiellement en raison de la farouche opposition d'Atatürk. La victoire remportée par celui-ci contre les troupes grecques ouvrit la voie au traité de Lausanne (1923) : la Turquie conservait la plus grande partie du Kurdistan, en échange de quoi elle s'engageait à respecter les libertés culturelles, religieuses et politiques de toutes les minorités.
    • Les Kurdes de Turquie

    Un an après la signature du traité de Lausanne, le gouvernement turc interdit l'usage de la langue kurde, déporte nombre d'intellectuels et chefs tribaux en raison de leurs convictions nationalistes. Dès février 1925, les Kurdes se soulèvent dans quatorzevilayet (divisions territoriales). Le but de l'insurrection est la création d'un État autonome. La répression est particulièrement sévère : des villages sont incendiés ; des tribunaux militaires spéciaux ordonnent la pendaison, le bannissement, l'emprisonnement d'insurgés. Les dirigeants du soulèvement, le cheikh Saïd de Pirane et le colonel Khalid Bey, sont exécutés en août 1925.
    Au printemps de 1927, un congrès clandestin, qui se tient sur l'Aǧri-Daǧ (mont Ararat), décide de reprendre la lutte armée jusqu'à l'expulsion des Turcs du Kurdistan. En octobre, le parti Xoybûn (l'Indépendance) est fondé et, peu après, Ihsan Noury Pacha est nommé à la tête des forces kurdes. Celles-ci livrent bataille à l'armée turque, mais finissent par capituler après un siège d'un an. Noury Pacha se réfugie en Iran. Ankara en profite pour multiplier les mesures destinées à étouffer le nationalisme kurde.
    En 1932, Atatürk décrète que les Kurdes seront désormais désignés comme étant des « Turcs montagnards ». Des dispositions sont prises pour détruire la société kurde traditionnelle et accélérer le processus d'« assimilation ». La déportation de populations vers des régions peuplées de Turcs provoque en 1937-1938 des révoltes, notamment à Dersim (qui deviendra Tunceli), que l'armée d'Ankara parvient à réduire. Le 8 juillet 1937, la Turquie, l'Irak, l'Iran et l'Afghanistan concluent le pacte de Saadabad, dont l'article 7 vise à coordonner l'action des signataires dans leur lutte commune contre la subversion, en particulier kurde.
    Après 1945, le gouvernement d'Ankara réduit son emprise sur les populations de l'Est. Mais les jeunes officiers nationalistes qui s'emparent du pouvoir le 27 mai 1960 entendent, au contraire, consolider l'autorité centrale. Au printemps suivant, huit chefs traditionnels, déjà exilés à Bursa, sont incarcérés. En guise de protestation contre les procès intentés à quarante-neuf intellectuels, des manifestations se déroulent le 8 mai 1961 dans plusieurs villes du Kurdistan. Des banderoles proclament : « Nous ne sommes pas Turcs, mais Kurdes ; le gouvernement doit reconnaître nos droits nationaux. » La police ouvre le feu. Selon une estimation, il y aurait eu à Mardin cent vingt et un tués et trois cent cinquante-quatre blessés et à Diyarbekir cent quatre-vingt-quatorze tués et quatre cents blessés. Depuis 1964, cependant, les Kurdes ont bénéficié de la libéralisation progressive du régime politique à Ankara. Ils n'ont pas la possibilité de s'organiser ; la presse, pourtant, a publié de nombreux articles traitant, non sans sympathie, du nationalisme kurde. Mais toute publication en langue kurde reste interdite.
    • Les Kurdes d'Iran

    La politique antikurde de Reza shāh

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le général Reza khan – d'abord ministre de la Guerre, ensuite chah d'Iran et fondateur de la dynastie des Pahlavi – s'applique à renforcer le pouvoir central en brisant celui des chefs de tribus kurdes. Traditionnellement, les peuples qui forment l'empire persan vivent en bonne entente. Les Kurdes en particulier, considérés comme d'origine iranienne, ne sont pas persécutés.
    Bénéficiant d'une large liberté culturelle, ils vivent dans trois provinces, celle d'Azerbaïdjan (où ils sont minoritaires), de Kermanshah (où ils sont majoritaires) et du Kurdistan (région administrative entièrement kurde). Cependant, Reza shāh sévit durement pour prévenir toute sécession, dans une région où les intrigues étrangères ne sont pas absentes. En 1922, il déporte ou arrête plusieurs dizaines de chefs de tribus. Il interdit toutes les organisations et associations sociales ou culturelles, de peur qu'elles ne se transforment en pépinières du nationalisme kurde. Il réprime dans le sang des rébellions locales. En 1934, lors de la visite qu'il rend à Atatürk, il jette les bases d'une étroite coopération entre Téhéran et Ankara pour la lutte contre les tribus kurdes récalcitrantes. Parallèlement à la répression, Reza shāh prend des mesures économiques et sociales pour saper les bases d'un éventuel mouvement séparatiste. Il confisque des terres, déporte des tribus entières dans des régions où elles ne peuvent exercer une quelconque influence, en oblige d'autres à se sédentariser. Mais, comme les événements allaient se charger de le démontrer, Reza shāh ne parvient ni à détruire les structures tribales ni à étouffer dans l'œuf le mouvement national kurde.
    La république de Mehabad

    L'entrée en Iran, le 25 août 1941, des troupes soviétiques et britanniques sonne le glas du régime autoritaire de Reza shāh qui, trois semaines plus tard, abdique en faveur de son fils. L'armée persane, en pleine débandade, se désintègre. Les Russes s'installent en Azerbaïdjan, les Anglais à Diyarbekir Kermanshah. Entre les deux zones d'occupation, les Kurdes se dégagent progressivement de l'emprise du gouvernement central dont le pouvoir, pratiquement, passe aux mains des collectivités locales. Dans la ville de Mehabad, en particulier, un homme aimé et respecté de tous, Qazi Mohamed, juge de son état, s'impose comme le chef de la nouvelle administration. Vers la fin de 1941, il est invité avec d'autres chefs kurdes à visiter Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan soviétique, où il est reçu par le Premier ministre Jafar Baghirov. Ce dernier demeure évasif quand il s'agit des aspirations nationales du peuple kurde, et la délégation rentre à Mehabad sans avoir obtenu les encouragements espérés.
    Le 16 septembre 1942, une quinzaine de personnes originaires de Mehabad fondent, dans le plus grand secret, Komele-y jiyanî kurd (Association pour la renaissance kurde) qui devait, en quelques mois, étendre son influence non seulement en Iran, mais aussi en Irak et en Turquie. En août 1944, d'ailleurs, des délégués kurdes des trois pays signaient un pacte d'aide mutuelle en vue de la création d'un « Grand Kurdistan ». En octobre 1944, Qazi Mohamed accepte d'entrer au Komala qui, au mois d'avril, sort de la clandestinité. Sur l'invitation du gouvernement soviétique, Qazi Mohamed ainsi que d'autres dirigeants kurdes se rendent au début d'octobre à Bakou. Ils ont droit, cette fois-ci, à un accueil beaucoup plus chaleureux et à des promesses précises d'aide militaire et financière. Cependant, le Premier ministre azerbaïdjanais Baghirov est d'avis que l'indépendance du Kurdistan sera prématurée aussi longtemps que les « forces populaires » n'auront pas triomphé également en Irak et en Turquie. Pour Moscou, les Kurdes devraient accepter une forme d'autonomie au sein de la république démocratique d'Azerbaïdjan, qui devait se constituer le mois suivant dans le nord de l'Iran, sous la protection de l'Armée rouge.
    Et, tandis que les partisans communistes s'emparaient, à la mi-novembre, du pouvoir à Tabriz, le Komala se transformait à Mehabad en Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (P.D.K.I.). Le 17 décembre, le drapeau kurde est hissé sur les bâtiments officiels de Mehabad. Un mois plus tard, le 22 janvier 1946, Qazi Mohamed proclame, au cours d'une réunion populaire solennelle, la naissance de la première république autonome kurde. L'armée, embryonnaire, est placée sous le commandement de mollah Mustafa Barzani, leader kurde d'Irak, qui était venu l'automne précédent à Mehabad, avec une bonne partie de sa tribu. Un affrontement avec une unité de l'armée iranienne, dépêchée à la fin d'avril sur le territoire de la nouvelle république, s'est soldé par la victoire des forces du général Barzani.
    L'évolution de la situation internationale n'est, cependant, pas favorable au maintien de l'État kurde. Au début de mai, les troupes soviétiques évacuent l'Iran sous la pression des puissances occidentales. En juin, un accord est conclu entre le régime autonome de Tabriz et le gouvernement de Téhéran. En août, sur les conseils de Moscou, Qazi Mohamed se rend alors dans la capitale iranienne pour négocier un modus vivendi. Il rentre à Mehabad sans avoir obtenu satisfaction. À la suite de l'offensive militaire déclenchée le 27 novembre par l'armée iranienne contre les autonomistes azerbaïdjanais, le chef de l'État kurde capitule le 16 décembre. Le 31 mars 1947, Qazi Mohamed ainsi que deux autres dirigeants kurdes sont pendus sur une place publique à Mehabad, celle-là même où quatorze mois plut tôt la république avait été proclamée.
    Depuis, le Kurdistan d'Iran n'a connu que peu de remous. De rares révoltes tribales ont été matées sans difficulté. Des arrestations dans les milieux nationalistes sont opérées de temps à autre. Mais la paix au Kurdistan d'Iran a été assurée surtout grâce à l'aide matérielle qui, de 1961 à 1970, a été fournie par le gouvernement de Téhéran aux forces insurrectionnelles dans le Kurdistan d'Irak.
    • Les Kurdes d'Irak

    Mollah Mustafa Barzani

    Turbulents pour les uns, révolutionnaires pour les autres, les Kurdes d'Irak n'ont cessé, depuis le premier conflit mondial, de guerroyer tour à tour contre l'Empire ottoman, les forces d'occupation britanniques, le pouvoir central de Bagdad. Pour s'assurer leur concours pendant la guerre de 1914-1918, les Anglais leur avaient fait de vagues promesses. Mais, ne pouvant compter sur la loyauté des chefs kurdes de l'époque et ayant, au contraire, trouvé en la personne du roi Fayçal un allié sûr, Londres opte définitivement en 1924 pour un État arabe, unifié, dans lequel seraient intégrées les populations kurdes. Les révoltes qui se succèdent sont matées le plus souvent par l'action combinée de la Royal Air Force et des forces irakiennes. Si le chef tribal cheikh Mahmoud Barzinji finit par capituler en 1930, Mollah Mustafa Barzani parvient, dès 1943, à infliger des défaites cuisantes à l'armée régulière. Le gouvernement de Badgad, contraint à négocier, multiplie des offres, qui sont rejetées par Barzani. Celui-ci enregistre, cependant, des revers militaires durant l'été de 1945 et, en septembre, se réfugie avec la majeure partie de sa tribu (10 000 personnes, dont 3 000 guerriers) en Iran, où il se met à la disposition de la république kurde de Mehabad. À la chute de celle-ci, Barzani et ses hommes se frayent un chemin, en se battant, à travers l'Iran, l'Irak, la Turquie pour se réfugier, en fin de compte, dans l'Azerbaïdjan soviétique.
    Admis en U.R.S.S. le 19 juin 1947, Barzani ne devait revenir dans son pays natal qu'à l'automne de 1958. Le 14 juillet précédent, une junte révolutionnaire dirigée par le général Abdel Kerim Kassem avait renversé la monarchie pour la remplacer par une république qui garantissait les « droits nationaux » des Kurdes et des Arabes « au sein de l'entité irakienne » (art. 3 de la Constitution provisoire, promulguée le 27 juillet 1958).
    La reprise de la guerre

    La fraternité retrouvée, dans l'enthousiasme, des deux peuples est de courte durée. Le général Kassem manœuvre pour garder intact son pouvoir personnel. Il s'en prend à toutes les formations politiques, notamment au Parti démocratique du Kurdistan d'Irak (P.D.K.-Irak) qui, autorisé en janvier 1960, est obligé de rentrer dans la clandestinité en mai 1961. Deux mois auparavant, cinq membres de son comité central avaient été incarcérés, son secrétaire général Ibrahim Ahmed était recherché par la police, et Xebat, l'organe officiel du parti, était interdit. En août, mollah Mustafa Barzani adresse un ultimatum au général Kassem : il exige la fin de la « période de transition », le rétablissement de toutes les libertés et l'entrée en vigueur de l'autonomie kurde. Pour toute réponse, le chef de l'État irakien lance en septembre une offensive contre la région de Barzan.
    La guerre, qui devait opposer par intermittence les Kurdes au gouvernement central jusqu'en 1970, venait ainsi de débuter. En une année, l'aviation du général Kassem détruit cinq cents villages kurdes, pour la plupart au napalm. Néanmoins, les maquisards du général Barzani parviennent dès août 1962 à contrôler la chaîne de montagnes qui sépare l'Irak de l'Iran, assurant ainsi leurs lignes de communication avec l'étranger et leur ravitaillement.
    Les insurgés kurdes acceptent le 9 février 1963, au lendemain du renversement du général Kassem par le parti Baas, de souscrire à un cessez-le-feu. Les hostilités reprennent toutefois en juin. L'armée irakienne applique la tactique de la terre brûlée, sans réussir pour autant à vaincre les maquisards. Le 10 février 1964, une nouvelle trêve intervient, également de courte durée puisque les combats reprennent le 28 février 1965. À la suite d'un accord en douze points conclu le 29 juin 1966 entre le Premier ministre irakien, Abdel Rahman Bazzaz, et Barzani, un troisième cessez-le-feu entre en vigueur le 4 juillet.
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    Chute du régime du général Kassem, 1963Des soldats irakiens et un tank à Bagdad, après le renversement du régime du général Abdel Karim Kassem (1914-1963), en 1963.

    Crédits: Hulton GettyConsulter

    L'accord de paix du 11 mars 1970

    Le retour au pouvoir du parti Baas, en juillet 1968, conduit à la reprise des hostilités à l'automne. Les défaites successives subies par les forces gouvernementales, ainsi que la discrète intervention d'émissaires soviétiques, ouvrent la voie à la conclusion de la paix le 11 mars 1970. L'accord est fondé sur le principe de l'existence d'une nation kurde et de son droit à l'autonomie. Le 29 mars, cinq personnalités kurdes entrent au gouvernement. Cependant, les signes de dissensions entre les deux parties commencent à se manifester dès l'été. Le P.D.K., notamment, s'abstient en juillet de désigner son candidat à la vice-présidence de la république. D'une manière générale, les autonomistes kurdes ont la nette impression que le gouvernement de Bagdad n'a pas l'intention de respecter à la lettre l'accord du 11 mars 1970.
    Éric ROULEAU
    2. La question kurde après 1970

    • En Irak

    Rupture entre le P.D.K. et le gouvernement central

    L'accord du 11 mars 1970, considéré par le pouvoir baassiste comme « la solution adéquate au problème kurde », n'avait pas été accepté par tous les compagnons de Mustafa Barzani. Durant la période transitoire de quatre ans prévue pour préparer la loi d'autonomie, les clivages s'accentuèrent au sein du P.D.K. Une tendance minoritaire trouvait l'accord satisfaisant et voulait se dégager de toute aide étrangère (Iran, États-Unis, Israël) dont dépendait, en partie, le mouvement kurde. La majorité pensait que l'accord n'était qu'une manœuvre dilatoire employée par Bagdad pour arabiser les régions pétrolières du Kurdistan. Ces dissensions furent exploitées par Téhéran : dès la fin de 1972, Barzani savait qu'il bénéficierait d'une importante aide iranienne, garantie par les États-Unis, au cas où les hostilités reprendraient.
    Les discussions achoppèrent sur divers points, notamment l'appartenance de Kirkouk à la future région autonome, le partage des revenus pétroliers et les limites du pouvoir régional. Le délai de transition étant écoulé, Bagdad promulgua sa loi d'autonomie le 11 mars 1974, loi qui fut aussitôt rejetée par Barzani, l'autonomie octroyée n'étant que partielle et limitée à quelque 60 p. 100 du territoire revendiqué par le P.D.K. Les Kurdes le suivirent massivement dans la rébellion, et la guerre reprit. En revanche, plusieurs personnalités du P.D.K. acceptèrent le statut d'autonomie et constituèrent à Bagdad un P.D.K. probaassiste. Bagdad remplaça les cinq ministres kurdes nommés en 1970 par des personnalités ralliées, dont un fils de Mustafa Barzani (Obeidullah).
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    Réfugiés kurdes d'Irak, vers 1974Réfugiés kurdes espérant franchir la frontière irakienne et passer en Iran (vers 1974).

    Crédits: Hulton GettyConsulter

    L'aide massive de l'Iran permit aux peshmergas (maquisards kurdes, littéralement : « au-devant de la mort ») de résister aux grandes offensives irakiennes de l'été, mais transforma peu à peu la guérilla en guerre de front et accentua la dépendance des rebelles à l'égard de l'Iran dont l'armement moderne leur devint indispensable. Or, comme le révéla le rapport Pike de 1975 – dû à une commission d'enquête de la Chambre des représentants –, ni Washington ni Téhéran ne voulaient d'une victoire kurde. Pour le chah, l'aide aux rebelles était une « carte à jouer » dans le différend frontalier qui l'opposait à l'Irak, tout en lui permettant de museler ses propres Kurdes. L'engagement américain était un service rendu à l'allié iranien – en qui Barzani n'avait qu'une confiance limitée –, mais aussi à l'allié israélien qui cherchait à contrecarrer l'Irak, principale composante du Front du refus. Enfin, Washington affaiblissait un pays lié à l'U.R.S.S. depuis 1972 par un traité de coopération et d'amitié.
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    PeshmergaUn camp de peshmerga, soldats de l'armée kurde, dans le nord de l'Irak.

    Crédits: Hulton GettyConsulter

    L'accord d'Alger entre l'Irak et l'Iran

    En difficulté sur le terrain, Bagdad fit des avances discrètes au chah à la fin de l'hiver de 1974. Celles-ci furent accueillies favorablement et, le 6 mars 1975, à l'issue d'une conférence de l'O.P.E.P. à Alger, Saddam Hussein, alors vice-président irakien, signa un accord avec le chah par lequel l'Irak accédait aux revendications iraniennes en abandonnant sa souveraineté sur le Chatt al-Arab (la frontière sud entre les deux pays était désormais le talweg), l'Iran s'engageant, en contrepartie, à cesser toute aide aux rebelles. La résistance kurde s'effondra du jour au lendemain. Bagdad créa un no man's land (5 km de profondeur) le long des frontières avec l'Iran et la Turquie en détruisant des centaines de villages et en colmatant les sources. Le parti Baas assura sa mainmise sur les instances autonomes par l'intermédiaire du P.D.K. dissident. La population dans sa majorité, par conviction, par fatalisme ou par intérêt, accepta l'expérience d'autonomie. La plupart des peshmergas profitèrent de l'amnistie accordée par Bagdad pour retrouver leurs activités professionnelles, et de nombreux intellectuels se mirent au service de la région autonome.
    Dès l'automne de 1975, le mouvement kurde tentait de se reconstituer pour reprendre la lutte. Malade et contesté par nombre de ses anciens compagnons – qui le rendaient seul responsable de la défaite –, mais sollicité par quelques fidèles, Barzani refusa d'en prendre la direction (il ira se faire soigner aux États-Unis où il mourra en 1979). Le combat des chefs, amorcé pendant ses années de gloire mais jugulé par sa forte personnalité, conduisit à l'éclatement du P.D.K. et à la création de plusieurs organisations rivales. Deux d'entre elles se disputèrent la première place au Kurdistan : le P.D.K., repris en main par deux fils de Mustafa Barzani, Massoud et Idriss (ce dernier mourra en janvier 1987), et l'Union patriotique du Kurdistan (U.P.K.) regroupant, sous la direction de Jalal Talabani, les opposants historiques de Barzani.
    Rupture de l'accord d'Alger

    Les actions de guérilla reprirent en mai 1976, mais restèrent limitées jusqu'au renversement du chah et l'arrivée au pouvoir de Khomeyni. En offrant l'asile aux opposants de Saddam Hussein, Khomeyni rompait de facto l'accord d'Alger et permettait au mouvement kurde irakien de prendre un nouvel élan. Cependant, la guerre irako-iranienne (déclenchée par l'entrée des troupes irakiennes en Iran le 22 septembre 1980) approfondit, dans un premier temps, le clivage entre l'U.P.K. et le P.D.K., en particulier lorsque Khomeyni porte la guerre au Kurdistan : en contrepartie de l'aide iranienne, le P.D.K. accepte de participer aux combats des forces islamiques contre les autonomistes kurdes iraniens et contre l'armée irakienne, tandis que l'U.P.K. épaule les frères d'Iran, puis rompt ses relations avec Téhéran.
    En décembre 1983, grâce à la médiation du secrétaire général du P.D.K.I., Abdul Rahman Ghassemlou, Talabani signa avec Bagdad un accord de cessez-le-feu. Chacun trouvait à la trêve des raisons tactiques : Bagdad devait faire face à une recrudescence des offensives iraniennes au sud ; l'U.P.K. avait besoin de répit pour réorganiser ses forces qui avaient à combattre non seulement l'armée irakienne et les milices supplétives kurdes (appelées jash dans tout le Kurdistan, littéralement : « bourricot »), mais aussi ses rivaux kurdes. Les négociations, qui portaient sur le ralliement de Talabani en échange d'une amélioration de la loi d'autonomie, étaient sur le point d'aboutir, lorsque, le 17 octobre 1984, Bagdad annonça la rupture, au lendemain de la signature avec la Turquie d'un accord sur la sécurité des frontières. Autant que les pressions turques (appuyées par les États-Unis), les refus des ultras du parti Baas et des Kurdes ralliés en 1974 entraînèrent cette rupture. L'U.P.K. retourna alors progressivement dans le giron de Téhéran, dont l'entremise aboutit, en décembre 1986, à la normalisation des relations entre toute l'opposition kurde irakienne, y compris les groupes islamiques apparus pendant la guerre. Le 30 juillet 1987 était annoncée la création du Front du Kurdistan irakien (F.K.I.), regroupant les partis kurdes irakiens laïques dont les objectifs étaient le renversement de Saddam Hussein et le droit à l'autodétermination des Kurdes (le but étant l'autonomie pour le P.D.K., l'indépendance ou le système fédéral pour l'U.P.K.). Ce Front ne fut mis en place qu'au printemps de 1988, lorsque le Parti communiste irakien (P.C.I.), principale force non exclusivement kurde au Kurdistan, en devint membre. Dès lors, peshmergas irakiens (hormis ceux du P.C.I.) et pasdaran iraniens allaient coordonner leurs actions contre l'armée irakienne, dont la plus importante devait être la prise de la ville kurde de Halabja le 17 mars 1988. En réaction à cette alliance, Bagdad prit des mesures radicales. Dès avril 1987, l'armée commença à détruire systématiquement les villages kurdes le long des axes routiers. L'utilisation desarmes chimiques dans les zones de guérilla difficiles d'accès fut banalisée dans l'indifférence générale. La communauté internationale ne commença à s'émouvoir que lorsque le bombardement de Halabja (16 mars) occupée par les pasdaran eut fait plusieurs milliers de morts.
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    Victimes de la guerre Irak-IranCet homme pleure son enfant mort, victime des bombardements chimiques de l'armée irakienne sur la ville d'Halabja, dans le Kurdistan irakien, en 1988.

    Crédits: Hulton GettyConsulter

    Convaincus que Khomeyni ne traiterait jamais avec « le traître Saddam Hussein », l'opposition kurde jouait délibérément la défaite de l'Irak, en sous-estimant l'appui international dont ce pays bénéficiait, ainsi que l'essoufflement de la République islamique qui allait subir de graves revers militaires en 1988. Le cessez-le-feu entre l'Iran et l'Irak intervint le 20 août 1988, Khomeyni ayant accepté, le 18 juillet, la résolution 598 du Conseil de sécurité de l'O.N.U. (prise le 20 juillet 1987, cette résolution acceptée par Bagdad mais refusée par Téhéran exigeait un cessez-le-feu immédiat). Désormais, Bagdad avait les moyens de régler ses comptes avec les Kurdes, « coupables d'alliance militaire avec l'ennemi ». De grandes offensives furent lancées à la fin d'août dans toutes les zones de guérilla, entraînant l'exode vers le sud-est de la Turquie de plusieurs milliers de Kurdes. À la mi-septembre, le pouvoir central contrôlait tout le nord du pays. Fut alors systématisée la politique de regroupement des villages frontaliers avec la Turquie et l'Iran (sur une bande de 30 km de profondeur) dans des zones faciles à surveiller, et de grands centres urbains, au double nom (arabe et kurde), furent créés. Bien que profondément choqués par les méthodes brutales de « pacification » employées par Bagdad, les Kurdes doutaient de la capacité de réussite des dirigeants du F.K.I. en exil, et la lassitude tendait à l'emporter sur la révolte. Mais l'aventurisme de Saddam Hussein qui, le 2 août 1990, envoyait son armée au Koweït, allait leur donner une nouvelle chance.
    Insurrection et négociations

    Après la guerre contre l'Irak, les Kurdes irakiens, inspirés par la rhétorique de l'administration Bush, suivirent les shī'ites du Sud dans leur rébellion. Les chefs du F.K.I. rentrèrent alors d'exil et prirent le contrôle du pays. Mais, dès la fin du mois de mars, le feu vert tacite donné à l'Irak par les Alliés, qui craignaient la partition du pays, permit à Saddam Hussein de mater la rébellion des Kurdes, après celle des shī'ites. C'est alors que l'exode vers la Turquie et l'Iran de plus d'un million de personnes mobilisa l'opinion publique internationale, obligeant les Alliés à intervenir. Lesréfugiés bénéficièrent d'abord d'une importante aide humanitaire puis, sous la pression de la Turquie, elle-même confrontée à une guérilla kurde, l'O.N.U. donnait, le 14 avril, son accord pour la création dans le nord de l'Irak d'une zone de sécurité sous la protection des Alliés, afin de permettre le retour des réfugiés (opération Provide Comfort). Devant le refus de l'opposition arabe de venir s'installer au « Kurdistan libéré » et la passivité des Alliés, qui préféraient Saddam Hussein à un éventuel pouvoir shī'ite pro-iranien, le P.D.K. et l'U.P.K. engageaient des négociations avec Bagdad alors que son armée bombardait encore le Kurdistan. Le cessez-le-feu intervenait le 18 avril et, le 24, Talabani annonçait la signature d'un accord de principe. Plusieurs délégations du F.K.I., dirigées par Barzani, se rendirent à Bagdad par la suite. Des divergences d'interprétation apparurent très vite et, tout au long des pourparlers, l'U.P.K. et le P.D.K. multiplièrent des déclarations contradictoires qui révélaient en fait leur rivalité et, surtout, la lutte entre leurs dirigeants. Principal initiateur d'un dialogue avec Bagdad, Talabani s'appuyait désormais sur les gouvernements étrangers et optait pour l'intransigeance, tandis que Barzani, conscient de la précarité des aides extérieures, se montrait désireux de parvenir à une solution négociée.
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    Exode au Kurdistan irakienDans le nord de l'Irak, en avril 1991, des Kurdes fuient la répression mise en œuvre par Bagdad pour briser la rébellion déclarée en février par les séparatistes.

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    Sous la pression des Alliés, l'armée irakienne se retirait à la fin d'octobre des villes kurdes d'Arbil et de Soulaymaniya qu'elle occupait encore, mais imposait un embargo au Kurdistan, auquel le F.K.I. répondait deux mois plus tard par le gel des négociations. La zone libérée s'étendait au-delà de la région autonome créée en 1974, mais Kirkouk et son pétrole, principal point d'achoppement d'un accord avec le pouvoir central, en était exclue. L'impasse des négociations, la rivalité entre Talabani et Barzani, et surtout le durcissement des Alliés envers Saddam Hussein amenèrent le F.K.I. à organiser l'élection d'une Assemblée kurde. Le scrutin eut lieu le 19 mai 1992, mais il ne trancha pas la prééminence des deux grands partis, ni la stratégie proposée par leurs chefs. Il confirma la traditionnelle popularité du P.D.K. en pays kurmancī et celle de l'U.P.K. en pays soranī, la province de la capitale Arbil, à cheval sur les deux régions, partageant ses voix à part égale (45 p. 100 pour chacun). Les petites formations furent laminées, et les mouvements islamiques, non membres du Front, n'obtinrent que 5 p. 100. Le Mouvement démocratique assyrien (créé par des chrétiens nestoriens en 1979, le M.D.A. participa à la lutte pour la démocratie en Irak et adhéra en 1989 au F.K.I.), qui voulait faire reconnaître pour les chrétiens le statut de minorité nationale au sein du Kurdistan, obtint quatre députés sur cinq dans le collège chrétien, et son chef fit partie du premier « gouvernement kurde » mis en place en juin.,
    Après sa tournée des capitales occidentales effectuée en août 1992 avec Talabani, au cours de laquelle plusieurs dirigeants (ceux de la France notamment) les auraient assurés de leur soutien pour une solution fédérale en Irak, Barzani se rallia à cet objectif, malgré sa préférence marquée pour l'autonomie. Le pas était franchi le 4 octobre 1992 par la proclamation par le Parlement kurde d'un « État fédéré kurde d'Irak du Nord ».
    Perspectives politiques

    Dans le « Kurdistan libéré », depuis une période qui dépasse déjà la durée de la république de Mehabad, la vie s'organise. Les surfaces cultivées se sont accrues du fait de la liberté de circuler et du retour des Kurdes dans les villages détruits ou évacués par Bagdad. Un important trafic avec la Turquie et, dans une moindre mesure, avec l'Iran contourne blocus et embargo : des camions apportent de Turquie diverses denrées au Kurdistan et en Irak et repartent de Mossoul (sous contrôle irakien) chargés de carburant sur lequel les autorités kurdes prélèvent d'importants droits de douane, leur unique ressource. Ce trafic toléré par les Alliés fut interrompu une première fois entre le 22 juillet et le 20 août 1992 par le P.K.K. pour protester contre la collusion du F.K.I. et du pouvoir turc. À la différence de ses voisins, la Turquie, jusqu'à l'ouverture à Ankara de bureaux du P.D.K. et de l'U.P.K. en mars 1991, n'avait jamais accordé son aide aux divers mouvements kurdes. Une seconde étape dans la coopération fut franchie durant l'été : pour éviter toute controverse avec les Kurdes irakiens concernant les incursions répétées de son armée contre les camps du P.K.K. implantés pendant la guerre au nord de leur territoire, Ankara leur apportait une aide matérielle (vivres, médicaments, etc.) et politique (soutien de leur autonomie de facto d'alors). Cette coopération passive s'est transformée en coopération militaire : à l'instigation d'Ankara, les forces du P.D.K. et de l'U.P.K. lancèrent, le 3 octobre, une vaste opération de « nettoyage » contre les zones refuges du P.K.K. des confins turco-iraniens du Kurdistan irakien, tandis que l'état-major turc bouclait les frontières pour empêcher tout repli vers le nord. Cette guerre fratricide fut suivie par une intervention massive de l'infanterie et des blindés turcs, appuyés par l'aviation.
    Les Kurdes irakiens n'auraient-ils pas une fois de plus tiré les marrons du feu pour un État ennemi de leur peuple ? Le 8 octobre, en réponse à la proclamation de l'« État fédéré kurde », Ankara avait déjà déclaré être « contre toute démarche qui pourrait ouvrir la voie à la désintégration de l'Irak ». Cette attitude fut réaffirmée le 14 novembre lors de la réunion à Ankara des ministres des Affaires étrangères des trois puissances régionales rivales ayant des populations kurdes (Turquie, Syrie, Iran), à l'issue de laquelle était condamnée toute idée de partition de l'Irak et toute forme de fédéralisme qui pourrait aboutir à la création d'un État kurde. Dans cet environnement hostile, les conquêtes des Kurdes irakiens se révèlent bien fragiles : en font foi les bombardements iraniens des régions frontalières du Kurdistan irakien à partir de mars 1993, visant tout autant les civils kurdes irakiens que les opposants kurdes iraniens ; elles le seront plus encore lorsque l'Irak réintégrera la communauté internationale – le 4 mars 1993, la Turquie a déjà envoyé un chargé d'affaires à Bagdad – et que se refermera le parapluie des Alliés.
    • En Iran

    Renouveau du combat autonomiste

    À la faveur des événements révolutionnaires qui secouèrent l'Iran en 1978 et provoquèrent le renversement du régime impérial les 10 et 11 février 1979, les Kurdes, comme les autres minorités nationales, tentèrent de faire reconnaître leurs droits politiques et culturels. Quelques jours après le retour en Iran (1er févr. 1979) de l'ayatollah Khomeyni, les autonomistes kurdes lui apportèrent leur soutien tout en lui présentant leurs revendications, qui demeurèrent ignorées. Parallèlement, ils mirent à profit la confusion des premiers mois de la révolution pour s'assurer le contrôle du Kurdistan.
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    Rouhollah Moussavi Khomeyni, 1978L'ayatollah Khomeyni (1900-1989), le leader religieux et politique iranien (1978).

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    Deux organisations politico-militaires dirigèrent principalement le combat autonomiste. Le P.D.K.I., né avec la république de Mehabad en 1946 et banni sous le régime du chah, réémergea sous l'impulsion d'A. R. Ghassemlou, rentré d'Europe durant l'automne de 1978. Parti nationaliste dont l'objectif est « la démocratie pour l'Iran et l'autonomie pour le Kurdistan », il recrute essentiellement dans les classes moyennes en évitant de s'aliéner les forces tribales et les aghas (grands propriétaires terriens). Le Komala, créé clandestinement en 1969 à Téhéran par des étudiants kurdes d'extrême gauche qui reprochaient au P.D.K.I. « sa passivité et son nationalisme bourgeois », n'apparut publiquement qu'après la chute du chah et se distingua très vite par son activisme : dans les régions où il s'imposait (surtout à Sanandadj), il procédait, au profit des paysans, à la redistribution des terres appartenant aux aghas. Malgré son plan d'autonomie pour les régions non persanes, il ne posait pas le problème du Kurdistan en termes nationalistes, mais en termes de luttes sociales ; il considérait donc de P.D.K.I. comme un « ennemi de classe ». Les Fedayin du peuple d'Iran, organisation d'extrême gauche alors très influente, participèrent à la lutte autonomiste jusqu'à leur scission en 1980, qui vit la majorité se rallier au régime islamique. Face à ces organisations rivales, cheikh Ezzedine Hosseyni, personnalité religieuse de Mehabad, s'affirma par ses positions autonomistes et laïques comme l'autorité morale de tous.
    Khomeyni manifesta très vite son hostilité à toute reconnaissance de particularisme national, pour lui « contraire à l'esprit de l'islam ». À partir de mars 1979, les combats entre peshmergas et pasdaran alternèrent avec les négociations ou, parfois, eurent lieu simultanément. Pendant cette période, Téhéran exploita les contradictions de la société kurde en soutenant un petit groupe islamique antinationaliste et en aidant – comme ses voisins turcs et irakiens – les chefs tribaux et les aghas à mettre en place des milices (jash) qui se battaient au côté des pasdaran, alors qu'ils avaient soutenu l'ancien régime jusqu'à sa chute.
    L'escalade du conflit eut lieu durant l'été de 1979. À la mi-août, Khomeyni déclara la « guerre sainte » aux Kurdes « athées, hypocrites, séparatistes, agents d'Israël et de l'impérialisme » et interdit leurs organisations. Le 27 août, les autonomistes rencontrèrent à Mehabad une délégation gouvernementale pour lui proposer un plan de paix qui fut rejeté. En septembre, les forces kurdes abandonnèrent les villes, dont la défense entraînait de lourdes pertes civiles, pour prendre le maquis. Toutefois, les ponts n'étaient pas coupés avec Téhéran, et Khomeyni ouvrit de nouveau les négociations alors que les autonomistes avaient regagné du terrain. À la fin de novembre, à Mehabad, une délégation du P.D.K.I., du Komala et des Fedayin, présidée par cheikh Ezzedine Hosseyni, présenta au gouvernement un projet détaillé d'autonomie. Pendant les discussions, de nouveaux incidents eurent lieu, et le référendum constitutionnel du 2 décembre fut largement boycotté par les Kurdes comme par les autres minorités. Le 16 décembre, Téhéran annonça un projet sur les minorités nationales dans lequel il était question de « confédérations tribales » et d'« autogestion » et non d'autonomie. Ce projet fut rejeté par les dirigeants kurdes. Un conflit naquit alors au sein du P.D.K.I. : sept membres importants, parmi les cadres les plus à gauche, dont Ghani Boulourian (qui passa vingt-cinq ans dans les prisons du chah), soutinrent le projet de Téhéran et rendirent les armes. Le P.D.K.I. progouvernemental issu de la scission s'aligna sur le Parti communiste Tudeh qui cautionnait alors la République islamique, tenue pour le chef de file des pays « anti-impérialistes ». Le P.D.K.-Irak, dont la rivalité avec le P.D.K.I. date de l'époque de l'alliance entre le chah et Mustafa Barzani, prit le parti de Khomeyni et soutint le P.D.K.I. de Ghani Boulourian. L'envoi de l'armée au Kurdistan le 20 avril 1980 par le président de la République iranienne, Bani Sadr, marqua la fin des négociations officielles.
    Durant l'automne de 1980, les combats s'intensifièrent entre les peshmergas et les forces islamiques. Pendant deux ans, le Kurdistan se trouva de fait divisé en deux, les campagnes étant gérées par les autonomistes, les villes et les grands axes routiers se trouvant sous le contrôle de Téhéran qui multipliait les mesures répressives : blocus économique, exécutions de peshmergas, évacuation de villages, bombardements, etc. En juillet et en octobre 1983, Téhéran lançait des offensives (Val fajr) d'une grande ampleur sur le front nord, menant de pair la guerre contre l'Irak, « don du ciel » pour Khomeyni, et la guerre contre les Kurdes. Les « zones libérées » du P.D.K.I. et du Komala furent réduites à quelques territoires frontaliers, et les quartiers généraux de toutes les organisations d'opposition à Khomeyni présents au Kurdistan durent se replier, avec la bénédiction de Bagdad, dans la partie sud du no man's land créé en 1975, occupé par l'U.P.K. À la fin de 1983, Téhéran contrôlait de nouveau l'ensemble du Kurdistan d'Iran et occupait quelques territoires kurdes en Irak. Les autonomistes abandonnèrent la guerre de front pour pratiquer la guérilla, qu'ils organisèrent avec succès depuis leurs bases irakiennes. Mais, à partir de novembre 1984, la rivalité entre le P.D.K.I. et le Komala s'aggrava et, jusqu'en 1987, les combats meurtriers entre leurs peshmergas furent parfois plus fréquents que leurs actions de guérilla.
    Des contacts infructueux entre le P.D.K.I. et Téhéran, durant l'été de 1984, fournirent à Massoud Radjavi, chef de l'Organisation des Moudjahidin du peuple d'Iran (O.M.P.I.), un prétexte pour exclure le P.D.K.I. du Conseil national de la résistance iranienne qu'il avait créé en juillet 1981, à Paris, avec Bani Sadr en fuite ; le P.D.K.I. y avait adhéré le 27 octobre, mais Fedayin et Komala étaient restés à l'écart. Cette exclusion mit fin à la période de coopération entre ce qui était, à l'époque, le principal mouvement kurde (80 p. 100 des voix aux élections parlementaires de 1980) et la plus puissante organisation d'opposition iranienne. En proie à des dissensions internes depuis plusieurs années, le P.D.K.I. fut l'objet d'une nouvelle scission après son VIIIe congrès (janv. 1988). L'aile gauche du P.D.K.I. reprochait à A R. Ghassemlou son autoritarisme au sein du parti, son éloignement du peuple et ses nombreuses tentatives de compromis avec le régime islamique. En mars 1988, quinze membres de l'ancienne direction, emmenés par Jelil Ghadani (qui passa treize ans dans les prisons du chah), créèrent le P.D.K.I.-Direction révolutionnaire. Fort du soutien de nombreux comités de ville, Jelil Ghadani tenta, à partir de l'été de 1988, de réorganiser la lutte contre le régime en favorisant la coopération des mouvements de résistance encore actifs au Kurdistan, comme le Komala et l'O.M.P.I. Au contraire, A. R. Ghassemlou, qui estimait que « l'opposition iranienne n'offrait aucune alternative au régime islamique », cherchait à garder le contact avec Téhéran qui, pensait-il, « du fait de son incapacité à résoudre les problèmes de l'Iran sera amené à négocier avec les Kurdes ».
    Après le cessez-le feu irako-iranien

    Contrairement à l'Irak, la fin de la guerre eut peu d'influence sur le front intérieur iranien. La grande offensive contre les quartiers généraux des autonomistes annoncée par leurs dirigeants n'eut pas lieu. Les nombreuses exécutions de prisonniers politiques touchèrent moins les Kurdes que les Moudjahidin, probablement parce qu'ils n'avaient jamais collaboré militairement avec l'Irak. Cependant, la résistance restait très affaiblie et de nombreux peshmergas abandonnèrent la lutte. Seul le P.D.K.I. put conserver une audience significative au Kurdistan. Après la mort de Khomeyni (3 juin 1989), .A. R. Ghassemlou proposa des négociations de paix aux nouveaux dirigeants iraniens, qui répondirent en le faisant assassiner à Vienne (13 juillet 1989). Le P.D.K.I. était décapité et les Kurdes iraniens perdaient un chef charismatique, le seul de leurs responsables qui fût écouté des dirigeants et des médias occidentaux. Après avoir absous le meurtre de Ghassemlou, la raison d'État a également absous celui de son successeur, Sadegh Sharafkandi, en septembre 1992 à Berlin. En 1993, les peshmergas lançaient encore quelques opérations d'envergure, mais la lutte politique est devenue prioritaire dans un Kurdistan totalement contrôlé par le pouvoir central et oublié de la communauté internationale. Il est vrai que l'Iran a choisi le « bon camp » lors de la guerre contre l'Irak et que les puissances occidentales ne s'intéressent aux Kurdes que dans la mesure où ils s'opposent à leur ennemi du moment (hier l'Iran, aujourd'hui l'Irak). De même, en 1993, Téhéran pouvait bombarder à plusieurs reprises les quartiers généraux de ses opposants kurdes, pourtant situés dans la zone de sécurité des Kurdes irakiens, sans que les Alliés ne réagissent.
    • En Turquie

    Renaissance et écrasement du mouvement kurde

    En 1965, le Parti démocratique du Kurdistan de Turquie (P.D.K.T.) fut créé clandestinement, à l'image du P.D.K., alors que la popularité de Mustafa Barzani était à son apogée. Les éléments de la gauche kurde, qui le jugeaient trop conservateur, ne le rejoignirent pas ; ils préférèrent militer au sein du Parti ouvrier de Turquie (P.O.T.), alors seul parti légal de la gauche turque. À partir du printemps de 1969, la jeunesse révolutionnaire kurde s'organisa dans les D.D.K.O. (foyers culturels révolutionnaires de l'Est ; « Est » pour « Kurdistan », ce dernier mot étant interdit) qui essaimèrent dans les villes kurdes et furent tolérés par le pouvoir. Mais le coup de force du 13 mars 1971 ramena les militaires au pouvoir : D.D.K.O. et P.O.T. furent dissous, ce dernier étant notamment accusé d'« activités séparatistes prokurdes » pour avoir adopté, lors de son IVe congrès (oct. 1970), une résolution concernant le peuple kurde.
    Après le retour à la démocratie, marqué par les élections législatives d'octobre 1973 et l'amnistie générale qui s'ensuivit, le mouvement kurde se radicalisa pour devenir indépendantiste et marxiste-léniniste. La plupart des responsables des organisations kurdes qui furent alors créées clandestinement avaient fait leur apprentissage politique dans les D.D.K.O. ou le P.T.O. En marge de ces organisations et dès l'origine en conflit avec elles, le P.K.K. émergea à la fin de 1978, sous l'impulsion d'Abdullah Öcalan – dit Apo –, qui prônait le recours à la « terreur révolutionnaire » contre la droite turque et contre les aghas, traditionnellement du côté du pouvoir. À la fin des années 1970, le Kurdistan fut le théâtre de règlements de comptes meurtriers, non seulement entre indépendantistes et partisans du pouvoir central, mais aussi entre formations rivales, particulièrement le Parti socialiste du Kurdistan de Turquie (P.S.K.T.), qui avait alors une large audience, et le P.K.K., qui cherchait à le supplanter.
    La situation économique désastreuse de la Turquie entraîna le développement des mouvements extrémistes dans tout le pays, qui se trouva confronté quotidiennement aux assassinats politiques. Le 12 septembre 1980, l'armée prit le pouvoir, déterminée à extirper le terrorisme. Les organisations kurdes furent dissoutes et démantelées par des arrestations massives et l'exil de leurs dirigeants. La Constitution turque de 1982 et la loi sur les partis de 1983 exclurent les Kurdes du bénéfice des libertés d'expression, de réunion et d'association, et même l'usage de la langue kurde en privé fut pénalisé (loi de 1983 sur les langues interdites). Toutes ces mesures édictées pour étouffer la prise de conscience de l'identité kurde, au moment où les Kurdes irakiens et iraniens combattaient pour l'autonomie, favoriseront l'implantation en Anatolie orientale de l'organisation kurde la plus extrémiste, le P.K.K.
    La lutte armée du P.K.K.

    Bien que le plus durement touché par la répression, le P.K.K., dont le chef se trouvait au Proche-Orient lors du coup d'État de 1980, parvint seul à se réorganiser au niveau militaire. Les « apocular » (disciples d'Apo) s'entraînèrent d'abord dans les camps palestiniens de Beyrouth, puis, après l'invasion israélienne du Liban (1982), des camps d'entraînement furent installés dans la Bekaa libanaise sous contrôle syrien. En 1983, des bases furent installées dans les maquis du P.D.K.-Irak situés dans le no man's land de la frontière turco-irakienne. L'armée turque intervint en juin pour les détruire et faire pression sur Barzani, alors allié du P.K.K. (la rupture aura lieu en juin 1985). Estimant, contrairement à l'ensemble des autres organisations kurdes, que les conditions étaient réunies pour mener une lutte armée, le P.K.K. déclencha la guérilla le 15 août 1984. Ankara riposta par de nombreuses mesures prises autant pour intimider la population que pour étouffer la guérilla. Regrettant que la guerre entre l'Iran et l'Irak empêchât les deux États de maintenir l'ordre dans leurs provinces frontalières, la Turquie fut à l'origine d'accords anti-Kurdes sur la sécurité des frontières, d'abord avec l'Irak (oct. 1984), ensuite avec l'Iran (mai 1985), mais celui-ci a démenti, enfin avec la Syrie (juill. 1987). La création, en 1985, de milices kurdes, les « protecteurs de villages », pour renforcer les forces militaires omniprésentes en pays kurde, exacerba la violence du P.K.K. : ces « protecteurs » – assez largement rétribués dans une région de chômage endémique – devinrent ses cibles privilégiés, et ni les femmes ni les enfants ne furent épargnés. D'autres mesures répressives (brigades antiterroristes, évacuation des villages frontaliers, etc.) furent mises en place contre les apocular, qualifiés par le pouvoir et la presse turcs de « brigands séparatistes », de « terroristes sanguinaires », etc., sans parvenir à enrayer la guérilla. En vertu du droit de poursuite conféré par les accords avec l'Irak et l'Iran, la Turquie fit plusieurs incursions au Kurdistan irakien et, plus discrètement, au Kurdistan iranien. En juillet 1987, Ankara levait l'état de siège dans les quatre provinces où il était encore en vigueur depuis 1978, mais imposait un « état de siège déguisé » en créant une sorte de « supergouvernorat » du Sud-Est regroupant huit des provinces revendiquées par les séparatistes, sous l'autorité d'un « superpréfet » (gouverneur de coordination) dont les pouvoirs exceptionnels s'étendent à trois provinces limitrophes (bases de soutien logistique). Convaincu que l'irrédentisme kurde était dû uniquement au sous-développement économique du Sud-Est anatolien, le gouvernement turc a été conduit, parallèlement à la répression, à accélérer la réalisation d'un ambitieux programme de développement hydro-agricole : Güneydoǧu Anadolu Projesi (G.A.P.). La création de nouvelles richesses dans cette région, longtemps négligée par le pouvoir central, devrait, selon Ankara, favoriser l'assimilation des « montagnards réfractaires ». Refusant que la place prise sur le terrain et sur le plan international par le P.K.K. ne confère à ce dernier un rôle de porte-parole, huit organisations kurdes de Turquie en exil tentèrent, autour de Kemal Burkai, chef du P.S.K.T., de donner une nouvelle impulsion à la lutte politique, en créant, en juin 1988, le Tevger (Mouvement de libération du Kurdistan). Contrairement aux organisations du P.K.K., le Tevger a trouvé peu d'écho dans la presse turque et, coupé de l'intérieur, il est resté sans lendemain. Le P.K.K., qui s'était aliéné bien des sympathies par ses méthodes et son discours, était devenu le seul représentant des victimes du système économique turc – capitalisme sauvage qui ne laisse aucune chance aux régions défavorisées. Surtout, il était mis à son actif d'avoir placé le problème kurde sur la scène nationale et fait connaître l'existence des Kurdes de Turquie à la communauté internationale qui semblait l'ignorer. Désormais, la presse turque utilisait, pour dénoncer la guérilla, le mot « kurde », tabou depuis 1924, et le problème kurde était abordé dans tous les milieux de la vie publique, tandis que l'arrivée de réfugiés du Kurdistan irakien, fuyant les forces de Bagdad en 1988, était l'occasion de déclarations de Turgut Özal, alors Premier ministre, qui n'hésita pas à parler des Kurdes, sans avoir recours aux périphrases officielles. Considérant cette nouvelle approche de la question kurde comme une victoire du P.K.K., Abdullah Öcalan commença à infléchir son discours à partir de juin, 1988 : jusqu'alors partisan intransigeant de l'indépendance et de la réunification du Kurdistan, il faisait savoir qu'il était favorable à une fédération turco-kurde, « si la Turquie devenait une vraie démocratie ».
    Escalade de la violence

    Depuis 1990, le développement de la guérilla a conduit Ankara à accentuer sa politique de répression indiscriminée (assassinats politiques, destructions de villages, arrestations de sympathisants supposés du P.K.K., torture, répression de manifestations pacifiques, etc.) couverte par des lois d'exception : décrets-lois 413 et 424 (9 avr. et 9 mai) qui accroissent les pouvoirs discrétionnaires du superpréfet ; suspension de la convention des droits de l'homme dans les régions du Sud-Est (sept. 1990) ; loi « antiterreur » du 12 avril 1991 qui permet l'usage en privé du kurde, mais réintroduit et punit sévèrement les délits d'opinion (revendication de l'identité kurde) qu'elle était censée supprimer et aboutit à absoudre les tortionnaires. Les autorités, qui ont toujours nié l'impact populaire du P.K.K., dénoncent désormais un complot « visant à l'intégrité territoriale de l'État » et sont entendues de l'Occident pour qui les Kurdes d'Irak sont des « victimes », et les Kurdes de Turquie des « terroristes ». À partir d'août 1991, de nombreuses opérations aéroterrestres sont lancées contre ses camps du Kurdistan irakien avec l'accord tacite de la force d'intervention rapide, chargée de protéger les Kurdes irakiens et non leurs frères de Turquie. En mauvais termes avec le chef du P.K.K., qui les qualifie de « traîtres » et de « chefs tribaux » au service de Washington, mais aussi pour protéger leurs acquis, Talabani et Barzani s'engagent auprès des autorités turques à empêcher les apocular d'agir à partir de leur territoire. Cependant, quelques journaux kurdes sont autorisés à paraître en avril et, en mai, un Institut kurde (au nom turc) est inauguré à Istanbul.
    Le nouveau gouvernement issu des élections législatives d'octobre 1991 fit naître l'espoir d'une solution politique au problème kurde. Cependant, malgré les promesses de démocratisation et la reconnaissance par le nouveau Premier ministre, Suleyman Demirel, de la « réalité kurde », la logique militaire continuait à prévaloir au Kurdistan (régions entières vidées de leur population ; villes considérées comme des bastions du P.K.K., en grande partie détruites, etc.). Les défenseurs de l'identité kurde étaient toujours poursuivis pour « atteintes graves à l'intégrité de la nation et à l'unité de la nation », lorsqu'ils n'étaient pas assassinés par la contre-guérilla turque. Finalement, le 30 septembre 1992, Suleyman Demirel affirma qu'il n'y avait pas de solution politique à la question kurde. Auparavant (2 avril), le procureur de la Cour de sûreté d'État avait demandé la levée de l'immunité parlementaire des députés kurdes du Parti du travail du peuple (H.E.P. créé en juin 1990), démissionnaires du S.H.P., membre de la coalition gouvernementale, sous les couleurs duquel ils avaient été élus (les règles établies avaient écarté du scrutin le H.E.P.). Accusé d'être un paravent du P.K.K., le H.E.P., qui tentait vainement de favoriser un débat parlementaire sur la question kurde pour trouver une solution pacifique dans le cadre des frontières existantes et prônait le dialogue entre le P.K.K. et le pouvoir, fut interdit le 15 juillet 1993 par la Cour constitutionnelle turque. Pour conserver leur siège, les députés kurdes avaient démissionné du H.E.P. en septembre 1992 et s'étaient regroupés le 7 juillet 1993 au sein du Parti de la démocratie (D.E.P.), fondé en mai 1993 en prévision de la sentence, mais ils sont menacés d'être éliminés physiquement par les forces paramilitaires. Cette politique n'a d'autre effet que de jeter dans les bras du P.K.K. une portion de plus en plus large de la population – toutes couches sociales et sensibilités politiques confondues – qui, après des années de répression, n'a plus aucun espoir de se faire entendre, et de lui amener de nouvelles recrues des Kurdistans iranien et irakien qui désapprouvent l'entente entre Ankara et le F.K.I. Alors que, pendant longtemps, la majorité des Kurdes n'ont demandé que la reconnaissance de leur identité, beaucoup commencent à se rallier à l'idée d'indépendance. La guérilla du P.K.K. est devenue une véritable révolte populaire, qui risque de se transformer en conflit interethnique (Kurdes et Turcs) si Ankara persiste à refuser le dialogue.
    Christiane MORE
    3. La question kurde depuis les deux guerres régionales

    La donne de la question kurde, l'une des questions majeures du Proche-Orient depuis les années 1920, a été largement modifiée entre la guerre du Golfe de 1991 et la guerre d'Irak qui a vu le renversement du régime de Saddam Hussein à la suite de l'occupation américaine en 2003. Si cette question resta vivace en Iran, comme en témoigne l'assassinat de dirigeants kurdes iraniens en Europe (en 1989 et en 1992), c'est surtout en Irak et en Turquie qu'elle s'imposa comme source de conflit.
    • L'évolution de la question kurde en Irak

    Les Kurdes irakiens virent dans la guerre du Golfe de 1991 l'occasion d'en finir avec le pouvoir ba'athiste qui avait eu massivement recours aux armes chimiques contre eux. Encouragés par les appels américains à renverser Saddam Hussein, ils se révoltèrent en mars-avril 1991 comme les shi'ites au sud et certaines banlieues de Bagdad. Ces révoltes ne furent cependant pas soutenues par les alliés et furent écrasées par les gardes républicains. La répression réveilla les craintes d'un nouveau recours irakien aux armes chimiques, provoquant la fuite de deux millions de personnes vers la Turquie et l'Iran.
    Les deux révoltes ne connurent cependant pas le même destin : alors que les shi'ites et les insurgés bagdadis étaient écrasés à l'abri des regards extérieurs, l'exode kurde se déroulait devant les caméras, ce qui contribua à mobiliser les opinions publiques occidentales. Cette médiatisation fut un facteur du fléchissement de la position américaine. Pressé par la France et la Turquie, Washington accepta de décréter la zone au nord du 36e parallèle « zone protégée », interdite à l'armée irakienne. La résolution 688 du Conseil de sécurité de l'O.N.U. (avril 1991) ratifia cette décision, appuyée par l'opération « Provide Comfort », destinée à assurer le retour des réfugiés. Une force alliée (« Poised Hammer ») fut chargée de protéger le personnel de l'O.N.U. et la population civile. La mise en place de ces mesures coïncida avec le retrait de l'administration irakienne, la zone s'élargissant de facto pour inclure la province de Suleymaniyeh.
    Autonomie de fait et guerre fratricide

    Ainsi, l'opération « Provide Comfort » donna naissance à une autonomie de fait du Kurdistan d'Irak, concrétisée d'abord par le transfert de l'autorité du pouvoir ba'athiste au Front du Kurdistan, qui regroupait les principaux partis kurdes, puis par l'organisation d'élections régionales (19 mai 1992). Les résultats de cette consultation, donnant une courte avance au Parti démocratique du Kurdistan (P.D.K.) de Massoud Barzani, furent « réajustés » pour permettre une égale représentation entre ce parti et l'Union patriotique du Kurdistan (U.P.K.) de Jalal Talabani.
    Le gouvernement issu de ces élections promit de s'atteler à des tâches hautement symboliques : reconstruction économique, organisation d'une armée unifiée, proclamation d'un État fédéré... Mais le statu quo, basé sur le partage du pouvoir entre les deux formations, ne pouvait durer. Le problème de la redistribution des ressources douanières (entre 100 000 et 200 000 dollars par jour), la rivalité entre les deux formations, les divisions linguistiques (kurmandji-sorani) étaient autant de sources de tensions. La présence de quelque 200 000 miliciens dans les villes, signe d'une économie de prédation, l'attitude à adopter face au Parti des travailleurs du Kurdistan (P.K.K.) qui tentait d'utiliser la région comme base arrière contre la Turquie... constituaient d'autres facteurs de conflit.
    Ces tensions finirent par provoquer des affrontements entre les deux formations à partir de 1994 et bloquèrent le gouvernement local. La guerre interne fit, jusqu'à son arrêt en 1998, plusieurs milliers de morts avant d'aboutir à un partage de fait du Kurdistan, entre le P.D.K. contrôlant la région kurmandji (au nord, autour de Zakho) et l'U.P.K. dominant la région soran (au sud, autour de Suleymaniyeh), ainsi qu'à certains moments la ville d'Erbil, siège du gouvernement.
    Ces affrontements s'inscrivirent aussi dans des logiques d'alliances régionales. L'U.P.K. se rapprocha de Téhéran, alors que le P.D.K., s'affrontant militairement avec le P.K.K., se trouva allié de fait avec la Turquie. Ces alliances allaient de pair avec la présence militaire des deux pays dans la région. Prétextant les activités des combattants kurdes d'Iran, Téhéran organisa plusieurs expéditions militaires au Kurdistan d'Irak, alors que celles de la Turquie, mobilisant parfois plus de 50 000 hommes, devinrent plus fréquentes, les organisations kurdes ne disposant d'aucun moyen pour s'y opposer.
    Dans cette situation conflictuelle, Bagdad, dont la présence sur le terrain, via ses services secrets, ne cessa jamais, devenait également une force régionale, donc un allié potentiel. Ainsi, face aux pressions militaires de l'U.P.K. soutenue par Téhéran, Massoud Barzani fit appel en août 1996 à Saddam Hussein. Les gardes républicains entrèrent alors à Erbil, provoquant la fuite de l'U.P.K., chassée rapidement aussi de Suleymaniyeh. En soutenant ponctuellement une formation kurde, Bagdad poursuivait deux buts : montrer qu'il restait, en dernière instance, l'acteur incontournable de la scène kurde, et mettre un terme au dispositif de la C.I.A. dans la région et aux activités des opposants arabes au régime. Ainsi, les structures du Congrès national irakien, d'Ahmad Tchalabi, furent démantelées, plusieurs centaines d'opposants enlevés ou exécutés.
    Les accords de Washington

    L'intervention de Bagdad ne mit pas fin à la guerre fratricide, qui connut d'autres volte-face (« reconquête » de Suleymaniyeh par l'U.P.K., usage de missiles...). Mais l'alliance d'un parti kurde avec ce régime honni apparut comme un échec moral aux yeux de la population. De même, elle intensifia la pression des États-Unis sur les deux formations, les obligeant à entamer des négociations sous les auspices du département d'État. Les accords, dits de Washington, signés en septembre 1998, prévoyaient un égal accès aux ressources financières pour chaque parti, ainsi que l'organisation d'élections libres, mais entérinaient de fait le partage du Kurdistan en deux. En effet, ces élections seront plus destinées à accorder un statut de neutralité à la ville d'Erbil qu'à instaurer un réel gouvernement local. Pour Washington, la stabilité ainsi obtenue ferait de nouveau du Kurdistan irakien un bastion contre Bagdad.
    Avec l'arrêt des hostilités obtenu par ces accords, la région connut un regain d'activité aussi bien économique (elle profita de 13 p. 100 du programme d'échange « pétrole contre nourriture ») que politique et intellectuel (128 périodiques...). Si l'autonomie par rapport à Bagdad gagna en visibilité, elle fut cependant marquée d'incertitudes. Les relations entre l'U.P.K. et le P.D.K. restèrent tendues durant encore plusieurs années. Face à leur échec politique, d'autres acteurs, notamment islamistes, occupèrent le terrain dans certaines localités comme à Halabja, « ville martyr ». La présence militaire de l'Iran, du P.K.K. et de la Turquie constitua une source d'instabilité tout au long de la décennie.
    • L'évolution de la question kurde en Turquie

    Intensification de la guérilla au Kurdistan de Turquie

    La guerre du Golfe modifia également la situation au Kurdistan de Turquie. De 1984, date de son commencement, à 1991, la guérilla du P.K.K. avait déjà fait 3 000 morts. L'organisation d'Abdullah Öcalan mit à profit la situation conflictuelle au Kurdistan d'Irak pour y installer ses bases arrière, mais la répression turque s'accrut parallèlement, jusqu'à s'apparenter, selon la définition de l'état-major, à un « conflit de basse intensité ». Le bilan en est lourd pour la période 1991-1999 : plus de 30 000 victimes, sans compter la destruction de plus de 3 000 villages et le déplacement de quelque trois millions de personnes. Au cœur de son dispositif répressif, Ankara constitua des milices tribales kurdes (jusqu'à 100 000 « protecteurs de village » armés et salariés par le pouvoir), et des « escadrons de la mort » (responsables de plusieurs milliers de meurtres, recrutant au sein des services de sécurité, de la droite radicale et de la mafia). L'une et l'autre de ces forces transformèrent la guerre en une « rente sécuritaire », assombrissant les perspectives d'une solution pacifique. Enfin, la « guerre kurde » constitua l'une des sources des difficultés économiques du pays, puisqu'elle coûtait 10 milliards de dollars par an.
    L'intensification de la guérilla ne saurait s'expliquer par une seule raison. Ses succès étaient dus, entre autres, aux soutiens régionaux (Syrie, dans une moindre mesure, et Iran) qu'elle a pu s'assurer mais aussi à sa capacité d'offrir des moyens d'ascension à ses chefs militaires. La raison principale de sa reproduction et de sa popularité au sein de la population kurde résida cependant dans la rigidité du système politique turc, qui ne parvint pas à satisfaire la demande d'intégration de l'opposition kurde. Le refus de l'État turc de reconnaître comme légitime la distinction culturelle, ainsi qu'une autonomie administrative qui aurait pu être obtenue par la décentralisation, poussa nombre de jeunes à renforcer les rangs du P.K.K. Ainsi, cette organisation, marginale au début des années 1980, parvint à s'imposer comme l'acteur principal de la scène kurde, quitte à user de la violence contre les réels ou supposés collaborateurs du régime ou contre ses propres dissidents. Par sa capacité à opposer une résistance violente à l'État, elle se fit accepter, auprès de la jeunesse, mais aussi des populations urbaines, comme l'expression de l'identité kurde déniée.
    Dès les années 1990, la nécessité de trouver une solution politique à la question kurde qui permettrait de sortir du nationalisme officiel (« heureux celui qui se dit Turc ») se fit sentir. Désireux d'imposer la Turquie comme un acteur régional, le président turc Turgut Özal (1989-1993) formula le besoin de réformes internes. Tout en prônant le déplacement des Kurdes vers les régions turques, à l'ouest, et l'accélération de leur assimilation, Özal proposait de rompre avec la doctrine kémaliste, d'amnistier les membres du P.K.K. et de leur permettre une représentation politique en contrepartie de leur renoncement à la violence. Plus important encore, il envisageait de décentraliser le pays en transférant de larges pouvoirs à des assemblées et gouverneurs régionaux qui seraient élus par la population. Grâce à ses relations avec Talabani, Özal établit des liens indirects avec Öcalan et obtint un cessez-le-feu unilatéral (mars 1993). Le pouvoir choisit cependant d'ignorer la trêve et les projets d'Özal ne survécurent pas à sa mort, en avril 1993. Le P.K.K., à son tour, contribua à la dégradation de la situation : l'exécution, sur l'ordre d'un commandant régional en rupture de ban avec Öcalan, de plus de trente soldats désarmés, fournit à l'armée le prétexte pour rejeter toute offre venant de la guérilla.
    L'échec du cessez-le-feu aboutit à la recrudescence de la guérilla et au durcissement d'Ankara. Le renforcement de la suprématie de l'armée, notamment du Conseil national de sécurité, sur le système politique alla de pair avec la popularité croissante du discours ultra-nationaliste dans l'opinion publique. Ainsi, des violations flagrantes des droits de l'homme – condamnées y compris par certains membres du gouvernement – furent présentées par l'armée comme le prix de la légitime défense de la nation et de la patrie. D'autres facteurs contribuèrent également au repli du système politique sur lui-même : la montée de l'islamisme – l'autre « ennemi intérieur » – et la révélation de scandales entourant les « escadrons de la mort », qui impliquaient également la haute bureaucratie civile et militaire, entraînèrent l'escalade des surenchères nationalistes contre le P.K.K., ou « laïcistes » contre les islamistes. Par la mise en œuvre, dans la gestion de chacun de ces deux dossiers, d'une « stratégie de crise », l'armée parvint à légitimer sa domination sur le système politique.
    Cette évolution réduisit considérablement la marge de manœuvre de l'opposition légale kurde, qui persista cependant. En 1991, le Parti du travail du peuple (H.E.P.) parvint à envoyer une vingtaine de députés à l'Assemblée nationale, élus sur une liste sociale-démocrate. Mais il fut interdit par la Cour constitutionnelle en 1993. Le deuxième avatar du mouvement légal kurde, le Parti de la démocratie (D.E.P.) connut un sort tragique : quelque soixante-dix de ses membres, dont un député, furent assassinés par les escadrons de la mort. Les députés du H.E.P., passés sous étiquette D.E.P., virent leur immunité parlementaire levée en mars 1994. Plusieurs d'entre eux furent condamnés à de lourdes peines de prison en décembre 1994. La troisième tentative légale, le Parti de la démocratie du peuple (H.A.D.E.P.), représentant 4,8 p. 100 de l'électorat et gérant plusieurs dizaines de municipalités, risquait à son tour d'être frappé d'interdiction. La plupart de ses maires furent poursuivis par la justice.
    L'arrestation d'Öcalan

    C'est dans ces conditions de blocage, que deux nouveaux cessez-le-feu unilatéraux du P.K.K. ne purent assouplir, que la Turquie entama, en 1998, la traque contre Abdullah Öcalan. Sous la houlette de Hüseyin Kivrikoglu, le nouveau chef d'état-major, les pressions exercées sur la Syrie, accompagnées de menaces de guerre, se soldèrent par l'expulsion d'Öcalan de ce pays. Après un séjour en Russie, Öcalan demanda l'asile politique en Italie. Les pressions américaines et l'incapacité de l'Union européenne à adopter une position commune sur cette affaire contraignirent Öcalan à quitter Rome. Il fut finalement livré à la Turquie, après son enlèvement au Kenya où il avait trouvé refuge à l'ambassade de Grèce. Au cours d'un procès à la sauvette, où il plaida pour la vie sauve (« pour résoudre pacifiquement la question kurde et obtenir de ses militants d'abandonner la lutte armée »), il fut condamné à mort en juillet 1999 mais, après la suppression de la peine capitale en Turquie, sa peine fut commuée en prison à vie.
    L'arrestation d'Öcalan et surtout sa mise en scène – elle fut présentée comme un acte de vengeance de l'État et du nationalisme turc contre le nationalisme kurde et la kurdicité – furent vécues par nombre de Kurdes comme une humiliation, provoquant une nouvelle vague de radicalisme parmi les jeunes. Au-delà d'actes isolés mais significatifs (plusieurs dizaines de personnes s'immolèrent par le feu), les combats entre les militants du P.K.K. et l'armée redoublèrent d'intensité, et de nombreux attentats – dont celui d'Istanbul qui fit douze morts, le 13 mars 1999 – furent organisés, vraisemblablement, par des jeunes Kurdes n'appartenant pas au P.K.K.
    • Les transformations de l'espace kurde depuis la guerre d'Irak

    De 1999 à 2003, l'espace kurde traversa une période de calme relatif : l'appel d'Öcalan à suspendre la guérilla fut entendu par les militants du P.K.K., qui se replièrent en partie sur le Kurdistan irakien. La candidature de la Turquie à l'Union européenne, accompagnée de la levée des interdits concernant l'usage écrit et audiovisuel de la langue kurde, contribua à apaiser la situation, sans pour autant satisfaire la demande des Kurdes qui souhaitent être reconnus comme une entité distincte, ni pouvoir enrayer le processus de radicalisation d'une jeunesse née après le déclenchement de la guérilla en 1984.
    Durant cette période, le Kurdistan d'Irak se releva progressivement des affrontements internes entre le Parti démocratique du Kurdistan (P.D.K) et l'Union patriotique du Kurdistan (U.P.K.) pour mettre sur pied une administration régionale. En Iran, le premier mandat du président Mohamad Khatami (1997-2001) permit l'obtention de quelques droits culturels.
    La guerre d'Irak de 2003 servit de déclencheur à de nouveaux processus dans l'ensemble de l'espace kurde, à commencer par le Kurdistan d'Irak. Le refus du Parlement turc d'autoriser les États-Unis à ouvrir un second front depuis la Turquie (1er mars 2003) provoqua une crise de confiance entre Ankara et Washington, et fit des Kurdes les principaux alliés des Américains. Les « lignes rouges » que la Turquie fixa aux Kurdes irakiens (le non-engagement dans un processus de constitution d'un État indépendant et la renonciation à Kirkouk, province riche en pétrole, massivement arabisée par l'expulsion des Kurdes, notamment dans les années 1990), se virent rapidement pulvérisées. À partir de 2003, le Kurdistan se dota d'une nouvelle administration sous la présidence de Massoud Barzani, chef du P.D.K., organisa des élections régionales en 2005 et refusa toute présence militaire et policière de Bagdad sur son territoire. Les Kurdes expulsés firent leur retour dans la province de Kirkouk où, lors des élections de 2005, la liste kurde arriva en tête, de loin. Un référendum prévu pour 2007 par la Constitution irakienne de 2005, mais reporté sine die, devrait décider du sort de cette province, au cœur du conflit kurde depuis les années 1960. Les craintes de nombreux observateurs de voir des violences interethniques massives éclater à Kirkouk s'avérèrent infondées ; mais le refus du gouvernement irakien d'organiser le référendum promis ne manqua pas de susciter de vives tensions entre les Kurdes et le pouvoir central de Bagdad.
    Les années d'après guerre furent aussi celles de la consolidation du statut fédéral du Kurdistan, reconnu par la Constitution de 2005, et de l'unification des anciennes administrations tenues par le P.D.K. et l'U.P.K. De même, malgré la corruption ambiante, la région kurde connut un impressionnant développement économique, qui se confirma par l'apport de plus de 16 milliards de dollars d'investissements étrangers, l'exploitation des réserves pétrolières et la mise en chantier de nombreux travaux d'infrastructure.
    Si la coalition entre les deux partis majeurs, P.D.K. et U.P.K., appelée Kurdistania, est solidement établie, elle doit toutefois faire face à une contestation sociale et politique. Lors des élections régionales du 25 juillet 2009, le président Massoud Barzani (P.D.K.) a été plébiscité avec près de 70 p. 100 des voix ; de même, la liste P.D.K.-U.P.K a obtenu la majorité absolue au Parlement kurde avec 57 p. 100 des suffrages. Mais une troisième force a émergé à la faveur de ces élections : le Parti Goran (« Changement ») dirigé par un ancien responsable de l'U.P.K. Moustapha Noucherwan (23,6 p. 100 des suffrages). Cette division a certes fait perdre des sièges à la liste Kurdistania lors des élections législatives irakiennes de mars 2010 (15 p. 100 des voix et 43 élus), mais elle a également montré l'existence d'une opposition interne en quête de reconnaissance politique et a souligné la nécessité d'une intégration sociale et économique des populations urbaines, notamment de la jeunesse.
    Au-delà de ces marqueurs historiques, les Kurdes irakiens traversent depuis la guerre de 2003 un double processus, d'irakisation et de désirakisation. L'irakisation se traduit par la présence à Bagdad d'un groupe parlementaire kurde, allié des gouvernements successifs, ainsi que celle de Jalal Talabani, leader de l'U.P.K., président de la République irakienne depuis 2005 et de Hoshyar Zibari, longtemps cadre de haut rang du P.D.K., ministre irakien des Affaires étrangères depuis 2003. Parallèlement cependant, la région kurde qui connaît, malgré plusieurs attentats très meurtriers, une sécurité incomparable par rapport au reste du pays, a gagné une quasi-indépendance, marqué par la mise en place d'institutions autonomes, le contrôle exclusif de ses frontières, y compris celles qui la séparent du reste de l'Irak, la disparition du drapeau irakien et la « kurdification » quasi totale de l'enseignement.
    Quant à l'espace politique kurde de Turquie, il s'est, depuis 2003, radicalisé en raison d'un double phénomène : en premier lieu, estimant très insuffisantes les réformes engagées par la Turquie et la loi sur le repentir des anciens militants , le P.K.K. a repris, en juin 2004, sa guérilla, qui depuis a fait des centaines de victimes. Si celle-ci est active dans des provinces très éloignées des frontières comme celles de Diyarbakir, Bingöl ou encore Tunceli, elle est surtout présente dans la région frontalière avec l'Irak, ce qui servit de prétexte à l'armée turque pour lancer en décembre 2007, en février 2008 puis en juillet 2010 de nouvelles opérations d'« éradication », à l'instar de nombreuses autres incursions, toutes inefficaces, effectuées dans les années 1990. La présence du P.K.K. dans la région frontalière constitue d'ailleurs une nouvelle pomme de discorde dans les relations tumultueuses entre Washington et Ankara.
    Le second processus en cours est le renouveau que connaît, après la vague de répression des années 1990, la mouvance kurde légale organisée dans le Demokratik Toplum Partisi (Parti de la société démocratique, D.T.P.) qui, à la faveur des élections du 22 juillet 2007, est parvenue à envoyer une vingtaine de députés à l'Assemblée. Les élections municipales de mars 2009 ont permis à cette formation de conquérir une position quasi hégémonique dans une grande partie des régions kurdes, attestant leur rupture de fait avec le reste de la Turquie. Dénoncé comme l'ennemi de l'intérieur ou le bras légal du P.K.K., servant de bouc émissaire pour les campagnes ouvertement antikurdes, ce parti fut interdit en décembre 2009 par la Cour constitutionnelle, et ses deux co-présidents, pourtant connus pour leurs positions modérées, Ahmet Türk et Aysel Tuǧluk, furent déchus de leurs mandats législatifs. Mais le D.T.P. renaquit sous le nom de Parti pour la paix et la démocratie – dont un grand nombre des membres sont en prison –, qui revendique désormais ouvertement l'autonomie politique et administrative des régions kurdes.
    Durant la seconde moitié des années 2000, la Turquie a eu une position ambivalente sur la question kurde. D'un côté, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, président du Parti de la justice et du développement – A.K.P – a aboli la plupart des interdits concernant la diffusion de la culture kurde ; ainsi, la télévision publique a inauguré une chaîne en langue kurde. De même, à la faveur de l'affaiblissement de l'armée, impliquée dans plusieurs tentatives avortées de coups d'État, Erdogan a annoncé, durant l'été de 2009, une politique dite d'ouverture à l'encontre des Kurdes. Mais cette déclaration, qui a sonné le glas d'un des tabous majeurs de la République, n'a pas été suivie de mesures concrètes. De l'autre côté, si les militaires ne sont plus en mesure d'exercer une tutelle ouverte sur le système politique comme par le passé, ils ne trouvent pas moins dans la « lutte contre le terrorisme séparatiste » une source de légitimité et ne ménagent pas leurs efforts pour discréditer toute option politique kurde.
    Par ailleurs, depuis 2003, il existe une forte mobilisation urbaine à travers le Kurdistan. Les émeutes quasi quotidiennes qui ont lieu dans de nombreuses villes montrent également le regain de popularité du P.K.K. et de son chef emprisonné, Abdullah Öcalan. De plus, les mobilisations, plus sporadiques mais fréquentes, de la droite ultranationaliste turque dans des villes comme Hatay ou Inegöl, motivées par une hostilité déclarée à l'encontre des Kurdes en tant que groupe, soulignent les risques d'affrontements interethniques.
    Il convient enfin d'insister sur le renouveau de la contestation kurde en Syrie et en Iran. Dans le premier pays, où l'engagement aux côtés des Kurdes d'Irak et de Turquie avait pris le pas, par le passé, sur les revendications locales avec l'accord tacite de Damas, l'impact de la chute de Saddam Hussein fut immédiat : en 2004, un match de football sur fond de slogans nationalistes arabes et kurdes, se transforma en une émeute, sévèrement réprimée (une cinquantaine de morts). L'assassinat, en 2005, du cheikh Mashuk Khaznawi, un leader spirituel très respecté tant par les Kurdes que par les Arabes, attribué aux services de sécurité syriens, provoqua de nouvelles émeutes. Depuis lors, si on assiste à une certaine accalmie, la répression de certaines manifestations kurdes comme la célébration de Newroz (« Nouvel An », le 21 mars) est parfois meurtrière, et les arrestations sporadiques continuent. En Iran également, l'année 2005 fut marquée par des émeutes kurdes réprimées par la milice paramilitaire du bassidj, au prix de plusieurs morts. L'élection présidentielle de 2005 qui a porté Mahmoud Ahmedinejad au pouvoir fut massivement boycottée par les électeurs kurdes, et le rapprochement intervenu en 2003 entre Téhéran et Ankara dans la gestion du dossier kurde a provoqué des affrontements fréquents entre les combattants du P.J.A.K. (Parti pour une vie libre au Kurdistan, fondé en 2004) et les forces armées iraniennes, ouvrant ainsi un nouveau front dans le conflit kurde. Les violations des droits de l'homme, qui se traduisent notamment par la condamnation à mort de militants kurdes (et, depuis 2009, de défenseurs persans des droits de l'homme) pour « insulte à l'encontre de Dieu » se banalisent et visent particulièrement, selon Amnesty International, les jeunes femmes intellectuelles. Malgré ce contexte défavorable, aggravé avec la réélection contestée en juin 2009 de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, le Kurdistan iranien connaît diverses formes de résistance passive, comme la célébration du vingtième anniversaire de l'assassinat d'Abdul Rahman Ghassemlou (13 juillet 1989) à Vienne par des agents iraniens.
    Hamit BOZARSLAN
    4. Langue et littérature

    • Les parlers kurdes

    Lorsque, en 1787, le dominicain Maurizio Garzoni publiait à Rome, la première en Occident, sa Grammaticae vocabulario della lingua kurda, il reconnaissait déjà que le kurde était une langue originale et apparentée au persan. Tout le monde admet, en effet, que le kurde fait partie de la grande famille iranienne, comme le persan moderne, bien qu'il s'en distingue très nettement par la phonologie, la morphologie et la syntaxe. Mais si certains orientalistes comme V. Minorsky (1938) rattachent le kurde au groupe nord-ouest des langues iraniennes et en expliquent l'unité par sa base médique, D. N. Mackenzie (1961) soutient qu'il appartiendrait au groupe iranien du Sud-Ouest.
    Quoi qu'il en soit, le kurde d'aujourd'hui comporte deux dialectes principaux, dont l'aire d'expansion coïncide en gros avec les territoires occupés respectivement par l'Empire ottoman et celui du Chahinchah : le dialecte du Nord ou kurmandji, parlé par les Kurdes de Turquie, de Syrie, du nord de l'Irak et des pays du Caucase et le dialecte du sud ou soranî, utilisé par les Kurdes d'Iran et ceux de l'Irak de l'Est, le cours du Grand Zab délimitant les deux domaines. On a pu dire que chaque tribu et chaque vallée d'une centaine de villages a ses caractéristiques propres, à ne pas exagérer cependant. Aussi ne faut-il pas s'étonner que chacun de ces dialectes laisse place à des parlers locaux qui porteront souvent le nom de la province où ils ont cours. Ainsi, pour la Turquie, le botanî, systématisé par l'émir Celadet Bedir Khan. Au Caucase, les kurdologues soviétiques, très actifs, Q. K. Kurdoev, Ç. X. Bakaev, I. I. Tsukerman, ont publié des grammaires de la langue des Kurdes d'Érivan, de Turkménistan, d'Azerbaïdjan. Le badinanî, en Irak du Nord, a été étudié par M. Garzoni (1787), R. F. Jardine (1922), P. Beidar (1926) et, de façon scientifique, par D. N. Mackenzie (1961-1962). Le dialecte du Sud avec ses deux principaux parlers : le mukrî et celui plus souple de Sulaimanî, devenu officiel en Irak, a été spécialement étudié, d'abord par E. B. Soane (1913), E. N. McCarus (1958 et 1967) et encore par Mackenzie. Et naturellement par un bon nombre de Kurdes irakiens, à la tête desquels il faut citer Taufiq Wahby (1929-1930) et Nûrî Alî Emîn (1960).
    On peut noter encore que les Kurdes du Dersim, de Diarbékir à Erzinjan, parlent ledumilî ou zaza, dialecte iranien, tandis que les Kakaï de Tauq en Irak utilisent legoranî, autre dialecte iranien, dans lequel ont été composés beaucoup de poèmes et d'écrits religieux des Ahl-e Haqq.
    À ces divergences linguistiques s'ajoute une nouvelle complication. Bien que la graphie arabe ne convienne guère à une langue indo-européenne, les Kurdes d'Irak et d'Iran l'ont maintenue, tandis que les Kurdes de Turquie et de Syrie adoptaient un alphabet latin purement phonétique, ceux du pays du Caucase utilisant une écriture cyrillique.
    • Littérature orale et populaire

    Au contraire des lettrés qui négligeaient souvent leur langue nationale, le peuple, analphabète, prenait son plaisir à écouter les conteurs (çîrokbêj) qui mettaient tout leur art et toute leur âme à raconter anecdotes ou récits satiriques, pleins d'humour, contes merveilleux, fables animalières, où toutes les bêtes de la création donnent aux hommes de salutaires leçons. De leur côté, les dengbêj, bardes itinérants ou au service des chefs de tribu, charmaient les soirées de leurs auditeurs en récitant, sur une mélodie monotone, d'interminables légendes où les aventures idylliques et héroïques de leurs personnages se déroulent souvent sur un fond de merveilleux, non dépourvu toujours de réalité historique, comme Mamê Alan ou Dimdim, et tant d'autres. Et on ne dit rien d'une foule de proverbes savoureux, ni surtout de ces innombrables chansons qui scandent toute la vie du Kurde, car elles l'accompagnent au cours de ses travaux quotidiens, à l'occasion de ses joies et de ses peines et l'excitent aussi dans ses combats. Dès le milieu du XIXe siècle, orientalistes et Kurdes eux-mêmes ont recueilli ce trésor folklorique.
    • Littérature écrite et savante

    Si le folklore a précédé la littérature, il ne s'ensuit pas qu'elle ait attendu le XIXe siècle pour faire son apparition. Le premier poète classique connu est Mela Djizri (1570-1640). Son Diwan célèbre les vertus du soufisme. Son disciple Faqî Teyran (1590-1660), Ali Termouki (1590-1653), vrai Ronsard kurde, et bien d'autres ont tous écrit en kurmandji. Leurs qasida et ghazel ont pour thème l'amour mystique. Le plus célèbre est Ahmed Khani (1650-1706) dont le methnawi Hemozîn chante déjà l'amour de la patrie kurde. Au XIXe siècle, les poètes en dialecte soranî se partagent en mystiques, comme Mewlewî (1809-1849), et en poètes dont le lyrisme et le patriotisme l'emportent déjà sur la religion : Nali (1797-1855), Hadji Qadir Koyî (1815-1892), Adeb (1859-1916) et Reza Telabanî (1835-1910), ce dernier satirique plus ou moins agnostique. Mais tous restent bien abstraits lorsqu'ils célèbrent les beautés de la nature de leur Kurdistan.
    C'est entre les deux guerres mondiales et du fait des changements politiques qui en résultèrent que la littérature kurde a vraiment pris son essor, pour s'épanouir pleinement après 1945. Partout en effet, sauf en Turquie, des journaux, des revues paraissent dont l'influence sera capitale. Ces revues fournissent une mine de renseignements sur la langue, le folklore, les coutumes, l'histoire du peuple kurde.
    L'édition des poètes anciens, la traduction de récits de voyageurs ou d'études scientifiques devaient forger l'instrument qui allait permettre à la littérature d'élargir ses possibilités d'expression. L'éclosion littéraire apparaît principalement en Irak. Désormais les poètes mystiques cèdent le pas à des auteurs romantiques souvent, mais pour qui les problèmes civiques et sociaux ne sont pas étrangers, tels Abdullah Ziwer (1875-1948) et Bêkes (1905-1948). Avec le changement des thèmes se modifie aussi la facture du vers, la prosodie traditionnelle, arouz, tributaire de la poésie persane ou arabe, fera place à des vers syllabiques et libres. Le réalisme se manifeste avec Pîremerd (1867-1950), Goran (1904-1962), Cegerxwîn, Hejar... qui décrivent la situation misérable du peuple et souhaitent autant la libération nationale que des réformes de structure. La prose, longtemps parente pauvre de la littérature, s'affirme avec des historiens : M. A. Zeki (1880-1948) et surtout Huzni Mukriani (1886-1947), des critiques littéraires, des conteurs, comme Osman Sebri, des journalistes et militants comme Ibrahim Ahmed, Chucri Fattah et d'autres jeunes. Les Kurdes d'Arménie soviétique ont eu beau jeu de critiquer l'oppression des jours d'antan, leurs poètes, comme Djasim Djelil ou Mikaïlé Rachid, même dans leur lyrisme, étaient toujours « engagés ». On peut dire la même chose de leur meilleur prosateur, Ereb Chamo, le pionnier d'Érivan, en ses nombreux ouvrages dont le premier surtout se lit avec intérêt : Sivanê Kurd (1935, Le Berger kurde).
    Quoi qu'il en soit, le véritable roman n'est pas encore né et les essais de théâtre, en Arménie ou en Irak, malgré des efforts louables, n'ont pas encore atteint leur maturité artistique. Cependant, la jeune littérature kurde, à la sensibilité originale et ouverte aux problèmes contemporains, mériterait d'être mieux connue. Mais les traductions manquent. Les études kurdologiques qui s'instaurent un peu partout actuellement dans les universités en sont un heureux présage.

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    ARMES CHIMIQUES & BIOLOGIQUESÉcrit par : Pierre RICAUD
    Dans le chapitre "Depuis 1918" : … Fao et les îles Majnoun, actions auxquelles il faut ajouter l'attaque de la ville irakienne *kurde de Halabja, le 16 mars 1988, qui aurait tué près de 5 000 civils, les pertes militaires iraniennes dues aux attaques chimiques s'élevant à plusieurs dizaines de milliers de morts et de blessés. Les forces irakiennes ont utilisé essentiellement… Lire la suiteASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionalesÉcrit par : Manuelle FRANCK, Bernard HOURCADE, Georges MUTIN, Philippe PELLETIER, Jean-Luc RACINE
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    Dans le chapitre "Construction de la Turquie nouvelle" : … politiques au Kurdistan, en 1925 et 1930. Déçus dans leurs aspirations nationalistes, les *Kurdes ont mal supporté d'être intégrés dans la République turque ; leurs soulèvements sont suivis d'une terrible répression, qui annihile pour longtemps toute velléité de révolte. Le gouvernement turc s'efforce au maximum de turquifier les Kurdes,… Lire la suiteBARZANI MOUSTAFA (1904-1979)Écrit par : Christian BROMBERGER
    … *Né en 1904 à Barzan, dans le nord de l'actuel Irak, Moustafa Barzani est issu d'une famille patricienne de chefs religieux (sheikh) sunnites qui participa dès le début du XXe siècle aux principales révoltes kurdes ; ses frères aînés, sheikh Abdou Salam II et sheikh Ahmed, s'illustrèrent respectivement dans la lutte contre la… Lire la suiteÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE - Chronologie (1990-2008)Écrit par : Universalis
    … les forces américaines bombardent des objectifs militaires près de Bagdad et dans le sud de l'Irak *à la suite de l'intervention de l'armée irakienne dans le Kurdistan en vue d'aider le Parti démocratique du Kurdistan à en chasser son rival, la faction kurde pro-iranienne de l'Union patriotique du Kurdistan – les Kurdes pro-irakiens parviennent à… Lire la suiteAfficher la liste complète (31 références)
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    Re : Kurdes

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    Post Kurdes

    Salut Harroudiroi ; franchement je n'est pas compris votre question n'ont-ils pas le droit d'avoir des informations sur eux .
    Bon courage .
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    Salut Harroudiroi ; franchement je n'est pas compris votre question n'ont-ils pas le droit d'avoir des informations sur eux .
    Bon courage .
    Bonjour,
    Mais non, jai pas pu tout lire, c'est long, je me suis dit que tu avais du voir quelque chose de pertinent dans cet article, je voulais savoir quoi , c'est une simple question, pas une remarque mon ami:
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