A la une/Actualité_Onze ans après les attentats de Londres,
Maire de la Capitale de l'Empire britannique (Londres)
05 Mai 2016
Un musulman, maire de la capitale britannique ?Quand on parle de l’Angleterre, c’est le club de Leicester, petite ville provinciale,
qui vient de remporter le championnat de football qui nous vient à l’esprit.
Cette équipe cotée à 5 000 contre 1 par les bookmakers sur laquelle personne
ne pariait un penny, est aujourd’hui sous les feux de l’actualité. Mais au pays de
Shakespeare, une élection inédite pour le poste de maire de Londres va peut-être
éclipser la victoire de Leicester. Le scrutin auquel sont appelés ce jeudi plus de
5 millions et demi d’électeurs oppose Sadiq Khan, 45 ans, avocat, membre
du Parti travailliste, à Zacharias Goldsmith, dit Zac, membre du Parti conservateur.
Inédit aussi parce que ce scrutin survient onze ans après les attentats de Londres (56 morts),
de Madrid en 2004 (198 morts), de Paris en janvier et novembre 2015 (141 morts) et
de Bruxelles (32 morts), en mars dernier. C’est dans ce contexte quelque peu exceptionnel
que les 5,6 millions d’électeurs londoniens sont appelés à choisir entre deux hommes que
tout oppose, aussi bien l’origine sociale et ethnique que le parcours politique.
Pour l’heure, Sadiq Khan est donné favori : il devance de dix points dans les sondages
son rival conservateur. Mais la partie est loin d’être gagnée car Zacharias Goldsmith use de
tous les ressorts raciaux et communautaristes pour inciter une majorité des 5,6 millions
d’électeurs appelés aux urnes à ne pas voter pour un «musulman». Outre les électeurs de
confession juive, Goldsmith gratte dans le sens du poil les électeurs hindous et sikhs,
les mettant en garde contre l’arrivée à la mairie de Londres d’un musulman d’origine pakistanaise.
Pire, il accuse Khan de proximité avec les islamistes radicaux, voire de leur offrir «un tremplin,
de l'oxygène et une couverture». Rien de moins. Toutefois, ce qui pourrait nuire électoralement
à Sadiq Khan, ce sont les propos jugés antisémites de l’ancien maire de Londres,
le travailliste Ken Levingstone, et le fait que Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste (le Labour),
connu pour ses critiques sévères envers Israël, ne cache pas ses sympathies pour la cause palestinienne.
Réagissant aux attaques de son rival qui pourraient affecter ses possibilités d’être élu, Sadiq Khan,
qui se définit comme un musulman libéral aspirant à devenir le maire de tous les Londoniens
quelle que soit leur confession religieuse, accuse Zacharias Goldsmith de vouloir, à l’instar de
l’Américain Donald Trump, candidat à la Maison-Blanche, diviser les Londoniens en fonction de
leur religion. «Une chose est sûre, on peine à imaginer 69 ans après la fin de ce qu’on appelait
«l’Empire britannique des Indes», et sa partition en 1947 en deux Etats, l’Union indienne et
le Pakistan, qu’un fils d’immigré pakistanais soit sur le point de devenir le premier maire «musulman»
de la plus grande ville d’Europe (8,7 millions d’habitants). Une ville, qui fut avant la Seconde Guerre mondiale,
la capitale du plus grand empire colonial, l’Empire britannique, et qui est classée aujourd’hui comme
la première place financière au monde, avant New York. Pour expliquer la popularité de Sadiq Khan,
des médias français, un tantinet gênés par la perspective de voir un maire «musulman» à la mairie
de Londres, mettant en avant le caractère cosmopolite de la capitale britannique, assurent de ce fait,
que son ascension est due au fait que plus de 30% des Londoniens sont d’origine étrangère !
Admettons. Mais cela n’enlève rien au fait qu’une partie des plus de 60% des Londoniens, qui sont
des Britanniques de «souche», bien «Blancs», pour reprendre un vocable à la mode en France
pour distinguer les Français «gaulois» du reste de la population française, est prête à voter
pour Sadiq Khan. En France, un fils de Maghrébin, de surcroît Algérien, maire de Paris ou de
n’importe quelle grande ville française, cela relèverait de l’impensable, et ce, quand bien même
il envisagerait de faire sienne la thèse éculée du «rôle positif» de la colonisation.
Quant au monde dit arabe et musulman, dont l’Algérie, un non-musulman n’y a aucune chance
d’être éligible à la tête d’une grande ville.
H. Z.