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zadhand
10/11/2014, 22h09
L’évasion spectaculaire de Benboulaïd
Le 10 novembre 1955 à la prison du Coudiat (Constantine)


Le 10.11.14 | 10h00

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L’évènement a été un coup très dur pour les autorités françaises.


Le jeudi 10 novembre 1955 à 18h30, les sirènes de la prison du Coudiat sont déclenchées. Les bruits atteignent tout le centre-ville de Constantine. L’établissement se trouve à quelques dizaines de mètres de la place de la Pyramide. L’information fait le tour de la ville comme une traînée de poudre : Mustapha Benboulaïd s’est évadé.
Un évènement qualifié de spectaculaire et même de sensationnel par la presse française de l’époque et qui révèle le génie de Mustapha Benboulaïd. Arrêté à la frontière libyenne au mois de février 1955, alors qu’il était en mission pour ramener des armes, le chef charismatique de la région des Aurès a été condamné à la peine capitale en septembre 1955 par le tribunal militaire de Constantine.
A la prison du Coudiat, il n’avait qu’une seule idée en tête : s’évader. Après avoir recueilli toutes les informations sur la prison, Benboulaïd se rendit compte que la cellule collective du rez-de-chaussée, où se trouvaient les 30 détenus, tous condamnés à mort, est mitoyenne d’un débarras qui s’ouvre sur une petite cour intérieure. Les deux locaux de la prison se trouvent du coté de la rue de Généraux Morris (actuelle rue Benlazrag Brahim).
Le plan commence à se dessiner : il suffit de desceller la dalle de ciment et creuser un tunnel pour rejoindre le débarras jouxtant le dortoir. C’est ainsi qu’on a commencé à creuser au début du mois d’octobre 1955. Un travail de longue haleine qui durera 28 jours. Le tunnel s’ouvre sur le débarras où se trouvent entreposés des ballots de crin et du matériel de couchage. Rien de plus simple que de fabriquer une échelle, en assemblant trois lits, attachés avec des bandelettes de toile découpées des draps.
Onze détenus prennent la fuite
Le jour de l’évasion a été choisi : le jeudi 10 novembre 1955, après le tirage au sort effectué par Benboulaïd pour choisir les détenus qui sortiront les premiers. L’heure a été fixée juste après 17h. C’est le moment où les gardiens quittent la prison pour rentrer chez eux. Il n’en resta plus que trois gardiens. L’un à la porte d’entrée, et deux autres pour effectuer les rondes. Les détenus commencent à passer dans le tunnel. Dans le débarras, la serrure céda rapidement et la porte s’ouvre sur la petite cour intérieure. Il n’y a aucun gardien. Les ballots de crin adossés au mur intérieur servirent à le grimper.
Une fois sur le mur, ils le traversèrent jusqu’à la partie située en face de l’ex-rue Stephane Gsell (aujourd’hui la station Benabdelmalek du tramway). Un lieu désert et mal éclairé, avec une piste impraticable. Les évadés se servent de l’échelle comme d’une passerelle pour franchir le vide surplombant le chemin de ronde séparant les murs intérieur et extérieur. Au passage du 12ème évadé, la passerelle s’est effondrée. Celui qui passait à ce moment était Saïd Chouki. Il sera trouvé entre les deux murs avec une jambe cassée. Onze détenus ont réussi à descendre le mur extérieur et prendre la fuite.
Le premier était Mohamed Laifa, suivi de Mustapha Benboulaïd, Tahar Zebiri, Brahim Taibi, Mohamed Beziane, Hocine Arif, Hamadi Krouma, Ahmed Bouchemal, Lakhdar Mechri, Slimane Zaidi et Ali Haftari. Les 19 autres détenus, descendus dans le chemin de ronde se sont trouvés enfermés. Ils regagneront la porte du garage, près de l’entrée de la prison où ils se sont rendus. Ils seront reconduits vers leur cellule. Les recherches déclenchées pour retrouver les évadés n’en donneront rien. Le coup a été très dur pour les autorités françaises.
Dans son édition du samedi 12 novembre 2014, La Dépêche de Constantine a révélé qu’en se rendant à la prison, le préfet de Constantine, Pierre Dupuch, a été choqué à la vue du trou creusé dans la cellule. Les premières mesures tombèrent. Louis Maudru, directeur de la prison du Coudiat, et Louis Bernardino, surveillant-chef, ont été relevés de leurs fonctions et mis sous mandat de dépôt pour négligence grave dans l’accomplissement de leur service. Ils ont été écroués dans le même établissement.
Les sanctions ont touché Mr Augusti, directeur de la Circonscription pénitentiaire de Constantine, qui a été relevé de ses fonctions. La nouvelle de l’évasion ne sera pas publiée le lendemain dans la presse sur ordre des autorités « pour ne pas alerter les complices qui auraient pu aider les évadés ». La nouvelle ne fut donnée que le samedi 12 novembre 1955. Les 19 autres détenus seront transférés en janvier 1956 vers la prison de la Casbah, où les exécutions à la guillotine furent entamées dès le mois d’août 1956.

zadhand
09/12/2014, 23h05
Robert Ménard ne digère toujours pas l’indépendance de l’Algérie
09/12/2014


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Robert Ménard veut débaptiser une rue célébrant la fin de la guerre d’Algérie pour lui donner le nom d’un putschiste.
Elu grâce au Front national (FN), l’ancien patron de Reporters sans frontières (RSF) n’arrête pas de donner des gages à ses parrains. Le natif d’Oran continue, à sa façon, sa guerre d’Algérie. «Nostalgérique», Robert Ménard, maire de Béziers, cherche à réécrire l’Histoire, comme les militants de l’OAS qui ressassent encore et encore leur défaite. Robert Ménard, maire de Béziers soutenu par le FN, va rebaptiser la rue du «19 Mars 1962», date des accords d’Evian marquant la fin de la guerre d’Algérie, en rue du «Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc», un militaire ayant participé au putsch des généraux.
Le changement de nom de cette rue, proche du quartier de la Devèze, celui où Robert Ménard, né à Oran, s’était installé avec ses parents à son arrivée à Béziers, sera présenté lors du prochain conseil municipal, le 11 décembre.
Le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, en 1961, avait fait le choix de l’Algérie française et avait participé au putsch des généraux à la tête du 1er REP (Régiment étranger de parachutistes). L’opération échouera et il se constituera prisonnier. Il sera condamné à dix ans de réclusion et effectuera cinq ans de prison, avant d’être gracié par le général De Gaulle.Il avait été élevé en novembre 2011 au rang de Grand-Croix de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy.
L’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo) affirme dans un communiqué qu’elle «portera naturellement attention aux suites données à cette proposition, dont la présentation en séance a été confiée à Mme Odette Dorier, 9e adjointe (Front national) au maire de Béziers, chargée de la voirie, des transports, du stationnement et de la signalétique».

zadhand
11/12/2014, 21h14
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Va-t-on arrêter ce cinéma ?


11/12/2014

Parcours :

Naissance le 2 décembre 1943 à Sebdou (Tlemcen). Etudes à Tlemcen, Oran et Paris. C’est grâce à lui que les Algériens ont découvert les classiques du cinéma universel à travers son émission
Télé-ciné-club, de 1969 à 1988, projetée à la Télévision algérienne.
Il savait en bon pédagogue et les invités qu’il conviait sur le plateau décortiquer un film.
On pouvait voir avec délectation les œuvres d’Alfred Hitchcock, Bergman, Salah Abousseif, Chahine ou Hamina. Ahmed est expert en communication, diplômé de l’IDHEC de Paris en 1966 et titulaire depuis 1983 d’un PHD en littérature américaine avec une thèse sur Hollywood. Il a occupé plusieurs postes importants dans la communication et collaboré dans la presse écrite. A son actif, des ouvrages sur le cinéma et sur l’histoire.
Il est, depuis 1993, directeur du réseau REMFOC, organisme destiné au perfectionnement des journalistes maghrébins.


Ahmed Bedjaoui. Universitaire, producteur, critique de cinéma, auteur

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«Il est plus difficile et plus important aujourd’hui de se dégager des mots qui sonnent faux, des idées creuses et des organisations étouffantes que de composer de nouveaux hymnes.»
Alain Touraine.


De sa naissance en 1943 à Sebdou près de Tlemcen, de son enfance tourmentée, Ahmed garde des moments phares gravés dans sa mémoire. L’école primaire à Sebdou et le collège à Tlemcen. «La rentrée d’octobre 1954 a été vécue normalement. On était insouciants, parfois rêveurs, à quelques encablures seulement de la grande déflagration de Novembre. On entendait parler de la lutte à travers ce que disaient nos parents. Mon père Abdelkrim, militant depuis l’Etoile Nord-Africaine, passait son temps entre les tribunaux et les prisons où il a croupi durant la guerre. Il était connu dans la région. Il tenait un magasin où il vendait un peu de tout. J’ai le souvenir qu’il m’emmenait, très jeune, dans sa vieille camionnette Citroën à la campagne où il signait des choses avec des responsables des tribus des Ouled N’har et les Haniane. Il alimentait les maquis. C’est après que j’ai décrypté.»
Abdelkrim, homme à forte personnalité, était titulaire du brevet et friand des auteurs classiques français. Il a toujours refusé d’exercer dans l’administration coloniale, préférant travailler dans des domaines moins valorisants. Il avait adopté deux enfants, partie intégrante de la famille. Le plus âgé est venu un jour l’informer de la chute de Dien Bien Phu. La réplique de Abdelkrim, au-delà de la joie provoquée, était cinglante : «Si Dien Bien Phu est tombé, nous aussi on peut faire plier l’ennemi.» Ces mots étaient perçus comme un électrochoc par Ahmed. «C’étaient les premiers mots de conscience d’un petit garçon», se souvient-il. Un mois après, la guerre éclate et une année et des mois plus tard les premiers militants lycéens composés en réseaux de fidayine étaient sur la brèche. «Et lorsqu’on a ramené les cadavres criblés de balles de deux de nos camarades étalés dans la cour, cela a créé un séisme chez nous, qui a nourri un sentiment de haine et le désir de vengeance.»
L’assassinat du Dr Benzerdjeb par la soldatesque française avait jeté l’émoi parmi la population : «Notre prof d’histoire nous avait dit d’assumer notre devoir en assistant à l’inhumation et en protestant contre la répression. C’était Sid Ahmed Inal. Je l’admirais, il refusait l’ordre colonial et le faisait savoir. C’était un homme libre. On a manifesté, et ça a dégénéré. J’avais 12 ans et demi. Le lendemain de la cérémonie funéraire, Inal avait pris le maquis au même titre que mon père et mon frère Mohamed.» Inal, un révolutionnaire convaincu s’est illustré comme un leader, avec Abdelkader Guerroudj qui activait dans la région.
Le souvenir du Dr Benzerdjeb
A 15 ans, tout en poursuivant ses études Ahmed devient à son corps défendant le responsable de la famille. A cet âge où le rêve est permis, Ahmed ne s’en prive pas en s’immergeant totalement dans le septième art. Le premier contact avec les salles obscures ? «Très jeune, mon oncle Mohamed Cherif, un des animateurs de Dar El Hadith de Cheikh El Ibrahimi à Tlemcen, occupait la fonction de projectionniste du village. Il lui arrivait même de projeter des films à domicile, ce qui ne nous déplaisait pas, bien au contraire.
Des films américains, et surtout égyptiens que ma grand-mère prisait particulièrement. A 8 ans, j’ai vu mon premier film américain, La vie est à lui, incarné par Humphrey Bogart. Je ne comprenais pas très bien, mais l’image me fascinait. J’étais amoureux des mécanismes du cinéma. Ça a continué ainsi ; je me suis fabriqué, sans le vouloir, une culture cinématographique. On habitait dans une aile de la grande maison de Mohamed Dib que sa sœur nous louait. Au collège de Slan, on avait un prof, M. Millecam, personnage atypique, grand cinéphile, copain du poète Cocteau. Il m’a dit : ‘‘Tu devrais venir avec moi à la Fédération nord-africaine de ciné-club» ; j’étais heureux, mais hésitant parce qu’il n’y avait que des élites, des notables. J’ai quand même franchi le pas et mon prof m’a parrainé comme membre à 15 ans !
Le prof animait le ciné-club tous les dimanches au cinéma Lux. J’y étais. Un jour, le prof s’en est allé. C’est là que j’ai appris qu’il était catholique de gauche et favorable à la cause algérienne. Comme Dib, il avait été interdit de séjour. Avant de partir, il avait laissé cette consigne : ‘‘Ahmed sera mon remplaçant !’’ ; je n’ai pas trahi cette confiance, Dieu merci. Je revoyais les films parfois 10 fois, j’en étais imprégné, ce qui me facilitait les échanges avec le public.»
Cinéma, miroir de la vie
Rien ne prédisposait le sage et studieux Ahmed à choisir autre chose que le cinéma malgré les injonctions insistantes de son paternel. Sinon son goût de la singularité et une irrépressible soif de liberté. Vigie à l’œil aigu, bienveillant, Ahmed voit loin et juste. L’histoire, malgré ses bégaiements, lui donnera raison.
En 1962, avec Mounir Bouchenaki (qui deviendra cadre de l’Unesco), Ahmed crée une association qui englobait 1500 adhérents dont des filles ! «J’avais déjà une expérience à 21 ans et j’ai commencé à connaître la dimension littéraire des films et leur adaptation à l’écran. Des hommes m’y ont aidé, dont le monumental Mokhtar Guerroudj, prof d’histoire, puits de savoir qui m’a beaucoup apporté», résume Ahmed qui poursuivra ses études au lycée Lamoricière (Pasteur) à Oran, avant de préparer les grandes écoles en 1963 à Paris.
Ses condisciples étaient Malek Alloula et Abdelkader Djeghloul entre autres. Faire du cinéma ? «Mon père enrageait. ‘‘Ce n’est pas sérieux, ça ne nourrit pas son homme’’, me répétait-il. Il rêvait pour moi de quelque chose de stable. Mais j’avais brillamment réussi à l’Institut du cinéma et cela suffisait à mon bonheur !» En 1966, Ahmed retourne à Alger et est affecté au CNCA et travaille avec Ahmed Hocine à la Cinémathèque d’Alger jusqu’en 1973. Parallèlement, il collabore à la rubrique culturelle d’El Moudjahid sous le pseudo de Réda Koussim, pourquoi : «J’ai choisi Koussim qui a fait des études supérieures tout en jouant très bien au foot ; pour moi, c’était un modèle.»
En 1967, Ahmed anime à la Radio l’émission «Tribune des écrans», en présentant les films qui passaient dans les principales salles du pays. Puis, ce fut le fameux «Télé-ciné-club» qui obtint un succès retentissant. Tout le monde se souvient de ces moments de liberté, à l’époque où celle-ci était brimée.
Sombre sort pour les salles obscures
«Le premier film que j’ai diffusé, c’était le début du cinéma parlant. Un film très dur, M. le Maudit, de Fritz Lang qui traitait de la montée du fascisme. Les décideurs m’avaient proposé une tranche horaire indue à 23h, après le film et le dernier JT. Mais j’avais l’intime conviction que les téléspectateurs avaient découvert le décryptage, l’analyse cinématographique. C’était un cinéma populaire. Les gens m’appelaient en direct. Il n’y avait pas de filtre, on prenait un risque énorme. Le débat s’est poursuivi au-delà de 2h du matin. Le lendemain, j’ai dit à mon épouse : ‘‘C’est ma première et dernière émission’’. Mais, surprise, le DG m’appelle m’informant que l’émission avait fait un tabac et que désormais elle passerait après le JT de 20h.
Quelle aubaine, d’autant que j’ai appris que Boumediène, qui suivait assidûment l’émission, était un fervent cinéphile. J’étais devenu intouchable. Puis ce fut, Bab El Hadid, le film ‘‘monument’’ de Chahine. Ce n’était plus les films à l’eau de rose égyptiens où la danse du ventre tient la vedette auxquels les Algériens étaient habitués. On avait débattu ce soir-là jusqu’ à 1h du matin. Télé-ciné-club a duré 20 ans. J’étais programmé pour le 12 octobre 1988. Il y a eu le 5 octobre avec ses fureurs et ses révoltes. J’ai assisté aux manifestations. Ma parole s’est coupée. Comment peut-on parler de cinéma alors que le cinéma est dans la rue ? Des Algériens qui tirent sur d’autres Algériens !
C’était inconcevable, j’en étais traumatisé. J’ai décidé de ne pas reprendre mon poste à la télévision. J’ai eu le pressentiment que le rêve était brisé et que la rue avait remplacé le cinéma. Les salles ont commencé à fermer. Le public s’est recroquevillé sur les cassettes VHS. Le réel avait rattrapé la fiction. Il y avait comme une rupture, un malaise. Les gens n’avaient plus envie d’être ensemble dans des salles obscures. C’était devenu un cinéma virtuel et non réel. Car on ne fait pas un cinéma sans public.» Où va le cinéma algérien si tant est qu’il en existe un ? Il y a certes des cinéastes doués, mais point d’industrie cinématographique ni de volonté politique. L’état des lieux n’est pas reluisant. Quelques grands succès, une Palme d’or (une aubaine pour le régime de l’époque qui en a bien tiré des dividendes). Puis, le désengagement de l’Etat en 1998 en procédant de surcroît à la dissolution pure et simple des entreprises publiques de production et de distribution cinématographiques.
Sans liberté, pas de cinéma
Et, pour boucler la boucle, la fermeture des salles obscures est venue sonner le glas du septième art chez nous. Sur les 400 salles recensées en Algérie en 1962, il n’en reste plus qu’une vingtaine, regrette Ahmed, convaincu qu’il n’y a pas de cinéma mais seulement des cinéastes. Le Tout-Etat qui finançait, bien que chichement, qui légiférait, qui gérait (mal), qui orientait et censurait a pris la poudre d’escampette, laissant sur le carreau des ambitions et des rêves brisés. Le cinéma s’éclipse, concurrencé par les moyens sophistiqués de communication et de son éternelle rivale, la télévision. Les résultats sont tels que l’Algérie est le pays où il y a le plus d’antennes paraboliques au monde.
Les industries de l’audiovisuel et de la communication «globalisée» vont nous fourguer n’importe quoi sans qu’on puisse recourir à notre libre arbitre. Ahmed, qui aime les formules qui frappent, n’a pas de contorsions avec ses principes et est loin de flirter avec le dogmatisme. On le voit surtout plongé dans une contemplation désabusée de son amour-passion, le cinéma, dont la descente aux enfers l’irrite et l’agace. Dans ces sociétés virtuelles où le paraître prend le pas sur l’être, le cinéma, miroir grandissant de la société, est un des derniers endroits de liberté qui offre une radioscopie de nous-mêmes et de notre époque.
Pour qu’une société soit solidaire, vive bien et se sente bien, il faut qu’elle partage ses émotions. Mais que peut-on dans une société secouée et décapsulée comme une bouteille d’eau gazeuse ? La vérité s’éloigne de plus en plus de nos vies de citoyens, remplacée par les approximations, les caricatures, les insultes.
A ce propos, l’épisode malheureux du film L’Oranais de Lyès Salem assailli par les tenants de l’intolérance est édifiant et inquiétant à la fois. «La liberté de dire, c’est comme une sève. Il faut la laisser éclater. Le cinéma est une démarche, un choix, même si la vision est personnelle et non globale». «Vouloir projeter Hors-la-loi à Cannes est une erreur, et on n’a pas besoin d’être à Cannes pour être reconnu», affirme Ahmed qui fait savoir que Mohamed Lakhdar Hamina n’a pas trouvé de coproducteur en France. Comment le peut-il alors que son dernier film, Crépuscule des ombres, traite de blessures non encore cicatrisées. Les mémoires sont encore blessées des deux côtés de la Méditerranée. Mais il faut se libérer du regard colonial.
La décolonisation reste à faire mutuellement. Toujours est-il qu’après 50 ans, les passions sont toujours très vives et les tensions exacerbées. «Même au niveau des images, le contentieux est très lourd», relève Ahmed qui se désole de la situation du 7e art qui meurt d’une mort lente. «Les producteurs sont soit des demandeurs d’asile, soit des demandeurs de budget, dépouillés de leur propriété intellectuelle.» Actuellement, on ne parle que d’avant-première, où ce sont les mêmes 700 personnes qui viennent, et des festivals qui sont légion mais que personne ne voit. On est en train de parler d’un cinéma fantasmé et pas d’un cinéma réel. Le langage de Bedjaoui, direct et concis, émaillé d’humour, contraste avec les phrases alambiquées de certains hommes du secteur qui ne donnent jamais le fond de leur pensée, en s’abstenant d’«affamer le loup et de mécontenter le berger», comme le dit le vieil adage bien de chez nous…

zadhand
15/12/2014, 22h19
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Boîte de Pandore
Parution. Les Années Chadli Bendjedid 1978-1992 de H’mida Ayachi
http://www.elwatan.com/img/trans.gif (http://www.elwatan.com/culture/boite-de-pandore-15-12-2014-281568_113.php#)
le 15.12.14 | 10H00
Il n’avait aucune ambition. Ni calcul politico-politicien. Encore moins n’était-il attiré par les intrigues et les secrets d’alcôve du pouvoir. Chef de la IIe Région militaire d’Oran, cet épicurien qui jouait aux échecs avec le président Houari Boumediène, Chadli Bendjedid, contre toute attente, avait été «adoubé» malgré lui pour devenir le président de la République algérienne de 1978 à 1992. Blague à part, un premier mandat, une fossilisation, et puis une démission…


H’mida Ayachi, journaliste et auteur, vient de publier un essai intitulé Les Années Chadli Bendjedid 1978-1992, aux éditions Dar Socrate. Il s’agit d’une réplique en français traduite de l’arabe par Sara Haïder (journaliste et romancière). Mais cet ouvrage a été enrichi par des textes et autres témoignages inédits. Car H’mida Ayachi, dans les années 1980 et 1990, avait eu la chance, il faut le reconnaître, de rencontrer les «tenants et détenants» du pouvoir.
De longues et éloquentes entrevues avec des personnalités imposantes, agissantes et impérieuses telles que Chérif Belkacem, Chérif Messaâdia, les généraux Larbi Belkhir, Rachid Benyelles, Khaled Nezzar, les anciens chefs de gouvernement Belaïd Abdeslem, Kasdi Merbah (ancien chef de la sécurité militaire), Mouloud Hamrouche et Sid Ahmed Ghozali, le ministre de l’Intérieur Boubakar Belkaïd, les leaders islamistes Abassi Madani, Ali Belhadj, Ali Djeddi, Kamel Guemazi, Abdelkader Hachani, El Hachemi Sahnouni, Ahmed Merrani… Et puis, la rencontre, tardive, avec l’ex-président Chadli Bendjedid. Alors journaliste au quotidien El Youm, il réalisera une interview avec lui, un après-midi de 2001, chez-lui, en présence des membres de sa famille.
D’emblée, H’mida Ayachi précise à propos de cet ouvrage : «A travers ces témoignages, ces rencontres, ce vécu, j’essaye avec Les Années Chadli Bendjedid 1978-1992 de raconter ma vérité, dans l’espoir d’ouvrir aux lecteurs une voie parmi tant d’autres, une lisibilité de notre histoire en marche…». Pour ce faire, H’mida Ayachi adoptera un historique et une didactique sur l’Algérie post-Boumediène. Un travail documentaire de par l’œil du journaliste. Un témoin oculaire, et de surcroît à… charge. Il a rencontré et entretenu une quarantaine de personnalités gravitant autour du sérail entre conflits et intrigues.
Il avait une ruse rurale
A la question portant sur le choix du président Chadli, l’auteur rétorque, non sans détails : «Chadli Bendjedid, c’est une personnalité très compliquée. Il était la victime du système. Parce qu’il était un simple militaire, un épicurien, un apolitique, sans ambitions, dans un contexte bien précis de lutte pour le pouvoir l’opposant à deux hommes forts, celui du FLN, Mohamed Salah Yahiaoui, prônant une orthodoxie ‘‘boumédienniste’’, populiste et arabo-islamiste, et Abelazziz Bouteflika, prétendant et voire ‘‘dauphin’’ légitime de Houari Boumediène.
Et entre les deux, un arbitrage tactique des services secrets (sécurité militaire) sous la férule de Kasdi Merbah, pour imposer Chadli Bendjedid. Et par conséquent, le préparer à prendre le pouvoir et devenir Président…Kasdi Merbah avait des ambitions. Il voulait être Président. Mais Chadli avait cette ruse rurale. Il a su profiter des dissensions internes. La fascination du pouvoir aidant, Chadli a créé un clan sans le savoir.
Une garde prétorienne formée de faucons. Toufik (général de l’armée algérienne et responsable du département du Renseignement et de la Sécurité, le service de renseignements algérien, depuis novembre 1990) est sa création…Chadli était un homme fort !... Il a assuré un équilibre technocrate. Les réformes, c’est Chadli. Et non pas Hamrouche. Il voulait effectuer une rupture avec le socialisme populiste. Ainsi a-t-il travaillé avec des experts.
Chadli, c’est un stratège qui a réussi à éloigner Kasdi Merbah et Chérif Messaâdia. Il est le vrai père de l’ouverture, des réformes et du multipartisme…». Une assertion démentant et démontant les fameuses blagues circulant parmi le peuple se fendant la poire. Dans cet ouvrage, Les Années Chadli Bendjedid 1978-1992, H’mida Ayachi dans une déclinaison chronologique retrace les 14 années de règne de Chadli.
Dans le premier chapitre intitulé Les hasards de l’histoire, on y lit : «Pour trancher dans la guerre de succession faisant rage — à l’issue de la mort prématurée de Houari Boumediène, le 27 décembre 1978, à l’âge de 46 ans — Kasdi Merbah a choisi un homme qui n’a jamais désiré le pouvoir… Au début, le favori, Chadli Bendjedid, ne s’emballa pas pour cette aventure, mais Kasdi Merbah, soutenu par l’oligarchie militaire, ont exercé une telle pression qu’il finira par céder…
Kasdi Merbah a donc réussi à placer le candidat de l’armée...». Ainsi, le choix a été porté sur un homme neutre, non impliqué dans les luttes intestines du pouvoir, et surtout le plus âgé des autres candidats. Chadli Bendjdid était aussi connu pour sa loyauté à l’endroit de Houari Boumediene. Il «bluffera» son monde en recourant à une «déboumediénisation» du système.
Une rupture avec le lourd et peut-être encombrant héritage de Boumediène. Chadli avait été sous-estimé par Kasdi Merbah, le résumant à un homme non politisé, peu cultivé, noceur… Ne voulant guère faire de la figuration ou encore être une «potiche», Chadli commençait à prendre goût au pouvoir. L’on découvrira chez lui un talent insoupçonné : celui d’exceller dans les affaires politiques.
Compromis et compromissions avec les islamistes
Chadli Bendjedid, sachant qu’il ne pouvait rivaliser avec son prédécesseur, Houari Boumédiène, sans aura ni charisme, optera pour une trajectoire antinomique. Le libéralisme, l’ouverture, facilitant les voyages pour les jeunes, la consommation… Lui, le proche et le loyal de Boumediène était devenu le fossoyeur de son legs. Il avait pris conscience, même présidant aux destinées de son pays, qu’il risquait une éjection rapide. Et ce, au grand dam de Kasdi Merbah voulant faire de lui un personnage de transition. Le «chadlisme» de façade était né. Il réussira à effectuer un rapprochement avec la France, les USA, à travers un long voyage et les pays du Golfe.
Dans le chapitre intitulé Le printemps berbère ou la guerre identitaire, l’auteur présente une des facettes sombres de Chadli Djedid : «Le Printemps berbère constituait un grand défi pour Chadli Bendjedid qui, malgré ses manœuvres pour contrer le soulèvement en Kabylie (20 avril 1980), s’était montré autoritaire, dictatorial et violent, n’hésitant pas à recourir à la torture dans les commissariats de police et les casernes des renseignements militaires…».
Un point noir à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de l’Algérie. La teneur du chapitre Danse avec les islamistes porte sur le compromis et la compromission de Chadli Bendjedid avec l’islamisme. Commençant par une contradiction avec le libéralisme affiché à l’envi par Chadli Bendjedid. Un conservatisme pernicieux. L’adoption du fameux Code de la famille — de l’infamie — par le Parlement et réduisant le statut de la femme en éternelle mineure.
Le télécoranique égyptien, Cheikh El Ghazali, prêche en direct chaque semaine à la télévision étatique, c’est l’avènement de l’Omra (pèlerinage à la Mecque (Arabie Saoudite), une destination tolérée aussi pour le djihad en Afghanistan, et ce, en passant par Peshawar (Pakistan), contre les impies soviétiques.
Mahfoud Nahnah, le leader du mouvement Hamas, bien plus tard, en 1993, au siège de son parti, avouera dans une interview donnée à H’mida Ayachi cela : «Qu’il a été encouragé par les autorités afin d’enrôler des centaines de jeunes Algériens dans le djihad contre l’occupation soviétique...». Et confirmera aussi : «Avec Chadli, l’islamisme de la clandestinité s’affiche maintenant publiquement…». En guise de flash-back, H’mida Ayachi s’attarde sur les concessions du président Chadli Bendjedid aux islamistes pour «neutraliser» toute expression revendicative et protestataire de gauche ou encore communiste, le mouvement identitaire et culturel berbère.
D’une manière flagrante et «insolente», dix jours après l’assassinat de Kamel Amzal au campus de Ben Aknoun, le 12 novembre 1982, se tenait la toute première manifestation islamiste, au centre d’Alger, sous les auspices de Abassi Madani, Abdellatif Soltani, Ahmed Sahnoun… Ils avaient lu un manifeste comptant quatorze points portant notamment sur le pouvoir, l’abolition de la mixité, l’application de la charia, le «nettoyage» de l’appareil de l’Etat des éléments communistes.... «Le pouvoir était obligé de céder.
Ce qui motivera Bouyali à passer à l’acte. L’islamisme armé. L’attaque de l’Ecole de police de Soumaâ, en 1985…», indique H’mida Ayachi. D’autres chapitres-clés figurent dans cet essai. Comme Un Président-roi, Le raï entre en jeu, La voie vers octobre, Larbi Belkhir, un général dans l’œil du cyclone, Abassi Madani, l’homme du salut, Guerres dans les remparts de Corrodes et La fin de l’histoire.
Le livre Les Années Chadli Bendjedid 1978-1992 figure dans un projet trilogique qui comptera Les années 1962, Benbella-Boumediène et celles de 1991 au troisième mandat du président Bouteflika. Bien qu’émaillé par quelques fautes de frappe, Les Années Chadli Bendjedid 1978-1992 est un livre de chevet !

zadhand
07/05/2015, 22h18
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A LA UNE/MEMOIRE
07 MAI 2015



Un témoignage-clé du docteur Chawki Mostefaï, ancien membre de la direction du PPA«Le 8 Mai 45 a enfanté le 1er Novembre 1954»
Mardi 28 avril 2015. 19h16. Le téléphone sonne. Au bout du fil, la voix de l’Histoire. Incarnée par le timbre chaleureux du docteur Chawki Mostefaï, figure majeure du Mouvement national. Nous avions pris le soin de le contacter quelques heures plus tôt dans l’espoir de recueillir son témoignage sur les événements du 8 Mai 45.
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Docteur Chawki Mostefaï



Ancien membre de la direction du PPA qu’il intègre dès 1940, acteur et témoin de premier plan de tous les moments-clés de la geste libératrice, c’est peu dire que c’est un réel privilège de le rencontrer. Affable au possible, M. Mostefaï accède sans peine à notre demande. Il nous fixe rendez-vous pour le lendemain, à 17h, à son domicile, quelque part sur les hauteurs d’Alger.
L’homme est connu pour sa discrétion légendaire. Le nombre d’interviews qu’il a accordées depuis 1962 se comptent sur les doigts d’une seule main. Le grand militant de la cause nationale qu’il est a poussé l’abnégation au point de se retirer de la vie publique sitôt l’indépendance acquise. Et s’il a choisi de vivre en retrait, loin des salons et des sunlights, il suit avec attention les moindres soubresauts de sa chère Algérie qu’il a portée dans ses tripes, et qui lui doit rien de moins que son emblème. Mercredi 29 avril. Nous pointons, à l’heure dite, devant chez lui.L’ancien membre de l’Exécutif provisoire nous attendait dans son bureau au décor sobre, et dont le moindre objet, nous semblait-il, recelait une inestimable valeur historique. Veste beige sur une chemise à rayures bleues, le docteur Mostefaï est l’élégance même. A 96 ans, il s’impose comme un grand témoin du XXe siècle. Nelson Mandela — pour ne citer que lui — avait gardé de sa rencontre avec lui ce précieux conseil : «Il nous a expliqué que ce genre de guerre n’avait pas comme objectif de remporter une victoire militaire, mais de libérer les forces économiques et politiques qui feraient tomber l’ennemi». C’est tout le côté visionnaire, fin stratège, éminence grise diraient certains, de Chawki Mostefaï.Quatre heures passionnantes avec un témoin du siècleLe verbe truculent, la mémoire intacte, l’homme est intarissable. L’entretien qui devait durer une heure s’étale sur quatre heures pleines, intenses. Nous prendrons assez vite la mesure de la stature intellectuelle de l’homme et sa passion de la liberté. Il faut dire que sa ferveur militante n’a pas pris une seule ride. S’il accepte volontiers de nous entretenir de ce qu’il a vu et vécu, notre hôte nous fait d’emblée part de sa volonté de ne pas être enregistré. Pas de dictaphone donc, ce «mouchard» comme il dit, qui l’obligerait à jauger chacun de ses propos, lui dont chaque parole vaut document, et chaque mot fait quasiment office d’archive orale.C’est vrai que pour le gouailleur plein d’esprit qu’il est, c’eût été assez délicat de devoir à chaque fois réfréner sa verve savoureuse truffée d’humour et saupoudrée de petites phrases délicieusement tournées. Qu’à cela ne tienne ! Pour compenser, le docteur Chawki Mostefaï, en intellectuel méthodique, nous avait préparé une petite brochure à l’enseigne de l’association du 11 décembre 1960 dont il est membre, et où il livre son propre témoignage sur les événements de Mai 45. C’était à l’occasion de la commémoration, par cette association, du 58e anniversaire des massacres du 8 Mai 45. Le moins que l’on puisse dire est que son récit est extrêmement documenté, précis. Précieux.Chawki Mostefaï n’omet pas de signaler, avec l’honnêteté intellectuelle qui le caractérise, que son témoignage est élaboré avec le concours de deux de ses plus proches compagnons de lutte : Saïd Amrani et Sid-Ali Abdelhamid. Brandissant le livret de facture artisanale, il lance : «Mohamed Harbi m’avait dit, une fois, à Paris, que ce petit fascicule avait valeur de document officiel et que c’était, sans doute, le témoignage le plus rigoureux sur les événements de Mai 45 côté PPA». «C’est le dernier exemplaire en ma possession», ajoute-t-il en souhaitant que dans un jour proche, il fasse l’objet d’une édition en bonne et due forme.C’est donc principalement sur ce document que nous baserons cet article, tout en nous autorisant, avec l’approbation du docteur Mostefaï, quelques séquences d’oralité inspirées de la passionnante entrevue dont l’ancien député du PPA-MTLD a eu l’amabilité de nous gratifier.
Chawki Mostefaï fera remarquer en introduisant son récit qu’il a fait partie des «personnes qui ont eu à prendre des décisions urgentes et assumer des responsabilités importantes. C’est le cas de Saïd Amrani et de moi-même qui avons la chance et l’avantage d’être deux survivants de cette direction politique qui a marqué un tournant décisif dans la marche de notre pays vers son indépendance».«Il fallait frapper un grand coup»Mai 45. A l’approche de l’Armistice, un consensus s’était dégagé au sein des formations politiques algériennes de l’époque, de mettre à profit les célébrations de la victoire des Alliés sur le nazisme pour faire entendre la voix du peuple algérien. Il était également important, souligne Mostefaï, de démentir l’idée selon laquelle les Algériens, par pragmatisme, s’étaient ralliés à Hitler. «A la direction du PPA, écrit-il, nous étions conscients que les effets conjugués de la propagande française, relayée par celle des Partis communistes algérien et français, devaient être combattus avec toute la vigueur nécessaire si nous ne voulions pas laisser accréditer aux yeux du camp occidental l’idée que le ‘‘peuple algérien était l’allié de l’Allemagne nazie’’.Il fallait frapper un grand coup et démontrer, au moment de la célébration prochaine de la victoire définitive du camp de la démocratie sur l’hitlérisme, que le peuple algérien, partisan de la démocratie et de la liberté des peuples, entendait célébrer dans la joie et l’enthousiasme la fin du cauchemar né de l’hitlérisme et son équivalent, le colonialisme, contre lesquels le peuple algérien a consenti les plus grands sacrifices sur tous les fronts de la guerre et autres Cassino». Chawki Mostefaï poursuit : «Et pour profiter au maximum du retentissement médiatique, à l’échelle mondiale, de la victoire des pays de la Charte de l’Atlantique, l’Algérie devait fêter sa victoire en tant que peuple, en tant que nation opprimée, indépendamment de la France et de ses institutions, en arborant tout haut l’emblème de sa propre souveraineté.C’est ainsi que nous décidâmes, au sein du Comité Directeur, de défiler le jour des manifestations de la victoire, en arborant le drapeau de l’Etoile nord-africaine et du PPA en tête des cortèges». Décrivant l’atmosphère qui régnait à la veille de ces grands chambardements, l’ancien responsable PPA note : «Depuis le mois de mars 1945, la défaite allemande s’avérait imminente. Le mouvement des AML (Les Amis du Manifeste et de la Liberté de Ferhat Abbas, ndlr), avait pris un développement fulgurant, et ce, à l’échelle du territoire national, dû pour une bonne part à l’action de l’organisation du parti PPA.L’état d’esprit de la population était marqué par l’impatience et le désappointement devant le refus obstiné de l’autorité locale et du pouvoir métropolitain d’accorder une quelconque attention aux revendications nationales, même quand elles sont empreintes de modération et d’esprit de compromis. Les alliés anglo-américains accordaient à la France le privilège du monopole colonial dans le traitement des affaires politiques en Algérie et ailleurs, en vertu de la priorité de la guerre sur toute autre préoccupation».«La répression a dévoilé le vrai visage du colonialisme»Au sujet de la «paternité politique» des manifestations du 8 Mai 45, Chawki Mostefaï relève : «La question de savoir qui a décidé et organisé les manifestations du 8 Mai 45 à travers le territoire algérien a fait l’objet d’interprétations diverses et généralement erronées». D’après lui, «les défilés de la victoire qui sont la cause déclenchante des événements douloureux de mai 45 ont été organisés par le PPA et par le PPA seul». Quid des AML de Ferhat Abbas ? «Il paraît évident que Ferhat Abbas et ses amis n’ont pas manqué, non plus, d’y avoir songé. Mais le fait est que, engagé solidairement dans le cadre des AML, nous avons naturellement proposé à l’instance dirigeante de ce mouvement d’en prendre la paternité», assure-t-il.Le point d’achoppement avec Ferhat Abbas, souligne Mostefaï, aura été l’exhibition du drapeau algérien et le contenu des mots d’ordre. «La proposition était acceptable, sous réserve de non déploiement du drapeau qui représente une atteinte directe et flagrante à la souveraineté française et entraînerait immanquablement une action répressive immédiate», indique l’ancien ambassadeur du GPRA en parlant des réserves émises par Ferhat Abbas. Malgré l’intransigeance du PPA quant à ses mots d’ordre indépendantistes, M. Mostefaï insiste sur le caractère résolument pacifique des manifestations tel que cela est traduit par les consignes du parti. «Un ordre du jour, rédigé de mes propres mains, et décidé par la direction du Parti en vue de réitérer, d’une manière pressante et insistante, les consignes de précaution et de prudence face à d’éventuelles provocations, fut diffusé à toute l’organisation», affirme-t-il.Et de s’interroger : «Comment expliquer qu’une intention, qu’un objectif de nature essentiellement pacifiques, débouchent sur une tragédie de cette dimension ?» Il répond dans la foulée : «Il est clair que la manifestation de Sétif au cours de laquelle le jeune Bouzid Saâl a trouvé la mort, à l’instar de ses collègues porteurs du drapeau vert et blanc, à Alger, Blida et Oran, le 1er Mai, aurait pu en rester là si les consignes données par la Direction, et les efforts déployés par les responsables (témoignages de Mahmoud Guenifi, de Taârabit) pour désarmer, dissuader et disperser les manifestants ivres de vengeance, n’avaient pas été sournoisement et savamment sabotés par les agents de l’ordre public, commissaires et inspecteurs de police en tête, et civils européens, tirant à partir des fenêtres d’immeubles.Vu l’état d’esprit des populations, rurales notamment, qui étaient majoritaires dans les cas de Sétif et Guelma, et qui étaient, par tradition ancestrale, venues armées de gourdins, couteaux et autres armes à feu, dont la plupart avaient été confisquées par les services d’ordre, les manifestants réagirent dans un réflexe de vengeance et de haine accumulée et transformèrent rapidement le défilé en émeute. C’était, de toute évidence, le secret espoir des autorités lesquelles subissaient les pressions des populations européennes qui réclamaient, depuis quelque temps déjà, une répression exemplaire du mouvement nationaliste».Le docteur Mostefaï a sans doute trouvé les mots justes pour qualifier la sauvagerie de la répression qui a suivi le soulèvement populaire du 8 mai 45 lorsqu’il écrit : «Les événements de Mai 45 ont dévoilé le vrai visage du colonialisme : sanguinaire, aveugle, impitoyable. C’est à un combat sans merci qu’il faut se préparer. Telle est la conclusion qui s’est imposée à nous». La répression est telle, relate Chawki Mostefaï, que la direction du Parti est obligée d’émettre un ordre d’insurrection générale à titre de diversion pour la nuit du 23 au 24 mai 1945. L’objectif est de desserrer l’étau sur le Constantinois, la région étant en proie à un déluge de feu.Une insurrection de diversion pour desserrer l’étau«Vers le 10 et le 11 mai, des militants de Sétif et Guelma sont venus chercher de l’aide, supplier le Parti de faire quelque chose pour soulager la région, plongée dans un enfer de tueries et de destructions ; ils demandaient des armes pour se battre. ‘‘Aidez-nous par pitié’’, répétaient-ils. Nous étions une petite poignée de dirigeants qui se trouvèrent brutalement confrontés à une situation d’une extrême gravité.La direction restreinte se composait à ce moment-là de cinq ou six personnes. Hocine Asselah, Hadj Mohamed Cherchalli, Saïd Amrani, Chadly El Mekki, Ahmed Bouda et moi-même». «Nous avons vécu 48 heures de réunion non-stop, à l’affût des moindres informations qui nous rapportaient l’aggravation des massacres de populations et nous faisaient prendre conscience de la distance qui séparait nos ambitions de nos capacités. Est-ce qu’il y avait place pour une action politique quelconque ? Pouvait-on suspendre la tuerie en alertant les médias à l’échelle mondiale ?Fallait-il décider de manifestations de masses pour contrecarrer une action génocidaire sans risque de voir ces actions dégénérer en jacqueries entraînant les massacres à l’échelle du pays ?» L’option qui sera retenue, en dernier ressort, consistait à déclencher, par les seuls militants du PPA, des actions dans les autres régions en guise de «contre-feu». «Le vote intervenu fut unanime pour décider de créer des centres de fixation des forces répressives», témoigne l’ancien membre dirigeant du PPA-MTLD. «La décision est prise. Non d’une insurrection générale proprement dite (…) mais en vérité d’une action de diversion.» Celle-ci ne tardera pas à faire son effet : «Sétif et Guelma assistaient à des déplacements de troupes qui prenaient la direction de l’Algérois, et enregistraient un certain ralentissement dans les actes répressifs.Il semblait que notre analyse était correcte et que la menace d’actions considérées comme le début d’une insurrection armée généralisée avaient été prises en considération par les autorités coloniales (…) Notre objectif principal de soulager la pression exercée sur les populations, rurales notamment, était en train de se réaliser sous nos yeux». Si la machine punitive coloniale recule, la direction du PPA clandestin se retrouve confrontée à un autre casse-tête : fallait-il arrêter ou continuer ?C’est qu’il n’était pas aisé, en effet, de donner consigne aux militants de tout stopper après les avoir préparés à un dessein aussi exaltant. «Nous aurions l’air de quoi ? On mobilise des militants qui vont aller au casse-pipe (…), on les appelle aujourd’hui à prendre les risques d’une guerre et demain à réintégrer leurs pantoufles ?» fulmine le docteur Mostefaï. «Et puis, je me rappelai, à un moment donné, les paroles de Mohamed Lamine Debaghine quand je lui avais annoncé le projet de déclenchement, par les étudiants, de l’insurrection armée pour le 1er octobre 1940 : ‘‘Une insurrection qui échoue fait plus de mal que de bien’’.
Les révoltes antérieures, pour ne citer que celles de l’Emir Abdelkader, Zaâtcha, Ouled Sidi Cheikh, Mokrani, Bouamama et tant d’autres n’ont eu d’autres résultats que la répression féroce et sanglante, génocidaire, la spoliation de centaines de milliers d’hectares de terre, la destruction des villages, l’asservissement de la population qui, soumise, ne mettra que de longues décennies à retrouver petit à petit le chemin de la liberté et de la lutte pour son indépendance», analyse-t-il avec lucidité. Verdict : le 18 Mai 45, la direction du PPA décide «d’arrêter les frais» et vote le «contre-ordre».«L’ère de la revendication platonique est définitivement enterrée»Le parti nationaliste se fixe, désormais, pour mission de «capitaliser» le traumatisme de 45 pour mieux enclencher la dynamique libératrice. «Ma position était qu’il fallait annuler l’ordre dit d’insurrection pendant qu’il était temps. De cette façon, nous préserverions, pour notre peuple, pour notre organisation, toutes les chances de reprendre le projet dans de meilleures conditions, de maturité, de confiance, de préparation technique et politique. Notre première tâche est de poser, au sein de notre organisation, la question de la stratégie générale de lutte. Au point de vue du développement de l’idée d’indépendance, nous avions accompli un pas considérable.Entre 1940 et 1945, l’Algérien ne se reconnaît plus. Il a pris conscience de lui-même, de sa situation, de ses moyens et de ses ambitions», positive Chawki Mostefaï en bon stratège. «Ce 8 mai 45, dissèque-t-il, a coûté cher à notre peuple, certes, mais il nous aura rendu un immense service : celui de nous faire comprendre que l’ère de la revendication platonique est définitivement enterrée, que l’incantation verbale de l’indépendance est largement dépassée ; que Mai 45 constitue une charnière dans l’ordre mondial et que la lutte contre la domination coloniale doit prendre une tournure concrète, réaliste, efficiente, patiente et constructive pour créer un nouvel équilibre de force entre nous et l’adversaire».Pour lui, «ce rapport de force sera moral, culturel, technique, scientifique, économique, diplomatique, politique, pour sous-tendre la préparation, la formation, l’accumulation des moyens de la lutte armée. La lutte contre l’oppression coloniale dans un pays qui est une colonie de peuplement ne peut pas connaître le succès sans le recours aux armes. Ce recours aux armes est le point de passage obligé pour amener la puissance coloniale, quelle que soit sa force, à envisager de négocier.A partir de là, la révolution libératrice entre dans une période de flux qui la mènera jusqu’à la victoire finale». Et l’histoire donnera remarquablement raison à Chawki Mostefaï et ses frères d’armes les plus irréductibles. Des millions de Saâl Bouzid piaffaient d’impatience d’en découdre, drapeau à la main. Ils seront admirablement servis. Moins de deux ans après les massacres, l’Organisation spéciale est créée. Ses membres constitueront le noyau dur du futur FLN. Dans une de ces formules dont il a le secret, Chawki Mostefaï résume parfaitement cette filiation : «Le 8 Mai 45 a enfanté le 1er Novembre 54».
Mustapha Benfodil

zadhand
11/12/2015, 19h49
A LA UNE/ACTUALITÉ_Histoire 11 Décembre 2015


Savez-vous ce qui s’est passé le 11 décembre 1960 ?


Aujourd’hui jeudi 11 décembre, l’Algérie fête
l’un des événements marquants
de son histoire. Il y a 50 ans, le peuple, grand, fort,
fier et entier s’est soulevé comme un seul homme
envahissant ruelles, places et avenues pour crier
haut et fort “Non à l’Algérie française !”

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zadhand
12/12/2015, 19h48
A la une / Actualité_Rappel historique-Les journées de décembre 1960
12 Décembre 2015


Le tournant décisif

Il y a cinquante-cinq ans, le 11 décembre 1960,
au chant de Min djibalina talaa saoutou el ahrar,
le peuple algérien descendait dans la rue, la poitrine nue, face aux mitrailleuses françaises.
“C’est fini, on ne se taira plus, même s’il faut mourir”, clamait-il.

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Bravant la mort, le peuple occupe le haut du pavé dans les grandes villes comme Alger, Oran et Constantine, où la population algérienne — les indigènes, comme les Européens les appelaient —
est surveillée de très près par les officiers français de l’action psychologique à travers les SAU.
Le peuple descend dans la rue également à Skikda, Annaba, Béjaïa, Blida, Cherchell, Tlemcen …
Pour illustrer l’ampleur des manifestations populaires patriotiques du 11 décembre 1960 qui eurent lieu sur tout le territoire national, je voudrais évoquer, à titre introductif au débat, l’exemple de Belcourt et de La Casbah.
Il est 10h. Sous une pluie fine, une marée humaine, brandissant le drapeau de l’Algérie combattante, surgit des quartiers populaires du Vieux Kouba, du Ruisseau, du Clos-Salembier, de Birmandreis, en passant par le Ravin de la Femme Sauvage. Grossie par la foule descendue des hauteurs de Belcourt et des lieux environnants, elle s’approche du quartier européen du Champ-de-Manœuvres où s’étaient groupés les partisans de l’Algérie française.
Sur fond du chant patriotique Min Djibalina, des milliers de voix scandaient à l’unisson :
“Vive le GPRA ! Abbas au pouvoir ! Algérie musulmane ! Vive l’ALN ! Vive le FLN !”
“C’est un spectacle qui coupe le souffle”, écrit un journaliste français. La rue Albert-Rozet (Laâqiba comme les enfants de Belcourt la nomment), une ruelle de 3 mètres de large, qui descend sur près de 800 mètres des hauteurs de Belcourt, semble prête à éclater sous la tempête qui s’y déchaîne. 5 000 musulmans sont entassés et brandissent des drapeaux vert et blanc à croissant rouge, des pancartes :
“Algérie indépendante ! Libérez Ben Bella ! Référendum sous contrôle de l’ONU ! Lagaillarde au poteau !” “Au premier rang, des jeunes lèvent le poing. Derrière eux, d’autres jeunes juchés sur des épaules brandissent des banderoles ‘Vive le FLN’”, témoigne le journaliste français. Sur une large banderole barrant la rue de Lyon (aujourd’hui Mohamed-Belouizdad), on lit : “Négociations.”
Une sorte de réponse au général de Gaulle, président de la République française, qui, avant d’entamer son voyage en Algérie au mois de décembre 1960, avait réaffirmé son refus de discuter avec le GPRA de l’avenir de l’Algérie, lors d’un discours prononcé à Paris le 4 novembre, un mois auparavant. Le but de son voyage en Algérie était de présenter aux corps constitués son projet de loi qu’il devait soumettre à référendum le 8 janvier 1961. Le projet de loi portait sur la mise en place d’un Parlement et d’un Exécutif algérien “qui, une fois établis, détermineront en temps utile, la date et les modalités du référendum d’autodétermination”. “Construire l’Algérie algérienne sans et contre le FLN”, disait Bernard Tricot, collaborateur immédiat de de Gaulle. C’est cette Algérie que les officiers de l’action psychologique voulaient faire plébisciter par les Algériens. Les militants du Front de l’Algérie française, le FAF, accueillent, par des cris hostiles, le général de Gaulle, arrivé en Algérie le 9 décembre 1960. Ils appellent à la grève générale. C’est pour étendre cette grève aux quartiers musulmans qu’ils entrent en force dans Belcourt. “Ils sont venus nous provoquer, déclare un jeune de Belcourt à l’envoyé spécial du quotidien français Le Monde. Nous avons réagi.” D’où le caractère apparemment spontané de la manifestation, comme le souligne un responsable de la zone 6 de la wilaya IV. Mais le peuple d’Alger était conscient de l’enjeu. Sa réaction a été politique. Il surprend les officiers de l’action psychologique qui pensaient l’entendre crier “Algérie algérienne”, lui faisant avaliser, par là, la politique néocoloniale du général de Gaulle intéressé par les gisements de pétrole de l’Algérie.
En voyant le drapeau de l’Algérie combattante surgir dans Alger qu’il pensait “pacifiée”, un des officiers confie à un journaliste français : “Nous avons subi un véritable Diên Biên Phu (*) psychologique… Pensez qu’on crie ‘Vive le FLN !’.” Reprenant cette réaction, le journaliste écrit : “L’explosion des sentiments populaires… réduisait à néant les constructions de l’action psychologique.” Un autre exemple pour illustrer ces manifestations sorties des entrailles de la société humiliée par le colonialisme français. Celui de la Casbah, berceau du nationalisme algérien, symbole de la lutte permanente contre l’ordre colonial sanguinaire, la Casbah qui a connu la torture et les disparitions au cours de la Bataille d’Alger.
La Casbah, encerclée par les Zouaves, entourée d’une triple rangée de barbelés, la Casbah des guillotinés, réveillée par les youyous des mères des martyrs, crie à pleins poumons
“Tahya el Djazaïr ! Yahia el Istiqlal !”.
À travers les ruelles en escaliers, les enfants arborent le drapeau de l’Algérie combattante.
Les manifestations patriotiques de masse gagnent tout le territoire, malgré les dangers de mort. Car il y a eu des morts par dizaines. Les militaires français tirent sur la foule à Alger, à Oran. Ils tuent la petite écolière Saliha Ouatiki (13 ans) dont l’enterrement au cimetière de Sidi M’Hamed a été troublé par les tirs des militaires français sur la foule qui accompagnait l’enfant martyre à sa dernière demeure.
En ce mois de décembre 1960, la guerre d’indépendance entrait dans sa septième année. Les manifestations de masse, se conjuguant à la lutte armée, contraignent le gouvernement français de discuter de l’avenir de l’Algérie avec le GPRA et de signer avec lui le cessez-le-feu, le 18 mars 1962. Les manifestations populaires, prélude de la victoire finale, marquent ainsi un tournant décisif dans la longue lutte du peuple algérien pour l’indépendance.
Si le peuple, un jour, …
M. R.


(*) C’est à Diên Biên Phu, au Viêt-nam, que le corps expéditionnaire français subit la défaite qui sonne le glas du colonialisme français dans cette région. Un historien allemand a qualifié les manifestations de Décembre 1960 en Algérie de “Diên Biên Phu politique” pour la France impériale.

zadhand
20/01/2016, 11h20
A la une_Campagne contre Zohra Drif et Yacef Saâdi
le 20.01.16 | 10h00


L’ignoble lynchage

Après le dossier de la décennie noire, c’est au tour des symboles de la guerre de Libération nationale
de faire l’objet de ce qui s’apparente à une campagne sans précédent dans un climat politique général
des plus délétères. Des documents de l’armée française publiés
par le quotidien arabophone Ennahar révèlent
les déclarations de Yacef Saâdi et Zohra Drif-Bitat sur l’organisation
du FLN pendant la Révolution, après leur arrestation.

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Cela fait mal de voir des icônes de la Révolution, de l’héroïque Bataille d’Alger, «zigouillées»
sur la place publique. Un document estampillé «secret» par les autorités coloniales françaises,
daté du 8 octobre 1957, mis en ligne depuis quelques jours et repris opportunément, à dessein,
par une chaîne de télévision privée et son site web, fait fureur.
Yacef Saâdi et Zohra Drif, des héros de la lutte de Libération nationale, des légendes vivantes
de la Bataille d’Alger, sont devenus, par la grâce de vulgaires détours que l’on veut faire jouer
à l’histoire, «des traîtres». Si Ali La Pointe, Ptit Omar et Hassiba Ben Bouali avaient été arrêtés,
ou tout simplement étaient encore de ce monde, ils auraient été eux aussi traînés dans la boue.
Abane Ramdane, le concepteur du Congrès de la Soummam, a été qualifié de «traître»
et le colonel Amirouche d’«égorgeur», sans oublier ceux qui ont été exilés ou tout simplement
liquidés physiquement après 1962, sous prétexte qu’ils avaient renié les idéaux de Novembre
alors qu’en réalité, leur «crime» avait été de refuser de prêter allégeance au prince du moment.
Qui a conduit alors la glorieuse Révolution algérienne si tout ce beau monde était enclin à la trahison ?
Le jeu auquel se prête le pouvoir et ses suppôts est dangereux. A vouloir trop se servir des grands
noms de la lutte de Libération, il a fini par les avilir et, avec eux, les idéaux de Novembre.
Nul n’est parfait ici-bas et ceux qui ont mené la bataille contre le système colonial et l’armée française
ne sont pas forcément des saints, mais le devoir est de reconnaître qu’ils ont été
les acteurs d’une grande épopée de l’histoire de l’Algérie.
Le vulgaire lynchage qui prend pour cible Zohra Drif et Yacef Saâdi n’a rien d’anodin.
Bien que le document mis en ligne, — racontant ce qui s’apparente
à des confessions des deux moudjahidine
arrêtés en 1957 — sorti bien évidemment des archives coloniales, ne renseigne en rien de plus
les autorités françaises qu’elles n’en connaissaient déjà sur les leaders de la Révolution,
sa divulgation ou son exploitation obéit par contre à une volonté manifeste de punir des personnalités
qui ont fini par se rebeller contre la gouvernance chaotique du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika.
Ainsi, pour avoir été contre le quatrième mandat du président de la République en exercice,
Yacef Saâdi qui, dans une contribution publiée dans la presse
en janvier 2014 (avant l’élection présidentielle) avait appelé désespérément Bouteflika à partir
et aussi révélé que ce dernier lui avait avoué «qu’il était fasciné par le pouvoir et que nul ne pouvait
le lui ravir, si ce n’est la mort» — devait payer pour sa non-allégeance. Cela lui a valu non seulement
son poste au Sénat, mais également des attaques qui mettent en doute son passé révolutionnaire.
Zohra Drif fait l’objet d’un même traitement. Sénatrice du tiers présidentiel et vice-présidente du
Conseil de la nation, très proche du Président, elle semble tombée en disgrâce visiblement à cause
de son engagement dans la démarche des 19 personnalités ayant demandé «à voir le chef de l’Etat
pour l’informer de la gravité de la situation que vit le pays».
La moudjahida ne savait pas qu’elle avait commis un crime de lèse-majesté parce que l’initiative,
bien qu’elle ne remette pas doute la «légitimité» du palais d’El Mouradia, a tellement dérangé
les tenants du pouvoir qu’elle a de susciter leur virulente réaction. En servant aux moudjahidine
des strapontins dans les institutions de l’Etat, ce n’est finalement pas un honneur qu’on veut leur
rendre mais leur silence qu’on veut acheter. Le pouvoir et ses tartuffes sont capables du pire.


Said Rabia