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västerås
20/02/2015, 16h39
Jusque-là, elle était surtout connue pour avoir été la danseuse vedette qui accompagnait Madonna dans toutes ses tournées démesurées. Sofia Boutella, danseuse de hip-hop née à Alger, s’essaye désormais au cinéma. Elle sera en effet aux côtés de l’acteur britannique Colin Firth et de Samuel L. Jackson dans le film américainKingsman : Services secrets, lequel sort en France en février. Joli virage de carrière pour cette danseuse sculpturale qu’on a pu voir aussi sur scène aux côtés de Jamiroquai, Mariah Carey ou encore Rihanna.
Biographie de Sofia Boutella (http://lejustemot.over-blog.com/m/article-19608330.html)


Ecrite à sa demande en 2006
L’Algérie, berceau de mon enfance. Je suis née le 3 avril 1982 à Bab-El-Oued sous le signe du Bélier. J’ai grandi à Alger où j’ai fait mes premiers pas de danse classique à l’âge de cinq ans, inscrite par mon père. J’ai eu très tôt un goût prononcé pour cette discipline qui m’apprenait déjà la rigueur et l’allégresse. Si la danse s’apparente souvent à la féminité incarnée, en dehors des cours j’étais, moi, plutôt garçon manqué. Jouer dehors, traîner dans la gadoue et cumuler les bêtises au nez de ma mère qui m’élevait seule, étaient aussi mes passe-temps favoris. Mon père, musicien professionnel, vivait entre Paris et Alger. Autant dire que je le voyais peu, qu’il me manquait beaucoup aussi. Peut-être est-ce ce manque qui m’a donné un caractère très solitaire… Quoi qu’il en soit, mon enfance à Alger m’a laissé des souvenirs que le temps n’effacera jamais et ce, malgré les mouvances qui nous ont obligées, ma mère et moi, à fuir le pays en 1992. La guerre civile faisait rage, nos vies étaient en danger. Mon père nous a amenées en France l’année de mes dix ans.
Derrière l’enthousiasme d’arriver dans ce pays qui était synonyme pour moi de tous les possibles, sont arrivées les difficultés sous-jacentes de l’intégration. Une intégration qui ne ressemble en rien à celle de mes compatriotes de banlieue. Je ne suis pas et n’ai jamais été une « beurette », j’étais une enfant algérienne déracinée. Je ne ressentais pas vraiment le devoir de m’intégrer, je pressentais l’interrogation des autres élèves sur mon origine. Mes vraies souffrances se logeaient surtout dans le changement radical de vie. Je changeais de climat, d’école, d’amis… C’est là que résidaient mes difficultés d’intégration. Le plus douloureux est qu’en Algérie, lorsque j’allais visiter ma famille, j’étais devenue une Française à leurs yeux. Les humains m’avaient ôté toute mon identité, des deux côtés de la méditerranée.
Lorsque je suis arrivée, j’ai commencé la Gymnastique Rythmique et Sportive dans un centre sportif à Paris. Les entraînements étaient très réguliers et occupaient la majorité de mon temps. Après l’école, de 17h à 21h, j’allais cinq fois par semaine m’entraîner. Pendant les vacances scolaires, la cadence s’accélérait. Je pratiquais alors la GRS tous les jours et toute la journée. La pratique de ce sport m’a réellement appris le sens de l’effort, la rigueur et j’ai vite compris que rien dans la vie n’était acquis. Seuls la volonté et le travail permettent d’aboutir là où notre passion nous guide. En parlant de passion, si la danse et la GRS avaient un vrai sens à mes yeux, l’école quant à elle, m’angoissait plus qu’elle ne m’apportait. J’avais déjà trouvé un sens à ma vie : celui de me perfectionner, d’apprendre, d’évoluer dans la danse et j’attendais le bon moment pour quitter le monde scolaire. Sans compter que j’avais déjà un pied dans le monde professionnel. Un directeur de casting m’a repérée lorsque j’avais quatorze ans et m’a donné l’opportunité de travailler en tant que mannequin d’une part (pour Issy Miyaké, Benetton, etc.) et dans des clips vidéo (Cesaria Evora, Jamiroquai). Parallèlement à la GRS et les championnats auxquels je concourais, j’ai découvert un nouvel art : le break-dance. Cette danse hip-hop m’apportait un réel moyen de me dépasser, de me surpasser, une vraie source d’expression ainsi qu’une seconde famille. Commencer le break-dance, c’était l’ouverture sur une vie loin des sentiers balisés.
Danser était un moteur fabuleux, mes amis et moi nous entraînions n’importe quand, à n’importe quelle heure et jusque très tard dans la nuit. L’important c’était de trouver un endroit pour nous exprimer et, lorsque, par bonheur nous trouvions une salle libre, nous l’exploitions jusqu’au bout. Nous étions très solidaires, très passionnés. Fatigue, dormir, école et vie pré-réglée, toutes ces obligations de jeunes adolescents étaient effacées par l’épanouissement presque indescriptible que nous vivions. Les Halles surtout et sa place réservée aux break-dancers reste un pôle de rencontres et d’évolution marquant pour tous les danseurs de hip-hop. A mes débuts, j‘ai dû faire face à ce milieu entièrement masculin. J’ai dû me battre pour avoir cette place que je souhaitais tant. Au fur et à mesure de ma motivation, de ma hargne et lorsque ils se sont aperçus que j’étais comme eux, une fille certes mais toujours garçon manqué et casse-cou, tout s’est bien déroulé. Je n’avais peur de rien. Je devais juste prouver pour être acceptée. Je suis devenue une sorte de mascotte, de petite protégée, de sœur pour tous les break-dancers. Le temps aura eu raison de ma persévérance.
En 1999, je me présente au casting du film Le Défi de Blanca Li. La réalisatrice cherche avant tout des breakers. Je suis retenue pour le film où je dois interpréter Samia, la petite amie du premier rôle masculin. On me fait suivre des cours de comédie au studio Pygmalion et je découvre là une nouvelle dimension, j’étais sur un nuage. Ce film reste un tournant décisif dans ma vie tant psychologiquement que professionnellement. Je décide de stopper définitivement l’école. Je n’ai que dix-sept ans et mes parents tentent de s’y opposer. « Quel avenir pour toi, invoquent-ils ? » Moi, je ne sais pas encore de quoi mon avenir sera fait mais ce que je sais c’est qu’ à ce moment précis, mon cœur et mes intuitions me propulsaient et me poussaient à persévérer dans la danse et la comédie. L’école ? C’était un poids, un milieu pour lequel je n’avais pas le temps de me consacrer. De toute façon, quoi qu’il arrive je continuerai à apprendre, à me cultiver par les livres, le cinéma, les rencontres et les découvertes que je ferai. Ma vie était aujourd’hui et devant moi. Je n’ai jamais regretté ce choix. A l’issu du film, j’ai continué à prendre des cours de comédie, je voulais apprendre et j’ai commencé à prendre des cours d’anglais dans l’idée de suivre des cours à l’Actor’s studio de New York. Je bricolais pour financer les différents cours que je suivais. Quand je n’avais pas de cachets, je revendais habits et cd’s ; indépendante dans l’âme je voulais le rester financièrement pour mes parents. Je faisais mes choix et les assumais.
Après le film et en parallèle des cours de théâtre et d’anglais, je suis entrée dans la troupe des Vagabonds. Je revenais de plein fouet dans le break-dance et allais vivre cinq années magiques avec mes compagnons et frères de cœur de la bande. Nous allions danser partout, en Allemagne, en Angleterre, à la Réunion. Nous étions soudés ! Les Battles version internationale rythmaient le tout… Un Battle à Paris, qui m’a permis une victoire puis Los Angeles… Le monde s’ouvrait et les défis s’enchaînaient pour repousser encore plus loin mes limites. Après cinq ans de « vie commune », les Vagabonds du premier cru se séparent pour que chacun puisse évoluer personnellement. Chacun reste pour l’autre un miroir, un conseiller, un moteur.
J’ai été remarquée. Je n’ai jamais voulu faire n’importe quoi et regardais à deux fois les propositions que l’on me faisait. Mon intégrité artistique et ma foi ne seront jamais ne serait-ce qu’égratignées par je ne sais quelle carotte pécuniaire. Mon cœur, mon ressenti et ma sensibilité sont mes seuls guides auxquels je me fie plus qu’à n’importe quelle personne. Jusqu’à présent, cette vie intérieure très féconde a su me guider et m’a aidée à traverser les épreuves, les obstacles, les combats nécessaires de la vie. Je fais confiance à mon destin, à Dieu et suis les choix de mon cœur.
La presse s’est intéressée à ce que je faisais, j’ai été interviewée. Parler de moi ne fait pas partie de mes activités favorites, mais j’accepte cet exercice sans rechigner.
Années 2004 et 2005, les rencontres et coups de cœur professionnels fleurissent. Je fais un détour par la comédie en jouant dans le téléfilm Permis d’aimer de Rachida Krim.
Puis Nike me fait travailler, voyager, m’exprimer sous la direction du chorégraphe Jamie King pour qui j’ai une sincère admiration. Ce dernier me fait rencontrer Madonna, l’icône de la persévérance, du travail agrémenté d’un brin de folie artistique. J’ai un profond respect pour elle et je ne parlerai pas de consécration lorsque je l’ai rencontrée mais danser à ses côtés dans le clip Hung Up ainsi que dans le prochain représente une sorte de cadeau joyeux du ciel. Elle est une vraie professionnelle, une perfectionniste… Que dire de plus !

A l’aube de 2006, je continue à laisser aller mes pas sur la route de mon destin. J’ai plein de rêves et d’espoirs comme celui de retourner un jour en Algérie pour créer un univers de danse et offrir à mon peuple la chance que j’ai eue en venant en France. Je ne sais toujours pas de quoi demain sera fait, quelles seront mes nouvelles aspirations. Mais dans mes projets sur le long terme, si la fortune me sourit, je souhaite au plus profond de moi travailler pour une œuvre caritative, partir aider là où la pauvreté, la maladie et la famine déciment encore des populations, et surtout des enfants. Pour le moment, la danse et la comédie restent mes moteurs, ceux qui valent la peine que je m’acharne toujours et encore même si ma nationalité algérienne (surtout sur le passeport) me confronte régulièrement à des refus de visas et m’empêche de voyager comme tout citoyen français. La perfection ultime n’existe pas à mes yeux, seule l’expression du monde intérieur de chacun reste la voie.

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https://www.youtube.com/watch?v=DGSocwAKink


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