En demandant un extrait de naissance, le citoyen se trouve obligé de recourir à la justice pour corriger des erreurs commises par les agents de l’état civil…C’est avec un sentiment de nostalgie que les gens évoquent l’écriture des actes administratifs du passé. Rédigés à la main à l’encre de Chine, la transcription était claire, précise et artistique. De nos jours, les affiliations sont gribouillées sur le livret de famille. «Hacène, l’Hacène et El Hacane, l’Hacane…», sont autant de prénoms d’une même personne dans divers extraits de naissance délivrés par la même commune. Les raisons sont diverses et les conséquences parfois dramatiques. Le manque d’effectif et la politique du tout emploi anarchique a amené les mairies à faire appel à des jeunes recrutés dans le cadre du pré-emploi. Ces jeunes formés en arabe maîtrisent approximativement la langue latine et sa transcription. Parce que les documents officiels sont en arabe, mais avec l’obligation de reporter la dénomination en langue française, les noms et prénoms subissent des transformations.
Par le passé, il existait un officier d’état civil, une personne souveraine, seule habilitée à reporter les informations sur le livret de famille. Ces personnels, des artistes calligraphes, faisaient un travail perfectionné. Aujourd’hui les préposés sont des jeunes qui, en cas d’erreur ne risquent rien sinon leur révocation de cet emploi précaire et provisoire. La conséquence de cette situation est subie par le citoyen. Quand cette personne demande un extrait de naissance et à cause de ces erreurs, involontaires certes, elle est invitée à déposer une demande de correction du nom, du prénom…auprès de la justice. Dans certains cas, la procédure concerne le père, le grand-père, la mère, les aïeuls… le problème est encore plus compliqué quand il s’agit d’un dossier en relation avec l’héritage.
L’administration qui veut se moderniser en faisant appel à l’outil informatique ne peut et ne pourra jamais se passer des officiers de l’état civil. La raison est banale et toute simple. Les agents de saisie de l’outil informatique comme leurs homologues des guichets ne maîtrisent pas les noms et prénom d’un nouveau-né qui sont portés sur les registres dans les deux langues: l’arabe et le français de la commune avec encore moins les techniques de la traduction. Quand il y a une erreur, elle le suivra toute sa vie. La solution à ce problème qui rend la vie dure passe par le retour à la formation de personnels spécialisés à pareille mission: l’écriture.
Le fonctionnaire chargé d’établir ces documents doit être pourvu d’une souveraineté et être un fonctionnaire permanent, responsable devant la loi eu égard aux conséquences parfois graves que peut engendrer une faute dans la transcription d’un nom. Avant la généralisation du document biométrique, il est peut-être temps d’assainir la situation. Pour l’anecdote, un collègue qui a demandé un passeport s’est retrouvé avec la mention: journalier au lieu de journaliste. La nuance est de taille.

Le comble dans l’histoire c’est d’entendre un responsable lui dire que ce n’est pas grave puisque la fonction n’apparaît pas sur le document biométrique. Notre collègue a alors demandé qu’on mentionne «ministre» en lieu et place du journaliste devenu journalier.
L’histoire fait rire certes, mais elle montre la légèreté qui prévaut dans nos administrations. En demandant un extrait de naissance, le citoyen se trouve obligé de recourir à la justice pour corriger des erreurs commises par les agents des états civils…La maîtrise du dossier est une affaire publique qui engage l’ensemble des autorités du pays. Faut-il encore une fois faire appel à des boîtes étrangères pour bien identifier ses citoyens et leur éviter les courses du combattant à chaque nécessité d’un document administratif? La question reste posée.