Le 4-écrans, mode d'emploi

La mesure des audiences télé dite « 4-écrans » sera l'agrégation du Médiamat actuel, de panels Internet et de données issues du Big Data.

La mesure par Médiamétrie de l'audience des chaînes de télévision sur le petit écran et tous les sites Internet qu'elles contrôlent (les diffusions de séquences sur YouTube ou Facebook ne sont pas encore concernées...), qui devrait devenir la référence cette année, est plus complexe qu'on ne pourrait l'imaginer. C'est en effet un mélange entre la mesure actuelle, deux panels Internet et du Big Data.



Ainsi, la mesure actuelle de référence, appelée « Médiamat », qui repose sur le boîtier installé chez 5.000 foyers, soit 11.500 individus, et qui renseigne sur ce qui est regardé sur le petit écran traditionnel, va continuer à être utilisée. Ces téléspectateurs choisis pour constituer un panel représentatif acceptent via le boîtier et une télécommande spécifique d'indiquer qui dans le foyer regarde quoi à la télévision. Un signal masqué est envoyé par chacune des chaînes, permettant au boîtier de les créditer dans le calcul. Est prise en compte depuis 2014 la télévision de rattrapage. « Il y a toujours une certaine fierté à participer à cette mesure », assure Julien Rosanvallon, de Médiamétrie, qui précise que le dédommagement des panélistes est de l'ordre de 70 euros par an.
Médiamétrie utilise ensuite deux panels Internet. Le premier, Médiamétrie//NetRatings, ne date pas d'hier puisqu'il a été constitué avec Nielsen en 1999. Il sert à mesurer l'audience sur ordinateur, tablette et smartphone. « Cet accès aux données depuis si longtemps est une spécificité française », dit Julien Rosanvallon. Le second est plus récent et a été constitué avec Google pour mesurer les audiences sur 4 écrans directement. Il est constitué de propriétaires à la fois de téléviseurs, d'ordinateurs et d'appareils mobiles pour étudier leur comportement multi-écran. Toutes ces mesures sont ensuite affinées avec du Big Data à partir de cookies placés sur les sites des télés et renseignant Médiamétrie. Même si le profilage (sexe, âge, Csp...) est limité par des considérations de protection des données personnelles.
Deux services offerts

Ces instruments de mesure, une fois retravaillés et rapprochés, permettent à Médiamétrie d'offrir deux services. Depuis avril, l'institut est ainsi en position de donner quotidiennement aux chaînes qui participent - elles sont aujourd'hui 15 - les performances de chacun de leurs programmes sur quatre écrans. Ces données sont partagées entre les souscripteurs depuis septembre 2016 et chaque chaîne peut, si elle le souhaite, communiquer sur ses résultats.
Mais c'est le deuxième service proposé, élaboré à partir du Médiamat, des panels Internet et du Big Data, qui compte pour le marché publicitaire : il s'agit du calcul des parts d'audience des chaînes en 4 écrans sur un rythme mensuel. Ces parts d'audience sont déjà disponibles par groupes de médias pour les groupes souscripteurs. Elles le seront par chaînes à partir du début de cette année.
Les détails de ce que les chaînes s'accorderont à communiquer publiquement, normalement dans le courant de l'année, ne sont pas encore connus. Elles en discutent actuellement avec Médiamétrie. L'idée est de trouver une convention satisfaisant à la fois toutes les chaînes - le 4-écrans risque d'en favoriser certaines - et le monde de la pub et des annonceurs.




Télévision : la mesure d’audience se met enfin à l’heure des nouveaux usages

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Médiamétrie va diffuser à partir du deuxième trimestre des audiences 4-écrans par chaîne. Elles intégreront la consommation de programmes télévisés sur mobile, tablette, ordinateur.

Une petite révolution se prépare dans le monde de la télévision. Dans un univers où chaînes et annonceurs scrutent, quitte à s'écharper, la moindre évolution des sacro-saintes audiences, Médiamétrie prépare une vaste refonte de ses méthodes de mesure. Dans le courant du deuxième trimestre, l'audience de la télévision va ainsi prendre en compte non seulement la consommation en replay (déjà intégrée depuis 2014), mais aussi le visionnage des programmes TV sur ordinateur, mobile et tablette (en direct ou replay). Dans le jargon, on parle de l'audience « 4-écrans ». Médiamétrie a déjà fourni depuis plusieurs mois des données à une quinzaine de chaînes, sans les rendre pour autant publiques pour le moment.



Certes, cette « nouvelle » audience va rester minoritaire par rapport à la TV en direct (75 % du total aujourd'hui), mais elle est loin d'être négligeable : 19 % des Français consomment aujourd'hui la télévision soit en différé (en utilisant la fonction pause) soit en replay (13,9 %) soit sur d'autres écrans que le téléviseur (6,4 %). « Ce dernier chiffre représente environ 3,9 millions de personnes, explique Julien Rosanvallon, directeur du département télévision et Internet de Médiamétrie. Et on s'attend à un transfert de plus en plus important vers ces nouveaux usages. »
Une prime aux chaînes axées sur les jeunes

La mesure 4-écrans va permettre de tordre le cou à certains clichés sur la mort du petit écran. Si la durée d'écoute a un peu baissé sur la télé du salon (de 3 h 47 en 2011 à 3 h 43 en 2016), avec le 4-écrans, ce temps moyen monte à 3 h 50 (dont 18 minutes en replay ou autres écrans). « Cela va nous permettre d'enfin mesurer une audience qui n'est pas valorisée aujourd'hui et qui peut faire la différence, souligne Xavier Gandon, directeur des antennes du groupe TF1. En outre, cette mesure unique par un tiers de confiance va dans le sens de la transparence à l'égard de nos annonceurs et cela va donner de la valeur à nos audiences numériques ». « Aujour*d'hui, ce sont plusieurs millions de téléspectateurs CSP+ qui ne sont pas valorisés auprès des annonceurs car ils seront mieux valorisés en spectateurs télé qu'en visiteurs de sites », appuie Alain Weill, DG de SFR Media. Il précise que « BFM est partant et souhaite que le 4-écrans arrive le plus tôt possible car la télé ne se consomme plus le soir en famille mais individuellement et en mobilité ».
Pour certaines chaînes, ou certains publics comme les Millennials, chouchous des annonceurs, la nouvelle mesure va avoir un impact réel. Chez TF1, par exemple, le 4-écrans peut apporter de 10 à 20 % d'audience supplémentaire, voire davantage (50 %) sur des émissions comme « Quotidien » (sur TMC) ou encore « La Villa des coeurs brisés » (NT1).
De même, M6 estime que de 5 à 20 % de la consommation de ses programmes se fait en délinéarisé (replay et autres écrans), avec pour les 15-24 ans une proportion proche de 20 %, qui peut même monter à 40 % pour des émissions comme « Les Ch'tis » ou « Les Princes de l'amour » sur W9. « Les chaînes axées sur les jeunes et les programmes les plus puissants sont ceux qui vont bénéficier le plus de cette nouvelle mesure. Il y a, en effet, une prime sur le digital pour les émissions les plus connues », souligne Guillaume Charles, directeur adjoint en charge du marketing et du digital de M6 Publicité.
Toutefois, il risque de s'écouler du temps avant que cette nouvelle mesure ne s'impose comme une référence. « On ne sait pas encore si le marché publicitaire va en faire son standard et si les chaînes vont chercher à la pousser, dans la mesure où elles vendent leurs écrans Web via d'autres formes de commercialisation, comme la publicité programmatique, et qu'ils se monétisent bien », observe Philippe Nouchi, expert médias chez Publicis Média. D'autant que les contacts ne seront pas forcément équivalents pour le marché pub selon les différents supports (mobile, ordinateur familial, etc.). Certaines chaînes sont plus réticentes que d'autres. « Elles font un mauvais calcul pour le média télé dans son ensemble », assène Alain Weill. Xavier Gandon est, lui, confiant : « La mesure avec le replay s'est imposée. On peut supposer qu'à horizon 2018-2019 tout le monde regardera l'audience 4-écrans. »