Quatre gendarmes aux polos bleu ciel scrutent les faits et gestes de l'assistance. Ils vont et viennent, s'assoient, se lèvent, s'échangent leurs places. L'un accueille un nouvel arrivant et lui désigne un emplacement libre sur le banc. Un autre accroche son regard à une conversation entre deux jeunes femmes au moment où le président appelle la prochaine affaire. Un homme de 42 ans est poursuivi pour un vol en réunion dans le métro, des faits commis en récidive légale. Il a subtilisé une liasse de billets de la poche du pantalon d'un passager, au total 1 600 euros. Il était aidé dans sa tâche par un complice qui a détourné l'attention de la victime en faisant tomber un téléphone portable devant ses pieds. Les deux hommes se sont volatilisés avec le magot. Signalé et identifié grâce à la caméra de vidéosurveillance, le prévenu n'a été interpellé que deux jours plus tard, en possession de cannabis. Et c'est donc le consommateur de cannabis qui a trahi le voleur, identifié grâce à la fiche de recherche dont il faisait l'objet lors de son interpellation.


L'homme reconnaît les faits. Et justifie son geste par l'existence de "dettes". De quelle nature ? "Je ne consomme pas beaucoup de cannabis parce que je n'ai pas d'argent...", rassure-t-il, avant que l'un des juges ne l'interroge sur le lien entre ses "dettes" et la détention de stupéfiants. Sa voix aiguë et sa diction lente le font paraître très fragile aux oreilles du spectateur. "Vous êtes connu de l'identité judiciaire sous plusieurs faux noms", fait observer le président. Ce qu'il confirme, sans émettre le moindre bémol. S'il pouvait directement se jeter dans la gueule du loup, il le ferait presque !
Son casier fait mention d'une série de vols à la tire dans les transports en commun. "J'ai 11 condamnations, monsieur le président", dit-il, comme s'il voulait dispenser le juge de comptabiliser ses forfaits. "Nous n'avons pas les casiers judiciaires de tous les alias", regrette le président. Et de préciser que le prévenu a, la dernière fois qu'il a été jugé, écopé de 8 mois ferme pour vol et séjour irrégulier.


Depuis son dernier séjour en prison, qui a pris fin deux ans plus tôt, le prévenu indique avoir gagné sa vie en travaillant comme ébéniste. Et ce, "jusqu'à ce qu'il rencontre sa nouvelle compagne qui est tombée enceinte". "J'ai dû arrêter de travailler", pleurniche-t-il. C'est donc sa compagne qui assume le règlement de leur loyer de 900 euros.


Quatre mois


Le procureur demande 4 mois avec maintien en détention. Sans autre commentaire. "C'est le type de personne en grande précarité qui vole pour subvenir à ses besoins, résume son avocat. Je ne dis pas qu'il a bien fait, mais j'essaie d'expliquer ces vols à répétition. Cela dit, il s'est calmé depuis deux ans [...]. Par ailleurs, relève l'avocat, il est en cours de régularisation." Autre point fort plaidant en faveur du prévenu : "Sa concubine est enceinte de 7 mois et elle veut le garder auprès d'elle." En effet, le conseil remet au tribunal une lettre de cette femme "démontrant sa persistance à l'héberger malgré ses ennuis judiciaires". Pendant ce temps, le prévenu essuie ses larmes comme un enfant, avec le dos de sa main.


"Sa première femme est morte dans des circonstances tragiques, et il a un enfant en grande difficulté", poursuit l'avocat. "Il voulait assurer son engagement financier mais il a une fois de plus été confronté à ses mauvais démons [...]. Si vous pouvez ne pas le mettre en prison ce soir et le condamner à une peine avec sursis..."


"Je demande la clémence du tribunal, je regrette", murmure le prévenu de sa voix fluette. Il écopera de 4 mois d'emprisonnement et sortira du tribunal quelques heures plus tard, sans doute au bras de sa compagne.