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ironman
03/01/2016, 11h14
Objectif: adaptation aux évolutions technologiques
Intégration de la notion de service public
La société civile réclame un rôle actif des téléspectateurs

Après avoir remis le code de la presse et de l’édition au Parlement, Mustapha El Khalfi prépare un autre texte tout aussi important. Le ministre de la Communication a donné un avant-goût du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle à la Chambre des représentants, mardi dernier. Le texte, qui sera présenté en Conseil de gouvernement dans les semaines à venir, vise “la mise à niveau de la réglementation et son adaptation aux évolutions technologiques”.

Le département d’El Khalfi a examiné les changements des habitudes de consommation des téléspectateurs qui se digitalisent de plus en plus (voir encadré). «Lors de l’adoption de l’actuel texte en 2005, Internet ne touchait que 2 millions de Marocains, alors qu’aujourd’hui, ils sont près de 11 millions d’abonnés», explique le ministre. C’est donc à cette transformation technologique qu’il faudra s’adapter. Surtout qu’il devient de plus en plus difficile de mesurer l’audience des programmes, étant donné qu’une bonne partie de la population regarde la télévision sur Internet. Ce qui impacte fortement les recettes publicitaires. Dans d’autres pays, ce sont les opérateurs des télécommunications qui vont passer désormais à la caisse, étant les principaux bénéficiaires de ces visionnages.
Au Maroc, l’idée est présente.

Le secteur est également marqué de plus en plus par une concurrence. L’ouverture des satellites fait que les Marocains sont ciblés par des chaînes basées à l’étranger. «Les Marocains sont ciblés par une centaine de chaînes d’information et une quarantaine de chaînes religieuses», estime le ministre. L’idée est donc de donner des moyens, mais également des obligations aux chaînes pour faire face à cette offensive. C’est ainsi que le concept de service public sera consacré dans le projet de loi. Il consiste globalement dans des principes déjà présents dans les cahiers des charges du pôle public signés en 2012, à savoir l’information, l’éducation, le divertissement, etc. «Il s’agit d’une notion totalement absente dans la loi en vigueur», rappelle Abdelwahab Rami, professeur à l’Institut supérieur de l’information et de la communication. Pour lui, la loi 77-03 n’est pas un texte structurant dont le préambule comporte des principes généraux vagues et ne parle pas de la notion de service public du secteur. «Si les cahiers des charges de 2012 ont comblé ce déficit, ils restent insuffisants pour donner au service public sa véritable signification», rappelle-t-il.

Partant de la base que la communication suppose l’existence d’un échange entre deux ou plusieurs parties, Abdelali Tarkit, président de la Société marocaine des droits des téléspectateurs, estime que l’actuel texte de loi occulte les droits du téléspectateur. «Celui-ci ne doit pas être considéré comme simple consommateur, mais plutôt comme un acteur, dont les réactions doivent être prises en considération», explique-t-il.

Le texte a également pour objectif d’assurer la conformité avec la Constitution, notamment l’article 28 qui garantit de nouveaux rôles au pôle public. Le même article charge d’ailleurs la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), dont la loi sera également présentée en Conseil de gouvernement dans les prochaines semaines, de veiller au respect du libre-accès au pôle public selon la pluralité linguistique et culturelle.

Au volet linguistique, l’instance dirigée par Amina Lamrini sera chargée de la protection des langues arabe, darjia et l’amazigh, mais également de garantir l’ouverture sur d’autres, dont notamment le français. L’orientation de garantir des traductions en arabe et en amazigh dans les programmes étrangers sera confirmée dans le nouveau texte.
«Ce dernier vise le soutien de la production nationale. Même si elle reste jeune, nous avons besoin d’y instaurer les règles de transparence et de protection des créateurs et les droits d’auteur», explique El Khalfi. Il n’en demeure pas moins que l’orientation est de conforter la production interne des chaînes qui, selon lui, concerne déjà 70% des programmes.

L’autre axe de la loi est de structurer la gestion des ressources humaines des chaînes. El Khalfi veut les obliger à régulariser la situation de centaines de leurs collaborateurs (permanents), actuellement sous contrats freelance. Une initiative qui risque de provoquer un tollé des chaînes, vu leurs finances globalement désastreuses.




Les jeunes boudent la télévision

Internet a totalement chamboulé les habitudes des téléspectateurs. Une étude réalisée par le ministère de la Communication a relevé que parmi la tranche de 14-24 ans, 46% ne regardent les productions télévisées que sur leurs Smartphones. Alors que 56% y accèdent à travers les réseaux sociaux. «L’usage des tablettes reste toutefois très faible, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays», explique Mustapha El Khalfi, le ministre de la Communication. Plus les populations prennent de l’âge, plus ces chiffres baissent. En effet, les réseaux sociaux et les Smartphones partagent à parts égales les jeunes dont l’âge se situe entre 25 et 34 avec une proportion de 68%. Seuls les spectateurs de plus de 45 ans tiennent à la télévision. 7% la regardent en utilisant les réseaux sociaux et 11% utilisent leurs Smartphones.