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zadhand
28/12/2015, 20h05
A la une/Actualité_Congrès de la Soummam


Plateforme à vulgariser

L’association des activités de jeunes «Horizons» a organisé, vendredi dernier, une rencontre-débat
au musée d’Ifri, dans la commune d’Ouzellaguen, traitant du Congrès de la Soummam à l’occasion
de la célébration du 59e anniversaire de sa tenue dans le lieu éponyme.
Des représentants des associations «Etoile culturelle» d’Akbou, Abane Ramdane de Tizi Ouzou,
Sid Ali Oumerzeg de Seddouk, des Moudjahidine, des enfants de Chouhada, des élus locaux
et le Pr Djamil Aïssani ont pris la parole pour émettre des propositions
à même de redorer le blason de la première réunion du FLN.
Un événement historique important ignoré, ces dernières décennies, par les hautes autorités.
L’état en perpétuelle dégradation du site ayant abrité les travaux
du Congrès étant l’illustration parfaite de ce reniement.
Les intervenants ont tous relevé l’absence des officiels aux festivités commémoratives
du 20 Août 1956 pour des raisons politiques. Pour Braham Bennadji, P/APC de Tinebdar,
«l’impasse dans laquelle s’est retrouvée la révolution algérienne
en 1956 ressemble à bien des égards à celle que nous vivons en 2015.
Aussi, ouvrir le débat en associant tout le monde est une condition sine qua non pour surmonter la crise».
Le Pr Aïssani estime, pour sa part, que «le principe de la primauté du politique sur le militaire a
toujours été source de conflit de pouvoir».Sur les murs de la salle abritant la rencontre-débat, une copie
de l’extrait de la plateforme du Congrès de la Soummam est affichée au public. «Peu de gens sont
au courant des résolutions contenues dans ce document fondateur de la République algérienne.
Sa vulgarisation, notamment en milieu scolaire, constituera l’une de nos actions à entreprendre»,
clame Kamal Tabet, représentant de l’association organisatrice et élu local.
Pour donner au 60e anniversaire du Congrès de la Soummam l’envergure qui lui sied, les participants
ont retenu la nécessité de créer, dès à présent, une cellule de réflexion qui, en concertation
avec les pouvoirs publics, le mouvement associatif et la société civile, préparera un programme d’action
qui s’étalera jusqu’au 20 août 2016.

Aït Iddir Hocine

zadhand
09/08/2016, 17h38
Afin de lancer le débat et d’éclairer des zones d’ombre

Colloque international sur le congrès de la Soummam
le 09.08.16 | 10h00

Des historiens, des chercheurs, des politologues, des anciens combattants
de l’ALN prendront part au colloque international sur le Congrès de la
Soummam (20 août 1956) intitulé «60 ans après : quelles leçons» que compte
organiser, les 25 et 26 août, la commune d’Akfadou en partenariat avec
l’Assemblée de wilaya de Béjaïa, le Forum de solidarité euro méditerranéenne
(Forsem) de Lyon et Med Action d’Akbou. Les animateurs de ces assises,
notamment Dalila Aït El Djoudi (docteur en histoire militaire et études de défense, enseignante à Toulon) et Tahar Khalfoune (professeur à l’IUT Lyon 2, docteur en
droit public) expliquent les objectifs d’une telle initiative. Ce colloque se veut,
selon eux, une rencontre de chercheurs, de témoins et d’acteurs au-dessus de tout
autre considération, hormis celle d’éclairer un débat qui ne manque pas «de points aveugles». Ces deux journées d’étude obéissent strictement, selon les organisateurs
, à des considérations d’ordre historique. Le but recherché est de contribuer à une meilleure connaissance du contexte politique et militaire, des objectifs, des
dissensions internes et des limites de ces assises grâce aux réflexions des intervenants
et aux échanges avec le public.Cet événement, encore peu connu mais qui revêt à
plus d’un titre un caractère d’actualité, est, de l’avis des organisateurs de ce colloque, depuis des décennies, un terrain scientifique laissé en jachère puisqu’aucune recherche
ne lui a été a priori consacrée par l’université algérienne, alors qu’il mérite bien d’être exploré pour plus d’une raison. «Incontestablement, il y a d’abord un besoin d’histoire
que la société n’a cessé d’exprimer sur la séquence précise de la guerre d’indépendance qui n’a pas encore livré tout ses secrets, quand bien même le pays entretient un rapport très problématique avec son histoire», précisent Tahar Khalfoune et Dalila Aït El Djoudi.
Lors de cette rencontre, les acteurs, les chercheurs et les historiens vont tenter
d’expliquer comment, dans ce contexte difficile des premières années de la guerre marquée par l’absence d’organisation armée structurée et concertée et de vision et de stratégie politique, les concepteurs de ce Congrès ont réussi à mettre en place, d’un
côté, les structures cohérentes destinées à soutenir la dynamique populaire et, de l’autre,
à dégager une stratégie politique contractuelle et inclusive de libération du pays,
dépassant l’étroitesse des cadres politiques partisans traditionnels en donnant corps au Mouvement national par l’intégration de nombreux cadres politiques d’horizons
politiques divers (centralistes, PCA, oulémas, UDMA...)Enfin, parce qu’il a été traversé
par des luttes internes, ce Congrès fait pleinement partie d’une histoire, d’une mémoire conflictuelle mais partagée avec la France. Il y a donc un enjeu scientifique de premier ordre à analyser pour comprendre les raisons de ces crispations.De telles perspectives peuvent, à elles seules, selon les animateurs de ces assises, libérer un champ de recherche fécond au regard des pistes de travail qu’elles sont susceptibles d’ouvrir.
«Pour toutes ces raisons, nous avons estimé opportun d’associer des historiens et des chercheurs algériens et français pour éclairer, grâce à leurs regards croisés, un débat souvent passionnel, mais dont l’intérêt n’est plus à démontrer.»

Nabila Amir

zadhand
20/08/2016, 23h42
Le bien-fondé historique du Congrès de la Soummam

Par Ali Mebroukine
Professeur d’université

Il y a 60 ans, se tenait dans l’actuelle commune d’Ouzellaguène (villages d’Ifri et d’Ighbane), un Congrès qui eût pu rester dans l’histoire de l’Algérie contemporaine
comme la première pierre de l’édifice d’une protonation algérienne, n’était la
récupération que firent de son socle idéologique les prétoriens qui réussirent à marginaliser, dès le mois d’août 1957, le maître d’œuvre de la Plateforme de la
Soummam et l’architecte de la Révolution algérienne, Abane Ramdane.
A cause de l’échec de la stratégie des partis politiques et associations (UDMA,
PCA, Association de oulémas, etc.), favorables à la poursuite du dialogue avec
la France coloniale pour obtenir l’égalité des droits et aussi à cause de la violation
par les gouverneurs successifs de l’Algérie du statut du 20 septembre 1947,
lequel était pourtant très en deçà des demandes autochtones, la nécessité
d’organiser un vaste rassemblement des forces politiques s’imposait
irrépressiblement. C’est à Abane Ramdane que l’on doit l’idée de transcender les
clivages partisans devenus anachroniques, au regard des enjeux majeurs que
représente la conquête de l’indépendance. Il s’agit aussi de domestiquer, grâce
à une organisation rigoureuse et hiérarchisée, les tendances centrifuges de la
résistance algérienne qui demeurèrent, malgré tout, un invariant du FLN/ALN,
comme le révélera cruellement la crise de l’été 1962. Abane restera une figure
tutélaire du Mouvement national.Activiste dans le PPA/MTLD clandestin, après
les massacres du 8 Mai 1945, il est également membre de l’OS dont les principaux éléments allaient créer, en mars 1954, le CRUA sur lequel reposera la responsabilité
de préparer et de déclencher la Révolution du 1er Novembre 1954. Il est arrêté par
la police française en 1950, dans l’affaire dite du complot de l’OS, et sera condamné
à cinq ans d’emprisonnement, 10 ans d’interdiction de séjour et 10 ans de privation
de ses droits civiques. Il sort de détention le 18 janvier 1955, autrement dit moins
de trois mois après le déclenchement de l’insurrection. Mais déjà, à la prison
d’El Harrach, à l’été 1954, il est informé des préparatifs de la Révolution et fait même
partie d’un groupe informel de 12 personnalités chargé d’encadrer l’insurrection. La légitimité historique de Abane était donc irrécusable. De ce point de vue, il était le
seul, avec Larbi Ben M’hidi, à pouvoir exiger, ultérieurement, des chefs militaires, l’alignement sur une plateforme dont les garants devaient être, en dernier ressort,
les seuls politiques.
LES OBJECTIFS DU CONGRÈS
Trois préoccupations guidaient Abane dans la préparation du Congrès de 20 Août
1956 l’inventaire objectif des moyens matériels et de la logistique à la disposition du FLN/ALN, l’élaboration d’un document exhaustif explicitant les buts et les moyens de
la Révolution algérienne, les droits et obligations de ses responsables, le rejet a priori
de toute confiscation de la décision politique par une seule autorité, fut-elle auréolée
d’un charisme unanimiste. Il s’agissait également de doter la Révolution de nouvelles institutions et de professionnaliser l’ALN (en la pourvoyant d’une hiérarchie et de
grades allant de sous-officier à officier supérieur). La décision la plus importante est évidemment la création du CNRA, sorte de Parlement composé de 34 membres (17 titulaires et 17 suppléants). C’est ce Parlement qui sera dépositaire de la souveraineté nationale et dont les décisions seront prises sur la base du principe de la collégialité.
Dans ce sillage, un vaste programme de réorganisation des structures de l’ALN est
adopté avec la création de six Wilayas et la transformation de la capitale, Alger,
en zone autonome. Le gouvernement du CNRA est un organe exécutif, baptisé CCE, composé de cinq membres : Abane, Krim, Ben M’hidi (ces deux derniers étaient
membres du CRUA) et deux anciens centralistes, Benyoucef Ben Khedda, qui sera
le second président du GPRA à partir de 1961, et Saâd Dahlab, futur négociateur des Accords d’Evian. Il était également essentiel d’encadrer la société civile et de l’impliquer totalement dans le combat contre le colonialisme. C’est ainsi que Abane dut faire appel
aux représentants de l’UGTA, de l’UGEMA et de l’UGCA (cette dernière, sollicitée pour contribuer au financement des activités du FLN/ALN).
L’OECUMÉNISME POLITIQUE D’ABANE
Il a été fait reproche à Abane de vouloir rassembler sous la large bannière du FLN le salmigondis de personnalités politiques provenant de formations politiques ayant eu
en commun une profonde circonspection à l’endroit du FLN. En fait, Abane ne fit que prendre acte d’une situation politique objective caractérisée par le refus délibéré du
lobby colonial d’accorder quelque concession que ce soit au mouvement national réformiste, cependant que celui-ci, las de promesses non tenues par les représentants
de la France coloniale, avait décidé de se radicaliser. Il faut savoir que les élus algériens quittèrent massivement l’Assemblée algérienne qui fut dissoute en avril 1956. Abane
ne pouvait pas refuser le ralliement au FLN de personnalités qui avaient adoubé la stratégie maximaliste du FLN/ALN, consistant à poursuivre la lutte armée jusqu’à l’indépendance. Refuser la main tendue aurait affaibli la position de Abane vis-à-vis
de chefs militaires peu enclins à entériner le principe de la supériorité du politique sur
le militaire et aussi prendre le risque de pousser certains milieux, relativement ouverts
du lobby colonial, à récupérer ces transfuges potentiels et ainsi diviser
le mouvement national.
LA CONTESTATION DE LA LÉGITIMITÉ DE LA PLATEFORME DE LA SOUMMAM
Le Congrès de la Soummam accouche de deux Tables de la loi que Abane aurait
voulues immarcescibles : la primauté du politique sur le militaire et celle de l’intérieur
sur l’extérieur. Mais parce que le Congrès de la Soummam se tient en l’absence de la Délégation extérieure, que les Aurès ne pourront déléguer aucun représentant, que
les zones de l’Est (réputées peu actives contre le colonialisme) ont été mises sous le boisseau et qu’enfin la Fédération de France n’y avait pas non plus été conviée, l’événement d’Ifri va ouvrir la voie à un affrontement sévère pour le leadership.
Ahmed Ben Bella, notamment, ne reconnaît aucune légitimité au Congrès de la
Soummam, alors même qu’il fait partie, au même titre que Hocine Aït Ahmed,
Mohamed Khider et Mohamed Boudiaf, des 17 membres titulaires. S’il veut bien
concéder que le CNRA peut se prévaloir d’une certaine représentativité (au regard
de la qualité de ses membres), le CCE, en revanche, en est totalement dépourvu à
ses yeux, car sa composition porte l’empreinte indélébile du seul Abane Ramdane.
Ahmed Ben bella y ajoute d’autres griefs d’ordre idéologique qui lui paraissent fondamentaux : le tropisme séculier de la Plateforme qui élude la place centrale de
l’islam qui demeure le principal facteur de mobilisation des populations, la francophilie
de Abane qui l’amène à associer au Congrès des éléments de confession juive et
des représentants de la minorité européenne (pourtant tous partisans de
l’indépendance de l’Algérie). La tonalité gratuitement et puérilement antikabyle du réquisitoire instruit contre Abane est notoire et rappelle les circonstances dans
lesquelles avait éclaté la crise berbériste de 1949. Pourtant, les objectifs du Congrès
de la Soummam ne souffrent aucune réserve ni du point de vue de la volonté de ses initiateurs de libérer le plus vite possible notre pays du joug colonial ni de celui de
refuser de jeter l’exclusive sur aucun clan ou faction du FLN/ALN (à l’exception des messalistes engagés militairement contre le FLN, devenu leur seul ennemi). Pour
Abane, l’impératif catégorique consiste à construire les linéaments d’un Etat algérien
dont la solidité et la cohérence des structures serait le prélude à l’éclosion d’une
nation algérienne, encore mythique en cet été de 1956 ; la société algérienne étant
encore profondément travaillée par les liens primordiaux et trop segmentée pour
penser son avenir dans le cadre d’un projet national. Concrètement, le FLN/ALN se
bat pour obtenir une indépendance totale, recouvrer l’intégralité du territoire (Sahara compris, qu’ultérieurement les négociateurs français d’Evian chercheront, sans succès,
à soustraire à la souveraineté algérienne).Il entend également instaurer une
République démocratique et sociale, excluant le retour au féodalisme, à l’exploitation
de l’homme par l’homme, et plus encore prévenir l’émergence d’une forme ou une
autre de théocratie, même s’il est vrai que la référence à la République démocratique
et sociale est, en apparence, assortie d’une restriction, tenant au respect des
«principes de l’islam» (ce qui ne diminue en rien la sécularisation projetée des
institutions futures, mais qui vient seulement rappeler les origines musulmanes de l’Algérie). Enfin, Abane considérait que la minorité européenne, désireuse de rester
en Algérie dans le cadre d’un Etat algérien indépendant, pouvait se recommander
d’une algérianité incontestable et que notre pays pouvait difficilement se passer de
son concours au lendemain de son indépendance, sauf à subir une «indépendance clochardisation» qui se produisit, hélas, tant il est vrai que la France coloniale n’avait
eu de cesse, 132 ans durant, que d’écarter les Algériens de toutes les responsabilités
et des fonctions importantes, surtout dans l’administration. Aussi bien, les imprécations
de Ben Bella étaient-elles toutes fantasmagoriques et ne visaient qu’à discréditer Abane
et faire obstacle à la montée en puissance d’une élite politique issue des centralistes
qu’il abhorrait viscéralement.
LA PRIMAUTÉ DU POLITIQUE ET CELLE DE L’INTÉRIEUR
C’est sur les deux principes de la supériorité du politique sur le militaire et celle de l’intérieur sur l’extérieur qu’il est possible de prolonger la réflexion engagée depuis longtemps par les historiens algériens et étrangers. Pour Abane, la supériorité du
politique sur le militaire signifie que le combat mené pour l’indépendance est d’abord politique. Ceux qui détiennent des responsabilités opérationnelles dans le haut commandement militaire sont placés sous la hiérarchie des politiques. Quant à la supériorité de l’intérieur sur l’extérieur, Abane n’entendait pas que les membres de la Délégation extérieure fussent coupés du théâtre des événements politiques et militaires encalminés sur le seul territoire algérien, puisqu’aussi bien le Maroc que la Tunisie
qui viennent de se voir accorder l’indépendance, respectivement le 3 mars 1956 et
le 20 mars de la même année — excluent de s’impliquer dans la lutte armée algérienne.
Le processus d’internationalisation du conflit algérien ne saurait être confisqué, selon Abane, par quelques représentants du FLN/ALN, quels que soient leur mérite, leur
savoir-faire et leur audience au-delà des frontières de l’Algérie. Il était avéré
qu’Ahmed Ben Bella était totalement inféodé au Caire et notamment aux services
secrets égyptiens et ne rendait jamais compte de ses contacts avec eux à la Direction
du FLN.L’intransigeance de Abane sur cette question ne révulsait pas seulement Ben Bella. Elle incommodait également Hocine Aït Ahmed qui avait creusé son propre
sillon au sein des instances de l’ONU (il avait ouvert en avril 1956 le bureau du FLN
à New York) et regimbait à l’idée de devoir soumettre la stratégie diplomatique du FLN,
qui portait sa marque, à l’imprimatur de la direction politique installée à Alger.
Quant à la primauté du politique sur le militaire, il ne doit pas faire l’objet
d’interprétations controuvées. Jamais, dans l’esprit de Abane, il n’a été question de subsidiariser les militaires, d’autant moins du reste qu’il avait apporté sa caution au déclenchement de l’insurrection du 1er Novembre 1954, même si, pour lui, la mèche
avait été allumée prématurément dans la mesure où aucune force sociale ou politique n’était préparée à assumer un affrontement armé avec la quatrième puissance militaire
du monde. C’est le lieu de rappeler que parmi les partisans du Congrès de la Soummam,
il y avait nombre de chefs militaires dont un seul, il est vrai, restera fidèle à Abane, le colonel Slimane Dhilès. On peut citer Si M’hamed Bouguerra, Zighout Youcef, Lakhdar Bentobal, Hadj Lakhdar, Ali Khodja, le commandant Azzedine, Ali Mellah. Mais ce que redoutait Abane — et le 1er CNRA tenu au Caire (20-27 août 1957) confirma sa hantise
était que se produise, au sein du FLN/ALN, une dérive prétorienne.C’est à ce stade qu’il convient de relativiser la portée du Congrès de la Soummam. Dans le cadre d’un
système politique faiblement institutionnalisé dont font défaut des schémas de contrôle institutionnel, le militaire se mue, surtout en période de crise, en une sorte de «militaire investisseur», en quête de ressources politiques (autrement dit d’instruments d’influence dans les rapports de pouvoir). La faiblesse des institutions politiques, l’indigence du
niveau de développement de la société algérienne, nourrissent la décomposition politique qui devient le terreau sur lequel va germer toute une société prétorienne dont la figure de proue seront les 3 B (Krim Belkacem, Bentobbal et Boussouf). Dans la société
prétorienne, les chefs militaires deviennent des acteurs politiques majeurs, capables de faire usage de la menace de la force, voire de la force directement, si d’aventure leur hégémonie venait à être contestée (ce fut ainsi le destin tragique de Abane assassiné
par les sbires de Boussouf, fin décembre 1957).
LA VICTOIRE PRÉVISIBLE DU PRÉTORIANISME
La dérive prétorienne du FLN/ALN n’a strictement rien à voir avec la modernisation
du commandement de l’ALN. La création de bataillons munis d’armes lourdes, au lieu
et place de petites unités mobiles, aura finalement été une illusion. En septembre 1957, l’édification de la ligne Morice destinée à empêcher tout acheminement de munitions et d’armes de combat depuis les territoires terrestre et maritime tunisiens, à destination de l’Algérie, est achevée. En 1959, l’intensification de l’effort de guerre décidée par le
général de Gaulle fera le reste. Les vices qui affectaient le principe de la supériorité du politique sur le militaire découlaient du fait objectif que le haut commandement de l’ALN
est lui-même une structure de pouvoir et d’hégémonie. Il est également une structure assurant la mobilité sociale et la succession politique, comme le montrera la fusion des Com Est et Ouest pour donner l’EMG que le CNRA confiera au colonel Boumediène (Tripoli I, décembre 1959/janvier 1960) et, plus tard, la mise hors-jeu du CIG par le
même colonel Boumediène. On retrouve ici la dimension corporatiste de l’ALN dont l’insurrection déclenchée le 1er Novembre 1954 annonçait les prodromes.
La diabolisation des centralistes par les fondateurs du CRUA, le refus de Abane de politiser, outre mesure, l’ALN, alors que paradoxalement, bien avant l’insurrection, le courant activiste n’avait jamais été apolitique ; l’ensemble de ces facteurs vont se conjuguer pour précipiter la relève de Abane et de ses plus proches compagnons et
faire du Congrès de la Soummam une simple parenthèse de l’histoire de la Révolution algérienne. La «désoummamisation» de la stratégie politico-militaire du FLN/ALN s’est effectuée de façon d’autant plus rapide que l’échec prévisible de la Bataille d’Alger (décembre 1956/septembre 1957) va contraindre Abane à se réfugier au Maroc, alors
que Ben M’hidi est assassiné en mars 1957. En quittant provisoirement l’Algérie pour échapper aux représailles de l’armée française, Abane ne commettait aucune altération
au principe qu’il avait proclamé, sa sortie de l’Algérie étant due à des circonstances purement contingentes. De la même manière, la décision qu’il prit, en 1957, d’ouvrir un deuxième front en France pour alléger la pression de l’armée française sur les
combattants de l’ALN, dont il déléguera la responsabilité au brave Nasreddine Aït
Mokhtar, ne remettait nullement en cause le primat de l’intérieur sur l’extérieur,
puisqu’aussi bien, c’est à Alger et à Alger seulement que devait être élaborée et
décidée la stratégie politico-militaire de la résistance algérienne. En ce sens, Abane
restait cohérent avec sa ligne politique originelle, mais ses adversaires ne l’entendirent
pas de cette oreille lui reprochant un exercice solitaire du pouvoir.
L’ÉCHEC DE LA CONSTRUCTION D’UN ÉTAT PROTONATIONAL
Les principes de base posés par Abane au Congrès de la Soummam arrivaient trop
tard. L’insurrection du 1er Novembre 1954, déclenchée par les activistes du CRUA,
portait la militarisation du FLN comme la nuée dormante porte l’orage. Militarisation
veut dire prétorianisme, en ce sens que le militaire va commander au politique, à l’économique, au social et au culturel et détient les appareils répressifs qui lui permettent de subvertir toute forme d’opposition. Il ne fallait pas s’attendre à ce que les
représentants les plus radicaux du courant activiste acceptassent d’obéir ou de rendre compte aux ex-centralistes, qu’ils tenaient, naguère, pour responsables du statu quo politique favorable à l’ordre colonial. Abane, en sa qualité de membre de l’OS, n’avait certes pas de leçon de patriotisme à recevoir des militaires issus directement ou indirectement du CRUA. Toutefois, en promouvant une élite politique éclairée, tolérante
et ouverte, il voulait limiter, dans un premier temps, les ambitions des prétoriens, tout
en préparant, dans une seconde phase, leur élimination politique pour en faire de
simples supplétifs. Pour lui, le futur Etat algérien devait être dominé par une élite
légitimée par les populations pour son dévouement à l’intérêt général et son exemplarité dans la gestion des ressources du pays et non par une élite prétorienne hostile,
par principe, à toute démocratisation de la société.

SIGLES UTILISÉS



ALN : Armée de libération nationale
CCE : Comité de coordination et d’exécution
CIG : Conseil interministériel de la guerre
CNRA : Conseil national de la Révolution algérienne
CRUA : Comité révolutionnaire d’unité et d’action
EMG : Etat-major général
FLN : Front de libération nationale
GPRA : Gouvernement provisoire de la République algérienne
OS : Organisation spéciale
PCA : Parti communiste algérien
UDMA : Union démocratique du Manifeste algérien
UGCA : Union générale des commerçants algériens
UGEMA : Union générale des étudiants musulmans algériens
UGTA : Union générale des travailleurs algériens


Ali Mebroukine