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Voir la version complète : Pourquoi le filtrage des pubs par la Freebox Revolution fait polémique



fekri92
05/01/2013, 05h41
DECRYPTAGE - Le Web est en émoi depuis l'arrivée jeudi du filtrage automatique des publicités sur Internet avec la dernière mise à jour logicielle de la Freebox Revolution...

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Quand plusieurs sites spécialisés ont constaté jeudi après-midi que la Freebox Revolution bloquait désormais par défaut les pubs sur Internet, les commentaires ont immédiatement fusé. Si certains internautes se réjouissent de ne plus avoir à «subir» les encarts publicitaires en ligne, d’autres voix se sont élevées pour dénoncer cette initiative de Free, fournisseur d'accès de plus de quatre millions de foyers en France. Fleur Pellerin, la ministre déléguée à l’Economie numérique a même réagi quelques heures plus tard sur Twitter, indiquant qu’elle recevrait Free le plus tôt possible pour discuter. Pourquoi cette nouveauté fait-elle autant débat? 20 Minutes fait le point.

Qu’est ce qui a changé concrètement pour les utilisateurs de la Freebox Revolution?

Jeudi après-midi, Free a rendu disponible une mise à jour pour le boîtier «Freebox Server» (1.1.9), téléchargeable en redémarrant la Freebox. Cette mise à jour permet de corriger des bugs concernant le contrôle parental et la téléphonie. Mais elle intègre surtout un filtrage automatique des publicités sur Internet sur tous les appareils connectés à la Freebox. Quel que soit le type d'appareil sur lequel l'utilisateur se connecte (ordinateur, tablette, smartphone), les publicités n'apparaîtront pas. Ce filtrage est activé par défaut. Il est toutefois possible de le désactiver en se rendant dans l’interface de gestion de sa Box dans la section «Connexion Internet», puis «Configuration», puis «Blocage de la publicité». Il faut alors décocher la case «Activer» et cliquer sur «Modifier».

C’est une première chez un fournisseur d’accès à Internet (FAI). Pourquoi Free a-t-il pris cette initiative?

Le site spécialisé ZDNet.fr a eu confirmation auprès du FAI qu’il s’agissait d’une «nouvelle politique» pour Free. Toutefois, l’entreprise, qui reste injoignable ce vendredi, n’a pas communiqué officiellement sur ce sujet. Aucune explication n’a été fournie par le FAI concernant l’arrivée de cette nouvelle option. Pour CM-CIC Securities, interrogé par l’AFP, ce filtrage automatique proposé par Free vise à faire pression sur les fournisseurs de contenu, afin qu'ils contribuent au financement des réseaux de télécommunication qu'ils utilisent. «Il est vraisemblable qu'Iliad [la maison-mère de Free] parvienne à ses fins et puisse ainsi monnayer l'accès à ses abonnés mais il est trop tôt à ce stade pour évaluer le montant des revenus qu'il pourra en tirer», ajoute l’entreprise.

Pourquoi la polémique enfle depuis l’arrivée de cette option de filtrage?

Contenus gratuits. La publicité étant l’unique source de revenus pour de très nombreux sites Internet, un filtrage automatique comme celui-ci impliquerait la fermeture de ces pages à terme ou leur imposerait un modèle payant. C’est pourquoi des éditeurs de sites Web ont élevé la voix sur les réseaux sociaux. «Les conséquences pour les blogs financés par la pub seraient dramatiques», a commenté sur Twitter l'entrepreneur Pierre-Olivier Carles, qui voit dans cette décision un «attentat de plus contre la neutralité» du web.

Hétérogénéité. Selon les observations de plusieurs sites spécialisés, le filtre de la Freebox Revolution est hétérogène: certains liens Adwords de Google et certaines bannières peuvent disparaître selon les sites affichés. Sur quels critères est établie la liste des régies publicitaires bloquées? Pourquoi n’est-il pas possible pour l’abonné à Free d’avoir une «liste blanche» des sites à ne pas pénaliser? L'apparition de cette fonctionnalité est-elle une façon pour Free de provoquer Google, qui tire l’essentiel de ses revenus de sa régie Adsense et avec qui il est en conflit sur le financement de la bande passante? Le flou règne.

Neutralité du Net. Numerama souligne un «précédent démocratique dangereux». «Free montre le pouvoir extraordinaire des fournisseurs d'accès à Internet sur l'information, qui peuvent décider d'altérer le contenu d'un site Internet», écrit le site spécialisé. Interrogé par RMC, Jérémie Zimmerman, porte-parole de la Quadrature du Net, un collectif de défense des libertés sur Internet, se dit également choqué par cette initiative. «Il s’agit d’une violation grave du principe fondamental de la neutralité du net, dans lequel aucun opérateur ne doit dire ce que vous pouvez faire ou publier sur Internet, a-t-il estimé. Et lorsqu’un acteur privé comme Free prend la décision de choisir ce à quoi vous allez ou pas accéder, on est dans des dérives potentiellement très dangereuses». Il ajoute: «Ce n’est pas tout à fait différent de ce que font certains régimes autoritaires lorsqu’ils censurent les communications Internet à des fins politiques.»

Free va-t-il reculer face à la levée de boucliers?

Fleur Pellerin, la ministre déléguée à l’Economie numérique, a indiqué qu’elle discuterait avec le FAI dès que possible, la semaine prochaine. Free pourrait être obligé d’apporter des explications à sa «nouvelle politique» ou de désactiver l’option de filtrage par défaut. En attendant, l’entreprise s’est offert un joli coup de pub.