L'industrie s'apprête à lancer sur le marché un vêtement doté de capteurs qui améliorent les performances scolaires des adolescents. En l'enfilant, les élèves sont assurés de mieux réussir leurs examens et d'obtenir de meilleures notes dans leurs travaux d'étape.

Est-ce souhaitable? " C'est la question que nous voulons explorer avec des groupes cibles de différents âges et de différents profils socioéconomiques, explique Pascale Lehoux, professeure et chercheuse à l'École de santé publique de l'Université de Montreal. Nous voulons inviter la population à nous dire ce qu'elle souhaite et ce qu'elle craint relativement à l'évolution des technologies liées à la santé. "

Comme chercheuse, Mme Lehoux s'intéresse depuis 15 ans aux répercussions des technologies sur les pratiques médicales et la société. Elle a obtenu en 2012 une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada pour lui permettre d'approfondir ses travaux. Le projet qu'elle lance ces jours-ci s'appelle Dessine moi un futur !et compte trois volets. Outre la veste intelligente pour les adolescents, on veut sonder l'effet d'un robot capable d'atténuer " les pertes physiques ou mentales associées au vieillissement " et un " rectificateur implantable intelligent qui vise à repousser la maladie du coeur avant qu'elle se déclare ".

Cette histoire de veste intelligente n'est encore qu'une pure fiction, mais, comme le mentionne Jean Gagnon Doré, responsable dans le projet des communications et animateur des groupes de discussion qui se rencontreront d'ici la fin du mois de mars, bien malin qui pourrait dire ce qui changera notre vie dans 15 ou 20 ans. " Nous soulignons ces temps-ci les 10 ans des réseaux sociaux. Personne n'aurait pu prédire en 2000 que Facebook compterait un milliard d'abonnés. Un sixième de l'humanité. "Dessine-moi un mouton!

L'appel lancé aux participants est assez précis pour permettre une anticipation réaliste mais assez utopique pour forcer la réflexion. Il est inspiré de la phrase "Dessine-moi un mouton " du Petit Prince, de Saint-Exupéry. Insatisfait des croquis que lui présente l'aviateur, le personnage de la fable se voit remettre le dessin d'une boîte trouée, ce qui lui laisse toute la liberté d'imaginer son mouton en glissant son oeil dans l'ouverture.

Ainsi, le " rectificateur " cardiaque serait une puce implantée dans le coeur d'un sujet qui ne présente aucun symptomede maladie cardiaque afin de permettre à une équipe de suivre l'évolution de ses prédispositions à ce type d'affection. Grâce à un émetteur de la taille d'une tête d'épingle, le rectificateur serait branché sur des mégabases de donnéesgénétiques. Il permettrait de prévoir l'apparition de maladies évolutives et éventuellement de les prévenir. On parle donc d'intervenir auprès d'individus en parfaite santé... Est-ce le rôle de la medecine?

Le robot gériatrique n'arrive pas par hasard non plus. Il est au croisement d'une évolution rapide de la robotique et d'un besoin sans précédent de soins à domicile. Pourquoi pas une machine sympathique qui rappellerait à grand-papa de prendre ses médicaments et de manger moins gras?

Des groupes d'une dizaine de personnes de divers âges prendront part à une discussion en atelier qui durera une demi-journée. On leur présentera trois vidéos inédites qui résumeront de façon concrète ce que les innovations technologiques changeraient dans la vie de quelqu'un en 2040. Par la suite, un plus grand nombre de participants pourront visionner sur un site Webles vidéos et réagir à des histoires fictives.

Les résultats de cette étude feront l'objet de conférences et de publications scientifiques. " Nous les utiliserons à des fins d'enseignement dans les domaines de l'éthique, du design, des politiques de santé et de la sociologie médicale ", précise le formulaire de consentement.

Mme Lehoux possède une double formation en santé publique et en design industriel. Dans son équipe, la question de la fabrication des technologies et de leur intégration dans le marché est prise en compte. Philippe Gauthier, professeur à l'École de design industriel de l'Université de Montréal, fait partie de l'équipe de recherche. Les autres chercheurs associés au projet sont Bryn Williams-Jones, professeur au Département de médecine sociale et préventive de l'UdeM, Fiona Miller, professeure à l'Université de Toronto, et Jennifer Fishman, professeure de bioéthique à l'Université McGill.