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Voir la version complète : Netflix : Après des séries, des films inédits... Mais pas en france ?



rubicube
01/10/2014, 15h28
Déjà diffuseur de séries inédites sur les chaînes de télévision, Netflix ajoute une nouvelle corde à son arc. Le service de SVOD vient d'annoncer qu'il proposera en exclusivité le film Tigre et Dragon 2 dans son catalogue en même temps que sa sortie en salle. Sauf en France, chronologie des médias oblige...


Selon nos confrères du Figaro, Netflix aurait déjà attisé l'intérêt de 100 000 foyers français depuis son lancement dans l'Hexagone, le 15 septembre dernier. Si l'on peut estimer que ce chiffre ne veut actuellement rien dire - les abonnés bénéficiant d'un mois gratuit, les premiers utilisateurs français satisfont actuellement leur curiosité sans rien payer -- il n'en reste pas moins que le service de SVOD américain a su, très vite, attirer les regards. Mais cela suffira-t-il pour se faire une véritable place sur le marché français ? La question est réellement d'actualité.


Car malgré ses ambitions mondiales, Netflix se heurte à des limites locales, et la nouvelle annonce de la plateforme en est une nouvelle fois la preuve. En effet, le service, déjà diffuseur de séries inédites comme Orange is the New Black ou Hemlock Grove, a annoncé en début de semaine se lancer dans la coproduction de films. Premier titre annoncé : Tigre et Dragon 2, la suite du film d'Ang Lee sorti en 2000. Coproduit par The Weinstein Company, le film mettra en scène le personnage joué par Michelle Yeoh, seule rescapée du casting du premier film. La date de sortie est d'ores et déjà fixée au 28 août 2015.


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Tigre et Dragon 2 Netflix


IMAX et SVOD


Les billes financières placées par Netflix dans la production du film n'empêcheront pas ce dernier de sortir en salles, mais sa diffusion sur grand écran sera limitée. Seul un nombre réduit de cinémas équipés de la technologie IMAX seront en mesure de projeter Tigre et Dragon 2. Pour les spectateurs qui ne pourront ou ne voudront pas opter pour cette solution, il y aura toujours la possibilité de visionner le film de chez soi par l'intermédiaire d'un compte Netflix, et ce, dès la date de sortie du film dans les salles obscures.


Ce double canal de distribution permettra au long métrage de toucher à la fois un public de cinéphiles adeptes du grand écran, qui voudra le découvrir dans une salle de cinéma, et un public qui préfère privilégier le confort de son canapé. Seulement, ce choix stratégique ne pourra pas s'appliquer en France, en raison de la réglementation imposée par la chronologie des médias : pour rappel, cette dernière empêche actuellement les services de SVOD de proposer des films sortis en salle depuis moins de 3 ans. L'optique d'une disponibilité à la fois sur petit et grand écran s'avère actuellement impossible dans l'Hexagone.


Choix cornélien ?


Concernant la distribution de Tigre et Dragon 2 en France, Netflix aura deux possibilités : soit privilégier une sortie en salles, en bloquant ainsi durant 3 ans la mise à disposition du film au sein de son catalogue de SVOD, soit esquiver les salles obscures pour privilégier le petit écran. Compte tenu du faible nombre de salles équipées IMAX en France - moins d'une dizaine à l'heure actuelle - la seconde option pourrait être choisie, pour offrir une exposition plus durable au long métrage. La chronologie des médias pourrait également être revue d'ici là, pour passer la fenêtre de diffusion des films sortis en salles sur les services de SVOD de 36 à 24 mois, mais il n'est pas certain que cela soit à l'avantage de Netflix dans ce genre de cas.


Néanmoins, le service a d'ores et déjà annoncé sans ambiguïté sur Twitter que « la chronologie des médias sera respectée ».

ironman
11/07/2017, 18h12
Pourquoi Netflix va financer plus de séries et films français



Au mois de juin, Netflix annonçait son intention d'accroître de 40 % ses achats et investissements dans la création française. Une annonce bienvenue après la polémique cannoise, entre opération séduction et intérêts bien compris. Explications.
Netflix revendique désormais plus d’1,5 million d’abonnés en France. La plateforme de vidéo à la demande américaine n'a jamais brillé par sa transparence mais, si ce chiffre est exact, il peut justifier à lui seul sa récente annonce d'accroître de 40 % ses achats et investissements dans les films et séries françaises en 2018. On est aussi en droit d'y voir un de ces coups de communication opportunistes dont la plateforme a le secret.
L'image de Netflix s'est en effet quelque peu brouillée en France lors du dernier Festival de Cannes où le géant de la vidéo s'est mis à dos une partie du monde du cinéma en refusant que ses deux films présentés en compétition officielle (The Meyerowitz stories et Okja) ne sortent en salles, avant d'être mis en ligne sur sa plateforme le 28 juin (1). Un bras d'honneur peu apprécié des exploitants de salles à la sacro-sainte « chronologie des médias » à la française qui régit depuis trente ans le moment où un film peut-être diffusé après sa sortie en salles, d’abord en VOD, puis sur Canal +, les chaînes gratuites et enfin en SVOD (2). Dans le cas présent, Netflix aurait alors dû attendre 36 mois pour diffuser ces deux productions en France.
Dès lors, comment mieux éteindre la polémique qu'en affichant sa détermination à soutenir financièrement la production hexagonale. Le PDG de l'entreprise californienne, Reed Hastings, ne s'en est d'ailleurs pas caché lors d'un récent entretien au Monde. « Notre stratégie est de produire volontairement du contenu français et d’investir dans la création, afin d’apaiser les tensions avec le secteur. Si beaucoup de producteurs nous vendent des programmes, il n’y aura plus que les distributeurs de contenus, comme les chaînes et les salles pour se plaindre ». Autrement dit – non sans un brin de cynisme – ces investissements dans la production hexagonale ont tout autant une visée business que politique.
“Montrer patte blanche”

Ce refus de se plier à la chronologie des médias a été d’autant plus mal perçu que l’entreprise américaine ne participe pas au financement de la création. Lancée en 2014 en France, Netflix a d’abord installé son siège dans le 7e arrondissement de Paris avant de le transférer aux Pays-Bas. A la clé, un double avantage : une fiscalité plus douce et la possibilité d'échapper aux règles françaises de financement de la création puisque, dans le domaine de l'audiovisuel, la loi qui s'applique dans l'Union européenne est celle du pays d'émission et non celle du pays de réception. Mais, ce que n'ignore évidemment pas Netflix, c'est que cette législation va changer à l'horizon 2018. La France a convaincu ses partenaires européens, allemands en tête, d'inverser purement et simplement ce principe et de contraindre à l'avenir les diffuseurs étrangers comme Netflix, Amazon ou Apple de respecter la législation du pays de réception de leurs programmes. Une révolution qui s'en accompagne d'une autre : les Etats européens veulent imposer à toutes les plateformes de vidéo à la demande que leur catalogues de films et séries comptent au minimum 30% d’œuvres européennes. Or, à l'heure actuelle, le compte n'y est pas puisque, selon les chiffres de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, la part des œuvres originaires de l’Union Européenne dans le catalogue de Netflix en France s'élève à 32% si on ne comptabilise que les œuvres à l'unité (un film ou une série = une œuvre), mais tombe à 22% si on prend en compte les saisons et les épisodes des séries, en raison de la prédominance des séries américaines.


A cette lumière, on comprend mieux la décision de Netflix d'accroître ses investissements en France. Ils lui permettront de répondre par anticipation à l'obligation qui lui sera faite de participer au financement de la création, tout en lui permettant d'enrichir son catalogue en œuvres européennes. De quoi aussi apaiser le milieu du cinéma et les pouvoirs publics, sans compter que les films et séries ainsi conçus ou achetés feront office de produits d'appel pour conforter ses abonnés français ou en séduire de nouveaux. « Netflix ne s’est jamais inscrit dans une réglementation européenne quelle qu’elle soit. De son point de vue, les quotas sont une aberration », estime Pascal Lechevallier, spécialiste des nouveaux médias « Mais, il s’agit désormais pour eux de montrer patte blanche et de ne pas se mettre toute la profession à dos. Reed Hastings n’a pas l’intention d’entreprendre des discussions interminables avec les politiques français. C’est une décision politique qu’il a prise. La France, même si elle ne représente qu'1,5% de son marché, est un pays important dans l’Europe. Il est donc logique qu’il ait eu un discours constructif à l’égard de la profession ». Avis partagé par Raluca Calin, spécialiste du cinéma européen, qui y voit un moyen de « faire pression sur le nouveau gouvernement afin de s’en faire un véritable allié et ainsi d'influer sur la renégociation future de la chronologie des médias. »
La France patrie du cinéma…

« Si Netflix arrive à se mettre dans la poche la France, elle aura gain de cause au niveau européen » explique la spécialiste « la France a toujours été à l’initiative de l’ensemble des projets et de toute la législation qui entoure l’audiovisuel et le cinéma. C’est la référence en Europe ». Des 28 pays de l'Union, elle est le seul pays où le taux de fréquentation des salles de cinéma était en hausse l'année dernière avec 213 millions de places vendues. Alors, même si elle n'est qu'un pion sur l’échiquier mondial de Netflix présent dans plus de 190 pays, elle présente un intérêt particulier car « elle symbolise la patrie du cinéma et constitue une belle vitrine notamment avec le Festival de Cannes» résume Marc le Roy, docteur en droit du cinéma.
http://images.telerama.fr/medias/2017/07/media_160463/pourquoi-netflix-va-financer-plus-de-films-et-series-francaises,M469371.jpg… ou village gaulois

Ce dernier balaie en revanche d’un revers l’hypothèse d'une entreprise de séduction pour tenter de charmer le gouvernement français. Pour lui, Netflix n’a que faire de ces « pesanteurs administratives » et perçoit la France comme un « village gaulois, avec des gens originaux qui imposent leurs règles ultra-précises ». Le mastodonte du streaming mondial réfléchirait uniquement en terme d’investissement et sa décision d’augmenter de 40% ses investissements résulterait « d’un choix de businessman qui décèle du potentiel dans le marché français où les créations locales sont très appréciées. » « En France, les gens ont l’habitude d’avoir un abonnement à OCS ou Canal + qui investissent dans des produits de qualité. Ce sont des concurrents sérieux pour le géant de la VOD », explique Marc le Roy. L’universitaire pointe cependant la « situation problématique de Canal + » qui faciliterait l’implantation de Netflix. De fait, la chaîne cryptée a perdu des centaines de milliers d’abonnés ces dernières années et même si son directeur général, Maxime Saada, expliquait dans le JDD que les comptes de Canal+ se redressent, il annonçait au détour d’une phrase que le plan d’économies de 300 millions d’euros prévu sur trois ans serait porté à 350 millions d’euros. Surtout, comme le souligne Marc le Roy « Canal + n’est pas du tout performant sur la SVOD » avec sa plateforme CanalPlay qui ne décolle pas quand celle de Netflix a allègrement passé le million d’abonnés.

De “Marseille” (saison 2) à “Osmosis”

Si Netflix annonce des investissements en hausse, la plateforme reste allusive sur les montants réels qu’elle compte mettre sur la table et les acteurs français auxquels elles souhaitent s’associer. Pour la première saison de Marseilleavec Gérard Dépardieu et Benoît Magimel, la seule série hexagonale qu’elle a pour l’instant produite, Netflix avait investi entre 6,4 et 8 millions d’euros, selon le producteur Pascal Breton. Malgré un accueil pour le moins mitigé de la critique, une saison 2 est d’ores et déjà mise en chantier. Netflix s’est par ailleurs laissé séduire par Osmosis, une websérie créée pour Arte Créative en 2015, qui sera développée sur huit épisodes de 52 minutes. L’histoire se focalisera sur « un site de rencontres à réalité augmentée» qui « garantit à chacun de trouver l’âme sœur grâce à un puissant algorithme». Derrière la série : une réalisatrice française sortie de la Femis, Audrey Fouché, scénariste de la série phare de Canal +, Les Revenants. Récemment, Netflix a aussi fait l’achat de diverses productions françaises comme le documentaire consacré à Emmanuel Macron diffusé sur TF1 ou encore les séries à succès Dix pour cent, Engrenages, ou Ainsi soient-ils. De quoi étoffer son catalogue d’œuvres françaises et lui permettre d’anticiper la concurrence d’Amazon qui a promis de muscler sa plateforme, Amazon Prime, et l’arrivée de Facebook TV, la plateforme de contenus audiovisuels de FaceBook prévue en fin d’année.