Droit à l’oubli : comment effacer ses données personnelles sur Google

Sauf si tu te prénommes Nadine

Google vient de mettre en ligne un formulaire de suppression des données personnelles à destination des Européens. Cette mesure fait suite à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui a consacré un droit à l’effacement pour les citoyens des 27 États membres.
À cette adresse, Google propose désormais aux Européens de supprimer leurs données nominatives des résultats de recherche. Pour aboutir, cette mesure exige cependant que l’intéressé fournisse la copie d'une pièce d'identité avec photo en cours de validité, et à tout le moins répondent à une série de conditions.
Traitement chirurgical

Le nettoyage est d'abord chirurgical puisque l’internaute désireux de faire jouer son droit à l’effacement doit « fournir l'URL de chaque lien renvoyé après une recherche Google sur votre nom et que vous souhaitez voir supprimé ». En cas d'effet Streisand, la procédure devra ainsi être multipliée autant de fois que nécessaire. Par ailleurs, « si ce n'est pas clair », il doit expliquer « en quoi la page en question vous concerne ».

Enfin, et surtout, il faut « expliquer en quoi le lien apparaissant dans les résultats de recherche est non pertinent, obsolète ou inapproprié. »



Google ne fournit aucun agenda dans la prise en compte de la demande, mais indique simplement qu’il s’efforcera de procéder à l’examen et au traitement « dans les meilleurs délais. »

La procédure s’achève enfin par l’envoi d’une pièce d’identité afin d’authentifier la demande, via une image scannée et uploadée vers Google. Le moteur reçoit à ce sujet « régulièrement des demandes de suppression frauduleuses provenant de personnes usurpant l'identité de tiers, tentant de porter préjudice à leurs compétiteurs, ou cherchant indûment à supprimer des informations juridiques. Nous devons donc valider votre identité, afin d'éviter ce genre d'abus. »
Le risque d’usurpation d’identité ?

Précisons que la LOPPSI a installé dans notre Code pénal l’article 226-4-1 qui sanctionne les cas d’usurpation d’identité. Selon ce texte « le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ». Le texte ajoute que cette infraction « est punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.»

La production d’une fausse pièce d’identité afin de gommer l’existence d’une personne dans un moteur pourra assez difficilement tomber sous le coup de ce dispositif. Il faudra cependant attendre d’éventuels cas de jurisprudence pour deviner la mise en œuvre effective de cette sanction dans le cadre du droit à l’effacement.
Un droit à l’effacement sous l’aiguillon de la Cour européenne

La mise en place de ce formulaire n'est pas le fruit de la générosité de Google. Elle fait surtout suite à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne. Le 13 mai dernier, la CJUE a estimé en effet que les citoyens européens disposaient d’un droit à l’effacement sur les moteurs (notre analyse).

Cependant, ce droit n’est pas automatique, mais conditionné à une série de critères, pris en compte par Google : il faut que les données référencées dont l’internaute demande l’effacement, soient devenues inexactes, inadéquates, non pertinentes ou excessives au regard des finalités du traitement. Autres hypothèses : ces données ne sont plus mises à jour ou bien ont été conservées pendant une durée excessive.
Les critiques de Larry Page

Il revient finalement aux moteurs d’analyser ces critères lorsqu’une demande d’effacement tombe sur leur écran, et finalement d’être juges de la légitimité des retraits. Une mission qui avait été dénoncée par l’Association des sites internet communautaires (ASIC) ou encore Reporters sans Frontières.

Larry Page a d’ailleurs ajouté aujourd'hui sa pluie de critiques dans le Financial Times. Le PDG de Google estime que ce droit à l’effacement va freiner l’essor de ceux qui ne sont pas en capacité, contrairement à Google, d’y répondre. Sous-entendu les jeunes pousses (startup). Mais surtout, ce jugement va finalement encourager les régimes répressifs à accentuer la censure du web. « Il sera utilisé à mauvais escient par d’autres gouvernements qui ne sont pas aussi avancés et progressifs que l’Europe. »
Nadine Morano devra oublier son droit à l’effacement

Précisons enfin que dans son travail d’analyse de la demande, Google pourra continuer à référencer l’adresse litigieuse si des considérations historiques, statistiques ou scientifiques sont en jeu ou si l’internaute est personnalité connue. Autant de critères qui ont été posés par la CJUE. En d’autres termes, Nadine Morano, personnalité publique qui a effacé son tweet problématique en plein « Copé Gate » ne pourra donc s’armer aussi facilement d’une gomme sur Google Search.