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zadhand
19/08/2015, 17h37
A LA UNE/ACTUALITE_Double anniversaire du 20 août
19 Août 2015

Sellal présidera les célébrations officielles à Constantine

Demain, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, sera l’hôte de Constantine
pour célébrer officiellement le double anniversaire du 20 Août, celle de l’offensive du Nord-Constantinois
(1955) et celle de la tenue du Congrès de la Soummam (1956).

18147

Soixante ans après ces événements qui ont marqué un tournant décisif dans la lutte du peuple algérien, Constantine,
de par son statut actuel de «capitale de la culture arabe», sera le théâtre des célébrations nationales.
En l’absence d’un programme officiel, le Premier ministre, selon certaines indiscrétions, se déplacera sur les lieux où Zighoud Youcef,
l’un des promoteurs de l’offensive du Nord-Constantinois, a grandi et pratiqué le métier de forgeron.
L’homme au chapeau de brousse est né le 18 février 1921 dans la région de Smendou, dans le Nord- Constantinois.
A tout juste 17 ans, il adhéra au Parti du peuple algérien (PPA), dont il deviendra en 1938 le premier responsable de la région de Smendou.
Lorsque Didouche Mourad, responsable du Nord-Constantinois, tomba au champ d’honneur,
Zighoud le remplaça et organisa l’offensive du 20 août 1955, qui fut une éclatante démonstration de la mobilisation populaire.
Il a été tué dans une embuscade à Sidi Mezghiche (Skikda), le 25 septembre 1956, à l’âge de 35 ans.
L’autre rendez-vous important est une rencontre, au niveau du palais de la culture Malek Haddad,
avec la famille révolutionnaire de la région, dont les échanges porteront, entre autres,
sur l’épineuse question de l’écriture de notre histoire.
Une dizaine d’autres points sont aussi inscrits à l’agenda du Premier ministre, dont un spectacle artistique autour
du double anniversaire que la salle Ahmed Bey abritera.

Une implication directe dans l’Événement
C’est la seconde visite de Sellal à la capitale de l’Est en l’espace de cinq mois. En avril dernier,
il y a effectué le déplacement pour donner le coup d’envoi de l’événement culturel de l’année,
«Constantine, capitale de la culture arabe 2015».
Il est vrai que le Premier ministère s’est impliqué dans cette manifestation qui, selon les organisateurs et les officiels,
est censée propulser Constantine au rang de grande métropole et lui donner davantage de visibilité dans le monde arabe.
M. Sellal a dépêché,à Constantine, son secrétaire général et plusieurs ministres à la veille du coup d’envoi
de l’événement pour superviser les derniers préparatifs et écarter toute velléité d’échec.
Il a instruit les chefs des exécutifs des wilayas limitrophes pour prêter main- forte
à la capitale de l’Est dans les opérations
de nettoyage et de déblaiement.
Mais à mi-chemin de la clôture de cette année, émaillée de polémiques et de ratages tous azimuts, le bilan est des plus mitigés. Pis,
il y a à peine quelques mois, la société civile a appelé tout simplement à l’arrêt des activités artistiques. Pour autant,
il n’est pas sûr que la «ligne de gouvernance» adoptée jusqu’alors dans la conduite de l’événement sera revue.
A rappeler que «Constantine, capitale de la culture arabe» représente aussi une pléthore de projets.
Nombre d’entre eux n’ont pas encore été réceptionnés. Sur les 70 prévus,
quatre ou cinq uniquement ont été livrés… sous réserve.
Et bien que les responsabilités soient établies, aucune mesure coercitive n’est venue sanctionner ces retards.
L’Etat a débloqué la bagatelle de 700 milliards de centimes, rien que pour le volet artistique de cette manifestation,
mais les Constantinois n’en ont tiré aucun profit.
Après moult désagréments subis pendant des mois, les retombées esthétiques,
économiques et environnementales tant promises ne sont toujours pas au rendez-vous.

Naïma Djekhar

zadhand
11/08/2016, 23h38
HOCINE AÏT AHMED SUR LE 20 Août 1956


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le 11 août 2016

« Le sens capital de cet événement réside dans la nature politique et contractuelle
d’une stratégie de libération nationale élaborée par le congrès de la Soummam. »
Dans un entretien réalisé en novembre 2002 par K.Selim dans un contexte de vives
polémiques en Algérie avec des accusations, choquantes, de trahison, Hocine Aït Ahmed,
élève le débat. Un entretien passionnant qui clarifie les enjeux politiques et de mémoires
pour les jeunes algériens. Et pour les moins jeunes aussi.Que fut réellement le congrès
de la Soummam, un renforcement de la révolution ou une déviation?Hocine Aït Ahmed

Le fait de poser cette question près de quarante ans après la tenue de ce congrès me
paraît sidérant. Autant soulever la même question sur le rôle du 1er Novembre 1954,
au moment même où l’Algérie vient d’en célébrer le 40ème anniversaire.Soyons clairs
je ne me suis jamais considéré comme un “historique”. J’en ai assez souvent martelé
les raisons pour ne pas avoir à les ressasser aujourd’hui.Permettez-moi de les résumer
en une seule phrase la guerre de libération n’est en aucune façon réductible à un appareil,
à un parti, encore moins à un homme, un complot, où une coterie, quels que soient par
ailleurs les rôles des uns et des autres assumés dans des périodes et des étapes données.
Pas plus que je ne suis spécialiste d’étiologie, terme barbare pour dire philosophie politique.
Je vous livre donc un témoignage plus existentiel que théorique.En tant que militant de
terrain, je m’interroge d’abord sur le sens des événements que recouvrent les mots.
Ces deux tournants politiques ne sont pas des météorites tombées du ciel.
Leur restituer leur signification et leur portée exige le rappel faute d’analyse des
causes et des enchaînements politiques qui les ont créés.Le déclenchement de la lutte
armée en Algérie, le 1er Novembre 1954, a été, bien sûr, déterminé par la radicalisation des
combats patriotiques en Tunisie et au Maroc.Le rêve d’un soulèvement maghrébin généralisé
était à nos portes. Mais l’annonce de la lutte armée en Algérie est fondamentalement la
résultante de la poussée populaire en travail depuis les répressions coloniales sanglantes de
mai 1945.N’oublions jamais les dynamiques sociales profondes dont les personnalités et les
partis ne sont souvent que la face visible de l’iceberg nationaliste. C’est vrai que les formations politiques ou religieuse, le PPA-MTLD, l’UDMA, le PCA, les Oulémas, s’étaient coupées des masses, tellement leurs stratégies “légalistes” leur paraissaient dérisoires et sans issue.C’est
elles qui, de surcroît, en payaient les notes douloureuses, notamment à chacun des “scrutins” grossièrement truqués sous le règne de Naegelen. La formule “élections à l’algérienne” était
devenue proverbiale en France même à la moindre anicroche touchant le suffrage universel.
Formule ô combien ! Prémonitoire.Ce jeu de toboggan piégé et savonné qui ramenait toujours
au point de départ avait fini par excéder nos compatriotes: “Ne nous appelez ni à l’abstention
ni à la participation électorale !Donnez-nous des armes !” ce message nous parvenait de partout. C’est à ce message qu’a finalement répondu l’appel du 1er Novembre.
Pouvons-nous conclure que les dirigeants politiques de l’étape précédente
avaient trahi ?H.A.A.
Pas d’anathèmes ! Accuser à tout bout de champ de trahison, c’est ce genre de retours
destructifs au passé qu’il faut éviter. Il y a des mots qui tuent, surtout dans un pays où la vie et l’opinion des gens continuent de perdre de leurs valeurs.Le sens de la responsabilité doit inciter
à la sérénité et à la prudence quand il s’agit de porter des jugements d’ordre politique. Sauf à
ravaler ses propres agressions verbales, lorsque les formations en question deviendront parties prenantes à ces premières assises constitutives du FLN.Le sens capital de cet événement réside
dans la nature politique et contractuelle d’une stratégie de libération nationale élaborée par le congrès de la Soummam.De toute évidence, ce pacte national n’aurait pas pu avoir lieu sans le formidable électrochoc psychologique et politique provoqué par les actions entreprises le 1er Novembre 1954, amplifiées par Saout El-Arab et par la panique qui avait gagné les autorités coloniales.Certes, les insuffisances militaires du déclenchement de “La Révolution”
s’expliquaient par les improvisations qui ont présidé à son organisation. En prenant, en 1951,
la décision de dissoudre l’OS, de démanteler son dispositif et son encadrement, les dirigeants
du PPA-MTLD avaient commis une grave faute politique.L’absence d’une stratégie politique
qui devait accompagner la proclamation du 1er Novembre sur le terrain risquait de couper les groupes armés de la population. Du reste, les stratèges de la guerre coloniale ne tarderont pas
à exploiter ce vide politique. Quand le gouverneur général Sous-telle jusqu’au-boutiste
de l’Algérie française prendra la mesure de remettre en liberté quelques dirigeants politiques algériens qui avaient été arrêtés, au lendemain de la Toussaint, son
intention stratégique était d’engager les nationalistes modérés à remplir le vide
politique afin de retarder ou de prévenir la généralisation de la dissidence armée.
Apparemment, il a été pris de court par Abane Ramdane !H.A.A.
Tout à fait. Dès son retour au pays, Abane Ramdane, qui venait de purger des années de
prison dans le nord de la France, prit contact avec Ouamrane en Kabylie (Ndlr responsable
de la willaya 4, il se réfugia dans la willaya 3 après avoir dirigé des attaques armées dans la
région de Blida pour s’informer).Ayant longtemps assumé des responsabilités, d’abord au
sein de l’organisation clandestine du PPA, et ensuite à la tête de l’OS pour la région de Sétif, Ramdane était un véritable animal politique et un organisateur expérimenté.Il n’avait pas
besoin de son intuition de mathématicien pour, en premier lieu, identifier le sens du problème prioritaire et urgent: l’absence de vision et de stratégie politiques, et, en deuxième lieu, pour
mettre en place les structures cohérentes destinées à soutenir la dynamique populaire.Sans
perdre de temps, il se rendit alors au domicile de Rebbah Lakhdar, à Belcourt (Sidi M’hammed).
Qui ne connaissait ce personnage hors du commun ? Certes, il était militant chevronné du PPA,
mais il était respecté et aimé, y compris par les adversaires politiques, et ce n’est pas peu dire.
Car, il avait cet art naturel d’un entregent exceptionnel, fait de gentillesse, d’ouverture d’esprit
et d’une serviabilité doublée d’humilité. Petit commerçant dynamique, il connaissait l’ensemble
de la classe politique algérienne ainsi que les personnalités religieuses et du monde des affaires.
(Cet homme avait toujours refusé d’assumer des responsabilités publiques. Sauf une fois
contraint et forcé par ses dirigeants, il se porta candidat aux élections à l’Assemblée algérienne d’avril 1948, à Sour El-Ghozlane, sa circonscription d’origine.Son tort fut d’être l’enfant du
pays idolâtré, puisque c’est là que le coup de force électoral, sous le règne de Naegelen, prit
une tournure dramatique avec des “électeurs assassinés à Aumale” et Deschmya. Et ainsi un
béni-oui-oui d’une crasse politique fut proclamé représentant du peuple).Abane ne pouvait donc
pas trouver un intermédiaire plus crédible. De but en blanc, il s’adressa en ces termes à Rebbah
“Je veux rencontrer toutes les personnalités qui comptent dans notre société”.Pendant des
semaines, il squatta l’appartement pour y recevoir ses nombreux interlocuteurs dirigeants
centralistes du PPA-MTLD, de l’UDMA, du PCA, des Oulémas, Aïssat Idir, le futur chef de l’UGTA, Moufdi Zakaria, l’éternel poète symbole d’un Mzab fidèle à lui-même et à l’Algérie,
qui sera l’auteur de l’hymne national de notre pays.Sans compter quelques figures de la
bourgeoisie en formation pour l’aide financière, nerf de la guerre. L’impact de ces contacts est immense dans la perspective de la mobilisation de toutes les catégories sociales.Au niveau
politique et à la suite de multiples rencontres, Ramdane réussit à arracher aux délégués attitrés
qu’ils procèdent à la dissolution de leurs formations politiques respectives et qu’à titre individuel, leurs militants s’intègrent dans le processus de création du FLN en vue de soutenir l’ALN dans
tous les domaines.Les dirigeants principaux de l’Association des Oulémas se rallieront aussi à
cette perspective de rassemblement national. Il restait à transformer l’essai, c’est-à-dire à organiser le Congrès constitutif du FLN.C’était une véritable gageure. OU, QUAND et COMMENT.
Mission quasi-impossible ? Où se réunir en pleine guerre, mais dans des conditions de sécurité absolues ?Quand se réunir et dans l’urgence absolue, l’hystérie des répressions coloniales risquant d’étouffer et de réduire les foyers de résistance armée, et comment acheminer les délégués et
surtout les états-majors des willayas, étant donné le redoutable quadrillage du territoire par les
forces et les opérations de guerre ?Force est de constater que ce quasi-miracle s’est réalisé.
Grâce à la réflexion et au savoir-faire du tandem Ben M’hidi Larbi-Abane Ramdane, aux
officiers de l’ALN, à celles et ceux qui ont participé aux commissions préparatoires des assises
de cet événement, et aussi à ce mur de vigilance patriotique des villageois qui étaient mobilisés
par le sens de l’honneur, sans même savoir la nature de l’événement attendu.En ce qui concerne
les résultats des travaux, je vous renvoie aux textes publiés par nos historiens honnêtes.
En résumé, pour la première fois, le FLN se donne une plate-forme politique; on peut en
discuter les lacunes et les insuffisances. Mais, une première également, les structures de l’ALN
et du FLN ont été précisées.Les professions de foi ne sont pas définies seulement par des idéaux mais par la stratégie de mise en application. En effet, juger comme si les moyens ne sont pas
partie intégrante d’un programme relève de l’ignorance délibérée ou de la dissimulation. Ce qui explique que le principe de la primauté du politique sur le militaire avait une portée et garde,
jusqu’à nos jours, une validité incontestable.
Des historiques se sont opposés au congrès de la Soummam ?H.A.A.
Quelques historiques se sont effectivement opposés au congrès de la Soummam. Un congrès antagoniste avait même été prévu, soutenu par Nasser et Bourguiba, qui avait notamment mis la “Garde nationale” à la disposition des tenants de la contestation.Une crise extrêmement plus grave que celle qui avait opposé Centralistes et Messalistes par congrès rivaux interposés. Imaginez les engrenages de tueries opposant des hommes, voire des régions ou des wilayas en armes: c’était la guerre fratricide se substituant à la guerre de libération.J’étais le seul à la prison de la Santé à reconnaître les décisions du congrès de la Soummam. Pour toutes les raisons indiquées, et surtout
en raison du consensus national qui y fut esquissé et qui pouvait servir de support international à
la constitution d’un gouvernement provisoire.J’avais transmis au CCE la nouvelle direction élue
par le Congrès , par l’intermédiaire du sénateur Ahmed Boumendjel, notre avocat, un message
écrit dans lequel je soulignais l’absurdité d’un conflit de souveraineté, alors que le pouvoir
colonial continuait à en être le vrai détenteur au regard de la communauté internationale. Et que
je tenais à leur disposition un rapport concernant la constitution urgente d’un gouvernement provisoire.Une initiative qui, non seulement pouvait transcender les blocages résultant des luttes
de clans et de personnes, mais qui devait principalement créer la dynamique diplomatique et médiatique indispensable à une solution négociée avec la puissance coloniale.
Quant aux prolongements sur la situation actuelle, que dire sinon que l’Algérie n’en serait pas là, exsangue et dévastée, si Abane n’avait pas été assassiné par les siens et si Ben M’hidi n’avait
pas été exécuté par les autres.En d’autres termes, si le principe du primat du politique sur
le militaire avait été respecté.
Le congrès de la Soummam donne lieu à des lectures idéologiques contradictoires…H.A.A. Aucune autre lecture idéologique ou partisane ne pouvait être faite de ce congrès. La plate-forme
de la Soummam a été, je le répète, le premier pacte politique contractuel, donc fondé sur le
respect du pluralisme et non pas sur un consensus populiste. Sauf qu’on n’empêchera pas les racontars d’aujourd’hui – à l’exemple des racontars d’hier – de tenter d’asservir l’histoire à des
fins de légitimation et de propagande.
Vous avez connu Abane Ramdane. Pouvez-vous nous parler de l’individu,
de l’homme qu’il fut ?H.A.A.
J’ai connu Ramdane au cours de cet été 1945, le plus chaud et le plus surréaliste. Il venait de Châteaudun – Chelghoum Laïd – où il travaillait comme secrétaire dans l’administration.
Il était profondément marqué, malgré sa froideur apparente, par les répressions et la chasse à “l’arabe” qu’il avait vécues de très près.Je préfère vous parler de l’homme avant de vous donner quelques repères sur son itinéraire. Quelques semaines avant de passer l’examen du baccalauréat 2ème partie au lycée de Blida, il avait sollicité de l’administration d’être dispensé des heures de gymnastique pour mieux se préparer aux examens, car, en plus au lieu de choisir entre le
bac philo et le bac mathématiques, il tenait à se présenter aux deux examens.La dispense lui
ayant été refusée, il se mit en colère et alla se briser le bras contre un rempart de fer ou de marbre. Ce qui ne l’empêcha pas de bouder les exercices physiques pour mieux se préparer et réussir brillamment le double examen.Autre anecdote sans commentaire: arrêté par la PRG, alors
qu’il était le responsable de l’OS dans la région de Sétif, il n’avait pas fait le moindre aveu
malgré toutes les formes de torture utilisées pour le faire parler.Combien de fois il fut transféré
d’une prison à une autre, à force de faire des grèves de la faim ou d’inciter les droits communs à l’agitation ou à la violence. Pour se débarrasser de Abane, les services pénitenciers d’Algérie
durent l’envoyer en relégation dans le nord de la France. Quel tempérament !Son identité, c’est
ce qu’il a fait de lui-même dans les pires épreuves. Ceci dit, qui n’a pas de défaut ? Il était
autoritaire et jacobin. Son franc-parler le desservait terriblement. Par contre, il savait aussi
écouter et exécuter les décisions prises démocratiquement.
Quels commentaires vous inspire notre rapport à l’histoire ?H.A.A.
:Pour les Algériens informés, le 20 Août 1956 est inséparable du 1er Novembre 54. Et par-dessus
les déclarations officielles, par-dessus les rituels aussi insipides qu’hypocrites, ces deux dates
de notre passé suscitent chaque année un engouement de plus en plus réconfortant au sein de
notre jeunesse et de ses élites locales et régionales.Et cela, en dépit du délabrement planifié de
la mémoire historique et peut-être à cause de ce délabrement. Chez ces exclus, cette avidité
naturelle ressemble fort à une volonté de réintégration et d’enracinement profond dans le présent
et l’avenir de leur nation.Ce ne sont pas les retours en arrière, à la recherche nostalgique de
faits glorieux, qui les intéressent. Ils attendent de l’histoire, en tant que discipline, qu’elle
leur livre des leçons et des enseignements. Leur rêve est de participer pleinement et
efficacement à l’histoire comme dynamique populaire qui se construit dans les luttes quotidiennes pour une vie de liberté, de dignité et de justice pour tous et toutes.

zadhand
17/08/2016, 23h47
Du Congrès de la Soummam au Consensus National


20 août 1956 – 20 août 2016.
Par Omar Benderra
le 17 août 2016


L’histoire politique de l’Algérie depuis le putsch de janvier 1992 n’est
assurément pas linéaire elle est statique.

http://www.libre-algerie.com/wp-content/uploads/2016/08/baie-dAlger.jpg (http://www.libre-algerie.com/wp-content/uploads/2016/08/baie-dAlger.jpg)​ (http://www.libre-algerie.com/20-aout-1956-20-aout-2016-du-congres-de-la-soummam-au-consensus-nationalpar-omar-benderra/17/08/2016/?print=pdf)
Baie d’Alger. Bab El Oued.

Sur tous les autres plans, la paralysie installée par le régime putschiste
est la matrice d’une régression générale. L’immobilisme caractérise une
séquence historique morbide vouée à la falsification, à la dilapidation
effrénée de ressources publiques et au recul continu de l’Etat de droit.
Devant une telle réalité, les commémorations officielles d’événements
marquants de l’épopée du peuple algérien semblent frappées d’irréalité.
Les cérémonies officielles se réduisent à de simples mécaniques
bureaucratiques, un rituel compassé vide de toute substance.
Le soixantième anniversaire du Congrès de la Soummam par le régime
de l’arbitraire ne déroge pas à la règle de l’insignifiance. Une dictature
corrompue et répressive ne saurait fêter ce qu’elle s’évertue à détruire.
Car, comme l’ont montré Hocine Aït-Ahmed, Abdelhamid Mehri et les
dirigeants de la Révolution Algérienne, ce Congrès tenu dans les conditions extraordinairement difficiles de la guerre contre une des plus puissantes
armées de l’époque a été celui du renouveau de l’Etat Algérien. Le rapport
de force avec l’occupant colonialiste était certes disproportionné mais le
soutien du peuple compensait largement l’asymétrie des moyens militaires.
Et c’est bien dans le feu de la guerre d’indépendance que se forge le
consensus stratégique du 20 août 1956 : la Plateforme de la Soummam est
l’expression politique de l’édification de l’Etat Algérien moderne.
Que reste-t-il de cet héritage héroïque ?
Des immenses avancées, il ne reste pratiquement rien dans les sphères qui
dirigent effectivement le pays. La voix de l’Algérie ne porte plus, ne compte plus.
Les agissements impériaux aux frontières du pays le démontrent sans ambiguïté,
l’Algérie n’a aucune influence sur le cours des événements régionaux. Le pays,
autrefois « pivot » selon la presse indépendante, est un acteur marginalisé dans
le concert des nations.Le régime est nu à l’extérieur comme à l’intérieur. Au plan
interne, l’Etat social et démocratique de la proclamation de Novembre est relégué
aux oubliettes. La base sociale du régime achetée à coups de subventions et de
passe-droits est une clientèle mercenaire recrutée dans les bas-fonds de la société.
Ce que le régime, responsable du malheur durable du peuple, montre de ses mœurs
et de ses pratiques est absolument honteux, d’une rare vulgarité, conforme au modèle néocolonial de république bananière.La fraude est consubstantielle à ce système tout comme dans ces Etats aux indépendances octroyées dirigés par des groupes
d’intérêts soutenus par les ex-métropoles. Le maintien au pouvoir d’hommes usés et discrédités pour assurer la façade du système illustre la déréliction de l’Etat. Des délinquants notoires s’affichent ouvertement dans les médias autorisés avec la caution
de derviches officiels. Les porte-parole « élus » d’assemblées ubuesques, qui
relèveraient sous des cieux plus normaux des tribunaux, se répandent dans une presse
« indépendante » au garde-à-vous. Les réaménagements internes du régime, sous pression externe, sont prétextes à d’interminables manœuvres d’intoxication de l’opinion. C’est ainsi que des criminels de masse sont présentés comme des victimes dans un mouvement brownien où la confusion organisée permet le renversement complet des valeurs et des normes de droit. Les scandales succèdent aux scandales dans une exhibition permanente d’argent mal-acquis, d’enrichissement sans cause et de justice discrétionnaire. L’Algérie de 2016 est bien ce pays où l’on organise des fêtes de sortie
de prison…Les principes démocratiques réaffirmés et précisés par les congressistes
de la Révolution Algérienne en droite ligne de l’Appel du Premier Novembre 1954 et
de la Plateforme du 20 août 1956 sont ostensiblement bafoués par ceux-là mêmes qui détiennent le pouvoir : un groupe militaro-policier et d’affairistes dévoyés,
essentiellement préoccupés par leur maintien au pouvoir pour assurer la captation de
la rente. Sous la botte d’une organisation hors des institutions, la continuité de l’Etat
n’est assurée en réalité que par le peuple et des élites bâillonnées qui face aux vents contraires de l’histoire maintiennent intactes les valeurs fondatrices de la nation
algérienne. Il est très révélateur d’observer que l’évocation du soixantième anniversaire
du Congrès de la Soummam est d’abord et avant tout le fait de l’opposition authentique, celles d’hommes et de femmes indépendants, celle du FFS et d’organes politiques en rupture avec la dictature de la rente, de la « mangeoire » selon la formule éloquente du regretté Ali-Bey Boudoukha, et de ses appareils de répression.
L’Algérie dans l’arc des crisesNul ne l’ignore, la gestion économique catastrophique assumée par le régime depuis l’ajustement structurel de 1994 entraîne le pays dans une spirale effroyable. L’abandon de toute politique de développement couplée à la
déprédation prive le pays des moyens de faire face à une situation économique qui se délite rapidement. Le spectre de la faillite financière des années 1980 hante à nouveau
les corridors d’un pouvoir impuissant et stérile, seulement capable d’acheter sur les marchés extérieurs ce qu’il ne saurait envisager de produire localement.
Mais l’intensité de la crise à venir, une fois les moyens de paiement résiduels épuisés
face à une demande d’hydrocarbures durablement déprimée, est d’une toute autre magnitude. Ceux qui ont eu à connaitre des difficultés extrêmes à faire face aux
contraintes des années 1986/1992 s’interrogent sur la nature de celles qui se profilent
à l’horizon 2019/2020. En effet, depuis les années 80 du siècle dernier, la population a presque doublé, passant de 22 millions en 1985 à 40 millions d’habitants en 2015…
Ces sombres projections n’échappent évidemment pas aux partenaires du pays. Des partenaires pas toujours animés des meilleures intentions, comme on peut le constater
au Maghreb, au Mashrek et au Sahel. La détérioration de la situation socio-économique constituerait la fenêtre d’opportunité pour faire avancer quelques pions sur l’échiquier
des stratégies impérialistes. C’est ainsi qu’est initiée depuis plusieurs semaines une
guerre psychologique animée par le cercle, décidément très actif, des revanchards
anti-arabes et des nostalgiques néo-colonialistes sur la thématique de l’écroulement à venir. Ces prévisionnistes se gardent bien de signaler qu’en cas de violentes convulsions en Algérie, ils auraient à assumer des centaines de milliers, voire des millions, de
migrants. Une telle perspective, devant laquelle l’exode des populations syriennes passerait pour une agréable péripétie, devrait pourtant donner à réfléchir…Il reste que l’occasion est trop belle de se débarrasser d’une mauvaise conscience historique et d’éliminer ce qui pourrait être, avec un régime légitime, un acteur gênant pour les stratégies impériales. Les Cassandres en service plus ou moins commandé produisent articles et rapports, aussi alarmistes les uns que les autres, sur l’inéluctabilité d’une explosion sociale aux implications incalculables. Tandis que les colonnes des journaux
de « référence » s’ouvrent à des « intellectuels » de la renégation chargés de la révision
de l’histoire nationale, poussant pour certains d’entre eux si loin le reniement qu’ils ne
sont pas loin d’affirmer que l’indépendance fut une erreur.Dans le vide politique organisé par la dictature, cette campagne de démoralisation s’appuie également sur des
aventuriers chargés d’ethniciser les crises en divisant le peuple sur de fallacieuses bases linguistiques, confessionnelles ou culturelles nourries par le régime lui-même.
Il apparaît ainsi que la position algérienne est objectivement fragilisée ; les menaces internes sur la paix sociale et externes sur la sécurité et l’intégrité nationale sont perceptibles. L’impérialisme, qui n’a plus les moyens d’occuper des territoires, se satisfait pleinement de zones grises et d’Etats faillis. Est-ce le sort que certains en Occident voudraient réserver à l’Algérie ? En tout état de cause, ce serait le dernier pays du
défunt « Front du Refus et de la Fermeté » à basculer dans l’embrasement destructeur
du Grand Moyen-Orient tel qu’espéré par les néo-conservateurs et les
va-t-en-guerre occidentaux.
« Mettez la révolution dans la rue, le Peuple s’en saisira ! » Larbi Ben M’hidi
Le contexte est lourd de dangers, les risques qui pèsent sur la stabilité du pays et la continuité de l’Etat sont de plus en plus nets. Ce ne sont ni les déclarations officielles
de la dictature ni les engagements de ses représentants qui peuvent rassurer. Ce n’est
ni par les arrangements d’arrière-cour ni par l’autoritarisme amoral que sera garanti
l’avenir du pays.En définitive, comme il y a soixante ans lors de ce Congrès primordial, c’est le peuple algérien qui décidera du sort de son Etat. Bien plus que les arsenaux
c’est l’engagement et la mobilisation populaire qui est la défense première et ultime de
la Nation face à la conjonction des menaces. L’esprit du 20 Août 1956, celui de la résistance et de la refondation de l’Etat est le repère le plus sûr dans ces temps
incertains. La défense de la dignité du peuple et de la nation puise ses sources dans
les fondamentaux historiques. C’est dans cette profondeur que se situe le travail de
masse pour un Consensus national renouvelé construit sur le droit et les libertés.
Ce projet est l’un des instruments démocratiques du refus de la dictature et de résistance aux projets impérialistes dont elle fait le lit. La pluralité des sources, la diversité et l’indépendance des promoteurs du consensus national s’inscrit en droite ligne de la
célèbre déclaration du héros Larbi Ben M’hidi. Le peuple Algérien saura défendre son Etat.C’est bien la capacité populaire de résistance à la destruction systématique des valeurs qui permet de ne point sombrer dans le défaitisme et le renoncement. Le refus permanent de l’arbitraire et de la soumission est constitutif du patrimoine politique
national, c’est la source d’espoir qui jaillit des profondeurs résilientes du peuple algérien.
Et face aux temps difficiles qui s’annoncent cet optimisme est une ressource décisive.
Les forces de progrès et de liberté, issues du peuple sont les véritables héritières du mouvement national formé dans les luttes pour l’indépendance. Ce sont ces forces
réunies dans un projet national libérateur qui sont l’obstacle principal à toutes les manœuvres de destruction de l’Etat et de l’abandon de souveraineté.La Plateforme de
la Soummam est un jalon fondateur et une inspiration vivante pour celles et ceux qui continuent, malgré les vicissitudes et les trahisons, de croire dans le peuple Algérien,
dans sa capacité de vivre ensemble, de construire une société heureuse et d’instaurer enfin cet Etat si ardemment désiré.