Code du travail Les craintes
Code du travail Les craintes
le 30.09.16 | 10h00
L’avant projet du code du travail constituait une remise en cause des droits et acquis sociaux
et syndicaux. D’ailleurs, l’une des revendications de l’intersyndicale qui entrera en grève nationale les
17 et 18 octobre : être associée aux discussions sur ce nouveau code. El Watan Week-end a tenté, avec
l’expert Noureddine Bouderba, de décortiquer certains chapitres.
Un code du travail qui fait peur
Recrutement
Un CDD ne peut pas faire l’objet de plus de trois renouvellements successifs (article 26).
Cette disposition permet la conclusion de quatre contrats successifs sans que la durée
maximale cumulée soit limitée. Cette dernière est de 24 mois au Maroc, de 18 mois en France,
de 12 à 36 mois en Espagne, d’une année en Corée du Sud… Par ailleurs, la notion de
renouvellements successifs n’est pas précisée ; or la pratique a montré que deux CDD qui se
suivent, séparés de quelques jours, ne sont pas considérés comme successifs.Il faut souligner
que le recours aux CDD a été élargi à de nouvelles activités de nature permanente, au moment
où les voies judiciaires pour une demande de requalification d’un CDD en CDI sont jalonnées
d’obstacles infranchissables. A côté du CDD seront institués le travail intérimaire et le travail
de sous-traitance qui sont les formes les plus précaires sans que des dispositions de protection
particulières soient prévues.
Licenciement
La législation actuelle n’autorise que deux types de licenciement : le licenciement pour raison
disciplinaire ou la compression d’effectif pour raison économique. L’actuel avant-projet
introduit plusieurs autres motifs, tels que la rupture anticipée du CDD, le licenciement d’un
CDI pour incapacité totale de travail, la fermeture de l’entreprise, la rupture conventionnelle.
Par ailleurs, le pouvoir de l’employeur en matière de licenciement disciplinaire a été
considérablement renforcé au moment où la sanction des employeurs pour licenciements
irréguliers a été assouplie. Enfin, les indemnités de licenciement et les réparations en cas de
licenciement abusif prévues dans l’avant-projet sont inférieures à celles en vigueur dans les pays
de la région.Un travailleur ayant fait l’objet d’une condamnation définitive privative de liberté
pour un délit non commis à l’occasion du travail est licencié : à titre d’exemple une condamnation pour non-paiement de pension alimentaire ou pour omission d’effectuer le contrôle technique de sa voiture…
(art 91 alinéa 3). Même dans le cas où le juge décide qu’un licenciement est abusif, le travailleur ne
pourra prétendre à la réintégration si l’employeur s’y oppose, en contrepartie d’une compensation
financière fixée à un niveau qui est loin d’égaler ce qui se pratique dans les pays de la région
(plafonnée en fonction de l’ancienneté à 24 mois de salaire en Algérie pour 36 mois de salaire au
Maroc et en Tunisie).En cas de licenciement abusif (irrégulier) d’un travailleur qui a commis une faute
grave, le plancher de 6 mois de salaire mensuel a été supprimé et l’indemnité sera fixée par le juge
(article 102). L’indemnité de licenciement pour compression d’effectif est maintenue à 3 mois de salaire
quelle que soit l’ancienneté du travailleur, soit à un niveau très bas par rapport à ce qui se pratique dans
les pays de la région.
Horaires de travail
En matière de diminution ou d’augmentation de la durée hebdomadaire du travail pour certains postes présentant une pénibilité ou des périodes d’inactivité, l’avant-projet réserve à l’employeur le pouvoir de
fixer unilatéralement la liste des postes concernés et de préciser pour chacun d’entre eux, le niveau de réduction ou d’augmentation de la durée du travail effectif et la négociation collective ne déterminera
que la liste des travaux concernés (article 39).Alors que selon la législation en vigueur toutes ces mesures
sont tributaires d’accords collectifs. L’aménagement et de la répartition des horaires de travail à l’intérieur
de la semaine sont déterminés dans le cadre de l’organisation du travail de l’organisme employeur
(art. 38), autrement dit unilatéralement par l’employeur alors que selon la législation actuelle, ils relèvent
de la négociation collective (loi 90-11 art. 22).
Justice du travail
Les jugements de réintégration, même ayant acquis la force de la chose jugée (après appel) ne pourront
plus donner lieu à un jugement sous astreinte journalière pour obliger l’employeur à les appliquer
(art. 306). Autrement dit, l’employeur peut s’opposer à la réintégration du travailleur moyennant le
paiement d’une indemnisation.Par ailleurs, tous les jugements des sections sociales rendus en premier
ressort, sur toutes les matières, sont susceptibles d’appel alors que selon la législation actuelle, les
jugements en matière de réintégration, d’annulation des sanctions, de délivrance de certificats de travail
ou de bulletins de paie ou ordonnant l’application d’un accord de conciliation sont rendus en premier et dernier ressorts par le tribunal de première instance.
Restrictions aux libertés syndicales
Un syndicat des travailleurs à vocation nationale, pour être constitué, doit regrouper au moins 25
membres fondateurs résidant dans un tiers du nombre de wilayas du pays (art. 509). Cet obstacle vient s’ajouter aux limites aux droits des travailleurs, de constituer, sans distinction de nationalité et sans autorisation préalable, des organisations syndicales de leur choix et de s’y affilier. Ainsi, l’exigence du récépissé d’enregistrement, sans lequel aucun syndicat ne peut activer, est maintenue (art. 510) avec en
sus un allongement du délai accordé à l’autorité publique pour le délivrer, qui est porté de 30 à 60 jours.
Droit de grève
Pour qu’elle soit jugée légale, la grève doit être approuvée par un vote à bulletins secrets à la majorité
des travailleurs réunis en assemblée générale, constituée d’au moins de la moitié des travailleurs
composant le collectif concerné. Le calcul du quorum sur la base de la totalité du collectif concerné et non
pas sur le nombre des membres de l’organisation syndicale est un autre obstacle majeur devant les
travailleurs. Comment expliquer qu’un syndicat est jugé représentatif au sein de l’organisme employeur
dès lors qu’il regroupe 20% de l’effectif total des travailleurs salariés couverts par ses statuts (art. 536)
mais doit, pour exercer son droit de grève, réunir plus de 50% non pas de ses adhérents, mais de la totalité
des travailleurs du collectif ?
Bon à retenir
Pour les promoteurs de l’avant-projet du code du travail, les rigidités du marché du travail
ne permettent pas le développement de l’entreprise privée et, par conséquent, la croissance
économique et l’augmentation de l’emploi. ,Un rapport du FMI datant de 2007
(Rapport FMI 07/61) affirmait que l’indicateur de rigidités du marché du travail, utilisé par
la Banque mondiale à des fins de comparaisons internationales, est plus faible en Algérie par
rapport au Maroc, à la Tunisie et à l’Egypte. Un rapport de la Banque mondiale datant de 2006
reconnaît que la rigidité de l’emploi est moindre en Algérie par rapport à la Tunisie, au Maroc
ou en Egypte et souligne même la «modestie» des indemnités de licenciement
(individuel ou collectif) en Algérie comparativement au Maroc ou à la Tunisie. La Banque
mondiale a affirmé en 2006 que les résultats d’une enquête réalisée auprès des entreprises, pour
évaluer le climat de l’investissement en Algérie, montrent que 55% des entreprises étudiées
invoquent des contraintes de recrutement. Plus de quatre entreprises sur cinq se plaignent du
manque de main-d’œuvre qualifiée (80,8%) ou de formation inadéquate (80%), mais seulement une
entreprise sur cinq (22,8 %) se plaignait de la rigidité de la règlementation du travail. En 2014, nous
avons lu dans un rapport du FMI (FMI cr14/342) qu’une enquête sur les contraintes au climat des
affaires en Algérie fait ressortir que les contraintes en matière de réglementation de travail et les
coûts de licenciement sont les derniers à être invoqués par les chefs d’entreprise qui se plaignent principalement des contraintes liées, dans l’ordre, à la corruption, au secteur informel, à l’accès au financement, au raccordement électrique, à la politique fiscale, à la formation inadéquate de la
main-d’œuvre, aux pratiques commerciales, à la justice... Le dernier rapport du FMI
(FMI cr16/127) consacré à l’Algérie en mai 2016 confirme que les contraintes liées au marché
du travail ne constituent, pas du tout une préoccupation prioritaire des entreprises par rapport
aux autres facteurs cités ci-dessus.
Meziane Abane
Dernière modification par zadhand ; 30/09/2016 à 21h52.
Atlas-HD-200 B102 B118
Icone I-5000
ZsFa