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zadhand
04/04/2015, 11h03
04 Avril 2015


Impôt Forfaitaire Unique (IFU)
Un bouleversement fiscal

Par Sarrab Larbi(*)
L’impôt est un prélèvement obligatoire sous forme pécuniaire et il s’opère par voie d’autorité par l’administration en sa qualité de puissance publique. Le contribuable n’a pas le droit de se soustraire à sa dette d’impôt sous peine de subir les procédures d’exécution forcée.
Pour éviter tant aux contribuables qu’à l’Etat de se retrouver dans une situation ruineuse et désastreuse, il ne suffit pas de tenir compte de leur capacité contributive, encore faut-il instituer des mécanismes et des procédures de l’impôt clairs et compréhensibles par toutes les parties prenantes. Ce qui permettrait de franchir un premier pas vers le consentement de l’impôt et, le cas échéant, de se défendre pour le recouvrement de ses droits.
La loi de finances pour 2015, en modifiant les dispositions du régime du forfait, bouleversera sans aucun doute les pratiques comptables et commerciales de 96% des entités économiques nationales.
Ainsi, la majorité des contribuables, qui étaient astreints à des obligations de déclarations fiscales et de tenue de comptabilité, s’en trouvent, subitement, soulagés suite à leur passage du régime du réel au régime du forfait.
Ils n’auront qu’une déclaration annuelle à déposer pour présenter non pas une synthèse comptable de leurs opérations, mais divers renseignements que le déclarant doit attester réels et exacts. En outre, un code fiscal redoutable, notamment en matière d’établissement des factures, n’est plus applicable dans son intégralité aux redevables de l’IFU. Il s’agit du code des taxes sur le chiffre d’affaires. Leurs activités sont exclues du champ d’application de la TVA. Dorénavant, dans leurs factures, ils ne doivent mentionner que le montant en toutes taxes comprises à l’exclusion de la TVA.
Face à ces bouleversements, qui ont également affecté l’administration fiscale, nous avons jugé indispensable d’apporter aux opérateurs économiques et aux membres des professions libérales des informations d’un spécialiste en la matière et d’ouvrir avec eux un débat qui contribuera à éclairer et expliquer certaines dispositions fiscales restées, pour moi personnellement, confuses.
Cependant cet espace est très insuffisant pour pouvoir aborder tous les aspects du vaste domaine de la fiscalité. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes limités essentiellement aux nouvelles et importantes dispositions fiscales de la loi de finances pour 2015, à savoir le régime du forfait et ses effets sur les obligations comptables et sur le contrôle fiscal tout en les comparant avec les dispositions fiscales du régime du réel : l’IFU, les obligations comptables et le contrôle fiscal. L’impôt forfaitaire unique (IFU) a été institué par la loi de finances 2007 pour regrouper l’IRG, la TVA et la TAP auxquels étaient assujettis les artisans et les personnes physiques commerçantes de détail et prestataires de services dont le chiffre d’affaires n’excède pas 3 000 000 DA et après révision, en 2014, ce seuil a atteint 10 000 000 DA.
L’IFU permettait, d’une part, de soustraire à ces petits opérateurs économiques les nombreuses procédures relatives à la tenue de comptabilité et aux déclarations fiscales mensuelles et annuelles et, d’autre part, pour l’administration fiscale, de se soulager du nombre important de vérifications des déclarations fiscales complexes et qui se rapportent à des contributions insignifiantes d’impôts et taxes. La loi de finances pour 2015 a, d’un côté, relevé le seuil d’application de l’IFU à un chiffre d’affaires de 30 000 000 DA, et de l’autre, élargi son champ d’application aux professions libérales, aux personnes des sociétés en nom collectif (SNC) et des sociétés civiles, aux sociétés assujetties à l’impôt sur le bénéfice des sociétés : SARL et SPA, ainsi que tout contribuable qui exploite simultanément plusieurs établissements, boutiques, magasins et ateliers, dès lors que le chiffre d’affaires total réalisé au titre de l’ensemble des activités exercées n’excède pas le seuil de 30 000 000 DA. Tous ces contribuables auront un impôt unique à verser une fois par an, au cours du mois de septembre, et qui regroupe TVA, TAP, IRG ou IBS. Parallèlement, l’article 8 du code des taxes sur le chiffre d’affaires a été modifié par l’article 30 de loi de finances pour 2015, pour exclure leurs affaires du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée. Les contribuables soumis au régime de l’IFU ne doivent ni récupérer les TVA versées à leurs fournisseurs ni les mentionner sur leurs factures de ventes. Le taux de cet impôt est de 5% du chiffre d’affaires des entreprises qui assurent des activités de production et de ventes de biens, et de 12% du chiffre d’affaires des autres entreprises.
Il est acquitté sur présentation de l’avis de notification du contrat relatif à l’IFU désigné sous le code Cn°9, auprès du receveur des impôts du lieu d’exercice de l’activité et au plus tard le dernier jour du mois de septembre.
Au cas où le chiffre d’affaires retenu pour l’IFU s’avère différent du chiffre d’affaires réalisé, la régularisation intervient lorsque celui-ci est en surplus au-delà de 30% et sans dépasser 30 000 000 DA. Dans ce cas, l’excédent de 30% du chiffre d’affaires est exonéré de tous impôts et taxes. Par contre la régularisation à la baisse n’est pas prévue. En ce sens, qu’en cas de réalisation d’un chiffre d’affaires inférieur à celui qui a été fixé, l’IFU demeure inchangé et exigible même en cas de force majeure.
Par ailleurs, le passage du régime du réel au régime du forfait est assimilé par la Direction générale des impôts (DGI) à une cessation d’activité dans la mesure où elle exigera la restitution, au prorata des existants au 31 décembre 2014, des TVA récupérées lors de l’achat des immobilisations et des stocks.
Concernant les obligations comptables, pour les prestataires de services assujettis au régime du forfait, un seul registre désigné au code des procédures fiscales, «livre-journal» est à tenir. Il est destiné à suivre, au jour le jour, leurs recettes professionnelles. Et les autres redevables sont astreints de tenir 2 registres :
- un registre récapitulé par année, contenant le détail de leurs achats, appuyé des factures et de toute pièce justificative ;
- un registre contenant le détail de leurs ventes.
Les registres doivent être cotés et paraphés par les services fiscaux.
Quant aux contribuables assujettis au régime du réel et redevables de l’IRG/BIC ou de l’IBS, le code des impôts directs et taxes assimilées leur prescrit de tenir une comptabilité conforme aux lois et règlements en vigueur. Ces textes sont énumérés au code des procédures fiscales. Il est exigé des opérateurs économiques de tenir leur comptabilité dans le respect, à la fois, des dispositions des articles 9 à 11 du Code de commerce, du système comptable financier (SCF), des règles fiscales et autres législations et réglementations en vigueur, sous peine d’évaluation d’office de leurs bases d’imposition.
Ces conditions ont été introduites par l’article 28 de la loi de finances 2014, mais elles sont impossibles à réunir et les sanctions fiscales auraient pu être infligées à tous les opérateurs économiques, car il est impossible de tenir une comptabilité qui soit conforme, à la fois, au SCF, au Code de commerce et aux règles fiscales eu égard aux divergences de leurs dispositions. A titre d’exemple, l’article 10 bis du Code de commerce stipule que «les comptes et bilans des commerçants ont pour finalité de retracer de manière objective, conformément aux techniques réglementaires, l’évolution des éléments du patrimoine de l’entreprise». Alors que suivant le SCF, les actifs sont à comptabiliser sans tenir compte de la propriété des biens. Ce qui est en contradiction avec la détermination d’un patrimoine et ce qui rend impossible de dresser l’inventaire des actifs propres de l’entreprise, tel que prévu par le Code de commerce.
Aussi, les règles du SCF édictent de comptabiliser les immobilisations par composants lorsque leurs durées d’utilité sont différentes et de comptabiliser les pièces de rechange en immobilisation lorsque leur durée d’utilité est supérieure à une année. Ce qui n’est pas admis par les textes fiscaux et eu égard aux autres divergences entre les règles fiscales et les règles comptables, il devient impossible au contrôleur fiscal de vérifier l’exactitude de la base imposable à l’IRG/BIC ou à l’IBS. Les sanctions fiscales généralisées ont pu être évitées suite à la réaction immédiate de la Direction générale des impôts, en diffusant à toutes ses structures décentralisées sa circulaire du 18 février 2014 comportant sa propre interprétation des dispositions légales y afférentes. Et malgré ces incohérences, aucune correction n’est apportée dans la loi de finances pour 2015.
Pour les membres des professions libérales assujettis au régime du réel, aucune obligation comptable ne leur est imposée dans la mesure où les articles 22 à 29 du code des impôts directs et taxes assimilées, relatifs à ces obligations, sont abrogés par la loi de finances pour 2015. Par conséquent, ils ne sont également plus assujettis à l’IRG.
Pour ce qui est du contrôle fiscal, sa forme et son exercice sont adaptés à chacun des deux régimes fiscaux. Dans le cadre du régime du forfait, le contrôle fiscal s’exerce dans les locaux de l’administration fiscale et consiste en un simple rapprochement entre les pièces justificatives d’achats et de ventes, et les deux registres tenus pour leurs enregistrements et, d’un autre côté, vérifier la concordance des montants totaux annuels avec ceux portés sur l’unique déclaration G12. Mais, dans le cadre du régime du réel, les contribuables relevant de l’IRG/BIC ou de l’IBS peuvent faire l’objet d’un contrôle sur pièce, c’est-à-dire vérifier toutes leurs déclarations mensuelles et annuelles. Ce travail s’effectue dans les locaux de l’administration fiscale. Ils peuvent également faire l’objet d’une vérification de comptabilité et même d’une vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble (VASFE). La vérification de la comptabilité s’effectue dans les locaux du contribuable et peut s’étaler sur une année. Pour ainsi dire, ces contrôles sont insérés dans un cadre juridique défini au code de procédures fiscales pour organiser un ensemble de droits et garanties pour les contribuables qui en sont l’objet.
Cependant, les divergences entre les règles du SCF, les règles fiscales et les règles du Code de commerce rendent impossible l’accomplissement de toute mission de vérification de comptabilité et laissent la voie ouverte à des redressements fiscaux injustifiés.
S. L.

(*) Sarrab Larbi est économiste, financier et expert judiciaire agréé, avec 30 ans d’expérience professionnelle. D’abord en qualité de cadre supérieur et dirigeant en finances et comptabilité. Il a ensuite accompli des missions de commissariat aux comptes, de liquidation et d’administration judiciaire. Actuellement, il se consacre aux expertises judiciaires en matière commerciale et fiscale. A ce parcours professionnel, s’ajoutent des activités associatives pour contribuer à l’amélioration du climat des affaires, notamment le domaine fiscal.


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