C’était l’occasion ou jamais de se montrer. Vendredi 24 juin, en ce jour de relâche pour l’Euro de football, le rugby français avait la pelouse pour lui tout seul. Et pas n’importe laquelle : pour la première finale du championnat de France organisée à l’étranger, à Barcelone, les joueurs du Racing 92 ont pris le meilleur sur ceux du Rugby club toulonnais dans le décor monumental du Camp Nou (29-21).

Quatre-vingts ans après le début de la guerre civile espagnole, l’« hommage à la Catalogne » aura pris la forme d’un match animé et incertain jusqu’au bout. Vite, les cages de football ont cédé place aux poteaux de rugby, et le logo « blaugrana » du Barça, le club local, s’est effacé, le temps d’une soirée, devant ceux des nombreux sponsors de la Ligue nationale de rugby.

Dans les tribunes, un peu de monde. 99 124 spectateurs. Rien de moins que la meilleure affluence jamais atteinte sur la planète rugby pour un match entre clubs. Un public en majorité français et volubile dès les stations de métro aux abords du stade, à grand renfort de « Marseillaise » ou de chansons légères.
Avant même le coup d’envoi, première surprise. Les joueurs du Racing foulent le terrain avec un blazer par-dessus leur maillot ciel et blanc, clin d’œil aux facéties vestimentaires de leurs aînés en 1987, dans ce que l’on appelait alors l’équipe du « show-bizz ».
L’entame de match, elle, a été moins dépaysante pour les quelques Espagnols également en tribunes. Les premiers points de la partie ont bien sûr été inscrits au pied. Du droit, celui de Halpenny, auteur de trois pénalités (2e minute, 19e, 23e). Puis retour au jeu de passes pour l’essai de Gorgodze sur le côté droit (29e) pourpermettre à Toulon de mener au score à la mi-temps (15-14).
Sixième titre pour le Racing

Le Racing, sans Machenaud depuis son expulsion en première période, a réussi deux exploits au retour des vestiaires : inverser la situation comptable grâce à un essai de Rokocoko (59e) et faire chanter – timidement – ses supporteurs, jusque-là inaudibles par rapport aux « Qui ne saute pas n’est pas Toulonnais » du camp d’en face.
Le second essai toulonnais du match, œuvre de Mermoz (71), aura été insuffisant face aux pénalités de Goosen et Carter. Face aux drapeaux ciel et blanc le saluant depuis les tribunes, ce dernier aura donc conclu sa première saison sous le maillot racingman par un titre.
Recruté à prix d’or, joueur le plus onéreux de tout le Top 14, le champion du monde néo-zélandais récompense les investissements de Jacky Lorenzetti. Propriétaire du Racing depuis 2006, le fondateur de l’agence immobilière Foncia a tiré le club francilien de la deuxième division pour décrocher finalement le sixième titre en championnat de France dans la longue histoire du club altoséquannais.


Pour le club doyen du championnat, le dernier bouclier de Brennus remontait à 1990. Le Racing pourrafêter son renouveau dans les vestiaires et le jacuzzi du Barça, puisque le tirage au sort d’avant-match leur avait réservé le privilège de s’installer dans l’espace habituellement réservé à Messi, Neymar et autres vedettes, Toulon devant se contenter du vestiaire dévolu aux équipes visiteuses.
Cette clôture de saison se pare aussi de vertus compensatrices pour le Racing, puisque le club francilien s’était incliné en finale de la Coupe d’Europe au mois de mai, à Lyon, contre les Londoniens des Saracens.