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zadhand
26/09/2015, 13h07
A LA UNE/ACTUALITE_Entretien
26 Septembre 2015


Trois personnalités — un ancien général de l’ANP, Hocine Benhadid, un ancien ministre de l’Intérieur,
Daho Ould Kablia,et l’homme d’affaires Issad Rebrab — ont dressé, quoique séparément,
un constat sévère de la situation politique et économique du pays où se mêlent colère et inquiétude.

18808

Dans une interview accordée à l’émission «Entretien» que diffuse la webradio Radio M,
le général à la retraite Hocine Benhadid est revenu sur la mise à la retraite du patron des services de Renseignement.
Pour celui que l’on dit proche de l’ancien responsable du DRS, ce départ n’est «pas du tout surprenant»
d’autant, ajoute-t-il, que le général de corps d’armée Mohamed Mediène dit Toufik était «encerclé de toutes parts».
Celui qui dirigeait la 3e Région militaire en 1996 estime, par ailleurs,
que le départ du général Toufik n’est pas réellement le fait du président Bouteflika, mais de son frère Saïd.
«Ce n’est pas Bouteflika, le Président, qui s’est séparé de Toufik, c’est Saïd Bouteflika qui l’a fait»,
déclare Hocine Benhadid, qui révèle par ailleurs l’alliance nouée en 2014 entre Saïd Bouteflika et le général
de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’ANP,
pour neutraliser le patron du DRS, mais que cela «n’avait pas marché».
Pour appuyer ses dires, le général Benhadid rappelle que le général Toufik n’était opposé
ni à la révision de la Constitution ni au 4e mandat, mais contre «la succession familiale,
il était contre Saïd Bouteflika». Et d’ajouter que «les relations entre Bouteflika et Toufik ont toujours été marquées
par une bonne entente car chacun soutenait l’autre, malgré les interférences».
«Toufik était un pilier principal du président Bouteflika et il ne s’en serait pas passé
s’il était en pleine possession de ses moyens», juge le général à la retraite,
pour qui «Bouteflika sans Toufik n’est rien».
Pour Hocine Benhadid, le départ du général Toufik est donc l’œuvre de Saïd Bouteflika.
Le frère du Président se fait tailler en pièces par le général. Accusé tour à tour d’être un «malade mental»
et un «fou» dont l’ambition est d’arriver à la magistrature suprême et qui devait pour cela «éliminer Toufik
qui était, pour lui, le principal obstacle». Et de détailler la suite du scénario de Saïd Bouteflika.
Pour lui, la mise à la retraite du général Bousteila, patron de la gendarmerie,
qu’il présente comme «un ancien qui ne se laisse pas manipuler facilement»,
fait partie des plans décidés par le frère du Président. Pour l’ancien commandant de la 8e Division blindée (DB),
la prochaine cible de Saïd Bouteflika est toute désignée : il s’agit du chef d’état-major,
le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, «car c’est le seul capable de s’opposer à l’ambition de Saïd,
malgré l’alliance passée entre eux». Et d’estimer que le frère du Président «cherchera à remplacer Gaïd Salah
par le général Benali» que Hocine Benhadid qualifie «d’incompétent et d’inapte», mais qui se laissera «guider facilement».
«La stratégie de Saïd est de déstructurer toutes les institutions pour rester maître à bord»,
juge Hocine Benhadid. Lors de l’entretien, le général à la retraite a écarté l’idée de voir
les militaires reproduire le scénario mis en place pour porter au pouvoir les présidents Chadli,
Zeroual et Bouteflika. Non pas parce que l’ANP a décidé de ne plus s’impliquer dans les affaires internes
du pays, mais parce que le commandement de l’armée «n’est plus aussi solide»
car il «n’est plus soudé comme avant», révèle le général Benhadid.




Mesbah Salim

zadhand
08/12/2015, 17h26
A LA UNE/ACTUALITÉ_Mme Louisa Hanoune Secrétaire Générale
du Parti des Travailleurs (PT)
le 08.12.15 | 10h00

20207

Dans un entretien accordé à EL Watan


Les graves révélations de Louisa Hanoune

Il y a une fusion entre l’Exécutif et une partie de l’Assemblée au profit d’une minorité d’hommes d’affaires. Lorsque j’ai réagi aux attaques du secrétaire générale du FLN contre le DRS, le lendemain même,
le Président avait demandé à me voir. Je sais ce qu’il pense de chacun.

Elle parle de coup d’Etat, de coup de force, de ministres au service d’intérêts étrangers et d’une oligarchie prédatrice, d’alerter l’opinion publique sur les graves menaces qui pèsent sur le pays. Elle, c’est Mme Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), cette dame surprend, étonne et intrigue aussi bien ses détracteurs que ses fans. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle revient sur tous les événements qui ont marqué la semaine.

D’abord, le «coup de force». Que s’est-il passé lors de l’examen et l’adoption de la loi de finances 2016 ? De jeudi à dimanche, il y a eu un véritable coup d’Etat contre le Parlement et le président de la République. Est-il possible de croire que le Président ne puisse pas être au courant, sachant qu’il avait dirigé le Conseil des ministres qui a débattu la loi de finances ? Mme Hanoune est catégorique. «On peut lui présenter un texte que l’on discute et après on en présente un autre à l’APN.

Rappelez-vous les déclarations du Président en début d’année. Le président de l’Assemblée avait refusé le comptage des voix lors du vote en plénière, parce qu’une majorité des députés avait voté l’abrogation de l’article 59 (qui autorise l’endettement extérieur des privés). Lui aussi fait partie de la machine qui a réalisé le coup d’Etat.
Bouteflika ne peut pas se suicider.

Il paraît que le ministre de l’Industrie et des Mines est le véritable chef d’orchestre du coup d’Etat qu’il dirigeait à partir des Etats-Unis. D’ailleurs, il s’était vanté devant les membres de la commission des finances d’être l’auteur de tous les articles qui portent l’empreinte de l’oligarchie. Il est connu que le président de la République n’a jamais voulu céder sur un millimètre de ses prérogatives. Il concentre tous les pouvoirs entre ses mains. C’est sa personnalité.

Le ministre des Finances a osé dire que le Président lui a délégué ses prérogatives. Quel mensonge. Dans d’autres pays, ce ministre aurait été démis. Cela veut dire que lui et ceux qu’il sert ont mis le Président en incapacité, et qu’ils se sont érigés en tuteurs. C’est le message qu’ils nous transmettent en parlant en son nom. La Constitution ne permet pas au Président de déléguer ses prérogatives», lance la secrétaire générale du PT. Elle va plus loin.
La loi de finances 2016 est anticonstitutionnelle.

Louisa Hanoune poursuit son réquisitoire contre le ministre des Finances qui, d’après elle, a menti en disant que l’Algérie consent 1800 milliards de dinars, le montant le plus élevé dans le monde, en matière de transferts sociaux destinés aux subventions. «Nous savons que ces montants concernent aussi les pensions des anciens moudjahidine et veuves de chouhada et la quote-part de l’Etat en matière de santé.

A moins qu’il nous dise que l’Etat se désengage de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle et de la santé. Il a encore menti en affirmant l’inexistence d’impôt nouveau pour les citoyens. Or, il y a bel et bien de nouvelles taxes qui détruisent leur pouvoir d’achat. Il faut savoir que
le privé traditionnel national est menacé dans son existence.

Donc, il est demandé à la majorité du peuple de compenser les trous provoqués dans le Trésor public par les nouveaux cadeaux aux oligarques et aux étrangers. Dans la loi de finances 2015, il y a eu une amnistie fiscale de l’ordre de 800 milliards de dinars au moins, si ce n’est plus. Cette mesure a légalisé l’évasion fiscale. Par contre, la taxe d’habitation a été généralisée et celle de quatre wilayas — Alger, Annaba, Oran, Constantine — doublée. Ce qui est anticonstitutionnel, parce que les citoyens sont censés être égaux devant les droits et taxes.»

Des ministres au service de l’oligarchie

D’une voix coléreuse, Mme Hanoune accuse le ministre des Finances d’avoir réduit les impôts au profit des multimilliardaires, et au même moment d’avoir accablé la majorité des citoyens. Pour elle, «il y a une fusion entre l’Exécutif et une partie de l’Assemblée au profit d’une minorité d’hommes d’affaires. Je tiens à préciser que je ne vise pas le privé algérien, qui représente les vraies PME-PMI, menacées par la loi de finances. Le patron des oligarques a fait la tournée des ministres, du Parlement et du Sénat. Il s’immisce dans toutes les affaires institutionnelles. Il fait partie de ceux qui confisquent les prérogatives du Président. Il y a aussi des ministres qui font partie
de cette oligarchie prédatrice ou sont à son service».

Mais est-il possible que le Président soit dans un isolement total ? La réponse de Mme Hanoune est cinglante : «Lorsqu’on est diminué par la maladie et qu’on ne peut pas se déplacer, on devient tributaire des autres. On peut lui présenter une revue de presse tronquée pour lui faire lire ce qu’on veut. Je suis convaincue que
la loi de finances 2016 n’est pas son œuvre.

C’est l’oligarchie et ceux qui servent les intérêts étrangers, notamment français, qui l’ont rédigée. Lorsque j’ai vu le Président en 2014, j’ai remarqué qu’il n’était pas au courant de beaucoup de choses. Comment la situation a-t-elle évolué ? Je ne le sais pas. Le Président était totalement contre l’endettement extérieur et,
aujourd’hui, la loi de finances le met en avant.

Des entreprises de droit algérien, Peugeot, Renault, Alstom, Lind, vont emprunter de l’argent chez les pays du Golfe, à la Société financière internationale (SFI) ou à la Banque mondiale et si elles ne remboursent pas, c’est le Trésor public qui le fera à leur place, car il sera le garant. Nous avons déjà payé un milliard de dollars pour rembourser un emprunt d’ArcelorMittal, alors que le pays était étranglé par la dette. Aujourd’hui, on nous pousse à une situation à la grecque.

Ils ont le droit de transférer leurs dividendes, puisque la loi de finances a levé les interdits et personne ne leur demandera des comptes. C’est la dissolution de l’Etat algérien. Ce sont des personnes déterminées à transformer le pays en une Ukraine bis. C’est-à-dire sous la coupe des grandes puissances étrangères et des institutions internationales.»

Des filiales de l’Enageo poussées à la faillite

La secrétaire générale du PT est formelle : le plan de privatisation qualifié de «démantèlement des entreprises» est déjà mis en œuvre et «au profit des oligarques». Des filiales de production de Sonatrach, souligne-t-elle, «ont été tuées pour donner leurs activités au chef de l’oligarchie. Je cite l’exemple de l’Enageo dont des filiales ont été dissoutes sous prétexte qu’elles n’ont pas de plan de charge et, comme par hasard, le chef des oligarques crée une société privée qui s’appelle Algéoland et prend les mêmes marchés. Même scénario avec la filiale Alpha-Pipe qui est en train d’être étranglée pour céder la place à deux entreprises, à Oran et à Ouargla, créées par le chef des oligarques.

Il y a d’autres exemples de démantèlement d’entreprises. Dans les télécommunications, la ministre a déclaré, à l’APN, qu’il n’y avait pas d’avenir pour le secteur public et vous avez dû remarquer qu’Orange est déjà en Algérie. Tout se fait en catimini. Nous savons qu’il y a des velléités de ramener EDF et GDF à Sonelgaz, et je ne vise pas le PDG, cela le dépasse. Le Président tenait absolument à ce qu’il y ait un équilibre dans tous les partenariats. Il ne voulait pas rester otage ou dépendant d’un pays. Maintenant, nous constatons une totale dépendance à la France.
Nous sommes gérés à partir de Paris».

Concernant le chef de l’oligarchie, comme elle ne cesse de le nommer, Mme Hanoune rappelle les propos «honteux» qu’il a tenus publiquement. «Il a demandé de confectionner les tenues militaires, alors que l’armée fabrique ses propres tenues. Quelle relation une entreprise de goudron peut-elle avoir avec l’habillement militaire ? Cette oligarchie n’a aucune limite. Elle considère que le pays et ses richesses lui appartiennent et que l’Etat est à leur disposition. Les oligarques veulent tout, et même s’ils ne sont pas capables techniquement, ils sous-traitent. Cela a été le cas pour le matériel de radiothérapie.

En été 2014, a été annoncée la création d’une société à 51% publique et 49% privée, qui sous-traite pour une multinationale américaine. Le chef des oligarques ce trouve à la tête de l’entreprise (partie nationale) représentant et l’Etat et les multinationales. Quel est son rôle ? Allez dans les hôpitaux, vous constaterez qu’il n’y a ni maintenance ni formation. Au CHU Mustapha vous serez scandalisés par la situation dans laquelle se trouve le matériel médical.»

«Youcef Yousfi a été écarté pour son patriotisme»

Revenant sur le limogeage de l’ex-ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, Mme Hanoune n’y va pas avec le dos de la cuillère. Selon elle, il a été écarté à cause de «son patriotisme». Elle précise : «Je ne dis pas que c’est Haddad, le chef des oligarques qui l’a démis. Mais je dirais qu’il y a eu au moins un incident qui pourrait être lié à son limogeage. Le ministre a refusé de le recevoir seul, en lui disant que la réunion se tiendra avec l’ensemble des représentants des organisations patronales. Haddad n’était pas content.

Il a boycotté la rencontre. Les représentants des autres organisations patronales ont reconnu qu’ils n’avaient pas toutes les compétences voulues pour avoir des marchés dans le secteur et qu’ils ne pouvaient intervenir que dans des activités bien précises. Durant cette période, il y a eu aussi la rupture du contrat avec la multinationale française Total, qui se comportait en territoire conquis. La société française est revenue après le départ de Youcef Yousfi. C’est quand même le président de la République qui a chassé Chakib Khelil, et c’est lui qui a aussi donné le feu vert pour que l’affaire soit enrôlée.»

L’oratrice qualifie la défense «scandaleuse» de Chakib Khelil par certains comme «une prime à la trahison et à la corruption», ajoutant : «Le Président a tout le temps défendu les acquis sociaux et, aujourd’hui, le ministre du Travail annonce qu’un million d’emplois seront supprimés dans la Fonction publique, qu’il n’y aura aucun remplacement des départs à la retraire. Au niveau des communes, la loi de finances 2016 est déjà appliquée. Leur prévision salariale (fiche matrice) se fait désormais sur 6 à 8 mois seulement. Les travailleurs de la SNVI sont sortis dans la rue parce qu’ils n’ont pas perçu leurs salaires et à cause de l’article 66 de la LF 2016. L’aide à l’entreprise annoncée par l’Etat n’est pas arrivée.

Idem pour le secteur du textile qui attend. Qu’ils ne nous disent pas que c’est avec l’aval du Président.» Mme Hanoune revient sur le droit de préemption, en notant que ce droit a été supprimé de la loi de finances pour être mis dans code des investissements. «Le droit de préemption a été transféré dans le code des investissements qui a été présenté en Conseil des ministres le même jour que la loi de finances 2016. Le ministre de l’Industrie et des Mines a écrit noir sur blanc que le droit de préemption a perdu son pouvoir de régulation. Puis il l’a vidé totalement de son contenu, comme il a vidé la règle des 51/49%. Le droit de préemption permettait à l’Etat d’intervenir dans
tout changement opéré dans une entreprise mixte.

L’oligarchie a exempté les sociétés étrangères de toute obligation. Je cite par exemple Lind, qui s’est accaparé de 66% de l’ENGI, un véritable fleuron et qui exportait assez bien, offerte sur un plateau d’argent par l’ex-ministre, Hamid Temmar. J’ouvre une parenthèse sur le bilan des privatisations, que nous cessons de réclamer et qui n’a jamais été fait. Si un jour un véritable bilan est fait, beaucoup de têtes tomberont et des responsables seraient mis en prison
pour corruption et intelligence avec l’étranger.

Pour revenir à l’exemple de Lind, si demain cette entreprise cède 10% de ses actions à l’international à une société israélienne, eh bien celle-ci viendrait en Algérie, dans un secteur stratégique, le gaz industriel qui est utilisé non seulement dans la fabrication des boissons gazeuses, mais également dans les hôpitaux et, à ce moment-là, nous aurions dans notre pays des sionistes, des espions, etc. par la force de la loi. La souveraineté économique nationale que le Président a rétablie en 2009 et 2010 a été démantelée au profit des oligarques
et des intérêts de puissances étrangères, notamment la France.»

«Un responsable viré pour intelligence avec l’étranger se retrouve ministre»

Le témoignage de Mme Hanoune est très grave. Elle dit s’attendre à tout. «Lorsqu’on nomme au gouvernement un ministre qui a été viré de la fonction qu’il occupait à la tête d’une instance importante, pour accointance avec l’étranger, sur rapport officiel, rédigé par le Premier ministre de l’époque, actuel directeur de cabinet de la Présidence, c’est que le pays va mal. Ce personnage est à la tête d’un ministère de souveraineté. Cela veut dire que nous sommes face à une œuvre gigantesque de démolition de notre pays. C’est carrément l’ukrainisation de l’Algérie», crie Mme Hanoune. Elle insiste sur l’état de santé du Président. Pour elle, «il a la tête qui fonctionne, il dirige le Conseil des ministres, des débats, donne des orientations et reçoit des personnalités étrangères avec lesquelles il passe de longs moments.

Cela veut dire soit qu’il y a falsification des projets de loi qu’on lui soumet, ou alors les remarques qu’il fait ne sont pas prises en compte parce qu’il ne peut pas se déplacer pour vérifier. Nous ne pouvons plus nous taire. Ce que le terrorisme n’a pas réussi à réaliser pendant toute la période de la tragédie nationale, ces oligarques, ces prédateurs et ces traîtres sont en train de le faire. Ils veulent détruire ce que nous avons hérité de
la guerre d’indépendance au prix du million et demi de martyrs.

Les patriotes ne peuvent accepter cela. Le ministre des Finances nous demande de crever la bouche ouverte et de ne pas résister». Mme Hanoune s’exprime aussi sur l’armée. Selon elle, ce qui s’y passe fait partie de «ce complot» contre le pays et ses institutions. «Ils sont en train de détruire les facteurs d’immunité de la nation algérienne sur tous les plans, y compris dans le domaine sécuritaire, où l’on constate des coups fatals. Quand on jette en prison un homme comme le général Hassan, héros de la lutte antiterroriste, c’est qu’on lance une invitation à Daech et Al Qaîda.

On l’accuse d’association de malfaiteurs alors que ce sont ces oligarques et ces prédateurs qui sont en train de détruire le pays et de le livrer à la rapine. Je doute fort que le Président soit au courant de ces décisions». La responsable du PT évoque la «restructuration» du DRS, qu’elle qualifie de «démantèlement». «A la longue, cette restructuration s’est avérée n’être qu’un démantèlement des services de lutte contre le terrorisme et contre la corruption.
C’est un appel à la dilapidation et à la prédation.

Quand on dissout une section de contre-espionnage économique, il est clair qu’il y a une vision : celle d’un Etat derrière une oligarchie sans contrôle. Nous sommes totalement fragilisés. Il n’y a pas de justice indépendante qui s’autosaisit des affaires de corruption. Se rendent-ils compte qu’ils sont en train de démanteler notre immunité ? De telles décisions touchent le moral des troupes, il y a une perte des repères, une déstabilisation généralisée qui ne touche pas uniquement le département du Renseignement, mais aussi les entreprises publiques et le secteur économique.»

«Quelle relation peut avoir une société de goudron avec l’industrie militaire ?»

Mme Hanoune revient sur sa rencontre avec le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, après les attaques du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, contre le DRS. Elle se garde d’aller dans le détail, mais affirme avoir posé des questions très précises. «Je lui ai dit : est-ce que le général avait constitué un groupe terroriste ? Il m’a répondu : jamais. Je lui ai dit : est-ce qu’il s’est approprié les armes ? Il m’a dit non. Auparavant j’avais posé les mêmes questions au Président qui m’a affirmé que le général était un patriote, un homme intègre et que son affaire avait été classée parce qu’il n’a rien fait. Je ne comprends pas comment, une année après, le général est mis en prison.

Pour moi, il y a incontestablement une jonction entre l’arrestation du général Hassan, les attaques contre le DRS et son démembrement. Un jour, tout se saura et les noms des responsables seront connus. Il ne s’agit pas de parler de personnes ou de remplacer X par Y. Il s’agit plutôt de savoir dans quelles conditions cela s’est fait. Nous ne le savons pas. Ce n’est pas le Président que j’ai vu pour la dernière fois, lors de son investiture en 2014, qui aurait décidé de toutes ces mesures. Il n’est plus accessible ni à moi ni à d’autres. Par le passé, j’avais la preuve que le courrier lui parvenait.

Lorsque j’ai réagi aux attaques du secrétaire général du FLN contre le DRS, le lendemain même, le Président avait demandé à me voir. Il a porté des jugements sur des personnes. Je sais ce qu’il pense de chacun. Raison pour laquelle je ne peux pas croire qu’il soit à l’origine de toutes ces mesures. D’ailleurs, il avait remis de l’ordre, à travers un communiqué cinglant, contre ces attaques. Même le directeur de cabinet de la Présidence s’y est mis pour dire que ce département était appelé à d’autres missions. De quelles missions parle-t-il ? Tous les services de Renseignement ont la même mission, à moins d’en faire une police politique. Le procès du général Hassan a été
d’une illégalité parfaite, comme cela a été le cas à l’APN.

C’est la loi de la jungle.» Que faire ? Mme Hanoune répond : «Il y a la mobilisation des groupes parlementaires malgré les divergences politiques.» Et de préciser que cette alliance est «une première». «C’est la première fois que cela arrive. Tout le monde a compris les enjeux qui sont le sauvetage de l’Algérie de la ‘somalisation’. Les députés vont s’adresser aux sénateurs. Nous savons que le secrétaire général du FLN a usé de menaces contre ses députés au cas où ils ne voteraient pas, mais aussi de récompenses (des postes à l’étranger) à ceux qui défendraient
les mesures antinationales. Mais le peuple est conscient du danger.

Il est très inquiet. Le gouvernement appelle à l’émeute. Il prépare un printemps arabe, c’est-à-dire le chaos. Nous prendrons nos responsabilités et nous ferons alliance avec tous ceux qui veulent résister. Cette mobilisation les a déchaînés contre nous. Ils savent que si le Président prenait connaissance de ce qu’ils font, il réagirait. Peut-être qu’il a eu vent de la lettre du Groupe des 19, mais je doute fort qu’il ait pu lire son contenu. Je suis convaincue que s’il l’avait lue, il aurait appelé certains membres du groupe, peu importe qui, pour savoir de quoi il en est.»

Pourquoi de telles dérives et dans quel but ? Mme Hanoune marque un temps d’arrêt puis apporte quelques éclairages : «Ces gens veulent que la situation reste comme elle est. Que le Président ne guérisse pas, qu’il ne puisse pas être mis au courant des affaires de l’Etat ou recevoir les gens. Cela leur laisse le terrain libre pour disposer des richesses. Ils paniquent parce que le prix du baril ne cesse de dégringoler.
C’est la course contre la montre. Il faut qu’ils prennent tout et maintenant.»

Les révélations de Mme Hanoune sont graves. N’a-t-elle pas peur des représailles ? Elle répond avec assurance : «Bien sûr qu’il y a eu des provocations et les propos du secrétaire général du FLN constituent une violence et un appel au meurtre. Je le sais, dans les moments de crise, il y a des forces centrifuges qui se mettent en mouvement. Lorsque je suis sortie de prison en 1984, j’avais le choix entre cesser de militer, opter pour une vie ordinaire en considérant que j’étais ‘grillée’,
c’est-à-dire fichée, ou poursuivre le combat pour la démocratie.

J’ai opté pour le militantisme car j’étais convaincue de la justesse de mon combat. Pendant la tragédie nationale non plus, je n’ai pas cédé aux menaces de mort et au chantage à la famille. Aujourd’hui, c’est le 1er Novembre 1954 qui est en cause et tous les patriotes sont interpellés. Ce n’est même plus une question d’idéologie. C’est le sauvetage de la nation par la préservation de l’Etat hérité de la Révolution. Nous n’avons pas le droit de trahir les martyrs, le peuple algérien et la Révolution.»

Salima Tlemçani

zadhand
03/05/2016, 21h08
Dr MOURAD PREURE, EXPERT PETROLIER, AU SOIR D’ALGÉRIE

03 Mai 2016

«Le pétrole finira l’année entre 50 et 60 dollars le baril»


Entretien réalisé par Khedidja Baba-Ahmed
Le Dr Mourad Preure vient de participer au sommet pétrolier de Paris. Il est aussi
membre du Paris Energy Club qui vient de se réunir. Nous l’avons approché pour
nous parler du climat général dans lequel baigne l’industrie pétrolière, les évolutions
en cours et à plus long terme, et surtout quels impacts pour notre pays, quels enjeux,
quels challenges cela induit pour nous. Sur l’échec de la dernière rencontre de l’Opep
à Doha, l’expert explique qu’il est «significatif non pas d’une simple divergence
d’intérêts entre producteurs, mais surtout d’une géopolitique régionale complexe…»
qu’il détaille longuement. Quant au devenir de l’OPEP, son sentiment est qu’«aujourd’hui
la bataille autour des prix pétroliers s’est déplacée vers une bataille autour des performances
des acteurs pétroliers». Et justement, lorsque nous l’interrogions sur les enjeux pour
l’Algérie en cette période d’incertitudes, il a eu cette réponse : «… Nous ne devons plus
nous considérer comme une source exportatrice, mais comme un acteur énergétique
qui doit tirer avantage des transformations en cours pour renforcer sa position concurrentielle
dans le monde…» Et il explique comment.

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zadhand
21/08/2016, 00h05
Ali Guenoun. Docteur en histoire ( Paris 1 Panthéon Sorbonne )
et chercheur associé à l'institut des mondes africains

" Le débat communautarisé empêche l'émergence d'une mémoire nationale plurielle"

le 20.08.16 | 10h00




http://www.elwatan.com/images/2016/0...00_465x348.jpg (http://www.elwatan.com/images/2016/08/19/sans-titre-1_2618000_465x348.jpg)

Quel a été l’apport du Congrès de la Soummam à la Guerre de Libération ?
Il serait intéressant de rappeler que cette réunion nationale, qui s’est tenue dans
la région d’Ifri Ouzellaguen (rive gauche de la Soummam) en zone 3 (Kabylie) à partir
du 20 août 1956, a rassemblé pour la première fois, depuis le déclenchement du
1er Novembre 1954, les dirigeants de quatre zones sur cinq de l’intérieur qui
souffraient d’un manque flagrant de coordination avec tous les dangers, dont l’anarchie,
que cette situation pouvait engendrer sur la bonne marche de la lutte pour l’indépendance.
Seule la zone 1 (Aurès-Nememchas), embourbée dans des problèmes de succession
après la mort de Mostefa Ben Boulaïd, et les représentants du FLN à l’extérieur n’ont
pas pris part aux travaux de ce Congrès.


" Le débat communautarisé empêche l'émergence d'une mémoire nationale plurielle" - Histoire - El Watan (http://www.elwatan.com/hebdo/histoire/le-debat-communautarise-empeche-l-emergence-d-une-memoire-nationale-plurielle-20-08-2016-327211_161.php)

zadhand
28/08/2016, 11h07
«Les magistrats ont peur»


Miloud Brahimi, avocat et défenseur des Droits de l’Homme
Propos recueillis par Abla Chérif
L’institution judiciaire subit de sévères critiques depuis un certain nombre de
mois. Avocats, défenseurs des droits de l’Homme et même magistrats dénoncent
l’existence d’une situation qui porte souvent atteinte aux libertés individuelles.
Dans cet entretien, Me Miloud Brahimi, ténor du barreau algérien où il plaide
depuis quarante années, décortique pour nous le mécanisme, situe les responsabilités
et appelle les autorités compétentes à mette fin aux dénis de justice.


Le Soir d’Algérie (28 Août 2016)-Pour la première fois de votre carrière, vous vous
êtes déconstitué dans l’affaire de l’ex-PDG de la Cnan estimant qu’il s’agit là d’un
déni de justice. Que se passe-t-il exactement dans ce dossier ?


Me Miloud Brahimi : Il se passe que l’intéressé est détenu depuis quatre ans et demi pour «infraction économique», c'est-à-dire pour des raisons carrément inexistantes dans le droit classique, les pays normaux et les Etats de droit. Je m’explique. La gestion économique comme la gestion politique, administrative ou judiciaire est ce qu’elle est, mais obéit à des règles. On peut être un bon ou mauvais gestionnaire, administrateur, politique ou avocat, mais ceci n’est pas du ressort des tribunaux. Malheureusement, il se trouve que l’Algérie est régie par une législation (en matière économique) qui a montré ses limites et dans laquelle nous nous débattons à ce jour. Dès son accession à l’indépendance, notre pays a opté pour le système socialiste et adopté (naturellement) une législation d’inspiration soviétique relative à la gestion de l’économie nationale.
L’affaire de l’ex-PDG de la Cnan est un cas absolument caricatural. A l’origine, il avait été poursuivi pour un certain nombre d’infractions parmi lesquelles «détournement de deniers publics, trafic d’influence et association de malfaiteurs».
Or, il a obtenu un non-lieu pour tous ces chefs d’inculpation. Il a donc été prouvé qu’il n’est ni trafiquant, ni voleur, ni malfaiteur. On lui a ensuite collé un autre chef d’inculpation qui est la «dilapidation de deniers publics». La dilapidation des deniers publics est une création prétorienne.
Nous la devons à la jurisprudence… Elle n’a rien à voir avec le législateur ni la volonté du peuple. Que veut dire «dilapidation de deniers publics» ?
Je vais tenter d’être plus clair. Ce texte relatif au détournement et à la dilapidation nous l’avons emprunté au droit français, comme la plupart des textes sur lesquels nous fonctionnons d’ailleurs, et en droit francais on sanctionnait ceux qui «dissipent (ou détournent) les deniers publics». En 1993, il n’y a pas très longtemps donc, les Francais ont conclu que les termes «dissiper» ou «détourner» étaient équivalents et ont annulé la première terminologie (dissiper) et n’ont gardé que le second (détourner). Sont par conséquent poursuivis les auteurs de détournement de l’argent de l’Etat.
En Algérie, tout a cependant tourné autrement. Le mot francais «dissiper» a été traduit par «tabdid» ; une fois traduit en francais, ce terme est devenu «dilapidation». Et voilà que l’article 29 fonctionne sur ce principe et ces deux mots se retrouvent, curieusement, dans le même article. Ce n’est pas sérieux. Surtout qu’à ce jour, on ignore ce que veut dire le mot dilapider : est-ce gaspiller, est-ce faire preuve de négligence ? En tous les cas ce n’est pas détourner puisque l’ex-PDG de la Cnan a obtenu un non-lieu pour le «détournement». Mais on lui garde le mot «dilapider». On continue donc à se débattre dans ces affaires de délits économiques qui ont, soit dit en passant, toujours fonctionné sous une approche politique.

C'est-à-dire ?
Il ne faut pas perdre de vue que la première fois, la campagne contre les cadres de la nation a eu lieu au début des années 1980. Le président Boumediène décédé, son système fut remplacé par un nouveau. Très vite on a découvert que cette prétendue campagne «d’assainissement» et «anti-corruption» était en fait une campagne de «déboumediénisation». De hauts cadres ont été mis en cause en raison de leur proximité ou leur appartenance au système Boumediène.
La seconde campagne féroce est survenue au milieu des années 1990. A ce moment on a entendu dire qu’on voulait favoriser la privatisation des entreprises, et les cadres gestionnaires des sociétés nationales en ont fait les frais. Il y a quelques années est arrivée cette campagne dans laquelle on se débat encore.
A ce jour, nous ignorons à quoi elle correspond. Des cadres supérieurs de l’Etat ont d’ailleurs récemment condamné cette opération contre les cadres gestionnaires en disant qu’ils avaient été injustement poursuivis et détenus avant d’être relaxés.
La question que je pose est de savoir pourquoi cette dénonciation n’est pas valable pour l’ex-PDG de la Cnan ? Il est venu remplacer Koudil Ali, l’autre PDG qui était en détention. Il a fait quatre ans de prison avant d’être acquitté. Cette leçon n’a malheureusement pas suffi aux responsables qui s’acharnent dans des poursuites. Aujourd’hui, rien, absolument rien ne justifie son maintien en détention.Il a 70 ans, il est brisé. Mercredi, au tribunal, il était complètement hagard, on a dû lui amener des médicaments et Dieu seul sait comment il va finir.

Pourquoi ne le juge-t-on pas ?
Quelque part, il a eu la chance d’être face à des magistrats honnêtes. Le premier n’a pas voulu le juger. Considérant que le dossier ne lui permettait pas de statuer, il a ordonné un complément d’information. C’est courageux car le dossier était en instruction au niveau du pôle judiciaire, ce sont des magistrats spécialisés dans les infractions délicates. Il est parti. Un deuxième juge est nommé.
Après accomplissement du supplément d’information, il en ordonne un autre. Il l’a ordonné il y a quelques semaines et là aussi c’est à son honneur car il estime qu’il ne peut pas le condamner sur la base de ce dossier.
Lorsqu’on a détenu une personne plus de quatre années, on hésite à la relaxer. C’est ce qui me fait dire que la détention préventive est devenue une véritable condamnation préventive. Quel magistrat aura le courage de libérer un homme qui vient de passer quatre ans et demi en prison et dont la liberté provisoire a été rejetée 28 fois sans explication? Sa détention est illicite, illégale.
En matière de délit, la loi prévoit une détention préventive de huit mois. Au terme de cette période et ne pouvant le libérer, pour toutes les raisons que nous venons de citer, ils lui ont collé une infraction criminelle et dans ce cas-là ils pouvaient le garder.
Au bout de quatorze ou quinze mois, le juge a osé retirer l’inculpation criminelle et renvoyé l’affaire. On revient donc à l’application de la loi (huit mois). Il fallait le libérer avant de le renvoyer au tribunal, mais ils l’ont renvoyé tout en maintenant sa détention.

Tout ceci veut dire que personne n’a le courage de reconnaître l’erreur ?
Absolument. Reconnaître l’erreur veut dire reconnaître que les quatre ans et demi de détention préventive, c’est énorme. C’est la raison pour laquelle je dis que c’est une situation humiliante pour la justice, c’est un scandale qui interpelle toute la nation.
J’ai toujours lutté pour la dépénalisation de la gestion économique. Les voleurs doivent être sanctionnés mais l’acte de gestion économique en lui-même doit être dépénalisé. En 2011, un miracle a eu lieu, le président de la République a ordonné très clairement et très fermement la dépénalisation de l’acte de gestion dans un discours public où il a évoqué les cadres de la nation. Le système n’a malheureusement pas suivi. Les pesanteurs judiciaires…

Il est quand même incroyable de voir une instruction émanant du président de la République qui n’est pas appliquée sur le terrain… Est-ce concevable ?
Je n’ai eu de cesse de le dénoncer. Ce discours date de février 2011, l’ex-PDG de la Cnan a été arrêté et inculpé en mars 2013. En réalité, le Président a demandé un véritable bouleversement du système. Le système n’a pas voulu se suicider. Ils ont fait quelques petits pas, mais dans le fond, ce n’est rien. L’acte de gestion n’a pas été dépénalisé.

Est-ce système qui fait que les entorses à la détention préventive perdurent ? Beaucoup d’avocats d’organismes de défense des droits de l’Homme dénoncent fréquemment ces détentions prolongées et illégales, disent-ils…
La détention préventive est un drame national, une tragédie nationale. La Constitution stipule que toutes les personnes sont présumées innocentes avant que le contraire ne soit prouvé. Chez nous on fonctionne avec une présomption de culpabilité qui est automatiquement suivie par la détention préventive. Le cas de mon client de la Cnan est caricatural. J’interpelle toutes les structures nationales au plus haut niveau, à commencer par le ministre de la Justice, afin qu’elles mettent fin à ce drame.

On peut considérer que le règlement du problème de la détention préventive est la clef du bouleversement du système judiciaire ?
Tout à fait et elle est liée à la question de la dépénalisation de l’acte de gestion. Il faut revenir à la présomption d’innocence.

Reste-t-il beaucoup de cadres injustement incarcérés ?
Je n’ai pas de chiffres mais il en reste encore. Mais quel qu’en soit le nombre, il est excessif. Je suis témoin de bien d’existences brisées depuis une quarantaine d’années.
Cette dernière année, la justice algérienne a fait l’objet d’énormément de critiques, son image en prit un mauvais coup…
Par principe je refuse de parler des dossiers que je ne connais pas. J’ai suivi les affaires récentes à travers la presse. Ce sont des critiques dont la justice aurait pu se passer.
On ne peut pas dire qu’elles sont imméritées et c’est bien que la presse attire l’attention des pouvoirs publics sur les dérapages.

Mais qu’est-ce qui se passe au niveau de la justice ?
J’ai l’habitude de dire qu’il s’agit d’un problème culturel. Il y a toute une formation à donner aux magistrats et elle n’est pas seulement judiciaire, il y a une approche sociale, l’approche du justiciable qui mérite la protection de la justice vu qu’il risque sa liberté, ses biens, son honneur.
Chez nous nous avons le culte de la présomption de culpabilité et elle existe chez tout le monde, pas seulement les magistrats, y compris la presse qui décide, parfois, dès qu’une personne est arrêtée, qu’elle est coupable.

Beaucoup dénoncent la mainmise du politique…
Oui, mais «un politique» qui n’en maîtrise pas tout à fait les tenants et les aboutissants. Les magistrats ont souvent peur. Là, cela nous renvoie à l’aspect culturel. Ils savent que s’ils mettent une personne en prison ils n’auront aucun problème, mais à l’inverse, si cette même personne est en liberté on peut leur demander des comptes.
Textuellement. Mettre une personne en prison est pour eux la garantie qu’on ne leur demandera pas des comptes. Mais s’il optent pour la liberté cela peut leur attirer des ennuis. On peut même les soupçonner d’avoir été corrompus.
Cela fait partie du système. Alors ils préfèrent se couvrir avec la détention. Dans le cas de l’ex-PDG de la Cnan, nous sommes dans une affaire d’acharnement, qui n’est pas d’ordre judiciaire.

Durant votre carrière vous avez beaucoup activé pour les droits de l’Homme. Quel est votre avis sur la situation que traverse le pays aujourd’hui ?
La situation actuelle en Algérie renvoie à la situation du monde arabo-musulman. Nous appartenons à un univers qui traverse une crise épouvantable. Une crise qu’il n’a jamais connue dans son histoire. Dans ce contexte, il y a un premier constat à faire : nous sommes actuellement mieux lotis que nos voisins. Quand on voit ce qui se passe en Tunisie, en Libye, en Égypte (trois fois millénaire), en Irak, en Syrie (des fleurons de la civilisation arabe), nous n’avons pas de quoi nous plaindre.
Les gens ont cependant raison de ne pas regarder uniquement dans cette direction, mais de se tourner vers le côté qui avance et là, à l’évidence, nous constatons que nous avons beaucoup de mal à nous dépétrer d’un système qui s’est installé en 1962. Ce qui a compliqué les choses en Algérie, c’est la décennie rouge, je l’appelle ainsi. Nous la devons aux islamistes, mais si elle n’a pas été provoquée, elle a été encouragée de l’extérieur. Il y avait manifestement une volonté de venir à bout du dernier pays arabe et musulman qui résistait à la mainmise occidentale. Par chance l’Algérie a réussi à démontrer qu’elle était capable de résister à cette coalition qui attendait notre disparition. Dans ce contexte, il m’est impossible de ne pas revenir sur Octobre 1988. Nous avons failli déboucher sur une véritable démocratisation mais elle a été contrariée par la décennie rouge. Ceux-là mêmes qui ont mis en branle le monde musulman sont ceux qui ne voulaient pas de démocratie chez nous.
Partagez-vous l’inquiétude de tous ceux qui craignent pour l’évolution de la situation dans le pays ?
Je n’ai pas de vision politicienne, mais je m’inquiète bien sûr pour mon pays. Je suis de ceux qui craignent la rue (nous ne voulons pas de cela), qui craignent un éclatement, mais il faut compter avec la maturité des Algériens. Nos ennemis de toujours n’ont pas perdu espoir, mais pour le moment il y a une bonne résistance. Dans ce contexte, je souligne le courage qu’a eu l’institution de la Gendarmerie nationale en publiant un rapport pour dire «ça ne va pas» et qu’il y a risque de dérapage. C’était une mise en garde et une alerte pour qu’on fasse attention et cela veut dire aussi qu’il y a une résistance. Vous savez, la crise est universelle, elle n’est pas propre à notre pays. La démocratie occidentale bat de l’aile. N’oublions pas que deux chefs d’Etat, des grands de ce monde, sont passibles de poursuites en justice. Tonny Blair et George Busch sont passibles des tribunaux.
Ce dernier relève de la justice américaine pour agression contre Etat souverain et crime de guerre. Mais le monde occidental est incapable de faire justice, tétanisé depuis le rejet du droit de sanction contre Israël suite à son agression contre Ghaza. L’univers est en crise. Que dire donc du monde arabe qui est devenu fou après avoir raté sa démocratisation ?
A. C.

zadhand
12/09/2016, 09h41
«Un phénomène qui met en danger la paix sociale»


Dr Mahmoud Boudarène. psychiatre
le 11.09.16 | 10h00



http://www.elwatan.com/images/2016/09/10/photo-boudarene_2618562_465x348p.jpg (http://www.elwatan.com/images/2016/09/10/photo-boudarene_2618562.jpg)


- Les kidnappings et les meurtres d’enfants prennent des proportions dangereuses en Algérie.
Comment expliquez-vous la propagation de ce type de crime, nouveau dans notre société ?
Les enlèvements et assassinats d’enfants sont en effet un phénomène
nouveau. En tout cas leur répétition doit interpeller la communauté et
les autorités publiques. Il se passe sans doute quelque chose dans la
société qui n’est pas seulement en relation avec la violence ordinaire.
Il s’agit de quelque chose de très grave qui met en danger la paix sociale.
Nous ne pouvons pas, en effet, nous contenter de retenir l’idée qu’il s’agit
de comportements en relation avec la simple délinquance.Le dernier enfant
à avoir été enlevé et assassiné est ce petit garçon de Oum El Bouaghi.
Il a été, selon ce que rapporte la presse, tué par sa propre tante. Quelle
lecture pouvons-nous faire de cet acte abject ? Un enfant qui se fait
assassiné par un membre de sa famille. Ce n’est pas un fait banal. L’enquête
apportera sans doute des éléments d’explication et jettera la lumière sur
les motivations qui ont conduit à cet assassinat, mais je peux dire sans
risque de me fourvoyer dans des conjectures que l’appartenance familiale,
que le lien de filiation, n’ont pas suffit dans ce cas à protéger l’enfant. Cela
veut dire que les mécanismes régulateurs et les interdits qui organisent et
fondent les relations à l’intérieur de la communauté familiale ne sont plus
opérants. Quelque chose de grave s’est produit dans notre société.
Appartenir à la même famille ou au même groupe social ne constitue plus
une garantie de protection. Un cas de figure que l’on observe ou qui n’arrive
que dans les communautés défaites, déconstruites et en proie à une situation
de désordre social, d’anomie. La presse s’est régulièrement interrogée à ce
sujet et a manifesté à juste titre son inquiétude sur la criminalité croissante à
l’intérieur des familles. La société algérienne a changé, je crois qu’il est essentiel
d’en prendre conscience afin d’apporter avec lucidité les solutions appropriées.
- Peut-on connaître les causes qui contribuent à l’émergence de
ces violences à l’égard des enfants ?
La violence ordinaire s’est accrue dans notre société. Une sorte de violence plus spécifique, disons plus orientée, en particulier envers les femmes et les enfants,
est apparue depuis quelques années. Un fait qui n’est pas banal et qui doit être
décodé. C’est ce que je viens de tenter d’expliquer. Mais si cette criminalité à
l’intérieur des familles ou plus généralement dans la communauté concernent
pus souvent les enfants et les femmes, c’est parce qu’ils en sont les maillons
faibles. Pour des raisons différentes, bien sûr, et qu’il ne me sera pas possible
d’expliquer ici. Il est certain que l’enfant est une proie facile qui est à la merci
du prédateur potentiel. Un enfant ne peut pas se défendre et peut être abusé,
en particulier par le délinquant sexuel qui aura jeté son dévolu sur lui.
Rien de plus aisé quand la victime est dans la ligne de mire de son bourreau.
Les exemples d’enlèvements pour des raisons de pédophilie sont fréquents à
travers le monde. Ils sont le fait d’individus antisociaux qui présentent des
troubles de la personnalité. Des sujets habituellement identifiés comme des
déséquilibrés psychiques qui ne reconnaissent aucune autorité et qui mènent
une existence dans la transgression sociale permanente.Ce qui ne les exonère
pas de leur responsabilité pénale et sociale. Si cette délinquance s’exprime
aujourd’hui plus souvent dans notre société c’est parce que les remparts
sociaux qui mettaient à l’abri l’enfant ne sont plus. L’enfant comme la femme
sont sacralisés dans notre communauté. De toute évidence, ce n’est plus le cas.
Les interdits, je le soulignais plus haut, qui servaient de digue protectrice sont
tombés facilitant ainsi les comportements de prédation en créant l’opportunité.
- Quelles propositions préconisez-vous pour lutter contre ces crimes ?
Il faut que l’ordre social revienne. Pour cela, il faut appliquer la loi et réprimer
sévèrement ce type de crime. Cela est un lieu commun. Le code pénal a été
amendé, dans ce sens, avec l’ajout de l’article 293 bis. Mais cela ne suffit pas.
Chacun sait que l’ordre social est dans une relation dialectique avec l’ordre
institutionnel.Cela veut dire que l’ordre doit revenir aussi dans le fonctionnement
des institutions de la République. Cela veut dire aussi que la loi pour qu’elle soit
respectée et opérante doit s’appliquer pour tous de la même façon.Or, la société
assiste, depuis plusieurs années,à des scandales de corruption et de prévarication
des richesses nationales, qui ont concerné des responsables d’un haut niveau,
sans que ceux-ci ne soient inquiétés.Des crimes économiques qui sont restés
impunis. Cela fait désordre et n’est pas bon pour l’autorité de l’Etat. L’exemplarité
n’est pas un miroir aux alouettes, il est un facteur important, déterminant, pour
assurer la pérennité de l’ordre social, par la présence notamment de modèles de
probité et de droiture.Force est de constater que l’image que renvoie présentement l’autorité de l’Etat en est loin. Mais il n’y a pas que cela. La concorde civile et la réconciliation nationale ont d’une certaine façon failli et montré des limites dans leur application. Elles ont sans doute laissé dans l’esprit des citoyens, plus à raison
qu’à tort, l’idée (la conviction) de l’impunité des auteurs des actes terroristes.
Nombreux en effet ceux qui ont été absous de leurs crimes pour s’être seulement
repentis. Bien sûr, si cet épisode de l’histoire récente de notre pays n’a pas encore
livré tous ses secrets, il est évident qu’il participe au désordre social qui s’est
actuellement emparé de notre société. Si je dois résumer ma pensée, je dis qu’il
faut punir sévèrement les auteurs de ces actes mais qu’il est primordial, sinon
fondamental, de restaurer l’image d’une justice qui s’applique de façon impartiale
pour tous.Le jour où la loi s’appliquera pour les intouchables, ceux qui sont
considérés ou qui se considèrent comme tels, quels qu’ils soient, alors l’autorité
de l’Etat reviendra et l’ordre social reviendra avec. Les interdits s’érigeront à
nouveau dans la conscience sociale, dans l’inconscient de chacun, et les
mécanismes régulateurs sociaux se remettront naturellement en place.


Ahcène Tahraoui