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Voir la version complète : Les verts entre construction et jeu direct



Lako
30/01/2015, 19h44
Arrivée en tant que favorite en Guinée Équatoriale, l’Algérie n’a pas véritablement brillé lors de la phase de poules de la Coupe d’Afrique des nations 2015. Six mois après une Coupe du monde réussie et prometteuse sous l’égide de Vahid Halilhodzic, les Fennecs apprennent toujours à jouer à la Gourcuff. Les mêmes noms, Slimani, Brahimi et Feghouli, emmènent les Verts offensivement. Les mêmes jambes, celles de Bougherra, Halliche et Medjani, l’empêchent de jouer haut et limitent l’ambition de sa phase sans ballon.L’ancien entraîneur de Lorient a pourtant vu son équipe bien débuter la compétition contre l’Afrique du Sud, par un premier quart d’heure intense et exemplaire dans le pressing : un bloc haut, des récupérations qui s’enchaînent, et une supériorité dans la circulation de balle. Face au 4-4-1-1 sud-africain, l’Algérie prend la main et le jeu, en investissant le camp adverse.
http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/files/2015/01/algerie-pressing.png (http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/files/2015/01/algerie-pressing.png)L'Algérie s'installe chez les Sud-Africains et provoque un dégagement précipité.
Mais l’effectif algérien réserve à Christian Gourcuff un problème presque insoluble : comment jouer haut avec Halliche, Bougherra et Medjani, trois joueurs plus solides que rapides ? Ce serait comme jouer le hors-jeu avec deux Mario Yepes. À la moindre erreur d’alignement, aucune chance de rattraper l’attaquant. Alors la ligne arrière algérienne défend en reculant. Et dès les premiers longs ballons des Bafanas Bafanas, la défense centrale panique et bégaye. Halliche rate ses dégagements, les seconds ballons reviennent aux Sud-Africains, encouragés par les difficultés des milieux algériens. La mobilité des attaquants d’Ephraim Masaba suffit à faire défaillir l’arrière-garde des Fennecs. Lacen est vite dépassé au coeur du jeu (aucun tacle réussi et une seule interception en 63 minutes).
CARENCES EXPOSÉESAutre casse-tête pour Gourcuff, la faiblesse technique de ses défenseurs, incapables de relancer correctement pendant quatre-vingt-dix minutes. Forts dans les duels, ils sortent de leur zone de confort dès qu’il faut construire. Pour garder le ballon et élaborer son jeu, l’Algérie doit faire en sorte de restreindre la participation de ses centraux, pas avares en dégagements hasardeux. Contre l’Afrique du Sud, Brahimi redescend régulièrement pour soigner la circulation de balle. Il tente 47 passes et en réussit 91 % (36/80 % pour Halliche, 29/72 % pour Medjani).Au Brésil, le plan de Coach Vahid avait masqué les carences individuelles. L’Algérie était disposée de manière ultra-compacte, prête à sauter sur la moindre occasion de partir en contre-attaque, en particulier contre la Belgique et l’Allemagne. Face à la Corée du Sud et à la Russie, le Bosnien avait accordé plus de libertés à ses éléments offensifs et fait confiance à un trio Djabou - Brahimi - Feghouli. Mais à la différence de la CAN, les adversaires étaient enclins à ouvrir le jeu (sans oublier le niveau catastrophique des Sud-Coréens) et les pelouses de meilleure qualité.Les complications algériennes continuent contre le Ghana, malgré une fin de match victorieuse - et quelque peu miraculeuse - face à l’Afrique du Sud. Brahimi, qui avait terminé la première rencontre sur l’aile gauche, retrouve l’axe, où il hérite du ballon plus souvent dos au but et encerclé qu’en un contre un. Le Portista n’a droit qu’à des espaces resserrés. Certes, il parvient à fuir le pressing, en témoignent ses quatre dribbles réussis contre les Bafanas Bafanas. Mais les décalages sont éphémères dans le football et le temps de semer ses harceleurs dans le sens inverse du but, le bloc adverse s’est reformé.
http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/files/2015/01/algerie-brahimi.png (http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/files/2015/01/algerie-brahimi.png)Brahimi reçoit beaucoup de ballons dans une position inconfortable, dos au but. La situation pousse Feghouli à retenir un appel pourtant évident.
Gourcuff considère Brahimi comme le meilleur joueur de son équipe, celui qui détient la solution, le porteur de la créativité. En novembre dernier, il évoquait un “talent immense” et insistait sur la nécessité de le “mettre dans les meilleures conditions”. Après tout, c’est derrière Slimani, dans l’axe, qu’il avait brillé lors du Mondial. C’était en revanche dans des espaces différents, et il n’était pas encore autant ciblé par les crampons ennemis. En juin 2014, Brahimi était un bon joueur de seconde zone en Liga et il commençait la Coupe du Monde sur le banc. Aujourd’hui, il est le numéro 10 de l’équipe d’Algérie et titulaire à Porto. Enfermé entre les lignes, d’où il décroche fréquemment, il crée peu d’occasions (seulement deux depuis le début de la compétition), mais il forme une bouée de secours pour son équipe. Quand on a besoin de sortir la tête de l’eau, c’est à lui qu’on fait appel, parce qu’on sait que sa conservation de balle offrira quelques respirations salutaires.L’APPORT DE TAÏDERFace aux Black Stars, dans un match qui sera haché par d’innombrables fautes plus violentes les unes que les autres, Christian Gourcuff change son onze. Par volonté pour certains joueurs, par contrainte pour d’autres. Belfodil remplace Slimani, touché. Bougherra supplée un Halliche inquiétant contre l’Afrique du Sud. Taïder rejoint Lacen dans l’axe et Bentaleb prend l’aile gauche à la place de Mahrez. Sans doute pour aider Ghoulam à bloquer Atsu, ce qui n’empêchera pas le Ghanéen, qui appartient toujours à Chelsea, de réussir sept dribbles.Les soucis algériens persistent : Medjani envoie ses relances en touche, Brahimi est découpé par le Ghana (cinq fautes subies) et les Fennecs encaissent un but en fin de match sur un long ballon “Ave Maria” de Wakaso, qui voit Gyan déposer Medjani. L’apport de Saphir Taïder contre-balance la vision négative de la rencontre. S’il réussit peu de choses dans le jeu, son instinct offensif, qui l’amène à se projeter, compense les déplacements de Brahimi. L’ex-Rennais décroche, le milieu de Sassuolo avance et prend la zone délaissée par son compatriote. Contre le Sénégal, Taïder, aligné aux côtés d’un Bentaleb plus stationnaire et plus organisateur, aura même une occasion digne d’un but de Lucho Gonzalez à l’OM, mais sauvée par une jambe teranga.L’appétit de Taïder pour la surface adverse permet à Gourcuff de régler un des tourments de son Algérie, qui devrait dominer techniquement mais ne peut pas le faire territorialement. Si Gourcuff souhaite une équipe compacte - et en admirateur d’Arrigo Sacchi, ça ne fait aucun doute -, ces Fennecs-là ne lui donnent pas vraiment le choix. Il faudra l’être proche de son but plutôt que chez l’opposant. Et selon les préceptes de Sacchi, ne jamais laisser plus de 25 mètres d’écart entre les défenseurs et les attaquants.
http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/files/2015/01/algerie-compact.png (http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/files/2015/01/algerie-compact.png)Compacte verticalement, l'Algérie interdit l'axe au Sénégal, obligé d'aller toucher les ailes, zone où le pressing est plus aisé et moins dangereux (prises à deux ou à trois).
Face au Sénégal, pour le match le plus convaincant des trois, les Fennecs triomphent en deux étapes. D’abord en profitant de l’incompétence sans ballon des joueurs d’Alain Giresse (un bloc trop étiré et de la maladresse presque sud-coréenne), puis en acceptant de reculer ensemble pour créer de la profondeur chez l’adversaire. “Réduire les espaces pour défendre et agrandir les espaces pour attaquer”, expliquait hier Marcelo Bielsa lors d’une conférence de presse houleuse. L’Algérie laisse le ballon aux Lions de la Teranga (58 % de possession) et prend leurs espaces. Diego Simeone, fidèle lui aussi du 4-4-2, aurait apprécié cette démonstration de contrôle, parce qu’avoir le ballon n’est pas synonyme de maîtrise du match.QUÊTE D’IDENTITÉEn trois rencontres, Christian Gourcuff a peu à peu dessiné son équipe. Taïder et Bentaleb sont en tête pour former le double pivot et Bougherra a gagné sa place en charnière centrale. Gourcuff a également vu son équipe progresser dans sa quête d’identité. L’opposition face au Sénégal a aidé l’Algérie à se comprendre, à se réconcilier avec un jeu plus direct, peut-être en contradiction avec son statut de favorite mais en accord avec son inaptitude à travailler sa relance.Le technicien breton n’a jamais boudé la contre-attaque. Dans le Morbihan, il avait bâti une équipe capable de ressortir en une touche de balle, avec des attaquants véloces, un héritage qui perdure sous Sylvain Ripoll, comme l’avait appris l’AS Monaco au début de la saison lors d’une défaite 2-0 devant les Merlus (par ailleurs auteurs de trois buts en contre cette saison en Ligue 1, leaders ex-aequo avec l’OL). Le quart de finale contre la Côte d’Ivoire nécessitera à nouveau des bonnes transitions offensives de la part des Fennecs. Parmi les équipes encore en lice, les Éléphants affichent la deuxième meilleure possession de balle (53 % contre 47 % pour El Khedra).La qualification pour la CAN acquise, Christian Gourcuff se réjouissait de l’amélioration dans la “fluidité du jeu collectif”. La compétition n’a pour l’instant pas totalement confirmé les propos du sélectionneur de l’Algérie. Mais ces considérations comptent-elles vraiment lorsqu’il ne reste que trois matchs à gagner ? Sur le long terme, l’Algérie devra s’affirmer sur attaque placée. En attendant d’avoir du temps, Gourcuff peut compter sur le jeu de contre plus naturellement exprimé par ses joueurs pour atteindre la finale. Comme le montre Sofiane Feghouli, peu en vue sur son aile droite et pourtant déjà auteur de deux passes décisives