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Discussion: Abane Ramdane

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    Abane Ramdane

    Hommage à Abane Ramdane


    assassiné le 26 décembre 1957 par ses compagnons d'armes ! celui qu'on appelait "l’architecte de la révolution" , l'ami de BenMhidi, l'organisateur du congrès de la Soummam a été la victime de ceux qui préparaient l’après guerre.

    par son assassinat, c'est sa vision de l’Algérie qui a été visée ! repose en paix !


    Dernière modification par zadhand ; 03/11/2015 à 13h50. Motif: Abane Ramdane

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    Abane Ramdane
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    Post Abane Ramdane continue à déranger

    A la une Actualité_Polémique sur l’un des artisan de la révolution
    03 Novembre 2015

    Ramdane Abane

    Pièce jointe 19538

    Ramdane Abane, le plus souvent désigné comme Abane Ramdane,
    né en 1920 à Azouza dans la commune de Larbaâ Nath Irathen,
    et décédé en 1957 au Maroc, est un militant politique et révolutionnaire ...

    Naissance 10 juin 1920, Larbaâ Nath Irathen, Algérie
    Date d'assassinat : 27 décembre 1957, Tétouan, Maroc
    Livre : Le courrier Alger-le Caire, 1954-1956
    le Congrès de la Soummam dans la révolution


    Abane Ramdane continue à déranger

    Cinquante-huit ans après son lâche assassinat, Abane Ramdane, chef de la Révolution, continue de déranger les héritiers de ceux qui ont commis le crime. Il est leur mauvaise conscience.
    L’esprit, le parcours et le rôle de l’un des architectes de la lutte de Libération nationale continuent de hanter la mémoire nationale. Après le mensonge qui a couvert sa liquidation par ses «frères» de combat, l’homme fait, en permanence, l’objet d’attaques, de persécution allant parfois jusqu’à justifier perfidement son élimination physique.
    Un acte qui demeure une tache sombre dans l’histoire contemporaine de l’Algérie.

    Combien de faux procès n’a-t-on pas faits à celui qui avait donné un sens politique historique à la Révolution ? A chaque fois que sa mémoire est évoquée par les tenants de l’ordre autoritaire qui s’est mis en place dès 1962 c’est pour le conduire aussitôt devant le tribunal de l’antinationalisme. L’ancien ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, qui se réclame de la partie sombre de ce qui était le MALG en a donné la démonstration. Et s’il estime que ses propos ont été «mal traduits», il trahit une pensée dominante chez les pourfendeurs des thèses du Congrès de la Soummam.
    Il y a comme une gêne historique chez les adversaires de Abane Ramdane.

    Au point d’éprouver le besoin, à chaque fois, de venir devant l’opinion nationale réinventer un récit de la Révolution pouvant justifier un assassinat abominable et, par ricochet, dédouaner, innocenter et laver les bourreaux de leur crime. C’est une entreprise de destruction de la part la plus vivante de la mémoire collective qui se poursuit depuis les premiers jours de l’indépendance. Manifestement, Daho Ould Kablia et ce qu’il incarne comme courant ne retient de la Révolution que les intrigues, les basses manœuvres pour en faire un élément central dans leur analyse de l’histoire devant conduire
    à justifier la mise à mort d’un projet politique et ceux qui le portaient.

    Dédouaner Les Assassins

    Il aurait été utile pour lui de relire Hocine Aït Ahmed pour apprécier à sa juste valeur le rôle décisif de Abane dans le triomphe de la Révolution. A l’occasion, le directeur du Al Huffington Post, a déterré une vieille interview de l’ancien dirigeant de l’Organisation spéciale, dans laquelle il assurait : «Ayant longtemps assumé des responsabilités,
    d’abord au sein de l’organisation clandestine du PPA,
    et ensuite à la tête de l’OS pour la région de Sétif,
    Ramdane était un véritable animal politique et un organisateur expérimenté.»

    Daho Ould Kablia sait plus que beaucoup d’autres comment Abane Ramdane
    a été étranglé par son mentor Abdelhafid Boussouf.

    Le Beria de la Révolution. Pourquoi alors cette obsession à vouloir trouver des circonstances atténuantes à l’assassinat ? «Le crime était tellement monstrueux que les camarades, les élèves et les descendants de Boussouf essayent de dédouaner les auteurs d’un acte le plus sale, le plus monstrueux de la Révolution», résume Khalfa Mammeri, auteur entre autres, de Abane, le faux procès.
    Comme si l’assassinat de Abane, de Krim, de Khider, le bannissement de l’histoire officielle et de la mémoire nationale durant de longues années des artisans de l’indépendance, à commencer par Boudiaf, Aït Ahmed, Ben Bella, Abbas et combien d’autres n’étaient pas suffisants. En infligeant un sort terrible aux hommes d’une telle trempe,
    c’est porter un autre coup à l’esprit même de l’indépendance.

    C’est assassiner l’idée même de la Révolution. Il est évident que les idées qui ont présidé au déclenchement de la lutte de Libération nationale ne sont pas celles qui ont triomphé le 5 juillet 1962. «L’indépendance a été confisquée» comme l’avait implacablement résumé Ferhat Abbas dans son livre, où il retrace le hold-up de l’histoire. En somme, vivant ou mort Abane dérange. Ceux qui l’ont éliminé ne l’ont pas tué. Il vit toujours. Il est entré au panthéon de l’histoire nationale
    rejoindre les grandes figures d’une histoire plusieurs fois millénaire.


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    Post Polémique autour des déclarations d’Ould Kablia sur Abane

    A la une / Actualité_Polémique autour des déclarations d’Ould Kablia sur Abane
    07 Novembre 2015

    Koukou Éditions dénonce “un discours à vitesses multiples”

    Selon la maison d’éditions, un journaliste d’“Echourouk” a assuré,
    lors d’un débat, retransmis jeudi soir, sur Dzaïr TV,
    que son journal a retranscrit fidèlement les propos de M. Ould Kablia
    et qu’au besoin, l’interview a été enregistrée.

    Les propos d’Ould Kablia ne cessent de susciter l’indignation.jpg

    La polémique soulevée par les attaques de Daho Ould Kablia contre Abane Ramdane est loin de s’estomper malgré la tentative de l’ancien ministre de l’Intérieur de mettre ce qui s’est passé sur le compte d’une “mauvaise traduction” de ses propos par le journal Echourouk qui a publié l’interview. Selon toute vraisemblance, les choses sont appelées à s’envenimer davantage puisque les réponses de Daho Ould Kablia semblent avoir, en effet, suscité l’ire des responsables du quotidien arabophone qui répliquent et maintiennent que les propos rapportés sont bel et bien ceux qu’il a tenus.
    C’est, en tout cas, ce qu’affirme, dans un communiqué rendu public hier, la maison Koukou, l’éditeur du professeur Belaïd Abane, auteur de l’ouvrage : Nuages sur la Révolution, Abane au cœur de la tempête. La maison d’éditions en question note, en effet, qu’un journaliste d’Echourouk a adressé jeudi soir, lors d’un débat sur la chaîne de télévision Dzaïr TV, une mise au point au président de l’Association des anciens du Malg,
    précisant que son journal a retranscrit fidèlement les propos de M. Ould Kablia
    et qu’au besoin l’interview a été enregistrée.

    Cette réplique fulgurante est de nature, en tout cas, à pousser l’ancien ministre dans ses derniers retranchements, lui qui, en réalité, ne s’était rétracté que parce qu’il a dû faire face à une levée de boucliers médiatique
    et sur les réseaux sociaux dénonçant les arguments avancés
    pour justifier l’assassinat de l’architecte de la Révolution.

    Et la mise au point adressée à la presse francophone par M. Ould Kablia n’a,
    visiblement, pas réussi à convaincre grand monde. Bien au contraire.
    “Si la bonne foi de M. Ould Kablia a été surprise par une ‘mauvaise traduction’ comme il l’affirme,
    l’éthique voudrait qu’il rectifie ses propos par une mise au point au journal incriminé.
    Ou de saisir la justice conformément aux lois de la République”, estime l’éditeur Koukou, qui considère que dans le cas contraire, l’ancien ministre “doit assumer la profanation qu’il vient de perpétrer contre la mémoire d’Abane Ramdane et accepter le débat contradictoire, dans la sérénité, avec des historiens et des acteurs de la guerre de Libération nationale
    dont le colonel Boussouf n’est pas le maître à
    penser”.
    Koukou Éditions considère, en effet, que “la vérité historique est incompatible avec un discours à vitesses multiples, modulables en fonction des auditoires et des conjonctures politiques”.
    Après avoir justifié l’élimination physique d’Abane Ramdane par ses frères d’armes, dans l’interview qu’il a accordée à Echourouk, Daho Ould Kablia a dû affronter une violente réaction de l’opinion publique nationale et c’est cela qui l’a contraint à revenir sur ses propres déclarations dans un entretien téléphonique à Liberté.
    Dans cet entretien, qui se voulait un droit de réponse,
    le concerné s’offusquait du fait que ses propos se rapportant à l’exécution du chef du FLN “soient mal transcrits,
    soulevant une montagne de réactions indignées”.

    Mais, faut-il le constater, la réponse, jeudi, du journaliste d’Echourouk ne laisse, finalement, pas trop de marge de manœuvre à l’ancien ministre de l’Intérieur, sans aucun doute embarrassé par le défi de rendre public le contenu de l’entretien qu’il a accordé au journal, puisque l’interview est enregistrée.
    H. S
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    Re : Abane Ramdane

    je ne vois pas pourquoi polémiquer il y a eu assassinat d'un homme alors les coupables d'avoir d’être juger et à titre posthume s'ils sont morts et on closle dossier c'est simple non ?
    et tout ces jours qui passent plantent en mon coeur affligé chaqu'un une lance de regrets et d'angoisse

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    Post Rédha Malek défend la mémoire de l’architecte de la Révolution

    A la une/Actualité_Rédha Malek défend la mémoire de l’architecte de la Révolution
    le 20.02.16 | 10h00

    «Abane Ramdane était un rassembleur»

    Dans une conférence-débat animée jeudi à la maison de la culture
    Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, Rédha Malek est revenu sur
    le rôle et l’apport de Abane Ramdane à la Révolution algérienne.


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    Post Abane au chevet de la crise algérienne

    Abane au chevet de la crise algérienne

    Congrès de la Soummam

    le 18.08.16 | 10h00

    Par Djamel Zenati , militant de la démocratie

    L’évocation du Congrès de la Soummam ne manque jamais de susciter
    des interrogations et de soulever des débats parfois passionnés.

    Et pour cause, l’événement se confond avec son principal concepteur,
    Abane Ramdane, et son destin tragique, l’élimination physique. La date
    du 20 août 56 dérange, agace, dévoile les embarras et les hypocrisies,
    les reniements et les hésitations. L’aversion pour ce rendez-vous historique
    va des gouvernants jusqu’à une partie de l’opposition.
    A titre d’exemple,
    le texte de Mazafran autour duquel est réunie la CLTD a «omis» de référer
    à la plate-forme de la Soummam sur veto islamiste. La résurgence récursive
    des polémiques et des réflexes d’il y a soixante ans révèle notre impuissance
    à trancher de manière claire et irrévocable une question fondamentale
    quelle Algérie voulons nous ? Cette modeste contribution ambitionne de revisiter l’événement, d’en extraire le sens et tentera de comprendre dans quelle mesure
    il a pu impacter les évolutions ultérieures.
    Parler du passé est délicat et comporte d’énormes difficultés. Traiter d’un événement historique à la manière d’un fait divers expose à la réduction et au subjectivisme. Dans cette approche, le jugement
    l’emporte sur le sens. Par ailleurs, nous nous démarquons de la tendance, de plus
    en plus en vogue, à la communautarisation de la mémoire et de l’Histoire. Avec ses moments de gloire et ses séquences obscures, du reste dialectiquement liés,
    l’Histoire est un tout. Elle nous impose d’assumer cette totalité et de nous éloigner
    des constructions fragmentaires, mystifiantes et conflictuelles.
    L’ÉVÉNEMENT

    Au moment où la rencontre historique d’Ifri ouvrait enfin de nouvelles perspectives révolutionnaires, un mouvement de forte inertie se cristallise pour figer la Révolution
    dans une pensée pauvre et sommaire et des structures éculées et inopérantes.
    Pour des chefs à majorité socialisés dans la culture du factionnalisme, de l’intrigue et
    de la force, il est impensable de sacrifier aux principes de clarté, de rationalité et d’émancipation. L’engagement révolutionnaire a ses limites. Cet événement va libérer l’ensemble des forces en rapport direct ou indirect avec la question algérienne. La dynamique libératrice se trouvera alors prisonnière d’un enchevêtrement de stratégies, internes et externes, en continuelle interférence, s’opposant ou entrant en résonance
    selon la nature des enjeux et les intérêts des uns et des autres.
    L’assassinat de Abane
    est la conséquence de ce conflit à polarité multiple. Les raisons profondes et les motivations étant inavouables, les parties en présence, de connivence ou en
    convergence objective, s’attacheront avec résolution à réunir les éléments constitutifs d’une légitimation a posteriori d’un crime abject aux conséquences désastreuses.
    ABANE VICTIME DE SON AUTORITARISME

    Les années 1955 et 1956 ont été marquées par un faisceau d’événements d’une importance sans égale. Indépendance du Maroc et de la Tunisie, découverte du pétrole
    à Hassi Messaoud, négociations secrètes entre le FLN et des représentants du pouvoir français, conférence de Bandung, premiers signes de la crise de Suez, pacte de Baghdad vont alors s’entrecroiser et donner un coup d’accélération à l’histoire. Cela augurait d’un bouleversement profond dans la problématique algérienne et laissait entrevoir un durcissement de la position coloniale. Cette conjoncture particulière n’a pas échappé à
    la vigilance de Abane, Ben M’hidi et les autres. Usant de leur capacité d’anticipation, ils
    se mirent à l’œuvre.
    Pressé d’en finir avec une situation coloniale intenable et confronté
    aux limites d’un nationalisme segmenté et à la stratégie approximative, Abane choisit le traitement de choc. Est-ce vraiment faire choix devant une situation bloquée ? Il lui fallait mettre du sens dans le mouvement, de l’unité dans la dispersion, du souffle dans l’action
    et de l’ordre dans l’anarchie. Il le fit non sans difficulté, avec autorité mais sans aucune velléité autoritaire. Il était un homme d’autorité et non un homme autoritaire.
    Son attitude ferme et intransigeante est réelle. Mais elle l’est d’abord envers lui-même. Elle est ensuite dictée par les contingences du moment. Elle est enfin l’effet d’un excès de pédagogie
    mêlé à un sentiment d’exaspération face à l’indigence intellectuelle caractérisée de responsables grisés par la seule soif du pouvoir. Si Abane a été assassiné pour la dureté de ses comportements, que dire alors de ses assassins ?
    ABANE VICTIME DE RIVALITÉS

    A travers ses écrits, Khalfa Mameri dévoile nombre d’aspects de la personnalité de
    Abane et révèle les détails de sa liquidation. Le style dont use l’auteur de
    Abane Ramdane, le faux procès laisse transparaître de la sincérité, de l’émotion et une indignation légitime.Toutefois, en s’enfermant dans la perspective d’une herméneutique
    de surface, Khalfa Mameri se prive d’éléments indispensables et décisifs à même de restituer à ce crime son sens entier.
    En effet, sa démonstration se fonde essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, sur la note d’Ouamrane rédigée à Tunis le 15 août 1958
    et adressé à ses pairs du CCE. La pensée profonde de Abane et le sens lointain de sa vision n’ont pas bénéficié d’une expertise poussée. Le résultat auquel il a abouti porte
    les limites de cette démarche. Dans l’introduction à la troisième édition augmentée du
    livre Abane, le faux procès, il écrit : «Je ne vois d’autre explication au meurtre de Abane Ramdane que celle d’une rivalité implacable, impitoyable pour contrôler la Révolution et devenir plus tard le chef de l’Algérie indépendante.»
    Mameri n’est pas dans le faux. Mais sa conclusion est de faible véridicité. En effet, si l’objectif de Krim est de se débarrasser d’un rival potentiel, il en est différemment de Boussouf. Ce dernier n’est pas dans une démarche individuelle, il prend ses ordres ailleurs. En définitive, Krim et Boussouf, consciemment ou inconsciemment, agissent pour le compte d’une partie invisible.
    Celle-ci, très au fait des rivalités, les attise et les utilise à son propre profit. Le conflit opposant Abane à cette partie invisible est d’ordre stratégique. Il porte sur la nature du futur Etat algérien.
    Par ailleurs, notre étonnement fut grand à la lecture de certains passages de son livre. Parlant de la note d’Ouamrane, Mameri écrit
    «A ma connaissance, ce document n’a jamais été évoqué, encore moins publié dans aucun des ouvrages qui ont traité de la guerre d’Algérie. J’ai le redoutable privilège d’en parler pour la première fois. […] Tous ceux qui ont lu le document en question, en fait un petit nombre de personnalités (moins d’une dizaine), m’ont fortement recommandé de
    ne pas le publier. […] cela risquait de déclencher une tempête en Kabylie».
    Ces propos appellent de la précision. Tout d’abord, et contrairement à l’affirmation de Mameri, ce document a déjà été évoqué par Yves Courrière. Dans son livre L’heure des colonels, troisième tome d’une série consacrée à la guerre d’Algérie et paru aux éditions Fayard
    en 1970, ce journaliste et grand reporter de guerre reproduit de larges extraits du fameux document . Dans la note 1 figurant en bas de la page 187, il précise«Ce dialogue, ainsi
    que les circonstances de la mort de Abane, sont tirés du seul document existant sur le
    fait mystérieux révélé ici pour la première fois. Il s’agit d’un rapport ultra-secret envoyé
    aux membres de CCE et rédigé par l’un d’entre eux le 15 août 1958 à Tunis».

    Khalfa Mameri pouvait-il ignorer l’existence de ce livre ? Il s’agit probablement d’un oubli par méconnaissance, loin de toute tentation à usurper un droit de primeur.
    Enfin, la dramatisation excessive avec laquelle est entourée la question de l’opportunité
    de la publication du document laisse pour le moins perplexe. Pourtant, le document ne comporte rien, absolument rien qui puisse justifier autant d’inquiétude. Deux lectures possibles. Ou bien Mameri est en quête du sensationnel, ou alors suggère-t-il la thèse d’une élimination de Abane pour délit d’appartenance à la Kabylie. Cette seconde hypothèse mérite une attention particulière.
    En identifiant Abane par le seul marqueur kabyle, Mameri semble adopter l’approche culturaliste. Continuons la démarche en nous intéressant cette fois-ci au commanditaire. Le rapport d’Ouamrane se clôt par la phrase suivante : «Il est à noter qu’un élément dont le nom sera révélé au moment opportun m’a fait savoir à Beyrouth que Abane a été exécuté par Boussouf sur ordre de Krim».
    En langage culturaliste, cela se traduit comme suit : il a été révélé à Ouamrane,
    un Kabyle, que Abane, un autre Kabyle, a été exécuté sur ordre de Krim, encore un Kabyle. Le raisonnement culturaliste tombe en ruine.
    LES MISÉRES DU FACTIONNALISME

    Cela nous autorise-t-il pour autant à conclure à l’inexistence du régionalisme ?
    Absolument pas. Le sentiment anti-kabyle existe, de même son symétrique,
    le sentiment anti-arabe. Seulement, se hasarder à expliquer l’un par l’autre expose au problème de circularité, à l’impasse du cercle vicieux. La raison est simple les deux sont produits par une même cause et ne possèdent pas de logique propre. Dans une large mesure, c’est le factionnalisme qui crée le régionalisme et non l’inverse. Le régionalisme ne se confond pas avec le sentiment d’appartenance régionale. Le régionalisme naît de l’utilisation de ce sentiment comme ressource politique dans la compétition pour la conquête du pouvoir ou du leadership. Il est le mode d’affirmation d’élites impatientes et
    à la vision atrophiée. Pouvait-il en être autrement au regard des conditions de l’époque ? Le factionnalisme, adossé au régionalisme, rend compte de l’état de la société, de ses pesanteurs sociologiques. Il renvoie aussi à un contexte d’impasse politique indépassable dans le cadre d’un rapport de domination.. L’islamisme obéit au même schéma.
    Certaines évolutions récentes observables dans plusieurs régions du pays et du monde semblent également emprunter la même voie.
    Aujourd’hui, nombreux sont les politiques
    à puiser dans le registre des solidarités primordiales. A commencer par le pouvoir lui-même. L’irruption fulgurante des identifications particularistes (chaoui, kabyle, m’zab, tergui, el gharb, echarq, etc) porte la signature de l’incapacité génétique de
    l’autoritarisme à apporter une réponse rationnelle à la question de l’intégration nationale.
    ABANE FACTIONNALISTE ?

    Abane était-il un adepte du factionnalisme ? Assurément non. Ayant parfaitement compris la réalité du phénomène, Abane l’a intégré, peut-être même s’en est servi, dans la perspective de le dépasser. Soustraire la Révolution à l’enfermement factionnel exige une implication plus directe de la société dans le mouvement de libération. D’où les nombreuses initiatives de Abane en direction des travailleurs, commerçants et étudiants. «Jetez la Révolution dans la rue, le peuple s’en emparera», disait à juste titre Larbi Ben M’hidi.Enfin, est-il raisonnable de suspecter de factionnalisme l’homme qui s’est résolument employé à rallier l’ensemble des formations politiques aux thèses frontistes ? Abane est inclassable. En effet, selon le critère retenu, il est tantôt dans un clan et tantôt dans un autre et parfois nulle part. Il incarne, sans le vouloir, une sorte de synthèse. Son erreur a été de sous-estimer la puissance redoutable et la force de résistance du factionnalisme. Le point faible majeur de la plate-forme de la Soummam se trouve justement dans son aspect politique. C’est-à-dire dans la nature et la structure des
    forces politiques censées la porter.
    LA MAIN ÉTRANGÈRE

    La vigueur et l’intensité du fait régionaliste dans le mouvement national ne sauraient s’expliquer sans l’action idéologique de la France et de l’Egypte. En effet, la «politique
    de division» de la France et la «politique arabe» de l’Egypte se sont subtilement
    accordées pour faire d’une diversité culturelle et politique enrichissante une frontière infranchissable et un clivage destructeur. Des clichés fictifs et déformants sont façonnés
    et distillés pour égarer les acteurs et brouiller les représentations sociales. Le cas de l’Egypte nous interpelle particulièrement au regard de l’objet de notre contribution.

    Pour les dirigeants égyptiens, de l’aveu même de Fethi Al Dib, haut dirigeant égyptien,
    les Kabyles sont suspects car insuffisamment imprégnés de l’idéologie nassérienne et
    trop attachés à leur tribalisme. Pour autant, les Arabes ne trouvent pas tous grâce à
    leurs yeux. Il y a les bons et les mauvais Arabes. Pour les Egyptiens, Ben Bella est l’incarnation parfaite du bon Arabe. Son enthousiasme pour l’idéologique nassérienne et
    sa vénération sans limite pour le Raïs font de lui le meilleur garant d’une allégeance de l’Algérie à l’Egypte. Adoubé et cajolé, il bénéficiera de tous les soutiens afin d’asseoir son hégémonie sur la Révolution. Tout cela avec l’appui discret de la France.
    Dans un
    entretien au journal Liberté publié le 7 novembre 2002, la veuve de Abane raconte
    «Après l’arraisonnement de l’avion en 1956, les cinq dirigeants du FLN ont été amenés
    à Alger. Sur le bitume de l’aéroport, Mohamed Boudiaf tenait un porte-documents entre
    les mains. Un gendarme s’est avancé vers lui, le lui a pris des mains pour le remettre à Ahmed Ben Bella. A ce moment-là, un flash a crépité pour immortaliser l’instant». Pourquoi, demande alors le journaliste ? Madame Abane poursuit «Pour faire croire
    que c’est Ben Bella le premier dirigeant. Cette anecdote m’a été racontée par Boudiaf
    lui-même. Il avait compris que la France voulait donner un chef à la Révolution
    algérienne, le plus bête des chefs. C’est la dernière farce que la France nous a faite.

    Ben Bella était un grand inconnu en 1954». En revanche, Abane fera l’objet d’une campagne de diabolisation sans bornes. Pour les Egyptiens, il constitue un obstacle à l’ascension de Ben Bella et par ricochet, au dessein algérien de Nasser, à savoir la mise sous tutelle égyptienne de la Révolution et du futur Etat algérien. Il sera alors vilipendé
    et chargé de toutes les «tares» : Kabyle, marxiste, religiosité incertaine, occidentaliste, autoritaire, etc. Quant aux Français, ils voient en Abane le dirigeant cultivé,
    le souverainiste intransigeant et l’interlocuteur difficile. Ce n’est certainement pas
    l’homme qu’ils souhaiteraient voir présider aux destinées de la Révolution et encore
    moins de l’Algérie indépendante. La France est dans une double logique maintenir le rapport colonial ou, le cas échéant, exercer un contrôle sur l’Algérie à partir d’une intermédiation sûre.
    ABANE VICTIME DE SON OCCIDENTALITÉ

    Dès l’adoption de la plate-forme de la Soummam, des voix s’élèvent pour crier au déviationnisme. Cette fois l’accusation emprunte au registre du symbolique et du
    sensible. Dans ses mémoires, Lakhdar Bentobal rapporte «Les Egyptiens, quand ils avaient pris connaissance du texte de la Soummam, avaient dit qu’il s’agissait là d’une déviation de la Révolution et que c’était plus du marxisme que du nationalisme».
    La sentence égyptienne n’est pas partagée par certains observateurs pourtant mieux avertis et plus crédibles en la matière. Dans son ouvrage Quand l’Algérie s’insurgeait, Daniel Guérin, figure de proue d’une tendance de l’extrême gauche française et grand militant anticolonialiste, écrit à propos de la même plate-forme «Elle est essentiellement patriotique et militaire, privée de tout contenu social, pour ne pas dire socialiste».

    Cette énorme différence d’appréciation s’explique facilement. Les Egyptiens ne sont
    pas dans la lecture critique mais dans la manœuvre. Elle consiste à réveiller les vieux démons en ressuscitant l’ancienne accusation de berbéro-matérialisme sous une forme rafraîchie le kabylo-marxisme.
    Le réquisitoire contre Abane ne s’arrête pas là. En effet, dans ses mémoires, Fethi Al Dib, ancien chef du renseignement égyptien chargé des relations avec le FLN durant la guerre d’Algérie, déclare «Dans ses idées et ses points
    de vue sur l’avenir de l’Algérie indépendante, Abane avait ignoré son appartenance
    arabe et islamique, ce qui constituait une déviation par rapport aux principes énoncés
    dans la Constitution du 1er novembre 1954».
    Ben Bella, dans une prose similaire et
    sur un ton menaçant, exprime exactement le même grief. Dans une lettre adressée à la direction exécutive du FLN à la fin de l’automne 56, il écrit : «Ces décisions remettent en cause des points doctrinaux aussi fondamentaux que celui du caractère islamique de
    nos futurs institutions politiques. […] Ce serait prendre des risques très graves que de
    les rendre publiques». Pourtant, en définissant le combat libérateur comme «une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse», la plate-forme de la Soummam reprend un principe déjà consacré par le
    passé.
    Car au plan doctrinal, et plus précisément sur le rapport de la Révolution à
    l’islam, rien ne distingue la plate-forme de la Soummam du programme du MTLD,
    lequel définit la Révolution comme suit : «Ce n’est plus le musulman qui s’oppose au chrétien, mais c’est le colonisé qui s’oppose au colonisateur. […] Le colonialisme,
    dans des buts qu’il est inutile de répéter, ne cesse de vouloir confondre nationalisme algérien et islam. Il est alors facile de crier au fanatisme, à l’esprit périmé et statique contraire aux concepts de la vie moderne». Au-delà de l’effarouchement tardif de Ben Bella, sa communauté de vue avec les Egyptiens exprime une prétention forte au leadership enchâssée à une stratégie égyptienne beaucoup plus large, à savoir la satellisation du monde arabe autour du projet mythique égyptien de la grande nation
    arabe et islamique.
    En apparence, entre Nasser et Ben Bella se développe un rapport
    de maître à disciple. La réalité est autre. Nous sommes en présence d’une relation transactionnelle. Cet épisode pose néanmoins une question d’importance notre rapport
    aux autres et plus particulièrement à l’Occident.
    L’OGRE OCCIDENTAL

    La référence aux catégories politiques et juridiques de type occidental est antérieure à Abane. Elle remonte au début du XXe siècle et elle est repérable dans les écrits et
    discours des pères fondateurs du nationalisme algérien tels Imache Amar, Messali Hadj
    et beaucoup d’autres. De plus, il serait erroné de voir dans cette démarche une appropriation mécanique, une importation brute d’un modèle sous l’effet d’un supposé penchant occidentalisant. Beaucoup de facteurs concourent à expliquer ce recours.
    Nous en citerons trois. Le premier facteur est un phénomène fondamental à l’œuvre
    dans le nationalisme algérien, à savoir la construction en miroir inversé. Il renvoie à la dominance du principe d’opposition au sens du schéma actionnaliste de Touraine.
    Aspect largement développé par Slimane Chikh dans son livre L’Algérie en arme».
    Ce phénomène impactera par ailleurs fortement la vision des élites dirigeantes sur
    diverses questions, notamment le volet identitaire.
    Deuxième facteur non moins important est l’absence de tradition étatique et institutionnelle autonomes. Le soulèvement de
    l’Emir Abdelkader ne saurait être interprété comme le signe d’une conscience nationale.
    Il est l’expression d’un patriotisme local, loin de toute perspective en termes d’Etat ou de Nation. Il est certes précurseur, mais non fondateur.
    Enfin, on ne peut ignorer la nature hégémonique de la catégorie «Etat-nation» et son caractère structurant dans le rapport international. Est-ce un hasard si les premières manifestations de la conscience nationale sont apparues dans les milieux de l’émigration ? En retenant de l’Occident son seul côté impérialiste, du reste rejeté par les opinions occidentales elles-mêmes, les nationalistes radicaux occultent son apport décisif à la civilisation humaine. Ils jouissent et se
    réjouissent de ses productions matérielles tout en dédaignant ses réalisations en matière de droits de l’homme et de rationalité politique, scientifique et économique. Ils sont dans
    un rapport schizophrénique avec l’Occident.
    En considérant les phénomènes de
    modernité et d’universalité comme des objets étrangers, des élaborations exclusivement occidentales, ils se placent de facto à la marge du mouvement de l’humanité et forgent eux-mêmes les instruments de leur propre asservissement. Le bilan désastreux du système mis en place et des politiques mises en œuvre au lendemain de l’indépendance en est la preuve. L’islamisme, alternative visible et prévisible à l’autoritarisme nationaliste, s’inscrit dans cette même logique. Dans un livre à paraître à Georgetown University Press en janvier 2017, Addi Lahouari consacre de longs développements à cette problématique.

    Si être musulman consiste à aimer son prochain, accepter l’autre, venir en aide aux démunis, faire preuve de tolérance, dénoncer l’injustice, combattre la corruption, bannir l’abus de pouvoir et respecter la femme, alors l’islam est en Occident. N’en déplaise aux tenants du nationalisme et de l’islamisme, c’est la stricte réalité. Au fond d’eux-mêmes, ils en sont convaincus. Khomeiny, Ghannouchi, Haddam et autres Kébir ont choisi sans hésitation aucune les capitales occidentales comme terre d’asile. Ce n’est certainement pas pour leur climat. Il en est de même des nos dirigeants actuels. Ils nous gavent de nationalisme tout en ayant le regard et le cœur rivés sur Paris, Madrid, Londres,
    New York et ailleurs.
    Modernité et universalité ne sont pas l’apanage du seul Occident. Jusqu’au XIIIe siècle, le Maghreb et le Machreq ont été à l’avant-garde dans la production du sens, du savoir et de la technologie. Est-il besoin de rappeler que l’essor politique, scientifique et technologique de l’Occident s’explique en grande partie par une appropriation dès la fin du moyen-âge des savoirs élaborés à Baghdad, en Mésopotamie, en Berbérie, en Egypte et ailleurs ? S’inscrire dans la modernité et contribuer à l’universalité passe obligatoirement par la consécration effective des libertés, l’acceptation d’un dialogue permanent avec les autres cultures et la participation au mouvement incessant de transmission des expériences humaines. Le repli, identitaire ou autre, condamne à la régression avec son lot de déchéance culturelle, de domination politique
    et de dépendance économique.
    Aussi, il est de l’ordre de l’impératif d’élaborer une critique globale du monde présent à l’aune de laquelle s’ébauchera une nouvelle perspective nationale. Comme il est tout aussi urgent de repenser le rapport de notre société à la religion et définir les conditions d’une sécularisation adaptée. Abane a parfaitement saisi l’enjeu. La plate-forme de la Soummam en porte d’ailleurs l’empreinte. En effet, la nature
    et les objectifs de la Révolution sont définis dans une perspective nationale, moderne et universelle. «C’est une marche en avant dans le sens historique de l’humanité et non un retour vers le féodalisme. C’est enfin la lutte pour la renaissance d’un Etat algérien sous
    la forme d’une République démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues», peut-on lire dans le texte d’août 1956. A travers Abane et ses détracteurs, ce sont deux conceptions de l’Algérie qui s’affrontent. Une Algérie libre, souveraine, ancrée dans la modernité et inscrite dans l’universalité. Et une autre, otage
    de l’autoritarisme et prisonnière de la pensée rétrograde et des pesanteurs communautaristes.
    Abane a été éliminé en raison de sa vision de l’Algérie indépendante. Sa conception de la souveraineté et l’Etat contrarie des ambitions et des desseins.
    Dans ce qui suit, nous tenterons de donner un peu de visibilité à sa démarche.
    Quelques rappels historiques sont nécessaires.
    REPÈRES THÉORIQUES

    L’Etat-nation est une forme spécifique de collectivité politique inhérente à la contingence européenne après le moyen-âge. Mais pour diverses raisons, il est devenu hégémonique et a pris un caractère universel. L’essor planétaire fulgurant du capitalisme en est incontestablement la détermination la plus forte. Au-delà de la singularité liée aux conditions concrètes propres à chaque expérience, un trait commun caractérise
    l’ensemble des processus de construction de l’Etat-nation. Il s’agit du mouvement de double transfert de souveraineté sans lequel la collectivité politique ne saurait exister ni s’affirmer. C’est la logique westphalienne. Hobbes et Bodin sont les premiers à avoir
    repéré et parfaitement décrit ce phénomène. Le premier transfert de souveraineté
    s’opère des micro-pouvoirs locaux vers le pouvoir central et le second, de l’extérieur
    vers l’intérieur de l’espace délimitant la collectivité.
    Dans cette contribution, nous
    avançons l’idée selon laquelle la thèse de la double primauté défendue par Abane au Congrès de la Soummam correspond parfaitement au mouvement du double transfert
    de souveraineté ayant fondé les processus de construction de l’Etat-nation en Europe
    de l’Ouest.
    Notre démarche ne procède pas d’une hypothèse purement spéculative ou d’une lecture régressive de l’histoire. Elle s’appuie sur un décryptage des référents «abaniens» à la lumière de la contingence du moment et des évolutions ultérieures.
    PRÉCAUTION SÉMANTIQUE

    Toute démarche discursive commande au préalable de préciser le sens à mettre derrière les mots. Les notions de politique, militaire, intérieur et extérieur ne doivent pas être entendues dans le cadre étroit de la spécialisation fonctionnelle. Dans son livre Courrier Alger-Le Caire : 1954-1956, Mebrouk Belhocine, acteur et fin observateur du moment,
    a déjà esquissé une opinion dans ce sens. Ces notions vont au-delà des hommes et des structures qui les incarnent. Elles expriment des catégories interdépendantes participant
    du processus de construction de l’Etat-nation. Une articulation donnée de ces instances préfigure une nature donnée de l’Etat-nation en gestation. Enfin, détaché de l’économie globale du texte de la plate-forme, le principe de la double primauté perdrait son sens.
    LA PRIMAUTÉ DU POLITIQUE SUR LE MILITAIRE

    Le politique désigne la volonté et la capacité de concevoir et de réaliser des projets collectifs. Il constitue le cœur même du «vivre ensemble». Pour le colonisateur, dont l’idéologie se fonde sur l’opposition civilisation/barbarie, le colonisé ne peut pas avoir de volonté ni de capacité. Il n’a pas à concevoir ni à réaliser. Il est exclu du politique et par suite du vivre ensemble. Aussi et en situation de colonisation, circonstance historique exceptionnelle, le politique, du point de vue du colonisé, interroge d’abord les conditions
    de possibilité du politique. La conscience collective naît de cette exigence de liberté, d’indépendance. Le projet commun premier est fondateur : il consiste à proclamer l’existence de la collectivité nationale et à montrer une volonté unitaire d’émancipation.

    Mais dans la réalité concrète, d’énormes difficultés se dressent devant la réalisation de
    cet idéal. L’une d’elles, et non des moindres, est la problématique de la centralité.

    Dans son livre L’Algérie et son destin, Mohamed Harbi dresse un état des lieux des
    forces de la Révolution à la veille du Congrès et met en évidence leur mode singulier d’organisation : les factions. Il écrit : «Elles ont leurs sources dans des appareils qui
    gèrent les ressources de la Révolution, mais qui, pour se donner une assise, tentent d’attirer des clientèles sur une base régionale et les font participer, sous des formes diverses, aux miettes du festin. Chaque faction a ses cadres politiques, ses organes de surveillance, ses idéologues. La logique qui les anime ne ressemble pas à celle d’un
    parti. L’appropriation de l’appareil est au cœur des conflits. Ce système annonce la
    mise en place d’un Etat basé sur les réseaux de clientèles».
    Les factions sont bel et bien des micro-pouvoirs dotés de tous les attributs d’un Etat. Le sens réel du principe de la primauté du politique sur le militaire est la récupération des fragments de souveraineté répartis entre les différentes factions, les placer dans une institution unique et clairement identifiée, et enfin réorganiser la Révolution à partir de ce centre. L’assassinat de Abane consacrera définitivement la principe de la légitimation par la violence. La militarisation
    de l’Etat est sur rail. Lorsque des années plus tard la politisation de la religion atteint
    son apogée, la confrontation des deux légitimités se fera par les armes.
    Le pays basculera dans un drame sans précédent.
    LA PRIMAUTÉ DE L’INTÉRIEUR SUR L’EXT ÉRIEUR

    La Révolution algérienne a suscité un large mouvement de sympathie et de solidarité
    de par le monde. Notre intérêt se portera particulièrement sur le cas de l’Egypte, car il s’agit en l’espèce d’un exemple paradigmatique de la conflictualité intérieur/extérieur. Il nous permettra, du coup, de mettre en lumière la portée de la seconde primauté
    consacrée dans la plate-forme de la Soummam. Certains historiens, délibérément ou
    sous l’effet du terrorisme idéologique, ont magnifié l’action de l’Egypte en faveur de la Révolution algérienne et passé sous silence tous les faits susceptibles de révéler des velléités de caporalisation. En réalité, le soutien de l’Egypte a été flottant et souvent intéressé.
    Le rapport de l’Egypte à la Révolution algérienne procède de l’idée selon laquelle la révolution égyptienne du 23 juillet 1952, c’est-à-dire le coup d’Etat des
    officiers libres, est le moment fondateur ayant marqué la résurgence du monde arabe
    sur la scène internationale. La pensée et l’action égyptiennes sont construites sur la
    base de ce postulat. A la lumière de ce prisme, la Révolution algérienne doit être regardée comme une simple manifestation, une émanation de la grande Révolution égyptienne.
    Et à ce titre, elle est dans l’obligation d’en porter la marque idéologique, d’accepter le
    droit de regard de l’Egypte et de subordonner ses objectifs aux intérêts de ce même pays. En termes clairs, il est demandé à l’Algérie de se contenter d’être une province égyptienne.

    Dans le quatrième numéro de la revue Naqd parue en 1993, Gilbert Meynier propose une lecture du livre-mémoires de Fathi Dib. Dans cet article, l’auteur met en évidence de façon magistrale et solidement étayée le rapport réel de l’Egypte à la Révolution algérienne ainsi des desseins cachés du président Nasser. Le pouvoir égyptien s’est insinué dans les profondeurs du jeu factionnel algérien au point d’en devenir une faction à part entière,
    si ce n’est la plus forte. Il fera sienne la politique de division de la France et pèsera de tout son poids pour propulser Ben Bella comme leader de la Révolution. Dans l’article de Meynier cité précédemment, on peut lire : «La distribution des armes était décidée selon des critères laissés à la discrétion de Ben Bella».
    Après la clôture des travaux du congrès d’Ifri, les responsables égyptiens iront encore plus loin. Ils plaideront, toujours selon Meynier, la réconciliation entre Ben Bella et Messali pour pouvoir réduire l’influence des chefs de l’intérieur considérés comme intraitables. Le pouvoir égyptien ne soutient une décision de la Révolution que s’il a au préalable été consulté et donné son aval. Pour ne pas avoir été associé à la création et à la proclamation du GPRA, le pouvoir égyptien montrera au départ une nette hostilité. En 1958, il apporta aide et assurance à Lamouri et ses insurgés dans leur projet de renverser le gouvernement provisoire. Par ailleurs, la volonté du pouvoir égyptien de subordonner la Révolution algérienne aux intérêts de l’Egypte n’est pas une vue de l’esprit. Dans son ouvrage 1956, Suez, Marc Ferro révèle
    «En octobre 1956, par exemple, certains nationalistes jugent que le départ de l’Athos, chargé d’armes, à destination de l’Oranie, a autant pour objectif de détourner les Français de leur projet d’expédition d’Egypte, en ouvrant ce nouveau ‘‘front’’, que d’aider réellement le mouvement national». Enfin, les efforts de l’Egypte pour arracher l’Algérie à son espace régional naturel, le Maghreb, ont été incessants et insistants.
    Bref, le rappel de ces quelques péripéties met bien en évidence le risque d’une mise sous tutelle extérieure de la Révolution à partir de dirigeants prédisposés à l’arrangement en raison d’une ambition à réaliser, d’une autorité à affirmer ou d’une haine à assouvir.
    La Plate-forme de la Soummam vient à point nommé mettre un terme aux idées aventureuses des uns et aux velléités des autres. Le rapport de la Révolution à l’international a été défini avec précision dans toutes ses dimensions et ses moindres contours. Une phrase retiendra l’attention de Nasser «La Révolution algérienne n’est inféodée ni au Caire, ni à Paris, ni à Moscou, ni à New York». Nasser y verra un geste irrévérencieux.
    L’arrestation de Ben Bella suite à l’arraisonnement de l’avion transportant les dirigeants du FLN va lourdement peser sur le destin de Abane. Sa liquidation est désormais inévitable. Prémédité et exécuté de la manière la plus basse, ce crime est encore plus abject au regard du déni de vérité qui l’a accompagné.
    LE DÉNI DE VÉRITÉ

    Le déni de vérité n’est pas le refus de la vérité. Il va au-delà de la dissimulation. Son premier avantage est d’offrir en permanence au pouvoir en place l’opportunité de
    décliner la vérité selon les impératifs du moment. Pour délégitimer le GPRA, Ben Bella, alors président de la République, s’est fendu des propos suivants lors d’un meeting tenu
    le 1er octobre 1963 : «Il y a des gens ici qui connaissent le camp de Khemisset,
    en Tunisie. Quelqu’un qui s’appelle Boussouf y a tué des milliers de personnes. Il y a
    aussi des gens ici qui savent que notre gouvernement à Tunis a rempli des cimetières entiers des meilleurs cadres de l’Algérie. Ils ont été tués parce qu’ils n’étaient pas
    d’accord avec lui.
    On a dit aussi qu’Abane a été tué au cours d’une bataille.
    Savez-vous comment il a été tué ? Il a été étranglé par les mains de ces criminels.
    Abane est mort étranglé par les mains des criminels du GPRA. Je peux vous parler pendant dix heures sur de pareils agissements, mais je ne donnerai qu’un exemple. Récemment, il y a deux mois seulement, notre ambassadeur à Tunis a découvert 180 millions de francs cachés dans un coin de l’ambassade. Est-ce que des gens pareils méritent une responsabilité ? Je pense que ces gens ont caché de pareilles sommes
    dans chaque coin.»
    Pour rappel, Abane a été assassiné en décembre 1957 et le
    GPRA proclamé en septembre 1958. Ben Bella prend un peu trop de liberté avec le calendrier. Par ailleurs, le déni de vérité crée des obligations et impose des attitudes.
    Le 1er août 1923 Hitler déclarait : «Il n’y a que deux choses qui puissent unir les
    hommes des idéaux communs et des crimes communs.»
    Enfin, le déni de vérité sert
    à sceller une alliance sacrée, arracher une allégeance, écarter un rival, peser sur les représentations sociales, exercer un chantage, créer un climat de suspicion et de peur ; bref, il est consubstantiel à l’autoritarisme. Aussi, il est indissociable des autres dénis
    déni de justice, de liberté, d’identité, de mémoire, etc. Ces dénis sont dans une relation étroite et solidaire. Leur synthèse est cette notion forte et éloquente que la vox populi désigne par hogra. Elle est sans équivalent en langue française. C’est un mélange de répression, privation, humiliation, inégalité, injustice, défiance, arrogance, dévalorisation
    et stigmatisation. Le mot hogra exprime à lui seul la puissance expressive et la grande aptitude à la synthèse de l’arabe algérien. Les animateurs du Printemps berbère de
    1980 ont eu raison d’exiger, comme pour Tamazight, un statut de langue nationale et officielle pour l’arabe algérien.
    La hogra n’est pas un effet de l’autoritarisme. Elle en
    est le fondement, la substance sans laquelle l’autoritarisme ne serait pas autoritarisme.
    Elle lui donne vie, elle le structure, façonne ses traits et lui garantit la longévité.
    De ce point de vue, la hogra est un transcendantal au sens kantien. En d’autres termes, tout découle et dérive de la hogra.
    L’ALGÉRIE AUJOURD’HUI

    Soixante ans nous séparent du Congrès de la Soummam. Malgré la distance, les problématiques d’alors restent pertinentes. Certes, le pays n’est plus sous régime colonial. Pour autant, il n’est pas ce havre de paix et de liberté tant rêvé et pour lequel se sont sacrifiés des millions d’Algériennes et d’Algériens. Loin s’en faut. La question de la souveraineté resurgit présentement avec fracas. En septembre 2015, nous écrivions
    dans les colonnes de ce même journal : «Des groupes informels de tous bords se posent en concurrents de l’Etat. Ils s’octroient des prérogatives régaliennes, édictent lois et codes et sévissent en toute impunité.
    Le pouvoir de l’Etat se déplace graduellement vers ces micro-pouvoirs occultes. Sans existence légale, ces groupes possèdent néanmoins des prolongements dans les institutions où ils bénéficient de soutiens discrets et précieux. Entre ces groupes, des jonctions s’établissent et des alliances se tissent pour former une toile enveloppant l’Etat à la manière d’une pieuvre enserrant sa proie.
    Leur collusion avec des parties étrangères est avérée».
    La mondialisation, surtout dans
    sa dimension financière, a favorisé les processus de privatisation des souverainetés nationales. En effet, les puissants du monde préfèrent avoir comme interlocuteurs des groupements d’intérêts plutôt que des Etats. Les économies dépendantes et sous régime autoritaire subissent de plein fouet cette évolution perverse du capitalisme international.
    De hauts responsables ne cachent plus leur affinité avec des parties étrangères et
    affichent parfois une allégeance ouvertement assumée. Les récents scandales ont révélé l’étendue du phénomène de corruption et sa connectivité avec des réseaux extérieurs.
    Des faits inédits dans une Algérie autrefois connue pour son attachement à la
    souveraineté et son sens élevé de la fierté nationale. Une symbolique s’est brisée.

    La gravité de la situation ne semble pas préoccuper outre mesure nos gouvernants. Suspendus à l’espoir d’une hypothétique reprise des cours mondiaux du pétrole, ils se refusent à une juste caractérisation de la crise. La baisse du prix du baril est en réalité
    un révélateur et non le ressort de la crise.
    Celle-ci est éminemment politique, et à ce titre elle recommande un traitement politique. Sans culture ni savoir-faire et en déficit de légitimité, les décideurs sont terrifiés à l’idée d’une ouverture sur la société, la créativité, l’effort et la compétition politique saine et transparente. Ils s’accrochent désespérément et dangereusement aux modes de gestion, de sélection et de prélèvement autoritaires, leurs seuls domaines d’excellence. De désastre à plus de désastre, de l’entêtement à plus d’entêtement, ils peinent à enrayer cette mécanique endiablée et sont emportés par
    l’inertie de leur propre faillite. Sans maîtrise aucune de la moindre évolution, ils se livrent pieds et poings liés à la loi de l’à-peu-près. En proie à une paranoïa avancée,
    ils menacent sans retenue, accusent sans preuve et condamnent sans procès.
    Deux Algérie s’affrontent avec des armes inégales. D’un côté, l’Etat de hogra, et de l’autre,
    l’idéal de l’Etat de droit. En 1956, Abane et ses pairs ont formulé les conditions du
    passage de l’un à l’autre. La plate-forme de la Soummam est toujours d’actualité. Elle demeure une source d’inspiration inestimable et incontournable. Encore faut-il que s’exprime une volonté collective forte pour réinscrire le pays dans une dynamique
    moderne et progressiste. L’Algérie de demain sera à l’image de nos comportements d’aujourd’hui.
    N’y a-t-il plus personne pour s’indigner sur un sursaut de patriotisme,
    un élan de dignité, voire même sur un malentendu, par erreur ?


    Djamel Zenati
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    Post Hamou Boumedine répond à Ferhat Mehenni

    Hamou Boumedine répond à Ferhat Mehenni
    “Non ! Abane Ramdane ne s’est pas trompé, il a été liquidé !”

    jeudi, 03 novembre 2016

    Dans un message adressé le 22 octobre 2016 à l’exécutif du MAK, et
    publié sur l’agence Siwel, M. Ferhat Mehenni a déclaré ce qui suit
    “La deuxième remarque qu’appelle cette séparation entre l’intérieur
    et l’extérieur est le fait qu’en son temps déjà, Abane Ramdane avait
    réalisé combien il s’était trompé sur ce principe. Trois mois après le
    Congrès de la Soummam, il s’était retrouvé pour de bon à Tunis où
    il avait fait fi de ce qu’il avait énoncé à Ifri. Il était le leader naturel
    et incontesté de la Révolution et personne de l’intérieur n’aurait osé
    protester contre une de ses décisions prises à partir de l’extérieur.”
    Ma première remarque vient dans le rétablissement de la vérité sur
    les dates. Contrairement à ce qui a été dit, Abane Ramdane ne s’est
    pas trouvé à Tunis 3 mois après le Congrès de la Soummam (tenu
    le 20 août 1956 à Ifri). Il a quitté Alger le 27 février 1957, suite à la
    répression sanglante conduite par le commandant des parachutistes
    français, le général Massu, en réponse à la grève générale de huit
    jours, lancée le 28 janvier 1957 par le CCE du FLN, à la veille de
    l’examen, par l’assemblée générale de l’ONU, de la question
    algérienne. Cette réaction des forces coloniales s’est soldée par
    l’arrestation et l’assassinat de Larbi Ben M’hidi le 23 février 1957 et
    le démantèlement de la première direction de la ZAA (Zone
    autonome d’Alger). Autre précision, Abane Ramdane n’a pas
    rejoint directement Tunis, il a été exfiltré, avec son compagnon du
    CCE, Saâd Dahleb, vers le Maroc par le colonel Sadek, dont le PC
    (poste de commandement) était installé à Chréa, et ce, après un
    périple de deux mois et demi dans les maquis. Cet épisode est
    connu aussi par l’action courageuse du couple Claudine et Pierre
    Chaulet dans le sauvetage des deux dirigeants du FLN. Les autres
    membres du CCE, Krim Belkacem et Benyoucef Ben Khedda, ont,
    pour leur part, rejoint directement Tunis.Dès son arrivée au Maroc
    le 21 mai 1957, Abane Ramdane a eu une activité intense tant sur
    le plan politique que diplomatique, et le 30 mai il est reçu, avec son
    compagnon du CCE, Saâd Dahleb, par le roi Mohammed V. Ce
    passage au Maroc, lui a permis de constater, non sans les dénoncer
    à l’occasion de la réunion du CCE de juillet 1957, les pratiques
    policières et le climat de terreur installé par Abdelhafidh Boussouf.
    Donc, pour revenir à son passage à l’extérieur, Abane Ramdane
    n’est resté, en dehors de l’Algérie, que de la période allant du 30
    mai 1957 au 27 décembre 1957, date de son assassinat dans des
    conditions affreuses au Maroc, inaugurant ainsi le crime politique
    dans l’histoire du FLN. Ma deuxième remarque, sur le fond, porte
    sur cette volonté de faire renier à Abane Ramdane l’un des principes
    qui lui a valu l’assassinat. En effet, soutenir que “Abane Ramdane
    avait fait fi de ce qu’il a énoncé à Ifri” est un mensonge intolérable,
    une dérive d’un nouveau genre car de toutes les attaques qu’il a eu
    à subir, de son vivant comme après sa mort, aucun ne s’est hasardé
    à porter atteinte à l’attachement qu’il avait de ses principes politiques.
    Aussi bien ses adversaires que ses amis de combat, tout le monde
    s’accorde à lui reconnaître l’inflexibilité aux principes, pour ne pas
    dire l’entêtement. Est-il besoin de rappeler que c’est lui qui a affirmé,
    dans le rapport qu’il a soutenu au cours de la 1re réunion du CNRA
    tenue le 27 août 1957 au Caire “Là, encore on a trouvé à redire.
    Pourtant ce principe (la primauté de l'intérieur sur l'extérieur) est
    encore valable pour une foule de raisons dont la moindre est qu'une
    Révolution comme la nôtre ne peut être dirigée que par des hommes
    qui la vivent et indiscutablement on ne peut vivre la Révolution
    algérienne qu'à l'intérieur des frontières de l'Algérie.” Ce principe,
    comme celui de la primauté du politique sur le militaire, nous le
    savons aujourd’hui, a fait l’objet d’une remise en cause au cours de
    cette même réunion du CNRA. “Le bilan présenté par Abane fut
    bien ratifié malgré toutes les critiques proférées contre lui en coulisse.
    Mais surtout, le CNRA du Caire se solda par des décisions qui
    renversaient les principes de la Soummam et qui instituaient cette loi
    non écrite de toute Constitution algérienne en vigueur depuis 1957
    ‘Nul pouvoir civil sans le contrôle des militaires.’Non dit, ce principe
    allait avoir la vie dure”.
    Et là, j’en viens à ma troisième remarque sur
    cette idée avancée, de manière légère, selon laquelle Abane Ramdane
    avait une autorité qui lui conférait un pouvoir tel “que personne
    n’aurait osé protester contre une de ses décisions prises à partir de
    l’extérieur”. D’abord, ce qu’il faut savoir, c’est que même les décisions
    qu’il avait prises de l’intérieur, dans le cadre du CCE issu du Congrès
    de la Soummam, ont fait l’objet d’une remise en cause.Un seul exemple
    les “militaires” lui avaient fait porter, seul, la responsabilité des
    exactions subies après la grève des huit jours. Après la mort de Larbi
    Ben M’hidi, son principal allié politique, et le choix de Krim Belkacem
    de s’allier aux militaires, Abane Ramdane a perdu l’essentiel de son
    pouvoir et son autorité a décliné. Comme le note Mohamed Harbi dans
    son ouvrage FLN, mirage et réalité : “Sixième membre du cercle, qui
    dans le CCE, détient le pouvoir réel, Abane perd tout droit de regard
    sur les questions militaires pour ne s’occuper que du journal
    El Moudjahid. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas associé à d’autres
    activités, mais il est désormais présent comme auxiliaire et non en tant
    que partenaire.” La question est alors de savoir pourquoi les chefs
    militaires en sont arrivés à la liquidation physique d’Abane Ramdane
    bien que ce dernier ait été déjà dépouillé politiquement de ses
    principaux soutiens ? Quelles avaient été leurs motivations, ou mieux,
    leurs appréhensions ? On peut se laisser convaincre par la thèse
    “psychologique” et ne retenir que le caractère colérique d’Abane
    Ramdane. Mais cette thèse est incapable de rendre compte de toutes
    les dissensions vécues dans la direction du FLN et ne représente, loin
    s’en faut, que la partie apparente de l’iceberg. Abane Ramdane était
    entré, en réalité, en dissidence après la remise en cause politique des
    résolutions du Congrès de la Soummam dont il avait été l’architecte
    principal. Et c’est parce qu’il ne s’était jamais résolu à accepter sa
    défaite que les chefs militaires avaient décidé de l’éliminer physiquement.
    Comme le souligne Gilbert Meynier : “… pour Abane, les replis sur
    Tunis ou Le Caire n’étaient que provisoires. Le principe soummamien
    de la supériorité de l’intérieur sur l’extérieur faisait partie d’une vraie
    ligne politique, puisée dans l’histoire des mouvements de libération dont
    ses innombrables lectures l’avaient rendu familier.” Considérer que
    l'homme qui tenait ses adversaires pour des “révolutionnaires de palace”
    est capable de se renier ou, à tout le moins, imaginer qu’il s’est trouvé
    une raison pour s’installer “pour de bon” à l’extérieur, est pour le moins
    hasardeux en terme de conclusion. Un leader politique peut se donner
    les arguments qu’il veut pour justifier son exil, choisi ou imposé. Il
    appartient, en dernier ressort, à ses militants de les accepter ou de les
    réfuter. Mais aller triturer l’histoire d’une Révolution et dénaturer le
    parcours de celui qui a payé de sa vie la fidélité à ses principes dans le
    seul but de justifier sa propre situation, aussi “inconfortable” soit-elle,
    est, je regrette M. Ferhat Mehenni, une démarche moralement
    inacceptable et politiquement douteuse.Il y a une année, dans les mêmes
    colonnes de ce journal, je dénonçais les propos outrageants de M. Daho
    Ould Kablia sur Abane. J’étais, je l’avoue, loin d’imaginer que j’en
    arriverai un jour à le faire face à vous. Un peuple, avant que ça soit un
    avenir, est d’abord une mémoire collective qui préserve ses mythes
    fondateurs. C’est ce que j’appellerai, en restant à l’échelle de la
    responsabilité individuelle, apprendre à se reconstruire sans aller jusqu’à
    détruire les siens.


    H. B.


    Atlas-HD-200 B102 B118
    Icone I-5000

    ZsFa

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