L'amour commence par le badinage et finit par des choses sérieuses. Ses divers aspects sont d'une subtilité telle qu'ils échappent à toute description. On n'en saisit la réalité qu'en les subissant soi-même. L'amour n'est point condamné par la religion, ni prohibé par la Loi, car les coeurs sont dans la main d'Allâh, Puissantet Grand...
Certes, les avis sont partagés quant à la nature de l'amour, même après de longues dissertations. Mon opinion est qu'il résulte d'une conjonction des diverses parties des âmes, réparties entre les différentes créatures. Cette conjonction s'opérant dans leur élément originel le plus haut...
Nous savons que l'union et la séparation, chez les êtres créés, est due, soit à la fusion, soit à la dissociation des dites facultés. Chaque forme aspire constamment à la formecorrespondante; les semblables sont attirés par les semblables.
L'affinité a des effets sensibles et exerce une influence évidente. Nous constatons parmi nous que les contraires se repoussent, que les semblables s'harmonisent et que les analogues sont attirés les uns vers les autres. Comment n'en serait-il pas ainsi pour l'âme, alors que son monde à elle est le monde pur et éthéré, que son essence monte vers le sublime, harmonieusement, que son principe constitutif la rend accessible à l'accord, aux penchants et aux aspirations aussi bien qu'à l'éloignement, au désir ou à l'antipathie. Tout cela nous le connaissons de façon patente par les divers comportements de l'être humain.
Allah Le Très Haut n'a t il pas dit :
"C'est lui qui vous a créés d'une seule âme dont il a tiré son épouse, pour qu'il trouve la tranquillité auprès d'elle..."
Ainsi Allah a voulu que la cause du repos que trouverait Adam en son épouse, résidât dans le fait qu'Eve était une partie d'Adam...
Si la cause de l'amour résidait dans la beauté de la forme corporelle, l'on devrait nécessairement rejeter l'être moins beau. Or nous constatons que beaucoup de gens préfèrent des personnes de moindre beauté, tout en sachant fort bien que d'autres leur sont supérieures sur ce point, sans que leur coeur ne puisse s'en détourner. Si, d'autre part, l'amour avait sa cause dans l'harmonie des caractères, nul n'aimerait quelqu'un qui ne cherche pas à lui être agréable et qui n'est pas d'accord avec lui. De là nous concluons que l'amour est quelque chose qui se trouve dans l'âme elle même. Il arrive, bien sûr, que l'affection ait une cause quelconque. Mais alors cet amour disparaît quand disparaît la cause. Ainsi, quand l'on est aimé pour un certain motif, cet amour disparaît, quand le motif a disparu.
Mon amour pour toi demeurera toujours égal à lui-même : il est extrême sans avoir jamais diminué ni augmenté.
Il n'a d'autre cause première que mon désir, et personne ne saurait lui reconnaître une autre raison.
Quand nous constatons qu'une chose a sa cause en elle-même, cette chose là est assurée de durer éternellement.
Mais au cas où nous trouvons qu'une chose a sa cause dans une autre, différente d'elle, cette chose périra dès que nous constaterons la disparition de sa raison d'être.
La constatation suivante vient confirmer cette vérité : nous savons que les sentiments affectueux sont de plusieurs sortes. L'affection la plus haute est celle qu'éprouvent ceux dont le lien s'est noué à travers Allah Le Très Haut, soit parce qu'ils déploient un zèle commun dans les oeuvres, soit parce que leurs confessions et leurs rites ont des principes communs, soit parce qu'ils recherchent ensemble les mérites supérieurs d'une science à laquelle l'homme peut prétendre.
Citons encore l'affection naît de la parenté, celle qui résulte des relations familières et de la poursuite de mêmes desseins; l'amitié entre les compagnons et entre des gens qui se connaissent; l'amitié qui résulte de la pleine confiance que l'on met en son prochain; l'amitié qui naît du désir de profiter de puissantes influences que possède la personne aimée; l'amitié de ceux qui sont unis par un secret qu'ils doivent garder; enfin l'amour qui n'a d'autre cause que celle évoquée plus haut, à savoir l'union des âmes...
L'âme de celui qui aime sait parfaitement où se trouve la partie vers laquelle son destin la pousse à se tourner; elle y aspire, elle s'y porte, elle la recherche, elle désire la rencontrer, elle voudrait l'attirer comme l'aimant attire le fer...
Une autre preuve en faveur de ma réflexion, c'est qu'on ne saurait trouver deux personnes qui s'aiment s'il n'existait entre elles une ressemblance ou une correspondance des qualités naturelles. Il faut de toute nécessité que cette condition soit remplie peu ou prou. Plus nombreuses sont les ressemblances, plus grande est l'affinité et plus solide l'affection. Chacun peut remarquer ce fait qui est, du reste, confirmé par ce dire du prophète [sur lui la Paix et les bénédictions divines] :
"Les âmes des croyants sont unies par une connaissance mutuelle" [...]
Je me délecte du tourment que tu me donnes, ô toi mon espoir, non, jamais je ne me détournerai de toi.
Si on me dit : "Tu oublieras son amour!" Ma réponse se borne à un lâm et à un alif.