PDA

Voir la version complète : YouTubeurs et Blogueurs : comment sont-ils rémunérés secrètement ?



rasheed70
12/12/2014, 16h43
http://media.laruche.com/2014/01/youtube-620x413.jpg (http://media.laruche.com/2014/01/youtube.jpg)

Aujourd’hui, ouvrir une chaîne YouTube ou un blog n’est plus simplement un loisir, mais peut véritablement devenir un moyen de gagner sa vie. Évidemment, à la base, il faut toujours une idée originale et du talent, que ce soit pour écrire, se filmer ou monter le tout. Ensuite, il faut réussir à en vivre et c’est ici que les choses se compliquent… et qu’elles pourraient se compliquer encore un peu plus à l’avenir pour ce type de support.
La publicité classique
Il existe deux grands types de rémunération qui fonctionnent pour les YouTubeurs mais aussi pour les blogueurs. La publicité typique sur Internet (comprenez l’affichage, ou display) et le sponsoring. La publicité est très classique et connue de tous, tellement connue en fait qu’il existe des moyens de la contourner comme les bloqueurs de pub. Sur YouTube, la publicité se matérialise le plus souvent par une vidéo pour un annonceur qui apparait avant le contenu désiré. Elle dure entre 30 et 60 secondes. Les YouTubeurs peuvent choisir d’obliger les internautes à visionner la publicité en entier ou ils peuvent proposer d’ignorer la publicité au bout de quelques secondes. Dans ce dernier cas, le YouTubeur ne touche pas un centime. En revanche, si la publicité est regardée, le gain est plus élevé que lorsque l’affichage est forcé.

http://media.laruche.com/2014/12/Capture-d%E2%80%99%C3%A9cran-2014-12-10-%C3%A0-16.55.21-520x368.jpg (http://media.laruche.com/2014/12/Capture-d%E2%80%99%C3%A9cran-2014-12-10-%C3%A0-16.55.21.jpg)Une publicité typique de YouTube qu’il est possible d’ignorer au bout de quelques secondes
Il est très difficile d’évaluer les revenus des YouTubeurs. Selon la société spécialisée SocialBlade, le gain est compris entre 0,5 et 4 euros pour mille pages vues, ce que l’on appelle dans le milieu le coût pour mille (CPM). Sur ces montants, Google, propriétaire de YouTube, prend une commission de 45%. Concrètement, les vidéos du plus gros YouTubeurs Français, Squeezie, ont été visionnées 70,7 millions de fois au mois d’octobre dernier. Avec une moyenne basse d’un euro pour mille vidéos lancées, Squeezie aurait réalisé un chiffre d’affaires de 70.000 euros sur un mois et un bénéfice de 38.500 euros, une fois la commission de Google déduite.
Un autre YouTubeur de renom, Norman, totalise 24 millions de vues sur le mois d’octobre, soit un chiffre d’affaires de 24.000 euros et un revenu estimé donc à 13.200 euros. Ce qui colle plutôt avec ses déclarations du début d’année (http://www.slate.fr/life/84475/qui-sont-youtubeurs-les-plus-riches) où il assurait gagner environ 100.000 euros par an (pour 2013 donc). Rémi Guaillard, le pionnier des vidéos virales, réalise une audience de 15,5 millions de vues par mois et assurait en mars dernier à nos confrères de BFM Business gagner entre 3.500 et 5.000 euros nets par mois (http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/business-remi-gaillard-star-francaise-dinternet-727182.html). Il expliquait que sur le bénéfice réalisé par les vidéos, il y avait toujours une partie à reverser aux ayants droit pour l’usage de la musique, des marques, des personnages, etc.
Pour maximiser leurs performances, certains YouTubeurs font partie d’un Multi-Channel Network (MCN) ce qui leur permet de diffuser des campagnes de publicité plus rémunératrices, d’accéder à des fonctionnalités avancées de YouTube, d’obtenir de la visibilité via des partenariats avec les autres YouTubeurs du network et d’obtenir de précieux conseils.
Faire payer les fans
La deuxième solution est d’utiliser une plateforme comme Tipeee (https://www.tipeee.com/) ou Patreon (http://www.patreon.com/) qui permettent à un YouTubeur ou un Podcasteur de se financer via les dons de sa communauté. Les internautes s’engagent ainsi à payer de petites sommes, entre 1 et 3 euros par épisode par exemple, et ils ne sont débités que lorsque l’épisode en question est effectivement publié. Le Fossoyeur de films (https://www.tipeee.com/le-fossoyeur-de-films) compte par exemple 421 internautes qui se sont engagés à payer pour chaque épisode. Ce qui lui rapporte aujourd’hui 1.409 euros par vidéo et donc par mois puisque son rythme est mensuel.

http://media.laruche.com/2014/12/Capture-d%E2%80%99%C3%A9cran-2014-12-10-%C3%A0-16.52.07-520x422.jpg (http://media.laruche.com/2014/12/Capture-d%E2%80%99%C3%A9cran-2014-12-10-%C3%A0-16.52.07.jpg)La plateforme Tipeee
Cette solution permet de réduire au maximum les intermédiaires et maximise donc l’argent reversé aux créateurs de contenu. De plus, il n’y a aucun conflit d’intérêts puisque les YouTubeurs et les Podcasteurs sont ici rémunérés essentiellement via les internautes qui peuvent se désabonner à tout moment si le contenu ne leur convient plus. Malheureusement, ce type de rémunération s’adresse encore à des internautes avertis et ne touche pas vraiment le grand public, qui préfère encore le tout gratuit.
La publicité déguisée
L’un des problèmes qui se posent actuellement pour les YouTubeurs et les blogueurs concerne la publicité déguisée, source de revenus très importante pour les plus gros acteurs du marché, mais très difficile, voire même impossible à chiffrer. Si pour un public averti les vidéos financées par des marques sautent aux yeux, ce n’est pas forcément le cas auprès du grand public.
L’Express a d’ailleurs réalisé une petite enquête sur le sujet et le journaliste a eu beaucoup de mal à rassembler des informations sur la relation entre Cyprien, l’un des plus importants YouTubeurs français, et les marques. Le YouTubeur est sous contrat avec la régie publicitaire Mixicom qui gère également la publicité pour CyprienGaming (chaine de jeu vidéo de Cyprien et Squeezie), Squeezie, JeuxActu et FilmsActu. En novembre 2012, Cyprien a publié une vidéo sur la Wii U, qui venait tout juste de sortir, où il vante les mérites de la console, mais on ne sait toujours pas si cette vidéo a été financée ou non par le célèbre éditeur de jeux vidéo nippon. De la même manière, le clip « On s’fait un FIFA ? » crédite quant à lui EA Sports, ce qui signifie que l’éditeur a joué un rôle dans la production de cette vidéo. A-t-il financé sa réalisation ? Payé les YouTubeurs et les intervenants ? Simplement aidé en mettant à disposition le jeu FIFA 15 qui est utilisé ? Dès que la question est posée, c’est l’omerta.
Pourtant, l’éditeur Ubisoft a bien confirmé au Figaro en mai dernier (http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/05/27/01007-20140527ARTFIG00005-ubisoft-joue-gros-avec-watch-dogs.php) avoir eu recours à des YouTubeurs influents pour réaliser une vidéo sur le jeu Watch Dogs. La vidéo publiée sur la chaine de CyprienGaming ne fait toutefois aucune mention d’une collaboration entre Ubisoft et le YouTubeur. Ubisoft et Cyprien refusent par ailleurs de communiquer sur une éventuelle transaction et son montant. Là encore, dès que l’on cherche à connaître les modalités de ces « opérations », c’est le trou noir.

Un problème d’équité
Aujourd’hui, les blogs sont considérés, à juste titre, comme des mines d’or d’informations, mais certaines agences de communication sont passées par là et il faut désormais savoir lire entre les lignes. On ne compte plus le nombre de blogs de mode, de cuisine ou de voyages où les blogueurs publient des billets publicitaires, ou sponsorisés dans le jargon, sans qu’ils ne soient indiqués comme tels. L’émission Envoyé Special du 23 octobre 2014 (http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/envoye-special-du-jeudi-23-octobre-2014_721591.html) avait parfaitement mis en avant le problème. Les agences de communication contactent directement les auteurs de blogs afin qu’il publient des billets sur une marque ou un produit pour 100 à 200 euros en indiquant clairement qu’il ne faut pas mentionner le caractère sponsorisé de l’article. Certains utilisateurs de Twitter reçoivent également des propositions du même type pour un simple tweet de 140 mots. Certains refusent parfois en proposant des idées beaucoup plus créatives et valorisantes (http://www.monsieurlam.com/2014/10/28/du-tweet-sponso-au-shoot-en-haut/).

http://media.laruche.com/2014/12/Capture-d%E2%80%99%C3%A9cran-2014-12-10-%C3%A0-16.58.03-520x387.jpg (http://media.laruche.com/2014/12/Capture-d%E2%80%99%C3%A9cran-2014-12-10-%C3%A0-16.58.03.jpg)Un exemple d’article sponsorisé
Les YouTubeurs sont donc également touchés par ce problème, car en France, c’est effectivement un problème juridique puisque l’article 20 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique indique que : « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. »
La question de la publicité déguisée pose donc un problème d’équité entre les blogs et les YouTubeurs avec les médias plus classiques qui ne peuvent pas bénéficier de ces nouveaux budgets. Au Royaume-Uni, l’Advertising Standards Authority (ASA) a pris le problème à bras le corps et dorénavant tous les YouTubeurs et Podcasteurs britanniques (http://www.bbc.co.uk/newsround/30195643) doivent clarifier tout partenariat en indiquant clairement le caractère publicitaire dans le titre de leurs vidéos ou billets sponsorisés. Autant dire que l’image de marque en prend un coup et certains contenus sont beaucoup plus difficiles à faire accepter auprès des fans. En France, les blogueurs et les YouTubeurs ne sont visiblement pas inquiétés. La DGCCRF (la direction générale de la répression des fraudes du ministère de l’Économie) enquête a priori bien sur quelques cas, mais sans que l’on en sache plus. D’ailleurs, à ce jour, aucun acteur n’a encore été condamné pour ces pratiques.