"Recettes pompettes" : le CSA peut-il vraiment sanctionner une vidéo YouTube ?
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Pour la première fois, le CSA met en garde pour un contenu un éditeur internet, considérant que l'émission est un "média audiovisuel à la demande".
"Chauffer des poêles, faîtes péter les casseroles, faire à manger... Boire de l'alcool". Ce qui gêne le Conseil supérieur de l'audiovisuel, c'est bien la dernière partie de la phrase du générique des "Recettes Pompettes" , et surtout sa mise en application durant la vingtaine de minutes que dure ces vidéos diffusées sur YouTube .
Importée du Québec, l'émission "Les Recettes Pompettes", est produite par la société de production "Studio Bagel" - détenue à 60 % par Canal + . Comme son nom l'indique, elle consiste à inviter des personnalités célèbres sur un plateau de télévision afin d'élaborer des recettes de cuisine tout en enchaînant des "shots". Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'émission est une "propagande en faveur de l'alcool" . L'organe met donc en garde "Studio Bagel", première étape vers de réelles sanctions comme une mise en demeure. Et cela, même si l'émission est diffusée exclusivement sur YouTube. Une première.
Services de médias audiovisuels à la demande
Le concept des "Recettes pompettes by Poulpe" fonctionne : plus de 450.000 abonnés sur YouTube et des vidéos pouvant être vues plus de 2 millions de fois. Alors, du côté de Studio Bagel on "conteste la décision". D'autant qu'en début de programme, la production avertit :"Cette émission comporte des sujets et situations pouvant ne pas convenir à un jeune public, la présence d'adulte responsable est conseillée". Surtout, Studio Bagel remet en cause la "qualification en SMAD, spécialement pour des contenus disponibles sur une plateforme internationale".
Mais, selon Maître Danielle Elkrief, avocate spécialisée en droit des médias, le fait que ces multichaines soient diffusées sur une plate-forme comme YouTube ne suffirait pas : "Les exclure du champ d'application de notre législation, dès lors que de jurisprudence constante, elles sont diffusées en français à destination d'un public français". Reste la qualification de SMAD représentant le régime des services de médias audiovisuels à la demande. Y être, c'est également devoir respecter une série de règles, notamment celle de protection du jeune public. Interrogé là-dessus, le CSA est clair : "C'est l'application de la loi, il y a un certain nombre de critères qui sont remplis qui nous permettent d'utiliser plusieurs articles incluant Studio Bagel dans ce régime".
Maître Danielle Elkrief confirme : l'affaire n'est pas très "choquante" en termes juridiques. "Sous réserve des aspects juridiques propres à Studio Bagel en l'occurrence, la décision du CSA, qui a sans nul doute pour mission de veiller à la protection de l'enfance en vertu de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 et ce faisant à appliquer les dispositions des articles L 33323-2 et suivants du Code de la Santé Publique, se cantonne en réalité à appliquer les critères de qualification d'un SMAD prévus par l'article 2 de cette même loi".
La loi du 30 septembre 1986
Quels sont ces critères qui visiblement font de Studio Bagel un service de vidéo au même titre que Netflix ? Le CSA explique avoir "beaucoup échangé" avec la société de production avant de rendre public cette mise en garde. "On a une société basée en France qui produit un programme audiovisuel qui pourrait être sur la télévision et qui en donne toute l'apparence. Nous sommes compétents sur les programmes audiovisuels quel que soit le support".
Importée du Québec, l'émission "Les Recettes Pompettes", est produite par la société de production "Studio Bagel". - Capture d\'écran YouTube
Pour la première fois, le CSA met en garde pour un contenu un éditeur internet, considérant que l'émission est un "média audiovisuel à la demande".
"Chauffer des poêles, faîtes péter les casseroles, faire à manger... Boire de l'alcool". Ce qui gêne le Conseil supérieur de l'audiovisuel, c'est bien la dernière partie de la phrase du générique des "Recettes Pompettes" , et surtout sa mise en application durant la vingtaine de minutes que dure ces vidéos diffusées sur YouTube .
Importée du Québec, l'émission "Les Recettes Pompettes", est produite par la société de production "Studio Bagel" - détenue à 60 % par Canal + . Comme son nom l'indique, elle consiste à inviter des personnalités célèbres sur un plateau de télévision afin d'élaborer des recettes de cuisine tout en enchaînant des "shots". Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'émission est une "propagande en faveur de l'alcool" . L'organe met donc en garde "Studio Bagel", première étape vers de réelles sanctions comme une mise en demeure. Et cela, même si l'émission est diffusée exclusivement sur YouTube. Une première.
Services de médias audiovisuels à la demande
Le concept des "Recettes pompettes by Poulpe" fonctionne : plus de 450.000 abonnés sur YouTube et des vidéos pouvant être vues plus de 2 millions de fois. Alors, du côté de Studio Bagel on "conteste la décision". D'autant qu'en début de programme, la production avertit :"Cette émission comporte des sujets et situations pouvant ne pas convenir à un jeune public, la présence d'adulte responsable est conseillée". Surtout, Studio Bagel remet en cause la "qualification en SMAD, spécialement pour des contenus disponibles sur une plateforme internationale".
Mais, selon Maître Danielle Elkrief, avocate spécialisée en droit des médias, le fait que ces multichaines soient diffusées sur une plate-forme comme YouTube ne suffirait pas : "Les exclure du champ d'application de notre législation, dès lors que de jurisprudence constante, elles sont diffusées en français à destination d'un public français". Reste la qualification de SMAD représentant le régime des services de médias audiovisuels à la demande. Y être, c'est également devoir respecter une série de règles, notamment celle de protection du jeune public. Interrogé là-dessus, le CSA est clair : "C'est l'application de la loi, il y a un certain nombre de critères qui sont remplis qui nous permettent d'utiliser plusieurs articles incluant Studio Bagel dans ce régime".
Maître Danielle Elkrief confirme : l'affaire n'est pas très "choquante" en termes juridiques. "Sous réserve des aspects juridiques propres à Studio Bagel en l'occurrence, la décision du CSA, qui a sans nul doute pour mission de veiller à la protection de l'enfance en vertu de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 et ce faisant à appliquer les dispositions des articles L 33323-2 et suivants du Code de la Santé Publique, se cantonne en réalité à appliquer les critères de qualification d'un SMAD prévus par l'article 2 de cette même loi".
La loi du 30 septembre 1986
Quels sont ces critères qui visiblement font de Studio Bagel un service de vidéo au même titre que Netflix ? Le CSA explique avoir "beaucoup échangé" avec la société de production avant de rendre public cette mise en garde. "On a une société basée en France qui produit un programme audiovisuel qui pourrait être sur la télévision et qui en donne toute l'apparence. Nous sommes compétents sur les programmes audiovisuels quel que soit le support".
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Surtout, le conseil invoque aussi ce fameux article 2. Selon les dispositions de celui-ci, "seuls les hébergeurs, les services de communication électroniques dont les contenus audiovisuels sont secondaires, ou encore issus d'utilisateurs privés à des fins de partage, ou enfin qui ne sont pas maîtres de leur programmation pourraient ne pas être qualifiés de SMAD", explique Maître Elkrief.
Est alors considéré comme Service de médias audiovisuels à la demande, "tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande". Ce qui semble le cas pour "Les recettes pompettes". Les services à partir d'un "catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de service" sont également placés sous le régime. Ensuite, un décret daté de 2010 indique que la loi s'applique aux services de télévision et aux services de médias audiovisuels à la demande dont l'éditeur est établi en France, à l'instar de Studio Bagel.
Risque pour les YouTubeurs ?
Des vidéos YouTube soumis aux règles du CSA ? L'affaire surprend tant Internet entretient le culte de la liberté d'expression totale. Surtout, les obligations françaises concernant ces services de médias sont strictes. Ses contraintes pourraient d'ailleurs engendrer des conséquences économiques : "L'aval d'une telle décision ne peut exclure de son champ d'analyse le fait que la chaîne de création et de production française demeure confrontée à une concurrence drastique de la part d'opérateurs étrangers libérés de toutes contraintes juridiques et économiques. Ces derniers n'étant pas ainsi par exemple confrontés aux obligations de financement de la production française et européenne...", dit Maître Elkrief.
Les recettes pompettes existent en effet au Canada et on peut facilement trouver sur la plate-forme de Google d'autres chaînes basées sur l'alcool comme "My Harto" proposant une série intitulée "My drunk kitchen" . Même en France, on trouve plusieurs parodies de l'émission.
Outre les considérations concurrentielles, ces contrôles pourraient s'étendre aux "Influenceurs/Youtubeurs", si des flux commerciaux étaient identifiés . Une mise en garde qui pourrait faire jurisprudence également pour les chaînes vidéos de médias.Du "cas par cas", dit le conseil.
Puis, en période d'élection présidentielle, pourquoi ne pas imaginer les chaînes vidéos YouTube soumises aux temps de parole des politiques ? Pour l'instant, les règles de pluralisme ne "concernent que l'hertzien" dit le CSA.
Dans tous les cas, cette décision de s'emparer d'une régulation des diffusions de contenus audiovisuels n'est pas récente, "elle s'est manifestée par des prises de position renouvelées depuis plusieurs années, et s'inscrit de plus dans le programme prévu par l'Erga qui réunit les dirigeants des autorités de régulation de l'audiovisuel des Etats membre de l'union européenne", dit Maître Elkrief.
Du côté de Google, on ne fait pas de commentaires sur l'affaire. Le géant américain préfère renvoyer vers les règles de sa communauté YouTube et précise que les contenus considérés comme "inappropriés", peuvent être signalés et que des équipes examinent "les vidéos 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour déterminer si elles enfreignent ou non le règlement de la communauté. Manière de dire que même s'il se conforme à la loi, Google a déjà son CSA. Lui-même.
Dans une étude publiée en 2016, le CSA rappelait que cette charte sur les signalements n'avait pas de valeur contraignante et estimait que les dispositifs de signalement mis en place " ne suffisent pas toujours à satisfaire les objectifs de protection des consommateurs". Selon cette même étude, YouTube dans sa globalité touche plus de personnes âgées de 18 à 34 ans et de 18 à 49 ans que n'importe quelle chaîne de télévision aux Etats-Unis".