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Voir la version complète : Martin Heidegger Philosophe_Pourquoi Dieu ne peut sauver l'homme ?



zadhand
17/11/2015, 21h37
A LA UNE/ACTUALITÉ_Martin Heidegger Philosophe
17 Novembre 2015

Martin Heidegger
Philosophe

19816

Martin Heidegger, né le 26 septembre 1889 à Messkirch et mort le 26 mai 1976
à Fribourg-en-Brisgau, est un philosophe allemand.
Naissance : 26 septembre 1889, Messkirch, Allemagne
Décès : 26 mai 1976, Fribourg-en-Brisgau, Allemagne
Épouse : Elfride Petri (m. 1917–1976)
Influences : Friedrich Nietzsche, Edmund Husserl, plus…
Enfants : Hermann Heidegger, Jörg Heidegger


Pourquoi Dieu ne peut sauver l'homme ?
Et c'est à l'homme de se sauver par la grâce qui est en lui
Part I

Par Medjdoub Hamed *

C'est dans une interview célèbre accordée au grand quotidien allemand Der Spiegel le 23 septembre 1966 que Heidegger a lâché cette phrase énigmatique : «Seul Dieu peut encore nous sauver...» Cette phrase de Heidegger demeure aujourd'hui assez énigmatique tant les interprétations émanant des plus grands spécialistes «divergent», écrit Jean-Luc Berlet (1). Aussi, prenons quelques points de cette interview
et essayons d'en comprendre le sens. Que peut-on en conclure ?

1. INTERVIEW DE HEIDEGGER A L'HEBDOMADAIRE ALLEMAND SPIEGEL

(…) (2)

Spiegel : Nous devons reconnaître que nous préférons être ici, et de notre vivant nous ne serons sans doute pas non plus obligés d'en partir ; mais qui sait si c'est la destination de l'homme d'être sur cette terre ? Il n'est pas impensable que l'homme n'ait aucune destination du tout. Mais en tout cas on pourrait voir aussi une possibilité de l'homme dans le fait que de cette terre il étende son emprise à d'autres planètes.
Nous n'en sommes sûrement pas encore là d'ici longtemps.
Simplement, où est-il écrit qu'il ait sa place ici ?

Martin Heidegger : D'après notre expérience et notre histoire humaines, pour autant que je sois au courant, je sais que toute chose essentielle et grande a pu seulement naître du fait que l'homme avait une patrie (Heimat) et qu'il était enraciné dans une tradition. La littérature d'aujourd'hui, par exemple, est largement destructive.

Spiegel : Le mot «destructif» nous gêne ici, entre autres raisons parce que le mot «nihiliste» a reçu de vous-même et dans votre philosophie un sens dont le contexte est très étendu. Cela nous frappe d'entendre le mot «destructif » rapporté à la littérature, que vous pourriez très bien
ou même devriez considérer comme faisant partie de ce nihilisme.

Martin Heidegger
J'aimerais dire que la littérature dont je parle n'est pas nihiliste dans le sens où je pense ce mot.

(…)

Spiegel : Bien. Alors une question se pose, naturellement : l'individu humain peut-il encore avoir une influence sur ce tissu d'événements qui doivent forcément se produire, ou bien alors la philosophie peut-elle avoir une influence, ou bien les deux ensemble, dans la mesure où la philosophie conduit l'individu
ou plusieurs individus à entreprendre une action définie ?

Martin Heidegger : (…) Si vous me permettez une réponse brève et peut-être un peu massive, mais issue d'une longue réflexion : la philosophie ne pourra pas produire d'effet immédiat qui change l'état présent du monde. Cela ne vaut pas seulement pour la philosophie, mais pour tout ce qui n'est que préoccupations et aspirations du côté de l'homme. Seulement un Dieu peut encore nous sauver. Il nous reste pour seule possibilité de préparer dans la pensée et la poésie une disponibilité pour l'apparition du Dieu ou pour l'absence du Dieu dans notre déclin, que nous ne fassions, pour dire brutalement les choses que «crever» ; que nous déclinions à la face du Dieu absent.

Spiegel : Y a-t-il un rapport entre votre pensée et l'avènement de ce dieu ?
Y a-t-il là, à vos yeux, un rapport causal ?
Croyez-vous que nous pouvons penser ce dieu de manière à le faire venir ?

Martin Heidegger : Nous ne pouvons pas le faire venir par la pensée, nous sommes capables au mieux d'éveiller une disponibilité pour l'attendre.

Spiegel : Mais pouvons-nous aider ?

Martin Heidegger : La préparation de la disponibilité pourrait bien être le premier secours. Le monde ne peut pas être ce qu'il est et comme il est par l'homme, mais il ne peut l'être non plus sans l'homme. Cela tient, d'après moi, au fait que ce que d'un mot venu de très loin, porteur de beaucoup de sens et aujourd'hui usé, j'appelle «l'être», est tel qu'il lui faut l'homme pour sa manifestation, sa garde et sa forme. L'essence de la technique, je la vois dans ce que j'appelle le Ge-stell, une expression souvent tournée en ridicule et peut-être maladroite. (…) Le règne du Ge-stell signifie ceci : l'homme subit le contrôle, la demande et l'injonction d'une puissance qui se manifeste dans l'essence de la technique et qu'il ne domine pas lui-même (…). Nous amener à voir cela
la pensée ne prétend pas faire plus. La philosophie est à bout.

Spiegel : Dans le temps passé - et pas seulement dans le temps passé - on a tout de même pensé que la philosophie a beaucoup d'effets indirects, rarement des effets directs, mais qu'elle pouvait avoir beaucoup d'effets indirects, qu'elle a sus cité de nouveaux courants. Si, à ne s'en tenir qu'aux Allemands, on pense aux grands noms de Kant, Hegel, jusqu'à Nietzsche, sans même parler de Marx, on peut faire la preuve que la philosophie, par des chemins détournés, a eu une énorme influence. Voulez-vous dire maintenant que cette influence de la philosophie a pris fin ? Et quand vous dites que l'ancienne philosophie est morte, qu'il n'y en a plus, est-ce que vous pensez en même temps que cette influence de la philosophie, si elle en a jamais eu, aujourd'hui en tout cas n'existe plus ?

Martin Heidegger : Une autre pensée pourrait avoir une influence médiate, mais aucune directe d'une façon qui ferait dire que la pensée «cause» un changement de l'état du monde.


Spiegel : (…)