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Voir la version complète : Célébration de Yennayer : la fête des symboles, et des bons présages



Lako
12/01/2015, 15h14
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Nous célébrons aujourd’hui l’an 2965 du calendrier berbère. Yannayer étant le premier moi de l’an, nos ancêtres le célébraient chaque année avec un rituel bien particulier. Nous vous proposons de mettre en relief quelques pratiques de ce jour particulier dans toute l’Afrique du nord.

Une semaine ou deux avant le jour de l’an berbère, les étals des marchés se transforment et prennent de nouvelles couleurs et senteurs. Ce qu’on appelle communément le « traz », ce mélange de fruits secs et de confiseries, embaument l’air et attirent grands et petits. Les consommateurs en achètent des sacs pleins en perspective de la soirée très attendue par les gourmands.
Le jour J, la célébration de l’événement différent selon les régions, voire les familles. Le point commun réside certainement dans le choix d’un repas copieux pour un bon présage : que l’année qui s’annonce soit abondante. Ainsi, pour beaucoup, ce sera du couscous agrémenté d’une bonne viande et de légumes secs (produits de la terre) ou de tous les légumes frais de saison (toujours produits de la terre). Pour d’autres ce sera du bercoukes (petits plombs). L’idée est que ce soit un aliment qui gonfle, toujours pour un bon présage : une année riche et généreuse.
Ailleurs, on prépare une rechta ou le trid, ces feuilles de pate très fine à base de semoule, qui seront roulées ou pliées en carré ou en triangle, puis arrosées d’une sauce blanche au poulet et pois chiche.
Le choix du met relève de la géographie. Selon qu’on soit de la ville (plus de viande et pas ou peu de légumes) ou de la campagne (plus de légumes et en grande variété). Et la base (couscous, berkoukes, rechta, trid, chakhchoukha…) reste bien sûr le blé.
Pour beaucoup, le plat se sert dans une gasâa ou shifa (grand plat creux en bois ou en terre) qui réunie toute la famille. On rajoute également des couverts en plus, pour l’absent, les filles mariées et, bien sûr, assass eddar (le gardien de la maison).
Une fois le repas consommé dans la joie et la bonne humeur, la famille se retrouve autour d’une autre gasâa, celle du « traz ». Cette appellation vient, selon certains, du fait que le nouvel an coïncide avec le 13 janvier. Mais une autre explication plus plausible veut que ce soit la déformation du 13, le nombre de fruits secs qu’il faut obtenir dans le mélange (raisins secs, figues sèches, amandes, noix, pistaches, noisettes, châtaignes, glands, cacahuètes, pruneaux secs…).
De nos jours, on retrouve parfois bien plus de friandises que de fruits secs. Mais des friandises qu’on ne voit quasiment pas sur les étales de toute l’année. Notamment du chocolat en forme de sabot, de poule… Dans certaines régions, dont Cherchell, on ajoute au « traz » des cœurs frais de palmiers nains, appelé « djemmar » et halwet Miliana, préparée avec du raisin plusieurs mois à l’avance et qui reste suspendue pour sécher.
Les enfants, de leur côté, ont leur part de « traz » dans des petits paniers ou des petites bourses en tissu (appelée canasta pour certains) qu’ils trimballent en allant de maison en maison pour en avoir encore plus. Et selon la légende, « lâadjouza » (la vieille), vient rendre visite à ceux qui n’ont pas été très sages pour leur reprendre les friandises amassées ce jour là. A Cherchell, la légende est différente : la vieille dame vient le lendemain matin gratifier les enfants sage d’un jouet, pendant leur sommeil. Elle existe dans toutes les régions et chacune a sa version de cette vieille.
A l’ouest, la nuit de Yannayer, on voit des processions. Dans certaines villes ce sont des enfants portant des masques qu’ils ont eux-mêmes confectionné. Ailleurs, ce sont les adultes, en groupes de neufs personnes, avec des masques d’animaux et qui passent de maison en maison pour récolter des fruits secs, de l’argent, de la semoule… qui seront donnés aux nécessiteux.
Il est difficile de recenser tous les plats préparés à l’occasion de Yannayer. Comme il est impossible de retracer son déroulement tel que célébré dans toute l’Algérie. Au fil du temps, cette fête a sans doute perdu certaines de ses pratiques et en gagné d’autres, selon les régions et selon les influences extérieures. Aujourd’hui, cette fête mérite vraiment l’attention des chercheurs qui pourraient reconstituer son déroulement originel, souligner les apports plus récents et lui redonner son souffle afin qu’elle ne se perde pas totalement pour les générations futures, ce qui est déjà un peu le cas pour beaucoup famille algériennes.

yacineskoura
12/01/2015, 15h21
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Lako
12/01/2015, 15h30
Aux origines de la célébration de Yennayer


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Avec toutes les variantes orthographiques yennayer, yennar, ennayer, naïr, ce terme est attesté aussi bien parmi les divers parlers amazighs qu’en arabe vernaculaire nord-africain, du Tell jusqu’au territoire touareg aux confins sahariens, il marque le nouvel an agraire et coïncide avec le solstice d’hiver.
Le calendrier berbère est une survivance du calendrier julien
Il est admis chez les scientifiques que le calendrier julien fut adopté par tous les cultivateurs du Nord de l’Afrique car il offrait un cadre commode dans lequel s’inscrivaient les grandes étapes du cycle annuel de la végétation, ce calendrier a conservé, déformé par les parlers locaux, les noms latins des mois, Yennayer correspond au mois d’Ianiarius (janvier), Yebrir à Aprilis (avril), ctember à september (septembre) ou Jamber à December (décembre).Le calendrier julien est introduit par Jules César en -46 pour remplacer le calendrier romain. L’année julienne compte 365,25 jours lesquels se décomposent en 12 mois de 28, 30 et 31 jours, ainsi qu’un jour intercalaire tous les 4 ans (année bissextile).Il constitue la base de ce qui est aujourd’hui connu comme "calendrier universel" ou "calendrier grégorien", né d’une réforme de ce calendrier julien par le pape Gregoire XIII, le 4 octobre 1582.
Le calendrier berbère et le roi Chachnaq
Nous accueillerons dans quelques jours l’année 2964 du calendrier berbère, elle correspond à l’année 2014, mais pourquoi cette référence de 950 ans ? Cette question a fait l’objet de moult spéculations.Si le calendrier amazigh paraît plus ancien que le calendrier universel, sa création n’en est pas moins récente, elle remonte à l’année 1980 et on la doit au grand militant chaoui Ammar Negadi. À l’image de l’ère chrétienne qui commence à partir de la naissance du Christ et le calendrier musulman (de l’hégire) qui a pour point de départ l’exil du prophète de la Mecque vers l'oasis de Médine, il fallait au concepteur du calendrier amazigh trouver un évènement marquant dans l’histoire du peuple amazigh, un fait historique incontestable pour en faire le point zéro du calendrier, son choix est porté tout naturellement sur l’an 950 avant Jésus-Christ et qui correspond à la date où le roi berbère Chachnaq 1er (orthographié également Chichnaq, Chichneq, Sheshonq …) fût intronisé pharaon d’Egypte et fonda la XXIIème dynastie qui régna sur l'Égypte jusqu’à l’an 715 av. J-C . Ce roi berbère avait réussit à unifier l’Egypte pour ensuite envahir la Palestine. On dit de lui qu’il s’empara des trésors du temple de Salomon à Jérusalem. Cette date est mentionnée dans la Bible et constitue par-là-même, la première date de l’histoire berbère sur un support écrit.Après avoir trouvé la date/repère de l’ère berbère, Ammar Negadi s’attaqua à la conception du calendrier qu’il publiera en 1980 par son association Tediut n Aghrif Amazigh (Union du Peuple Amazigh -UPA-), il écrira : « Le calendrier, très simple et très modeste, à la mesure de nos moyens à ce moment-là, se présentait de la façon suivante : il était à la fois manuscrit et dactylographié, au format 30 x 42 cm, en son centre, sur les ¾ du haut il représentait un Tergui prêt à dégainer son glaive, l’écriture et le dessin étaient en bleu indigo».
Yannayer, la fête païenne qui a vaincu le clergé chrétien et musulman
Excepté Jean Servier qui voyait dans le calendrier berbère une influence copte, tous les autres spécialistes sont presque unanimes pour faire le lien entre Yannayer et le « Ianiarius » romain, mois dédié au dieu Janus, divinité des seuils, Ianiarius symbolise le renouveau, cette fête du Nouvel An romain est également appelée "calendes de Janvier’’.Il existe plusieurs preuves attestant que cette fête des "calendes de Janvier’’ était célébré dans l’Afrique du nord au grand dam des hommes de religion aussi bien chrétiens que musulmans qui l’ont combattue sans relâche. Le premier à le faire fut Tertullien (env. 150 – env. 230) de souche africaine né et mort à Carthage, ce rigoureux Père de l’Eglise s’indigna contre les réjouissances qui ont lieu chaque année à Carthage pour célébrer les calendes de Janvier, la plupart des Chrétiens écrit-il, ’’se sont persuadé qu'il était pardonnable d'agir comme les païens (...) Etait-ce en célébrant les saturnales et les kalendes de janvier qu'il [l’Apôtre] plaisait aux hommes? (…) [Il] est interdit de suivre les superstitions païennes…’’. Un siècle et demi plus tard c’est Saint Augustin d’Hippone (354-430) qui fustigera le Ianiarius dans son célèbre ‘’ De Civitate Dei contra paganos’’ (La Cité de Dieu contre les païens).Après les admonestations des prédicateurs chrétiens qui n’eurent qu’un médiocre succès auprès de leurs ouailles, au Moyen-âge c’est autour des prédicateurs musulmans d’interdire aux fidèles de participer à cette fête des « polythéistes » (moch’rikin), Muhammad ibn Waddah al-Qurtubi (mort en 900 à Cordoue) fut le premier auteur à condamner la pratique des célébrations du Nouvel An comme contraire à l’Islam dans son ouvrage Al-Bida’ wa’l-Nahiy ‘anhaa, premier livre spécifiquement écrit par un savant musulman contre la bid’a (hérésie, l’innovation en religion). Un autre le docteur religieux malekite Abu Bakr Muhammad al Turtusi (1059-1126), citera Yennayer dans un ouvrage contre les nouveautés et les innovations en religion intitulé Kitab al hawadit wa-l bida .
Le Mouloud pour concurrencer Yennayer
En 1250 un cadi musulman Abu al Abbas al-Azafi et son fils fondèrent une brève émirat dans la ville de Ceuta (nord du Maroc actuel), à l’aide d’un ouvrage ‘’Adurr ’’ils mirent en garde leur sujet contre les ‘’nouveautés" (muhdathat al-umur) qui font sortir les Musulmans d’Afrique du Nord du sentier tracé par "les pieux anciens" (salaf al-muslimin), à savoir le prophète Muhammad et ses compagnons, qu’il convient d’imiter en tous points. Parmi ces dernières, les al-Azafi distinguent tout particulièrement "l’anniversaire de Jésus [Noël] (…) et al- Yannayr, sept jours plus tard", Al Azafi et son fils allèrent jusqu’à introduire une nouvelle fête en Afrique du Nord, une fête musulmane qui serait certes une innovation, mais non blâmable : la célébration de l’anniversaire du prophète Muhammad, dite "Mouloud". Al Azafi pense qu’en célébrant le Mouloud, les Musulmans pourront assouvir leurs désirs de rituels festifs sans déroger aux principes de la religion islamique. Cette fête, déjà connue à l’époque en Syrie et en Egypte, ne semblait pas pratiquée en Afrique du Nord.Les Berbères ont adopté depuis la fête du Mouloud sans pour autant renoncer à leur Yennayer qu’ils ont continué à fêter chaque année avec une assiduité sans cesse renouvelée que ni les prêtres de l’église, encore moins les docteurs musulmans ont réussi à les en détourné, prouvant ainsi leur attachement viscéral à leur identité qu’ils ont réussi à préserver à travers les siècles malgré toutes les invasions et les influences.

Jugurtha Hanachi