Rats télépathes

Une équipe américano-brésilienne est parvenue à connecter, à l’aide de micro-électrodes, les cerveaux de deux rats. Les animaux peuvent ensuite échanger des informations à distance !




INTERFACE. « Une interface cerveau à cerveau capable de transférer en temps réel des informations». C’est en ces termes que les chercheurs de l’institut des Neurosciences Edmond et Lily Safra au Brésil, et de l’université de Duke aux États-Unis décrivent leur expérience.
« Nous avons voulu voir si cette interface cerveau à cerveau pouvait être employée à des fins de communication entre des animaux expliquent les chercheurs dans leur publication. Une communication de qualité suffisante pour permettre de mener à bien une tâche en coopération » précisent-ils. Et le résultat est des plus impressionnants !
La "transmission de pensée" marche dans 70 % des cas !

Imaginez plutôt : isolé dans une cage, un rat fait face à deux pédales. S’il appuie sur la bonne, il obtiendra une petite ration d’eau en guise de récompense. Mais aucun indice ne lui permet de savoir laquelle choisir. Pourtant l’animal va opter pour la bonne réponse dans 70 % des cas.
En effet, à des milliers de kilomètres de là, l’un de ses congénères, dans une autre cage, est confronté au même choix que lui. Sauf que dans sa cage à lui, la bonne réponse est affichée sous la forme d’une diode qui s’allume au-dessus du levier qui délivrera la récompense.
STIMULATIONS. Préalablement, les chercheurs ont implanté des micro-électrodes dans le cerveau de chacun des deux rongeurs. Ces dernières enregistrent l’activité électrique dans les zones du cortex responsables de l’activité motrice et sensorielle des animaux. Elles peuvent également y envoyer de petites stimulations électriques.
Lorsque l’animal disposant des indications lumineuses se rue sur le bon levier, les électrodes captent l’activité de ses neurones et la transmettent à un ordinateur. La machine convertit alors ces informations en un signal numérique qui transite en quelques millisecondes via internet jusqu’au laboratoire qui héberge l’autre rat. Les informations sont alors converties en stimulations électriques transmises aux électrodes. Comme on peut le voir sur cette vidéo, le second rat utilise ces informations pour appuyer sur la même pédale que son acolyte quelques secondes plutôt.



RÉCOMPENSE. Le premier rat reçoit une première récompense lorsqu’il choisit d’appuyer sur la pédale correspondant à l’indication lumineuse, et une seconde lorsque son congénère interprète correctement le signal électrique transmis par les électrodes et qu’il choisit à son tour la bonne pédale.
« Nous avons alors constaté que lorsque le second rat se trompait, le premier, frustré de ne pas recevoir sa seconde récompense, parvenait à « nettoyer » son activité cérébrale de manière à envoyer un signal plus clair et plus net la fois suivante, ce qui permet au rat « décodeur » d’interpréter plus facilement cette information explique le Dr Miguel Nicolelis, professeur à l’Université de Duke.
« Les animaux parviennent ainsi à collaborer à leur insu, reprend le scientifique, qui s'est déjà illustré en couplant le cerveau d'un singe à une prothèse robotisée. En effet aucun d’eux ne sait qu’un autre rat se trouve confronté à la même situation que lui dans une autre cage explique le chercheur. Nous avons ainsi créé une sorte d’ordinateur biologique virtuel capable de trouver des solutions à un problème ».
"RÉCEPTEUR". Poursuivant leur expérience, les chercheurs sont parvenus de la même manière à faire deviner correctement dans 65 % des cas à un rat « récepteur » le diamètre (grand ou étroit) d’un trou situé dans la cage d’un rat « émetteur ». De plus les chercheurs ont constaté que la stimulation des moustaches du rat émetteur entraînait une réaction neuronale dans le cerveau du second rat. « Ce qui veut dire que nous sommes capables de créer dans le cerveau du rat « récepteur » une représentation des moustaches du rat émetteur » suppose le chercheur.
Ci-dessous l'interview de Miguel Nicolelis.




Pour parvenir à un niveau de bonnes réponses avoisinant les 70 %, les deux rats ont subi un long apprentissage. L’un comme l’autre ont été longuement familiarisés avec le dispositif. Puis, de la même manière que le rat « émetteur » a été conditionné à répondre correctement à une stimulation lumineuse, le second a été entraîné à interpréter les stimulations électriques des électrodes : un train d’impulsions pour l’un des leviers, une impulsion simple pour l’autre.
Les résultats de cette expérience, une première mondiale, sont spectaculaires. Mais il y a encore un long chemin à parcourir avant d’obtenir un dispositif permettant de véritablement « lire » dans le cerveau d’un autre individu ou d’en prendre le contrôle comme dans le film « Avatar .