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fekri92
22/01/2013, 05h24
Megaupload va renaître de ses cendres, samedi 19 janvier, avec le lancement d'un nouveau service d'hébergement de fichiers en ligne, Mega, et avec pour argument un grand espace de stockage sécurisé. Le lancement de ce site sonne d'abord comme un défi pour les ayants droit de l'industrie musicale et cinématographique. La mise hors ligne de Megaupload a été comme une onde de choc. Après la fermeture du symbole du téléchargement direct, les concurrents se sont polarisés : certains ont tenté de s'adapter sans transiger sur le fond, quand d'autres se sont résignés à évoluer en service légal. D'autres, enfin, ont purement et simplement annoncé leur fermeture.

Uploaded.to a ainsi bloqué l'accès à son service des Etats-Unis. Filesonic a désactivé sa fonction de partage de fichier. Les utilisateurs ne peuvent plus télécharger des fichiers mis en ligne par d'autres utilisateurs, mais uniquement les documents qu'ils ont eux-mêmes chargés sur les serveurs de l'entreprise. VideoBB et VideoZer ont supprimé une grande partie des fichiers qu'ils hébergeaient. Ces deux services, liés à Fileserve, semblent ne plus fonctionner normalement.

UNE NOUVELLE RESPECTABILITÉ

Mediafire et Rapidshare ont pour leur part affirmé qu'ils n'ont rien à craindre de la justice. Les deux entreprises expliquaient, quelques jours après la fermeture du service, qu'elles respectent la loi sur la propriété intellectuelle, et qu'elles n'ont pas "bâti un système encourageant le téléchargement illégal", selon les mots du PDG de Mediafire.

La position ferme du site, qui supprimait déjà les fichiers illégaux sur demande, n'a pourtant pas duré. Rapidshare a depuis rapidement pris des positions plus souples envers le droit d'auteur. Le 19 mars, le service d'hébergement a ainsi été condamné à filtrer ses contenus en Allemagne. Une semaine plus tard, le site annonce vouloir développer "une offre légale" notamment par un partenariat avec la Warner et la création de sites dédiés aux jeux vidéo et aux films, absents en ce début de 2013. Le 20 avril, la société annonce enfin un "code de bonne conduite" pour les sites de téléchargement, pour prouver être "un acteur important et responsable" vis-à-vis des ayants droit.

Le concurrent FileSonic s'était lui associé à une entreprise de lutte contre le piratage, Vobile, pour se protéger. En vain. En janvier, le site supprime son système d'affiliation et le téléchargement de fichiers par des tiers, provoquant une forte chute de trafic et sa fermeture au début de septembre.

DES CONSÉQUENCES ÉTENDUES

Ce mouvement de panique n'a pourtant pas eu l'impact attendu. "Ces hébergeurs ont pris peur à la suite de l'affaire MegaUpload, avaient assaini leurs serveurs au début de 2012, en supprimant les contenus illégaux, laissant craindre la fin du streaming illégal. Il n'en a rien été", estime Olivier Tredan, du groupement d'intérêt scientifique Marsouin. La fermeture de Megaupload a également influencé d'autres acteurs, liés au téléchargement en peer to peer, d'utilisateur à utilisateur, opposé au téléchargement direct à partir d'un site central.

Le plus grand annuaire de liens Bittorrent, The Pirate Bay, s'est ainsi renforcé pour continuer ses activités en limitant les risques. Le site, régulièrement visé par les ayants droit, estime que c'est l'extrême centralisation de Megaupload qui a provoqué sa chute. En février, l'annuaire suédois a abandonné les fichiers .torrent, imposant une connexion à The Pirate Bay, pour passer à des liens "magnet", qui permettent de télécharger même si le site n'est plus en ligne. A la mi-octobre, le service a décidé de confier l'hébergement du site à des entreprises tierces (de manière dématérisalisée) pour multiplier les serveurs disponibles et le remettre aisément en ligne en cas d'attaque.

Des victimes collatérales de cette fermeture et du vent de panique en début d'année sont aussi les annuaires de liens, vivant souvent de la publicité, qui ont perdu la majorité de leurs contenus du jour au lendemain. Les fichiers sont ajoutés sur les services d'hébergement par des internautes anonymes, sans lien affiché avec les annuaires – souvent des blogs – qui, officiellement, agrègent uniquement les liens. Megaupload, perçu comme une solution pérenne, était régulièrement utilisé comme l'unique espace de stockage par de nombreux annuaires, plusieurs pouvant même pointer vers un même fichier. Une part des contenus les plus anciens listés par ces sites sont donc effectivement devenus inaccessibles par ce biais.

UNE ÉCONOMIE DURABLE ?

A plus long terme, une récente étude de chercheurs américains et européen établit que modèle de ces sites est durable. "Les mesures antipiratages sont confrontées à la difficulté pour les ayants droit d'identifier ceux qui mettent en ligne et ceux qui téléchargent les contenus", rappellent les auteurs de l'étude, publiée au début de janvier.

Aux Etats-Unis, les ayants droit se réfèrent au Digital Millennium Copyright Act (DMCA). Ce dispositif prévoit que les hébergeurs ne sont pas responsables s'ils hébergent des contenus protégés, à condition qu'ils retirent les fichiers qui leur sont notifiés comme illégaux. Mais comme le note l'étude, "les mises hors ligne dans le cadre du DMCA peuvent constituer une nuisance pour les téléchargeurs. Nos données suggèrent que cela reste limité, par rapport à l'ensemble des atteintes au droit d'auteur". Avant de conclure : dans ce jeu "du chat et de la souris", "le rapport de force semble être en faveur des pirates, qui mettent en ligne bien plus de contenus que ce que les ayants droits peuvent mettre hors ligne".

Pour Olivier Tredan, la consommation culturelle est une activité sociale qui requiert d'être synchrone, sous peine de se voir gâcher la fin d'une série par exemple. La chronologie des médias et le décalage de diffusion des contenus américains restent donc un problème, ainsi que l'impunité ressentie par les internautes. Il existe "un décalage entre l'offre des chaînes de télévision françaises et les internautes : le retard dans la diffusion, le manque d'audace dans les scénarios des séries hexagonales, le coût de l'offre légale. C'est sur ces décalages que prospèrent les services de streaming. On peut émettre l'hypothèse, dans l'ère post-Megaupload, d'une propension des utilisateurs à payer pour accéder aux contenus des sites de streaming, dont l'abonnement mensuel est inférieur au prix d'une place de cinéma", explique l'universitaire.