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zadhand
10/04/2015, 11h36
CE MONDE QUI BOUGE
09 Avril 2015



Syrie
Daesh décapite des Palestiniens


Par Hassane Zerrouky


Depuis mercredi, Yarmouk, dans la banlieue de Damas, à 8 km du centre de la capitale syrienne, est la cible de l’Etat islamique (EI) et de son allié le Front al-Nosra (branche syrienne d’Al Qaïda) qui veulent s’emparer de la totalité de ce camp. Leur objectif : faire de Yarmouk une place forte à partir de laquelle les djihadistes tenteront de lancer une offensive sur Damas.
Pour l’heure, Daesh et son allié al-Nosra ne contrôlent que les quartiers du centre, du sud, de l'est et de l'ouest de Yarmouk, alors que le nord et le nord-est de ce faubourg est encore sous contrôle palestinien. Les images diffusées par les djihadistes les montrant en train de brûler l’emblème national palestinien pour fêter leur victoire, veulent surtout accréditer l’idée d’une totale victoire. Qu’ils soient civils ou combattants, les Palestiniens, notamment les membres du Hamas, tombés entre les mains des djihadistes, sont impitoyablement exécutés. «J’ai vu des têtes coupées. Ils tuaient les enfants avant les adultes. Nous étions effrayés. Nous avions entendu parler de leur cruauté à la télévision mais quand nous les avons vus, je peux vous assurer que leur réputation n’est pas usurpée», assure un Palestinien ayant réussi à fuir le camp. Pire, des témoins affirment avoir vu les djihadistes jouer au ballon avec les têtes coupées ! Des méthodes qui rappellent celles utilisées par les milices de l’Irgoun en 1948-1950 pour chasser les Palestiniens de leurs terres. Aussi rien de surprenant qu’un vent de panique se soit emparéÒ‹ de la population civile.
Ce camp de Yarmouk, en fait il s’agit d’une ville, comparable à El-Harrach ou Hussein-Dey, avec des immeubles, des hôpitaux, des écoles et des commerces abritait quelque 200 000 Palestiniens avant le début du conflit syrien, en mars 2011. Aujourd’hui, en raison de ce conflit, il n’en reste que 18 000. Depuis l’été 2012, cette agglomération est le théâtre d’une bataille opposant les forces de Bachar al-Assad soutenues par des groupes armés palestiniens comme ceux du FPLP — commandement général d’Ahmed Jibril aux insurgés syriens, eux-mêmes soutenus par des groupes armés palestiniens comme Bayt al-Maqdas, proches du Hamas. De ce fait, Yarmouk, soumise jusque-là à un siège impitoyable par le régime de Damas, résume à elle seule toutes les contradictions et la complexité du conflit syrien et,
partant, palestinien.
Ironie de l’histoire, en cherchant à s’emparer de Yarmouk, les djihadistes de Daesh et du Front al-Nosra ont contraint les 14 organisations palestiniennes, divisées entre pro et anti-Bachar, à s’unir face à l’adversité. C’est que les djihadistes du Front al-Nosra, qui contrôle une partie du Golan syrien et dont les blessés se font soigner en Israël comme l’ont révélé les médias israéliens, et leurs alliés de Daesh, sont objectivement les principaux adversaires au droit des Palestiniens à vivre dans leur propre Etat. Aboubakr al-Baghdadi, le chef de Daesh, n’a-t-il pas déclaré que «Dieu ne lui a pas demandé de lutter contre Israël» ? C’est dire…
Si quelque 500 familles, soit environ 2 500 personnes, ont réussi à fuir Yarmouk par les lieux contrôlés par les groupes armés palestiniens, le sort de plusieurs milliers d’autres, pris au piège d’une guerre qui n’est pas la leur, suscite de vives inquiétudes. En Cisjordanie et à Ghaza, plusieurs rassemblements de Palestiniens ont appelé à «sauver Yarmouk». L’OLP mais aussi le Hamas en appellent l’ONU et à l’ouverture d’un corridor humanitaire pour permettre l'entrée de l'aide et l'évacuation de civils. «Il faut une intervention internationale rapide pour sauver nos compatriotes à Yarmouk et y faire cesser les massacres», a imploré lundi à Ghaza Mohamed Faraj al-Ghoul, un dirigeant du Hamas, tandis que Marouane Abou Rass, président de l’Union des oulémas de Palestine, a dénoncé un «énorme crime contre l’humanité» en train de se préparer à Yarmouk.
En fin de compte, à l’issue d’une rencontre entre le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad et une délégation palestinienne dirigée par Ahmed Majdalani, les autorités syriennes ont déclaré qu’elles soutiendraient «par tous les moyens, y compris militaires, les combattants palestiniens» de Yarmouk. Le régime de Bachar al-Assad a-t-il une autre solution quand on sait que l’EI et al-Nosra sont à un jet de pierre du palais présidentiel ?
H. Z.


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zadhand
31/05/2015, 22h30
CE MONDE QUI BOUGE
28 Mai 2015

Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle


Par Hassane Zerrouky



http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2015/05/28/zerrouki.jpg

La bonne nouvelle, la seule sans doute : le caricaturiste Tahar Djehiche, accusé d’atteinte au président de la République et d’incitation à attroupement, a été acquitté mardi par le tribunal de Lemghir, dans la wilaya d’El-Oued. Est-ce à dire que la série des procès en diffamation ayant frappé les journalistes et certains journaux – pas tous – entre 2003-2005, avec interpellation de journalistes et responsables de publication dans l’enceinte même de la Maison Tahar Djaout appartiennent désormais au passé ? Pas si sûr. En témoignent ces rappels à l’ordre, sous couvert de déontologie, en direction des médias et journalistes exprimant des positions qui ne plaisent pas au pouvoir politique alors que, par ailleurs, les prêcheurs de haine et d’incitation à la violence
continuent de sévir en toute impunité.
Autre bonne nouvelle, c’est peut-être la nomination d’Amine Mazouzi, formé à la prestigieuse Ecole centrale de Paris, à la tête de Sonatrach. L’homme, dit-on, tient de son père, Mohand-Saïd Mazouzi, ministre du Travail sous Boumediène, aux convictions progressistes ancrées et ami du regretté Ali Zamoum. Il aura la lourde mission de remettre la Sonatrach sur les rails et de redorer l’image de la compagnie pétrolière éclaboussée par des scandales de corruption.
Les mauvaises nouvelles, elles, sont légion. La chute des cours du brut de pétrole se poursuit inexorablement. Le Premier ministre s’en alarme après en avoir minimisé les conséquences et certains ministres, complètement déconnectés de la réalité, ne disaient pas autre chose quand ils affirmaient que cette chute n’aurait pas d’impact sur les programmes en cours et que l’Algérie disposait de ressources suffisantes pour y faire face.
Maintenant qu’Abdelmalek Sellal a reconnu publiquement la gravité de la crise, la question se pose de savoir si le gouvernement sera contraint de revoir à la baisse ses objectifs et de ne plus se borner à demander aux Algériens d’acheter «algérien» ! Pas seulement en matière d’importation où le lobby des importateurs a pris un poids tel qu’il peut mettre en péril la stabilité du pays, mais aussi concernant ces projets de prestige et de peu d’utilité économique. Il en est ainsi de la Grande Mosquée dont le coût final avoisinerait ou dépasserait les 3 milliards de dollars, un montant au moins cinq fois supérieur à ce que coûterait une restauration totale de La Casbah d’Alger. Question : en quoi le fait d’avoir le plus grand minaret au monde (270 mètres de hauteur) et disposer d’une capacité d’accueil de 120 000 places fera-t-il progresser l’Algérie ? Est-ce que dépasser par la taille et la hauteur de son minaret la Mosquée Hassan II à Casablanca apportera un surcroît de puissance pour l’Algérie ? Et qu’a gagné le Maroc depuis ? Rien, sinon un peu plus de pauvreté. Pour en revenir à ce projet de Grande Mosquée d’Alger, disons-le nettement : les seuls gagnants dans cette affaire sont le bureau d'étude allemand Engel und Zimmermann, chargé de la conception du projet et l'entreprise chinoise China State Construction, lesquels vont réaliser un chiffre d’affaires auquel ils n’osaient même pas penser il y a quelques années.
Il n’y a pas que la situation économique qui inquiète. Depuis quelque temps – cela a été évoqué dans le cadre de cette chronique – on assiste à une offensive, sans doute concertée, de l’extrémisme religieux salafiste. On serait tenté de dire que ces appels contre le port de la mini-jupe, que cette campagne incitant les parents à imposer à leurs filles le port du hidjab, ou ces menaces de vitrioler les femmes, avec en toile de fond une indifférence des pouvoirs publics, font fonction de diversion par ces temps de crise socio-économique. Sans doute mais pas seulement. Pour l’heure, retenons qu’avec cette campagne d’appel à la haine ajoutée aux difficultés sociales et économiques à venir, à une menace terroriste toujours présente et aux tensions aux frontières du pays, l’ensemble constitue un sérieux mélange détonant.


H. Z.

harroudiroi
01/06/2015, 12h24
Alleluia, alleloua

zadhand
18/06/2015, 23h25
CE MONDE QUI BOUGE
18 Juin 2015




Hollande, Castro et Bouteflika


Par Hassane Zerrouky
[email protected]



Avant sa visite au Président Bouteflika, François Hollande avait rencontré le 11 mai dernier à La Havane, l’ex-Président Fidel Castro, 89 ans, lequel, dit-on, se plie rarement aux obligations officielles, en raison sans doute de son état de santé. «J'ai été très surpris de le voir aussi au fait de l'actualité sur le climat, raconte Hollande. Il est très en pointe sur les questions d'alimentation, des risques liés à l'eau (…) surpris au meilleur sens du terme», affirmait-il. Ajoutant que l’ex-dirigeant cubain «a montré une acuité intellectuelle, de la réflexion» et que sa rencontre avec lui se voulait «un geste à l’égard du peuple cubain». Précisons, pour clore cette parenthèse, que Fidel Castro, totalement retiré des affaires depuis 2011, ne joue plus aucun rôle politique. Le parallèle avec l’Algérie s’arrête là. Mardi, Hollande accompagné de Laurent Fabius et plusieurs ministres mais aussi de Jack Lang, a donc rencontré Bouteflika. Et là, surprise, il a trouvé que le chef de l’Etat algérien dégageait «une impression de grande maîtrise intellectuelle». «C’est rare de voir un chef d’Etat avec cette alacrité et cette capacité de jugement», un homme qui «a toutes ses capacités pour apporter sa sagesse et son jugement pour régler les crises» et «la qualité de la discussion que nous avons eue pendant près de deux heures était particulièrement intense et particulièrement élevée.» Ce qui est frappant, ce sont les éléments de langage diplomatique tenus par le président français. Ils sont presque identiques à ceux employés au moins à deux reprises par son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius lorsqu’il avait été reçu par Abdelaziz Bouteflika en novembre 2014 et en mai 2015. Loin d’être rassurants, les propos du président français ont laissé comme une impression de malaise. «Avoir une grande maîtrise culturelle», «une capacité de jugement» est une chose, et être en capacité de diriger un pays, avoir un dessein (préparer l’après-pétrole par exemple), réagir avec la célérité voulue en cas de crise majeure, en est une autre. En réalité, le Président français a dit les mots que ses hôtes algériens voulaient entendre. N’est-il pas venu à l’invitation de l’Algérie pour voir Bouteflika, s’entretenir avec lui devant témoins et prendre acte que son homologue algérien dispose de toutes ses facultés ? Hollande voulait s’assurer que la santé du Président algérien n’affecterait pas la qualité des relations franco-algériennes. N’a-t-il pas rappelé que «la France est le premier partenaire économique», entend le rester et même entend encore développer sa présence ? Et de ce point de vue, il est reparti confiant. D’autant que l’Algérie n’est pas un pays endetté, du moins pas encore, et que ses hôtes algériens ne l’ont pas ennuyé avec la restitution de Baba Merzoug (voir le Soir d’Algérie de jeudi dernier), lequel peut continuer à trôner tranquillement à Brest. Intervenant dans un contexte de sourdes luttes au sein des cercles dirigeants du pouvoir autour de la succession d’Abdelaziz Bouteflika, la visite et les déclarations de François Hollande sont donc tombées à point nommé. Elles ont dû ravir et combler de joie les partisans du chef de l’Etat (y compris parmi ceux qui commençaient à être gagnés par un certain découragement), notamment ceux qui soutiennent mordicus qu’Abdelaziz Bouteflika a la haute main sur tous les dossiers et qu’il dirige bien le pays. D’autant que cela a été dit par un dirigeant d’une grande puissance, François Hollande, qui semble s’être fait une spécialité de juger les dirigeants en activité ou retirés des affaires comme Castro, qu’il rencontre au cours de ses voyages. Mais qui a toujours en ligne de mire les intérêts de son pays ! Quant à Ammar Saâdani, qui est sur un nuage, depuis son élection à la tête du FLN et depuis qu’il a été doublement soutenu à la fois par le chef de l’Etat et par le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major, le général Gaïd Salah, il ne ratera pas l’occasion de le faire savoir bruyamment.

H. Z.

zadhand
21/08/2015, 23h03
CE MONDE QUI BOUGE
21 Août 2015

L’été de tous les risques ?

Par Hassane Zerrouky
[email protected]



http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2015/08/20/zerrouki.jpg

Il s’est passé tellement de choses depuis le début de l’été qu’on a un peu de mal à y voir clair. Il y a eu ces violents affrontements au M’zab (23 morts) et l’arrestation d’une trentaine de personnes majoritairement mozabites, ces onze militaires tués à Aïn Defla, puis ces limogeages de ministres. Enfin, cette histoire jamais confirmée officiellement de coups de feu aux alentours de la Résidence du chef de l’Etat à Zéralda (certains médias ont parlé de «défaillance» et de «négligences» dans la Sécurité présidentielle), lesquelles seraient à l’origine des changements intervenus à la tête de la DSI (contre-espionnage), de la Sécurité présidentielle et de la Garde républicaine. S’agissait-il de sanctions, de mises à l’écart, d’une reprise en main, intervenant au terme d’un bras de fer entre les différents cercles dirigeants politico-militaires, visant à ce qu’il n’y ait qu’un seul centre de pouvoir et de décision ? On n’en sait rien, et ce, même si les faits évoqués rappellent ceux s’étant produits en septembre 2013, après le retour du Président Bouteflika en Algérie à la suite d’une longue hospitalisation : changement à la tête du FLN, remaniement ministériel avec la nomination du général Gaïd Salah au poste de vice-ministre de la Défense, avec en toile de fond l’attaque en règle lancée par le nouveau chef du FLN, Ammar Saâdani, contre le patron du DRS, le général Mohamed Mediène. Pour l’heure, la seule chose dont on peut être certain c’est le fait que le DRS (Département du renseignement et de la sécurité) n’a plus la responsabilité de la Protection et de la Sécurité présidentielle : cette institution est désormais sous tutelle de l’état-major de l’armée. Pour clore le tout, il y a eu cette université d’été de Madani Merzag et des anciens de l’AIS (Armée islamique du salut) dont la tenue ( hasard du calendrier ?) a coïncidé avec la réactivation du Rassemblement pour la Concorde nationale (RCN) qui avait proposé en 2010 de soutenir la candidature de… Saïd Bouteflika à la présidentielle !
Se greffent sur les faits évoqués ci-dessus, une réalité financière préoccupante et un contexte socio-économique dégradé. Tous les clignotants sont au rouge et le resteront tant que le pouvoir politique n’optera pas pour une autre politique. Mais le peut-il, prisonnier qu’il est d’une vision néolibérale portée par ces lobbies de l’import et ces oligarques, aujourd’hui plus que présents dans les rouages de l’Etat, qui n’auront de cesse que lorsqu’ils auront pompé les réserves de changes jusqu’au dernier dollar. Sinon comment expliquer cette persistance des autorités à minimiser l’ampleur d’une crise dont tout porte à penser qu’elle s’inscrit dans la durée, et à tenir les Algériens dans une totale ignorance de ce qui les attend si les prix du baril continuent leur chute : il est de 41 dollars. Les prévisions de recettes attendues pour fin 2015 seront de 34 milliards de dollars contre 68 milliards en 2014, alors que le volume des importations sera de plus de 57 milliards de dollars, ce qui signifie qu’il faudra puiser quelque 23 milliards de dollars dans les réserves de changes pour financer les importations. Et en 2016, avec un prix du baril en dessous des 45 dollars, nul besoin d’être fin spécialiste pour deviner ce qui attend le pays. Les miracles n’existent pas en économie. Aujourd’hui, force est de constater que le gouvernement n’est pas en capacité de faire face, à lui seul, à la situation et de la redresser d’ici fin 2016. L’imprévoyance (et une certaine suffisance) en économie se paie cher et les problèmes surgiront quand l’argent manquera pour financer la paix sociale et les besoins élémentaires pressants. Et en l’absence d’une intermédiation sociale, d’une opposition politique désertée par ses militants et inconsciente du discrédit populaire dont elle est l’objet, avec un rétrécissement du champ des libertés et un espace socio-politique dominé par les salafo-wahhabites que l’Etat a laissé essaimer et qui disposent d’énormes ressources grâce à l’économie informelle (elle représente plus de 30% du PIB), on devine aisément ce qui va arriver si l’on touche aux intérêts des lobbies de l’import : ils n’hésiteront pas un instant – c’est dans l’ordre naturel des choses – à exploiter (en le dévoyant) le ressentiment populaire (1), et ce, sans compter les menaces pesant aux frontières du pays et les pressions, bien réelles, des puissances capitalistes.


H. Z.



(1) Dernière revendication des salafistes : la création d’une police des mœurs contre les femmes ne portant pas le djilbab et non une police anti-corruption… comme disait feu Mohamed Boudiaf : «Où va l’Algérie ?»

djafar1
22/08/2015, 17h55
on se rappelle le tollé qui a ete fait lorsque la maladie de l'ancien président Mitterrand a éclaté au grand jour il a même faillit ne pas aller à la fin de son mandat
mais chez nous Hollande nous dit «C’est rare de voir un chef d’Etat avec cette alacrité et cette capacité de jugement»,
sachant pertinement que notre malheureux president ne peut tenir une minute debout
c'est nous prendre pour des canards sauvages (ou peut etre nous le sommes deja?)

zadhand
15/01/2016, 17h19
Chronique du jour/CE MONDE QUI BOUGE
publié le 14 Janvier 2016

20886

Le «printemps arabe», cinq ans après



Par Hassane Zerrouky
«Ben Ali dégage», c’était il y a cinq ans. Un 14 janvier 2011. Un mois plus tard, le 11 février, ce fut le tour de Hosni Moubarak. Deux jours après, le 13 février, une attaque suicide contre une caserne à Benghazi donnait le signal d’une insurrection armée en Libye qui allait embraser le pays. Enfin, le 15 mars à Derâa, près de la frontière jordanienne, débutait la révolte syrienne. A l’exception du Maroc (le mouvement du 20 février) et de Bahreïn, les monarchies arabes ont été curieusement épargnées par l’onde de choc partie de Tunisie, même si en Arabie Saoudite la minorité chiite a tenté de faire entendre sa voix mais sans conséquence majeure sur la situation interne au royaume. En revanche, à Bahreïn, c’est l’intervention militaire saoudienne, non dénoncée par Washington et ses alliés, qui a permis de mater la protestation populaire. Et en Algérie ? Les manifestations auxquelles a appelé la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) n’ont rassemblé que quelques milliers de personnes. La faiblesse de cette mobilisation est plus à imputer au fait que l’Algérie venait de sortir de dix ans de violence ayant fait des dizaines de milliers de morts qu’à la répression policière (on y reviendra prochainement). Cinq ans après, la vraie question est de savoir pourquoi ce mouvement protestataire sans précédent a échoué. Pourquoi ce mouvement porté initialement par la partie la plus éduquée de la jeunesse, acquise aux idéaux et aux valeurs de la démocratie, ce printemps dit arabe, n’a pas débouché sur un changement progressiste des sociétés. Très vite, il a été détourné, au nom de la démocratie bien sûr, et pris en main par des forces obscurantistes. Des forces, en l’occurrence les islamistes, que les régimes autoritaires avaient auparavant utilisés contre les progressistes et les démocrates, des forces disposant du soutien financier des pétromonarchies et, surtout, de la puissance médiatique et manipulatrice des chaînes Al-Jazeera et Al-Arabyia. Cela s’est vu en Tunisie où Ennahdha, ayant pris tardivement le train de la protestation politique, a rapidement pris la situation en main non sans faire croire qu’il avait changé et qu’il était un parti politique comme les autres, aidé dans son entreprise par certaines forces de gauche obnubilées par une certaine idée du «grand soir» de la révolution ! Même cas de figure en Égypte où durant plusieurs jours, la jeunesse égyptienne a fait de la place Tahrir le symbole de la révolte contre Moubarak. Là encore, les Frères musulmans, seule force organisée, ne s’étaient décidés à rejoindre le mouvement de révolte que huit jours plus tard si ma mémoire est bonne, et ce, après s’être assurés que la majeure partie de la société égyptienne était en train de basculer. Et, ne nous leurrons pas, les documents existent, Hilary Clinton n’avait d’yeux que pour les islamistes en qui elle voyait une force de stabilisation en mesure de préserver les intérêts américains dans la région. De son côté, Alain Juppé, alors ministre français des Affaires étrangères, cherchant à corriger l’image ternie de la France en Tunisie – Paris avait proposé à Ben Ali son aide pour réprimer la contestation – était sur la même ligne que son homologue américaine. Il a ainsi poussé à une alliance entre les islamistes et certaines forces démocrates tunisiennes. Cela a donné un pays dirigé par un gouvernement dominé par Ennahdha qui a tenté jusqu’au bout d’effacer les acquis hérités de l’ère bourguibienne. A la limite, les pays occidentaux se satisfaisaient de la situation créée quand ils ne poussaient pas au pire comme en Libye où, sous prétexte d’aider les Libyens, l’intervention de l’Otan a plongé le pays dans un chaos destructeur et déstabilisant pour tous les pays de la région. Ou comme en Syrie où pourtant, le régime d’Al- Assad, aux abois, était prêt à des concessions. L’ancien chef d’Etat finlandais et prix Nobel de la paix avait révélé au journal britannique The Guardian que le régime de Bachar Al-Assad était prêt à laisser la place en 2012. Mais convaincus, selon l’ancien Président finlandais, que le régime syrien serait renversé avant la fin 2012, Washington et ses alliés ont préféré appuyé la militarisation de la protestation syrienne. En 2012, on comptait autour de 10 000 morts et 12 000 réfugiés syriens, cinq ans après on dénombre 250 000 morts et quatre millions de réfugiés. Le printemps dit arabe –Tunisie exceptée quoique la situation y reste très fragile – a surtout eu pour effet un essor sans précédent de la mouvance islamiste avec à la clé la naissance de Daesh en Irak et en Syrie et, depuis le début de 2015, en Libye, aux portes de la Tunisie… et le retour de l’autoritarisme en Égypte.

H. Z.

zadhand
08/02/2016, 14h19
Chronique du jour/CE MONDE QUI BOUGE
publié le 04 Février 2016

20886


Binationaux, Madjid Bouguera ou Antar Yahia
Seront-ils un jour président de la FAF ?


Par Hassane Zerrouky



Abdelaziz Bouteflika veut aller vite. Après avoir bouclé le dossier de l’ex-DRS, finalement remplacé par trois services de sécurité et non par un nouvel organisme comme on l’avait écrit, il veut faire de même avec le projet de révision constitutionnelle.
Dimanche prochain, cette troisième révision constitutionnelle, après celle de 2002 et celle de 2008 ouvrant la voie à la présidence à vie, va être adoptée sans coup férir par un Parlement, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il souffre d’un réel déficit de représentativité. L’APN (Assemblée nationale) a été élue en juin 2012 par à peine 25% des électeurs sur un total de 22,8 millions d’inscrits. Le FLN, qui dispose de la majorité absolue en sièges ( 222 députés sur 462) n’avait obtenu que 1,3 million de voix, soit 14,18% des suffrages exprimés (soit 6% des inscrits) ! Hormis les républiques bananières et les dictatures, dans quel pays démocratique existe-t-il un parti majoritaire avec un si peu de voix ? Quant aux autres partis,
dont le RND de M.Ouyahia, les scores obtenus sont dérisoires.
Il n’empêche, le projet de Constitution passera comme une lettre à la poste et Abdelaziz Bouteflika
pourra s’attaquer à sa succession dès lors qu’il aura fait place nette.
Mais comme nous allons être contraints d’accepter cette loi fondamentale et de nous y référer parce qu’elle comporte des dispositions – je pense aux droits et libertés – qui nous touchent directement, cela ne nous empêche pas d’en pointer certaines, comme l’article 5 qui stipule : «La nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques», autrement dit, pas de portefeuilles ministériels pour les binationaux.
Voilà un article qui pourrait donner des idées à des petits malins. Par exemple, interdire aux joueurs de football binationaux, les Antar Yahia ou Madjid Bouguera, qui ont fait retentir l’hymne national en Afrique du Sud et au Brésil sous le regard de centaines de millions de téléspectateurs,
de prétendre à de hautes fonctions au sein de la Fédération algérienne de football (FAF).
La raison ? Le football est devenu un enjeu politique et une affaire d’Etat. Les joueurs binationaux sont reçus par les plus hautes autorités sous les projecteurs des caméras de télé. Les Algériens sont massivement derrière leur équipe nationale. Et au niveau local, les supporters n’hésitent pas à se mobiliser et à mettre leur nez dans la gestion des clubs quand ils ne sont pas contents. Pour toutes ces raisons, et par ces temps de retour du nationalisme étroit trempé dans le religieux, il n’est pas impensable que des voix intéressées invoquent «la nationalité algérienne exclusive» pour prétendre accéder au gouvernement de la FAF ! Dans l’absolu, ce serait absurde. Mais on est en Algérie. Un pays où les gens ont été habitués à accepter toutes les extravagances.
Poursuivons et arrêtons-nous sur le chapitre IV, «des droits et libertés», en particulier sur les articles 38, 41,42 et 43, consacrés aux libertés de création, d’expression , d’association et de réunion dont la liberté de la presse, au droit de créer des partis et des associations,
qui sont constitutionnellement garantis. C’est une avancée, c’est positif crieront en chœur
ceux qui ne veulent pas se donner la peine d’y regarder de plus près.
Toutes ces libertés restent soumises à des lois organiques, qualifiées de «sensibles» par le président du Sénat Abdelkader Bensalah, qui peuvent en restreindre la portée. Ainsi la liberté de manifester sur la voie publique ne pourra s’exercer sans l’autorisation du wali. La création de partis ou d’association est soumise à un agrément du ministère de l’Intérieur. Quant à la liberté de la presse, même s’il est mentionné que le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté, il est stipulé plus loin que «la diffusion des informations, des idées, des images et des opinions en toute liberté est garantie dans le cadre de la loi et du respect des constantes et des valeurs religieuses, morales et culturelles de la Nation». C’est quoi ces «constantes»,
ces fameuses «thaouabites» que Mohamed Boudiaf dénonçait en son temps ou ces «valeurs religieuses» ?
Au final, le seul article, non assujetti à une loi à venir, c’est l’article 36 stipulant : «La liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables». Sauf si d’ici dimanche, un esprit malveillant ne suggère de les limiter par… une loi organique à venir.


H. Z.

zadhand
21/04/2016, 20h34
Chronique du jour/CE MONDE QUI BOUGE
publié le 21 Avril 2016

20886

Brésil, «le serpent est toujours en vie»


Par Hassane Zerrouky
L’expression est de l’ex-Président Lulla empêché par la justice d’être chef de cabinet de la Présidente brésilienne
Dilma Rousseff qui a fait l’objet d’une procédure de destitution dont le moins qu’on puisse dire rappelle l’histoire
des corrompus qui crient «halte à la corruption». Car les 367 députés (137 contre) qui ont voté sa mise à l’écart,
la main sur le cœur, invoquant la morale, Dieu et la patrie, au nom de la lutte anti-corruption, sont loin d’être
des parangons de vertu. Au moins 300 d’entre eux sont impliqués dans des affaires de corruption. Quant à
la commission spéciale qui a recommandé sa destitution, 36 des 65 députés qui la composent sont inculpés ou
déjà condamnés pour corruption.Pire, Eduardo Cunha, le président de la Chambre des députés, adversaire déclaré de
la Présidente brésilienne, est lui-même accusé de blanchiment et de corruption : Panama Papers a dévoilé qu’il disposait
de nombreux comptes en Suisse et de sociétés off-shores. Quant à celui qui doit assurer la présidence brésilienne si
Dilma Rousseff est définitivement écartée du pouvoir, le vice-président Michel Temer, il est également inculpé pour
malversations dans le cadre du dossier Petrobas, la compagnie nationale pétrolière. Enfin, l’ancien maire de São Paulo,
Salim Paulo Maluf, autre ennemi de Dilma Rousseff, est l’objet d’un mandat d’arrêt aux Etats-Unis et en France.
Il ne faut, par conséquent, pas se fier aux images diffusées et aux commentaires de nombreux médias occidentaux qui
ne prennent même pas la peine de rapporter les faits, donc la vérité, et ce, même si le Parti des travailleurs au pouvoir
au Brésil depuis 13 ans n’est pas exempt de reproches. Les médias brésiliens, notamment le groupe Globo, à la pointe de
cette campagne contre la Présidente du Brésil, sont majoritairement détenus par ceux qui veulent sa tête, à savoir
cette bourgeoisie compradore et d’affaires, qui n’a jamais accepté la politique de réformes sociales conduite par
l’ex-Président Lulla puis par son successeur Dilma Rousseff et qui a permis à près de 40 millions de Brésiliens de sortir de
la pauvreté et l’accès des Noirs et des Indiens à l’éducation et à la santé.
Et au fait, quel est le crime commis par la Présidente brésilienne ? Ses adversaires en conviennent, la chef d’Etat du Brésil
n’est pas accusée de corruption ou d’enrichissement personnel dans un pays où malversations, pots-de-vin et autres pratiques
mafieuses sont un sport national. Ils l’accusent de «crime de responsabilité». De quoi s’agit-il ? Pour aller vite : de deux choses.
La première concerne le scandale Pétrobas, compagnie publique pétrolière à une époque où Dilma Rousseff était ministre de
l’Energie. Petrobas s’était partagé avec d’autres entreprises des marchés juteux au Brésil, au Venezuela et à Cuba
en contrepartie de versements de dessous de table à des hommes et des formations politiques dont le Parti des travailleurs,
pour financer ses campagnes électorales. «Dilma ne pouvait pas ne pas savoir», accusent ses détracteurs. La seconde,
d’avoir maquillé les comptes publics en 2014, à savoir d’avoir recouru à des emprunts souscrits auprès d’institutions bancaires
pour financer les dépenses sociales et de ne les avoir ni déclarés ni enregistrés alors que le Brésil faisait face à une grave
crise économique et qu’il fallait faire dans la rigueur budgétaire néolibérale.Au regard de ces faits, d’aucuns assurent, non
sans raison, que cette procédure de mise à l’écart de la Présidente du Brésil, si le Sénat y donnait suite, ne serait rien d’autre
qu’un coup d’Etat qui ne dit pas son nom.En attendant, la fin de ce feuilleton politico-judiciaire a été fêtée par une foule
enthousiaste de «petits Blancs» dont certains n’ont pas hésité à poser avec des portraits du colonel Carlos Alberto Ustra,
ex-tortionnaire de Dilma Rousseff, durant son emprisonnement sous la dictature militaire du maréchal
Castello Branco (1964-1985). C’est dire.Sans attendre, les marchés financiers et les milieux patronaux ont salué la probable
chute de Dilma Rousseff. Lundi, les places boursières brésiliennes ont ouvert en hausse. Les seconds, qui veulent remettre
en cause les acquis sociaux, projettent de privatiser le secteur pétrolier. Autre enjeu de cette destitution, le Brésil de Dilma et
Lula n’est pas en odeur de sainteté à Washington et chez ses alliés.Seule note optimiste : depuis quelques jours, le «petit»
peuple des «favelas» et des quartiers populaires des villes brésiliennes, grand bénéficiaire des politiques d’amélioration sociale
sous les présidences de Lula et de Dilma Rousseff, commence à bouger. Cela suffira-t-il à tuer «le serpent» ?

H. Z.