Les huit soirées de la chaîne Histoire sur la Guerre d’Algérie auront grugé et trompé les téléspectateurs ordinaires.
La volonté était claire : rembobiner le film de l’histoire, 54 ans après l’indépendance,
pour véhiculer une nouvelle fois le rejet de l’Algérie algérienne. Mais où sont donc
l’antique Algérie, les tribus, la vie d’avant et l’Algérie combattante ? Où sont les Algériens
qui se sont soulevés un certain 1er novembre 1954 ? De quelle classe sociale et intellectuelle
provenaient-ils ? Comment s’est peu à peu développée, au lendemain de la Première Guerre
mondiale, l’idée de nation algérienne ? Quelle organisation politique nationaliste est née,
puis s’est transformée au fil des décennies 1920, 1930, 1940 pour aboutir au déclenchement de
la Lutte de libération ? La colonisation et la spoliation ne sont-elles pas la source de la soif
de chasser l’occupant ? Rien de tout cela. Pourtant, le programmateur a été habile. Huit fois
trois heures de programme, cela fait 24 heures de télévision. Nous avons tout visionné,
avec au bout le sentiment qu’un seul faux héros est volontairement mis en avant, ou plutôt deux
les officiers de l’armée française, d’abord, qui se sont levés contre le gouvernement français coupable
de brader l’Algérie française, et ensuite l’OAS, son émanation directe. Et une seule victime
la communauté européenne avec ses harkis dont on feint de pleurer le sort.
Tout ce qui est dit dans les films, même ce qui va à leur encontre et les critique, comme la torture et
les bavures, les place comme des combattants dont le seul objectif était de conserver l’Algérie à la France.
Et les paras après leur dernier putsch chantent Non je ne regrette rien en rentrant dans leur casernement
de Zéralda, sur un bout de film d’actualité d’époque…Face à l’absence palpable d’une Algérie de chair et
de sang, préexistante à la colonisation, l’idée générale des documentaires et films proposés du samedi 9
au vendredi 15 avril apparaît peu à peu limpide dans ce détournement de la vérité historique. Ainsi,
l’épisode de la prétendue fraternisation de mai 1958, la séquence des barricades, la fusillade de
la rue d’Isly, les témoignages des harkis, les souvenirs émus des Français d’Algérie… la liste est longue.
De plus, la chaîne Histoire a donné la parole à l’OAS avec L’OAS raconte l’OAS (2011) dans lequel
les criminels se glorifient de leurs crimes et attentats, notamment en 1962 pour entraver le processus
de sortie de la guerre après le 19 mars 1962. De même pour l’armée et notamment dans le documentaire
Dans les pas de Bigeard où les paras sont quasiment déifiés.
Ces huit soirées (du jamais-vu en France) n’ont fait qu’éveiller des vieux démons.
Outre le peuple algérien, un autre intervenant historique majeur est descendu de son piédestal,
le général de Gaulle qui a amené à leur terme les négociations de paix, heurtant des Français d’Algérie
qui étaient là de toute éternité…Aucun documentaire ou film qui replace la lutte algérienne dans sa réalité émancipatrice
et il y en a — n’a été choisi dans ces huit soirées, hormis le beau De l’Algérie coloniale à
l’Algérie algérienne signé de Marie Colonna et Malek Bensmaïl (2011) et d’une certaine manière
le documentaire La guerre d’Algérie (1984) de l’Anglais Peter Batty, diffusé en cinq épisodes.
Et bien sûr La bataille d’Alger de Pontecorvo.
Qu’auront retenu les téléspectateurs de cette propagande ? Pour notre part, c’est d’abord un dégoût
progressif. Un dégoût redoublé par le fait qu’à part quelques modules, la majorité de la programmation
n’était pas inédite. C’est dire ce que l’opinion publique a gobé cette vision durant cinq décennies,
entretenant une désinformation continue, ce que la chaîne Histoire a regroupé en un best-off du pire.
Walid Mebarek