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zadhand
12/06/2016, 22h55
OUTRAGE À CORPS CONSTITUÉ (Incitation des Citoyens à s'Armer contre l'Autorité de l'État ...)
24355

Militants poursuivis pour des commentaires sur Facebook
le 10.06.16 | 10h00

Les poursuites judiciaires à l’encontre des activistes du sud du pays
se poursuivent.A El Oued, Badie Bakini, 37 ans, ancien correspondant
du quotidien Echourouk et concepteur d’un hebdomadaire régional de
Ouargla, est accusé d’«incitation à attroupement non armé» pour avoir
écrit, sur sa page facebook, une lettre ouverte au président de la
République et au gouvernement demandant «l’annulation de la 2e édition
du festival international Louss des musiques, chant et folklore», organisé,
dans sa région, du 17 au 21 novembre dernier. «El Oued est privé de toute
politique de développement local, raison pour laquelle, j’ai appelé le Président
et le gouvernement à dépenser l’argent du festival dans des projets
d’investissement afin de faire face à la crise en cette période d’austérité»,
explique Badie Bakini, joint par téléphone.Auditionné par la police en
octobre 2015 puis convoqué pour être jugé le 5 juin dernier, son procès a été
reporté, sur demande de son avocat, au 26 juin prochain. L’autre cas est celui
du jeune militant de Labyodh Sidi Cheikh, du sud d’El Bayadh,
Mohamed Boudiaf Boucif, 24 ans, membre du Mouvement des chômeurs.
Sur sa page facebook, Mohamed Boudiaf, a dénoncé, début mai, le projet
d’extension enclenché par l’«adjoint maire» de sa commune, qui, selon lui,
«a tenté de construire sur des terrains qui appartiennent aux Domaines».
Mohamed Boudiaf dénonce ce qu’il décrit d’«abus de pouvoir».
L’adjoint, lui, explique, qu’il s’agit d’«un bien de son frère et non du sien».
Accusé de «diffamation», Mohamed Boudiaf a vu son procès, programmé
pour le 6 juin, reporté pour lundi prochain. Quant à l’affaire de Hassan Bouras,
journaliste et membre du comité de direction de la Laddh, mis sous mandat
de dépôt pendant près de 4 mois puis libéré à la mi-janvier dernier, la chambre d’accusation d’El Bayadh se statuera lundi sur son cas, affirme son avocat,
Me Noureddine Ahmine, sur sa page facebook. «Il est accusé d’outrage à corps
constitué et d’incitation des citoyens à s’armer contre
l’autorité de l’Etat»,explique l’avocat.

Meziane Abane

zadhand
12/07/2016, 12h23
Condamné à deux ans de prison ferme


Le journaliste Mohamed Tamalt écope de la peine maximale
le 12.07.16 | 10h00

Renvoyé une première fois après le retrait des avocats,
le procès du journaliste freelance Mohamed Talmat s’est ouvert
hier au tribunal de Sidi M’hamed, en présence de son collectif d’avocats.



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Il est poursuivi pour «outrage au président de la République et aux institutions
de l’Etat» en vertu des articles 144 bis et 146 du code pénal qui prévoient une
amende de 100 000 à 500 000 DA. Sa mise sous mandat de dépôt pour un délit
non privatif de liberté a suscité la colère de ses avocats, qui avaient refusé de
plaider sans sa mise en liberté, mettant la juge, Fatiha Belhaloui, devant un
dilemme, d’autant que le rapport de l’enquête préliminaire porte l’en-tête et le
cachet du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), une structure
qui a été dissoute par décret présidentiel.
Hier, les six avocats de Talmat Mustapha Bouchachi, Noureddine Benissad,
Amine Sidhoum, Bachir Mechri et Mohamed Hassani — se sont succédé à la
barre pour plaider l’annulation de la procédure. Tous dénoncent les vices de
forme qui entachent le dossier. Me Sidhoum s’interroge sur le fait qu’«un rapport
avec l’en-tête du DRS soit accepté par le parquet et surtout par le juge, garant
des libertés individuelles». Abondant dans le même sens, Me Mechri refuse
«de cautionner ou de taire les violations». Pour lui, il s’agit d’«une erreur qu’il
faut corriger en annulant tout simplement la procédure».Du fond du box, Talmat
demande la parole et la juge lui répond : «Votre défense a pris suffisamment de
temps pour vous défendre.» Elle prend note et décide de joindre l’examen des
demandes à celui du fond, puis se retourne vers le prévenu : «Vous êtes poursuivi
pour les articles que vous avez publiés entre le 21 et le 23 juin 2016, sur votre site
électronique et les réseaux sociaux, contenant des propos jugés diffamatoires, insultants
et outrageants à l’égard du président de la République, du Premier ministre,son épouse
et sa fille, du ministre de la Défense nationale, de la ministre de l’Artisanat,du commandant
de la 4e Région militaire, le général Abderrazak et son fils. Qu’avez-vous à répondre ?»
«Mme Sellal utilisait le statut de son mari…»
Mohamed Talmat tire deux feuilles manuscrites et précise : «Le poème qui concerne
le Président a été écrit il y a plus de trois mois. Il s’agit de ‘hidj’a’(critique) et non pas
de diffamation. Visiblement, il ne différencie pas entre les deux.» La juge l’interrompt
pour le sommer de ne pas reprendre les mots qu’elle estime diffamatoires à l’égard
du Président.Le prévenu se lance dans des explications : «J’ai dit qu’il était un fraudeur
parce que les élections de 2004 ont été en sa faveur par la fraude, tout comme celles
de 2009 et de 2014. Je ne l’ai pas insulté. J’ai dit qu’il était coupable.» La juge : «Accepteriez-vous, en tant qu’Algérien, qu’on écrive sur vous ce que vous avez publié
et que je ne peux lire à haute voix par respect pour cette audience ?» Le prévenu
«Je ne l’ai pas outragé. C’est un homme public que j’ai eu à connaître dans les années
1990 et il m’a même proposé un poste en 1999 que j’ai refusé.
Je connais ses défauts et j’en ai parlé. Sa mère était…» La juge le rappelle à l’ordre
en le menaçant de l’inculper une seconde fois.
La défense intervient et tente de raisonner Talmat
sans pour autant calmer la magistrate.
Le prévenu dit : «J’ai dit qu’il était maudit…» avant d’être stoppé net par la juge
«Parlez avec respect. Défendez-vous sans relire les mots diffamatoires que vous
avez utilisés dans vos écrits.» Les avocats s’agitent, ils tentent de calmer leur mandant,
en vain. L’un d’eux, Me Mechri, se retire.Le prévenu : «Je ne peux me défendre sans
me référer à mes textes.» Talmat ne cesse de répéter qu’il a parlé de «l’homme» qu’il a
connu et de «ses défauts» et non pas du Président. «Comment pouvez-vous étaler les
défauts de votre ami, comme vous le dites ? Même le Prophète l’interdit…»
Tamalt s’offusque du fait qu’il ait été interpellé par les services de lutte antiterroriste à
Londres, en Grande-Bretagne, où il réside, «parce j’ai écrit sur la fille du Premier ministre Abdelmalek Sellal». La juge : «Vous avez diffamé deux généraux de l’armée…»
Tamalt répond : «J’ai parlé de leurs enfants. Ils sont responsables des actes de leur progéniture ? J’ai le droit de les critiquer. Ce sont des hommes publics.» La juge le
ramène aux propos tenus contre l’épouse du Premier ministre et le prévenu s’explique
«J’ai évoqué Mme Sellal parce qu’elle utilisait la position de son époux pour faire pression
sur les autorités afin que son association, l’Imzad, domiciliée à Tamanrasset, puisse
obtenir des privilèges.» La magistrate revient à la charge : «Vous avez utilisé des mots
qui portent atteinte à la dignité de l’épouse du Premier ministre et à la ministre de l’Artisanat…» Tamalt : «Je n’ai offensé personne. J’ai critiqué des personnalités publiques.»
La juge se tourne vers le procureur, qui requiert deux ans de prison ferme et 500 000 DA d’amende. Les avocats vont tous plaider l’annulation de la procédure en revenant sur les
vices de forme qui l’entachent. Me Benissad commence par rappeler les conditions dans lesquelles le prévenu a été mis en prison, marquées, selon lui, par plusieurs violations
du droit, dont l’absence de la plainte préalable exigée par l’article 146 du
code de procédure pénale.
«Les généraux sont responsables des actes de leurs enfants»
Me Hassani souligne que Tamalt est poursuivi en vertu des articles 144 et 144 bis qui
ne prévoient pas de peine privative de liberté et se demande ce que fait le prévenu en
prison. Me Sidhoum n’y va pas avec le dos de la cuillère. «Je ne peux aller vers le fond
du dossier si la procédure est dès le départ biaisée», lance-t-il avant d’exhiber quelques documents. Il se demande comment la juge a pu accepter un dossier présenté par une structure, le DRS, officiellement dissoute par décret présidentiel : «J’ai ici le courrier
daté du 24 juin, transmis par le parquet à la police judiciaire, demandant la confiscation
du passeport de Tamalt. Or, à cette date, ce dernier n’était même pas encore convoqué
ou entendu. Son inculpation a eu lieu le 27 juin.Comment expliquer cela ? Est-ce une
erreur ? Comment le parquet peut-il demander deux ans de prison ferme pour des faits
qu’il a lui-même qualifiés en vertu des articles 144 bis et 146, qui prévoient des amendes
et non la prison ? N’aurait-il pas suffi de le faire convoquer et de le faire comparaître directement ? Pourquoi autant de violations ? Je peux croire que le parquet puisse se
tromper, mais pas le juge, garant des libertés. Volontaire ou involontaire, l’erreur d’avoir
décidé d’un mandat de dépôt doit être corrigée.» Me Bouchachi s’offusque de l’état de
la justice : «Nous avons tous failli. Nous n’avons pas pu construire un Etat, une justice et
une société.» Et de revenir sur les points déjà cités par ses confrères, réclamant aussi l’annulation de la procédure.Contre toute attente, la juge annonce la mise en délibéré de l’affaire et, une heure plus tard, elle rend sa décision. D’abord la requalification des faits.
Le prévenu n’est plus passible d’«outrage au Président», l’article 144 bis qui prévoit des amendes. La juge a retenu plutôt l’article 144 qui stipule : «Est puni de 2 mois à 2 ans et
d’une amende de 1000 DA à 500 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, dans l’intention de porter atteinte à leur honneur, à leur délicatesse ou au
respect dû à leur autorité, outrage dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de
cet exercice, un magistrat, un fonctionnaire, un officier public, un commandant, ou
un agent de la force publique, soit par paroles, gestes, menaces, envoi ou remise d’objet quelconque, soit par écrit ou dessin non rendu public.Lorsque l’outrage envers un ou
plusieurs magistrats ou assesseurs jurés est commis à l’audience d’une cour ou d’un
tribunal, l’emprisonnement est d’un an à deux ans. Dans tous les cas, la juridiction peut,
en outre, ordonner que sa décision soit affichée et publiée dans les conditions qu’elle détermine, aux frais du condamné, sans que ces frais puissent dépasser le maximum
de l’amende prévue ci-dessus.» De ce fait, la juge a condamné Tamalt à la peine
maximale, soit deux ans de prison ferme assortie d’une amende de 500 000 DA.
Surpris, ses avocats ne comprennent pas ce qui s’est passé. L’article 144 ne correspond
pas aux personnes citées dans les articles du journaliste. Ils y voient une autre
«aberration» contre laquelle ils comptent interjeter appel.


Salima Tlemçani