Devinette. Quelle est la grève qui gêne le moins, n’inquiète franchement pas le régime ? La grève des…
… médecins, bien sûr !
Je n’en reviens pas ! Non seulement, ce n’est pas lui qui lit en direct-live ses discours, mais «paraîtrait-il» que ce n’est même plus lui qui les rédige ! Le choc ! Surtout pour celui qui, d’habitude, nous lit les discours de Abdekka. T’imagines la scène. Lui, au pupitre, dominant la salle, le ton fort, la voix assurée et parlant à la première personne : «J’ai décidé de tout fermer. L’oxygène. Le soleil. La pleine lune. Tout cela sera désormais sévèrement réglementé, surveillé et ceux qui oseraient se servir en douce de ces richesses hors hydrocarbures réglementées seront férocement châtiés. Pour le bien et la cohésion de la Nation, bien sûr.» Déjà, avant, dans la salle, les gens, polis de nature, tout en retenue, applaudissaient gentiment tout en souriant sous cape, sachant que le bonhomme qui s’adressait à eux à la première personne du singulier ou à la première du pluriel n’était pas la bonne, la vraie mais juste un porte-voix. Et là ? Le sourire narquois va redoubler de narquoiserie dans les travées s’il se confirme que ce n’est même pas le Raïs qui a rédigé la bafouille. Abyssal ! Mise en abîme. 3e dimension du discours. 4e palier de la procuration de parole. Qui rédige quoi ? Qui s’adresse à qui sous la plume de qui, de quoi ? Comme si nous n’avions pas assez de problèmes comme ça, il nous faut à présent jouer à découvrir l’écrivain mystère ! Qui rédige vraiment ces
textes ? Mais, à bien réfléchir, peut-être serait-il plus facile de poser la question autrement : qui n’a pas pu écrire le dernier discours de Abdekka ? Doucement ! Doucement camarades ! Je vous vois tous bondir sur la même personne, Saâdani. C’est vrai que c’est plutôt tentant d’écarter d’emblée la «piste Amar», de ne pas imaginer un instant qu’il puisse endosser la paternité de ce discours. Pourtant, relisez bien le texte. Mal écrit. Tout dans la démesure criarde, à l’image de ses costumes glacés et à rayures. Violent. Affreusement soudard et un brin, un «gros brin» décousu. Réfléchissez bien avant de biffer le nom de Saâdani de la liste des écrivains. Moi, la possibilité que le musicien de chambre soit l’auteur du dernier discours présidentiel me semble la plus plausible. Elle correspond parfaitement au moment, à l’instant Algérie que nous vivons. Celui des Max la Menace. Celui de la ch’kara. Celui de l’impunité. Celui du trousseau de clés ostensiblement attaché à la ceinture et cliquetant vulgairement au son d’une marche martiale. Celui des bouges malfamés. Celui des bars parisiens et des escortes russes ou plus généralement caucasiennes et slaves. Le moment Algérie souillée et prise en otage. Ce moment inouï qui voit 40 millions de quidams condamnés à entendre un mec leur lire au nom d’un second mec un discours rédigé par un troisième mec. Un fantôme. Une entité mystique. Une chimère. Un fantasme. Un souvenir mauvais qui n’en finit pas de finir. Tellement, tellement, que pour supporter mes nuits, je n’ai pas trouvé mieux que de fumer du thé, dans l’espoir fou de rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
H. L. |