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Affaire Sonatrach 2 et Chakib Khelil
A la une/Actualité_Affaire Sonatrach 2 et Chakib Khelil
le 29.03.16 | 10h00 Le silence inquiétant de la justice
Deux semaines après le retour de Chakib Khelil au pays, la justice algérienne
se mure dans un silence inquiétant sur l’affaire Sonatrach 2, pour laquelle l’ex-ministre
a été inculpé et fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
Pièce jointe 22608
Depuis le retour en Algérie de Chakib Khelil, ancien ministre de l’Energie et des Mines,
des voix «autorisées» et bien médiatisées le présentent à l’opinion publique comme une
«victime» et lui suggèrent même de poursuivre en justice ceux qui l’ont «embarqué»
dans le scandale connu sous la dénomination Sonatrach 2.
Si l’on suit cette logique, il faudrait que Chakib Khelil engage une procédure judiciaire
contre le tribunal pénal fédéral suisse qui a ouvert la boîte de Pandore, en dévoilant
les mouvements des cinq comptes qu’il détient ainsi que ceux de son épouse et ses
deux enfants, domiciliés dans des banques helvétiques.
Il faut reconnaître que l’affaire Sonatrach 2 n’aurait jamais éclaté au grand jour si
les juges suisses n’avaient pas été sollicités par leurs homologues algériens
et italiens vers la fin 2012.Les dernières transmissions de documents de preuves ont été
effectuées en décembre 2015, soit trois mois seulement avant le retour en grande pompe
de Chakib Khelil.Durant trois longues années, le tribunal fédéral a été confronté à
de nombreuses batailles judiciaires menées, en vain, par les mis en cause concernés par
la levée du secret bancaire.Aussi bien le recours introduit par les avocats de Chawki Rahal
(ancien vice-président de Sonatrach chargé de la commercialisation) soupçonné d’avoir
dissimulé des fonds (8 millions de dollars) d’origine criminelle par un réseau de comptes
et de sociétés domiciliés en Suisse, que la défense de Chakib Khelil, détenteur lui aussi de
cinq comptes (dont un avec son épouse et deux aux noms de ses enfants), n’ont freiné
la volonté des magistrats suisses d’aider leurs collègues italiens et algériens à démêler
l’écheveau des transactions financières au centre desquelles se trouve Farid Bedjaoui,
l’ex-conseiller financier de Chakib Khelil.Poursuivi en Italie et en Algérie, Farid Bedjaoui
est soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire entre les responsables de Saipem
(filiale du groupe pétrolier italien ENI) et les responsables algériens, dont l’ex-ministre,
pour obtenir des contrats auprès de Sonatrach durant la période comprise entre 2006 et 2011,
en contrepartie de pots-de-vin estimés à près de 200 millions d’euros.
En juin 2015, le tribunal pénal fédéral avait débouté définitivement Chakib Khelil qui récusait
la décision de terminer la transmission au juge du pôle judiciaire spécialisé d’Alger des
relevés bancaires de ses comptes et de ceux de son épouse et de ses enfants, alimentés par
des virements effectués par des sociétés appartenant à Farid Bedjaoui.
Des faits sur la base desquels des mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés pas uniquement
aux membres de la famille Khelil, mais également contre Omar Habour (un puissant homme
d’affaires associé avec l’ex-ministre), Réda Hemch (son homme de confiance et ancien chef
de cabinet de l’ex-PDG de Sonatrach), son épouse, Mohamed Bayou (ancien vice-président
et directeur exécutif de Sonatrach) et contre son fils.
200 millions d’euros virés par Sonatrach à Farid Bedjaoui
Les 9 personnes ont été inculpées à la suite des informations contenues dans les réponses du
tribunal suisse, auquel une commission rogatoire a été délivrée par le parquet d’Alger.
Dans sa réponse au recours de l’ex-ministre de l’Energie, le juge du tribunal pénal fédéral de
Genève avait clairement expliqué sa décision par sa volonté d’aider ses homologues algériens
à trouver «la destination de quelque 200 millions d’euros versés par Sonatrach à la société de
consulting» de Farid Bedjaoui «alors que ces versements ne correspondent à aucune activité».
Dans l’arrêt du tribunal, il est précisé que les autorités algériennes «ont identifié des versements
sur le compte de l’épouse de Chakib Khelil».Raison pour laquelle elles ont demandé
«un certain nombre de mesures» en relation avec la société de Farid Bedjaoui, se basant sur
le fait que Saipem, filiale d’ENI, «aurait transféré durant la période du 4 juin 2007 au 11 février 2011
des sommes faramineuses atteignant plusieurs millions de dollars sur des comptes de la société
de Farid Bedjaoui.Certains de ces comptes auraient été ouverts auprès d’une banque à Zurich.
Les montants litigieux auraient été versés par Saipem à titre de corruption des responsables algériens
du secteur de l’énergie et des hydrocarbures. Il ressort finalement de la requête que le rôle
d’intermédiaire joué par Farid Bedjaoui dans le schéma corruptif que sous-entend l’enquête algérienne
aurait été imposé à Sonatrach par Chakib Khelil».Après avoir demandé, le 15 mai 2013, l’audition
de Farid Bedjaoui, la justice algérienne a réclamé, en octobre de la même année, les documents bancaires
des comptes de l’épouse de Chakib Khelil et de ses deux enfants, résidant aux Etats-Unis.
Le 28 janvier 2014, un avocat suisse est constitué pour la défense des intérêts de Chakib Khelil et,
d’emblée, s’oppose à la transmission des documents bancaires à l’Algérie. Il met en avant plusieurs griefs
à la réglementation bancaire et présente le dossier comme «une affaire politique» en affirmant que
Chakib Khelil «fait l’objet d’une procédure judiciaire en raison de ses opinions et de
son appartenance politiques».Pour l’avocat, la remise des relevés bancaires à l’Algérie «constitue une grave
menace pour ses droits». Un argumentaire rejeté catégoriquement par le tribunal fédéral, qui met en avant
sa volonté «d’assister les autorités étrangères dans la recherche de la vérité en exécutant toute mesure
présentant un rapport suffisant avec l’enquête pénale à l’étranger.Lorsque la demande vise, comme dans
ce cas précis, à éclaircir le cheminement de fonds ayant potentiellement servi à des actes de corruption,
il convient d’informer l’Etat requérant de toute transaction opérée au nom des sociétés et par le biais
des comptes impliqués dans l’affaire.L’utilité de la documentation bancaire découle du fait que l’autorité
requérante peut vouloir vérifier que les agissements qu’elle connaît déjà n’ont pas été précédés ou suivis
d’autres actes du même genre.Cela justifie la production de l’ensemble de la documentation bancaire sur
une période relativement étendue». Dans ce cas, ajoute le tribunal, «les autorités algériennes enquêtent sur
d’éventuelles malversations de fonctionnaires et élus algériens dans le cadre de l’adjudication et de
la conclusion d’importants contrats de marchés publics dans le domaine de l’énergie. Dans ce contexte,
la justice a demandé la documentation déjà en main des autorités suisses, des relations bancaires
du recourant y relatives correspondant à la période durant laquelle ces malversations auraient eu lieu».
«Le rôle de Khelil dans le montage corruptif semble prépondérant»Dans ces conditions, précise l’arrêt
du tribunal, «force est de reconnaître qu’il existe un rapport objectif, un ‘lien de connexité’ suffisant
entre les informations que l’autorité d’exécution entend transmettre à l’Algérie et l’enquête qui y est
diligentée. Cela d’autant plus que, contrairement aux allégations du recourant (Chakib Khelil), son nom
figure expressément dans l’exposé des faits des requêtes algériennes et son rôle dans le montage corruptif
semble avoir été prépondérant.L’autorité requérante a intérêt à pouvoir prendre connaissance de
la documentation requise afin d’être informée de toute transaction susceptible de s’inscrire dans
le mécanisme mis en place par les prévenus sous enquête dans le pays requérant».
Contrairement aux voix «autorisées» et «médiatisées» d’Alger, autoproclamées avocates de Chakib Khelil,
le tribunal fédéral de Genève a rejeté «totalement l’idée de tout cachet politique que pourrait avoir l’affaire»
et rappelle que «n’est considéré comme délit politique absolu que les mesures visant au renversement de
l’Etat telles que la sédition, le coup d’Etat et la haute trahison». La réponse du juge fédéral est révélatrice
«Dans le cas de figure, la nature politique des circonstances, des mobiles et des buts qui ont déterminé
l’auteur à agir doit apparaître de manière déterminante aux yeux du juge de l’entraide.
Le délit politique relatif, inspiré par la passion politique, doit toujours avoir été commis dans le cadre
d’une lutte pour ou contre le pouvoir et se situer en rapport de connexité étroit et direct, clair et net,
avec l’objet de cette lutte (…) en l’espèce, bien que le recourant ait été ministre, il n’a pas commis
les infractions reprochées dans la lutte pour ou contre le pouvoir.Au contraire, lui-même représentait
le pouvoir. Les pots-de-vin qu’il aurait reçus dans le cadre de l’attribution de marchés publics à
diverses sociétés étrangères ne sont pas plus un acte politique en Algérie qu’il ne l’est en Suisse.
Ainsi, le seul fait qu’il a été ministre auprès du président algérien pendant 11 ans ne justifie pas
une quelconque réserve à l’octroi de l’entraide demandée pour la poursuite d’une infraction de
droit pénal commun. Le grief étant mal fondé, il doit être rejeté».Le pourvoi de Chakib Khelil a été
introduit alors que la décision a été prise au plus haut niveau de l’Etat de lui effacer l’ardoise,
en commençant par l’annulation de la procédure du mandat d’arrêt international dans la discrétion
la plus totale, en décembre 2013, alors que le dossier Sonatrach 2 avait déjà franchi des pas
importants en Suisse, en Italie et en Algérie, où de nombreuses personnes avaient été placées
sous contrôle judiciaire.Pourtant, dès 2014, alors que les juges suisses avaient atteint leur vitesse
de croisière en gelant les avoirs de nombreux comptes en lien avec Sonatrach 2, à Alger,
le pôle judiciaire spécialisé a freiné son élan. Des rencontres entre délégations algérienne et italienne
ont lieu à Genève en présence des magistrats suisses, autour de la transmission des pièces à conviction.
Aussi bien à Milan qu’à Alger, les révélations deviennent de plus en plus rares.
A ce niveau de corruption, il est certain que les responsabilités et les complicités ne s’arrêtent pas
aux cadres dirigeants des compagnies pétrolières dont on connaît les liens avec les dirigeants politiques
des deux pays. Peut-on croire à un éventuel deal entre Rome et Alger pour arrêter les frais de ce scandale
qui risque de laminer la classe politique dirigeante des deux côtés ? Nous le saurons le 4 avril prochain,
lorsque le tribunal milanais donnera sa réponse à Farid Bedjaoui, qu’il poursuit pour «corruption».
Ce dernier, faut-il le préciser, avait exigé la convocation de Chakib Khelil pour être entendu dans le cadre
de cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre et fait tomber de nombreux cadres de Saipem
et du groupe Eni.En attendant, les voix qui réclament des procès contre le juge d’instruction du pôle pénal
et du procureur général d’Alger pour avoir poursuivi Khelil, devraient commencer par exiger des plaintes
contre les magistrats du tribunal fédéral suisse qui sont à l’origine de l’affaire Sonatrach 2 et du mandat
d’arrêt lancé contre Chakib Khelil et les membres de sa famille.
En tout état de cause, il faut reconnaître malheureusement que le retour de Chakib Khelil, avec les honneurs,
donne une piètre image de la justice algérienne, foulée aux pieds par les plus hauts responsables du pays.
Une tache noire qu’il sera difficile d’effacer de sitôt…
Salima Tlemçan
L’affaire FCP rattrape Chakib Khelil
L’affaire FCP rattrape Chakib Khelil
http://www.maghreb-sat.com/forum/att...-shourkoum.jpg
Procès Saipem à Milan
le 22.06.16 | 10h00
Sept ans après son introduction en Algérie par Chakib Khelil, FCP,
société canadienne qui offre des services de gestion de titres, est
passée du statut de simple start-up, à celui de «société pétrolière»
engagée en joint-venture avec Sonatrach dans un des plus importants
projets de développement de gisement gazier dans la région.
Bénéficiaires d’un non-lieu à poursuivre prononcé en octobre dernier par
un tribunal de Milan ENI, le groupe parapétrolier italien, son ex-patron
Paolo Scaroni (ainsi que Antonio Vella et Alexandro Bernini, respectivement
responsable de la division Afrique du Nord et directeur financier du groupe),
répondront à partir de ce 28 juin des accusations de «corruption internationale»
et de «fraude fiscale» dans le cadre de l’affaire Saipem.
Fixées au 28 juin et au 1er juillet, les deux prochaines audiences revêtent,
selon La Repubblica, le quotidien italien de centre gauche, un caractère décisif.
Le juge devra soit entériner la demande des procureurs Fabio De Pasquale
et Isidoro Palma de juger la conduite du géant italien et de ses anciens dirigeants
en Algérie, ou réitérer le non-lieu qui a été, pour rappel, annulé le 24 février
dernier par la Cour suprême italienne.A 70 ans, Paolo Scaroni, ex-PDG
d’Ente nazionale idrocarburi (ENI), est directement mis en cause dans le paiement
de 198 millions d’euros de commissions à des dirigeants algériens, dont l’ancien
ministre de l’Energie, Chakib Khelil, pour l’obtention de sept gros contrats d’un
montant avoisinant les 8 milliards d’euros. C’est dans le contrat FCP du nom de
la société fiduciaire canadienne First Calgary Petrolum acquise par ENI que
l’implication de Paolo Scaroni et de Chakib Khelil apparaît sous ses jours évidents.
Dans le maquis de contrats frauduleux, les magistrats italiens avaient en effet mis
au jour l’arnaque FCP et ses 41 millions d’euros de pots-de-vin versés au duo
Khelil-Bedjaoui. Le 8 septembre 2008, ENI Holding Canada, filiale du groupe italien, annonce avoir acheté pour 609 millions d’euros (933 millions de dollars) 75%
des «actifs» de FCP en Algérie. Il s’agit d’un seul actif en réalité : le bloc 405b
du gisement Menzel Ledjmet-Est (MLE), détenu en association (75% du capital social détenu par FCP) avec Sonatrach.MLE bloc 405b est partie intégrante de ce gisement d’huile et de gaz humide découvert par Sonatrach en 1993 dans le bassin de Berkine,
à 220 km au sud-est de Hassi Messaoud et qui fait figure d’une des plus importantes découvertes jamais réalisées depuis les nationalisations, en 1971.
Menzel Ledjmet-Est et ses périmètres d’extension, ce sont 18 puits de gaz humide
et/ou de mélange huile et gaz (potentiel évalué à 1,3 trillion de pieds cubes, soit 400 millions de barils équivalent pétrole) qui furent «liquidés» pour 41 millions d’euros de bakchichs.Sept ans après son introduction en Algérie par Chakib Khelil, FCP,
dont le capital social était détenu à 80% par CDS & Co, société canadienne qui
offre des services de gestion de titres, est passé du statut de simple start-up,
à une «société pétrolière» engagée en joint-venture avec Sonatrach dans un des plus importants projets de développement de gisement gazier dans la région.
Les aveux et déclarations des principaux managers de ENI-Saipem dont Pietro Varone
et Tullio Orsi (dans l’ordre : directeur des opération Saipem, et country manager de
Saipem Algérie) mettent en évidence l’implication directe du trio Khelil-Scaroni-Bedjaoui dans le scandale FCP.Pietro Varone, dans sa déclaration spontanée aux juges de
Milan, affirme que les 41 millions d’euros de commissions avait été payés à
Pearl Partners (la société écran de Farid Bedjaoui) pour obtenir «le OK des autorités algériennes dans l’acquisition de FCP par ENI ainsi que pour baliser les conditions économiques de l’exploitation du gisement MLE». «Les contacts avec Khelil, déclare-t-il, avaient été engagés au plus haut niveau d’ENI, directement avec Paolo Scaroni.
Les trois personnages-clés (Khelil, Scaroni et Bedjaoui) s’étaient plusieurs fois rencontrés à Paris, Vienne et Milan.» Personnage central s’il en est, Paolo Scaroni, qui s’est
toujours défendu d’une quelconque implication dans le scandale — affirmant ne «rien savoir des prétendus pots-de-vin versés à l’Algérie» — fait incontestablement partie,
avec Farid Bedjaoui, des rares personnes à pouvoir confondre l’ancien ministre algérien
du Pétrole dans ses forfaitures d’anthologie.Le rôle de Scaroni dont la société
The Paolo Scaroni Trust est sous le coup d’une autre enquête pour avoir servi au transfert des 198 millions d’euros de pots-de-vin — est également confondu par les écoutes téléphoniques réalisées par les juges italiens. Dans l’une d’elles, en 2013,
Paolo Scaroni avouait presque son «crime». «Je suis également d’accord qu’ils sont
en quelque sorte des pots-de-vin donnés à des responsables politiques algériens», reconnaissait Scaroni lors d’un échange téléphonique avec Corrado Passera,
ancien ministre du Développement économique.
Mohand Aziri
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Les liens Scaroni-Khelil au cœur du procès
Les liens Scaroni-Khelil au cœur du procès
l’Affaire Sonatrach-Saipem sera rejugée en Italie
le 28.07.16|10h00
La nouvelle juge pour les audiences préliminaires, Manuela Scudieri, a accueilli le recours
des procureurs milanais Fabio De Pasquale et Isidoro Palma et a rendu publique,
Pièce jointe 25357
hier, sa décision de renvoyer en procès l’ancien n°1 du géant italien des
hydrocarbures, l’ancien responsable pour l’Afrique du Nord du groupe,
Antonio Vella et les deux sociétés (Eni et Saipem) en vertu de la loi 231
qui établit la responsabilité pénale des personnes juridiques dans les affaires
de corruption. Le groupe, sa filiale Saipem et ses dirigeants sont accusés d’avoir
versé le montant mirobolant de 198 millions d’euros à des responsables algériens
afin de décrocher sept contrats d’exploitation de gisements de gaz en Algérie un
marché de 8 milliards d’euros entre 2007 et 2010. Le procès pour juger sept accusés,
dont le neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui,
et deux autres Algériens, Samir Ourayed et Omar Harbour, considérés comme les
bras droits de Noureddine Farid Bedjaoui, se déroule actuellement devant la quatrième section pénale du tribunal de Milan et se trouve encore à la phase des débats.
Deux procédures pénales parallèles
Ce coup de théâtre crée donc une situation insolite car il y aura deux procédures
pénales parallèles pour la même affaire avec presque les mêmes accusés Scaroni
qui était témoin dans le premier et devient accusé dans le second. L’ancien patron
d’Eni et le groupe pétrolier seront jugés pour «corruption internationale» par cette
même quatrième section pénale. La première audience a été fixée au 5 décembre prochain. Les avocats des accusés auront le temps de préparer leurs dossiers
pour tenter de tirer d’affaire leurs clients. De son côté, Eni ne va pas lésiner sur les
moyens pour éviter une condamnation qui pourrait lui coûter cher. Quant à Sonatrach,
elle est en droit de se constituer partie civile, à condition que ses avocats préparent
mieux cette démarche pour éviter d’être déboutés comme ce fut le cas dans le procès
en cours, bien qu’ils puissent encore étoffer leur dossier et repartir à la charge.
La position des responsables algériens cités lors des enquêtes préliminaires surtout l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil pourrait changer radicalement si Scaroni
venait à adopter une nouvelle stratégie de défense.
Chakib Khelil sous le masque d’«il vecchio» ?
Rappelons que les juges ont, dans leur fascicule, le contenu de conversations téléphoniques entre l’ancien patron d’Eni et celui qui était à l’époque ministre du Développement économique, Corrado Passera, lors desquelles Scaroni reconnaissait
que l’argent versé aux Algériens était «des pots-de-vin». Si lui était au courant, est-il possible que Chakib Khelil n’en ait rien su ? Et s’il est établi que Scaroni a ordonné
cette opération de corruption, son vis-à-vis algérien ne peut être l’intermédiaire appelé
par les Italiens «il giovane» (le jeune), c’est-à-dire Noureddine Farid Bedjaoui…
mais plus probablement «il vecchio» (le vieux), adjectif utilisé par les dirigeants de
Saipem pour indiquer Khelil. Et puis, il y a toutes ces révélations que la gorge profonde
des enquêteurs, le seul responsable de Saipem qui a fait de la prison dans cette affaire
et a accepté de collaborer avec les juges, Tullio Orso, ancien président de Saipem Contracting Algeria entre 2005 et 2010. Ce dernier avait raconté le déroulement de plusieurs rencontres entre Khelil et Scaroni à l’extérieur du siège d’Eni, dans des hôtels
de luxe à Milan, Paris, Vienne… Orsi a même conclu avec le parquet de Milan une peine négociée la condamnation à 2 ans et 10 mois de prison et la confiscation de 1,3 million
de francs suisses. La juge Clemente n’a pas encore validé ce deal, qui sera désormais
un obstacle pour la défense. Car même s’il n’est pas l’équivalent d’une reconnaissance
de culpabilité, il jette le discrédit sur l’innocence présumée des autres responsables
de Saipem et d’Eni.
Nacéra Benali