Sellal gèle la circulaire Benyounès sur l’assouplissement
du commerce des alcools, vins, liqueurs et spiritueux.
Quoi ? Sellal l’a gelée ?
Avec combien de glaçons ? Depuis que j’ai lu la déclaration du patron de Naftal affirmant «qu’il n’y a pas de pénurie de carburant», je regarde autrement les longues files de voitures aux pompes. Des fois, je ne me contente pas seulement de les regarder de loin, je m’arrête et je vais discuter un peu avec les conducteurs faisant la queue. J’essaie de me rendre utile. De les aider. Psychologiquement. C’est important d’aider, de venir au secours du prochain. Surtout si celui-ci est atteint, comme l’affirme le P-dg de Naftal, du syndrome de la pompe. Un mal terrible que le syndrome de la pompe. Des gens, comme vous et moi, d’apparence normale, n’ayant de prime abord rien d’extraordinaire, formatés, quidams parfaits, n’ont pourtant rien d’autre à faire de leurs journées que d’aller s’aligner en rangs de bataille autour d’une pompe à essence. Toi, ta journée, t’as logiquement de quoi la meubler. Un boulot. Ou la recherche d’un boulot. Une famille ou la recherche d’une famille. Des courses ou la recherche de sous pour faire des courses. Une occupation de quidam, quoi ! Un emploi du temps de personne basique ! Eh bien elles, les personnes atteintes du syndrome de la pompe, dans tout ce fatras de choses à faire au cours d’une journée, trouvent, malgré tout, le temps d’assouvir une pulsion malsaine, une perversion terrible, aller faire la queue pendant plus de deux heures dans un station d’essence. Parce qu’il faut franchement être pervers, voire carrément détraqué pour rester coincé dans sa voiture une matinée ou une après-midi ou, parfois, une journée entière à respirer les vapeurs d’essence dans l’espoir de se voir en verser un p’tit chouia dans le réservoir. C’est tordu, non ? Oui, bien sûr que c’est tordu. Mais avant de juger ces psychopathes du plein d’essence et de mazout, il faut faire montre de compassion. Ils doivent être les premiers à en souffrir, de cette dépendance, les pauvres. Moi, je ne juge pas ! J’aide. Du moins j’essaie d’aider. Je papote. Je refile des adresses de psys que je connais. Je conseille le covoiturage. Je raconte comment j’ai réduit mes trajets en voiture, leur préférant la marche à pied, activité tellement bénéfique pour le cœur et le reste. Bien sûr, ça ne marche pas toujours. Lorsque des automobilistes me montrent, la rage aux dents, le pistolet de la pompe posé sur le rebord de l’appareil, code visuel voulant dire chez les gérants de stations qu’il n’y a plus une goutte de carburant à servir, je préfère filer en douce, les laisser là. Il y a déjà assez de violence dans l’air, d’électricité au-dessus des pompes et des citernes pour que j’en rajoute en rappelant aux usagers que le P-dg a pourtant juré qu’il n’y a pas de pénurie. Vous me comprenez ? Aider d’accord, mais il y a des limites. Des fois que je me retrouve immolé à l’insu de mon plein gré consentant. Non ! Je préfère fumer du thé et rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
H. L. |