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Voir la version complète : Comprendre la nouvelle « crise du gaz » entre Kiev et Moscou



edenmartine
17/06/2014, 07h42
http://s2.lemde.fr/image/2014/05/29/534x0/4428864_7_176e_reservoirs-de-gaz-a-bilche-volytsko-uherske_03ff1c7a9715ad901e9be4d4cd563ba9.jpg
Réservoirs de gaz à Bilche-Volytsko-Uherske, près de Lviv, en Ukraine,




Lundi 16 juin, la compagnie russe Gazprom a annoncé l'introduction d'un système de pré-paiement (http://www.gazprom.com/press/news/2014/june/article193462/) pour les livraisons de gaz à l'Ukraine (http://www.lemonde.fr/ukraine/) après l'expiration de son ultimatum exigeant que Kiev règle une partie de sa dette gazière évaluée à 4,5 milliards de dollars (3,3 milliards d'euros). L'échéance était fixée à lundi 16 juin, 8 heures (heure de Paris (http://www.lemonde.fr/paris/)).



Pourquoi Moscou interrompt les livraisons de gaz à l'Ukraine ?


Les menaces de coupure d'approvisionnement se sont intensifiées depuis fin avril. Le groupe russe dénonce les arriérés de paiement de Kiev et l'accumulation de ses (http://www.lemonde.fr/bourse/nyse-euronext-paris-equities/ses/) dettes : « Gazprom, en vertu du contrat en vigueur, a fait passer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/passer) Naftogaz [la compagnie gazière ukrainienne] à un système de pré-paiement pour les livraisons de gaz », a-t-il indiqué dans un communiqué lundi. « Aucun paiement pour juin n'a été effectué. A partir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/partir) de ce jour, la société ukrainienne ne recevra plus que les volumes qu'elle aura payés », est-il ajouté.


Selon le système de pré-paiement russe, l'Ukraine est contrainte de payer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/payer) en avance chaque mois le gaz qu'elle entend consommer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/consommer) le mois suivant.


L'Ukraine et la Russie (http://www.lemonde.fr/russie/) avaient engagé il y a une semaine des négociations vitales pour éviter (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/%C3%A9viter) une nouvelle « crise du gaz », sans succès. L'Ukraine, déjà exsangue financièrement et qui voit dans les menaces régulières de Moscou un moyen de pression avant tout politique (http://www.lemonde.fr/politique/), refuse de payer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/payer) tant qu'elle n'a pas obtenu des garanties sur une baisse des prix fixés par le groupe russe, parmi les plus élevés d'Europe (http://www.lemonde.fr/europe/).


Selon la feuille de route européenne qui avait été mise sur la table fin mai, l'Ukraine devait payer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/payer) dans un premier temps 2 milliards de dollars à Gazprom – un montant correspondant aux livraisons impayées depuis novembre 2013. Puis, les négociations devaient reprendre (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/reprendre) sur le prix du gaz applicable aux livraisons futures. Mais ce plan était fragile, car Kiev dénonce les tarifs intenables imposés par le groupe gazier – 485 dollars pour 1 000 mètres cubes, soit environ 100 dollars au-dessus du prix appliqué aux pays de l'Union européenne (http://www.lemonde.fr/union-europeenne/) – et réclame comme préalable aux discussions (http://www.lemonde.fr/discussions/) une révision de ces tarifs.
Le chef de la diplomatie (http://www.lemonde.fr/diplomatie/) russe, Sergueï Lavrov, avait dénoncé dimanche « l'arrogance » de Kiev, qui « rejette un compromis raisonnable » — ce qui s'expliquerait, selon lui, par l'ingérence d'un « Etat tiers ». Dans sa « dernière offre », Moscou avait proposé 385 dollars.



A combien s'élève la dette ukrainienne vis-à-vis de Gazprom ?


Selon Gazprom, l'Ukraine a cessé en janvier de payer ses factures. C'est la raison officielle pour laquelle la compagnie a annulé au 1er avril le rabais sur les tarifs du gaz qui avait été accordé à Kiev le 17 décembre, en pleine « révolution de Maïdan » – pendant trois mois, le prix des 1 000 m3 de gaz avait été abaissé de 485 dollars à 268,50 dollars. Mais la hausse de 80 % des prix du gaz appliquée en avril a été perçue comme la réponse punitive russe à l'insoumission de l'Ukraine.
La dette ukrainienne, accumulée entre 2013 et 2014, s'élève désormais à 4,5 milliards de dollars (3,29 milliards d'euros) selon Gazprom.
En mai, l'Ukraine a consommé 3,5 milliards de mètres cubes de gaz, soit un volume équivalent à 1,7 milliard de dollars (1,25 milliard d'euros). Pour juin, la consommation (http://www.lemonde.fr/consommation/) ukrainienne est évaluée à 1,66 milliard de dollars.
L'Ukraine estime de son côté que cette dette est surévaluée par la hausse tarifaire du 1er avril et réclame un retour au prix fixé en décembre.






L'Ukraine va-t-elle faire (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/faire) face à une rupture d'approvisionnement ?


La période estivale qui s'amorce permet aux dirigeants de Naftogaz d'envisager (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/envisager) une continuité de service, car les besoins en énergie seront moins élevés dans les prochains mois. Depuis la crise de 2009, quand la Russie avait fermé ses robinets de gaz, l'Ukraine a revu une partie de ses infrastructures, améliorant ses capacités de stockage et diversifiant ses sources d'énergie. Mais entre 55 et 65 % du gaz consommé dans le pays reste d'origine russe.

Plusieurs pays européens réfléchissent à la possible inversion de sens de gazoducs, notamment des pipelines transitant par la Slovaquie (http://www.lemonde.fr/slovaquie/), qui permettrait à des pays européens d'exporter (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/exporter) du gaz à l'Ukraine en passant par les mêmes tuyaux que ceux permettant d'en importer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/importer). Quelques mois de travaux suffiraient à rendre (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/rendre) les pipelines opérationnels en sens inversé.
L'Allemagne (http://www.lemonde.fr/allemagne/) a d'ailleurs commencé à livrer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/livrer) début avril de petits volumes de gaz à l'Ukraine, via les gazoducs polonais. Ironiquement, un tiers de ce gaz est d'origine russe. Mais pour Moscou, l'inversion de pipelines serait perçue comme une brèche dans ses contrats avec les compagnies européennes et pourrait entraîner (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/entra%C3%AEner) une coupure totale de l'approvisionnement.



L'Europe est-elle également menacée ?


http://s1.lemde.fr/image/2014/03/31/534x0/4392547_6_36c6_les-principaux-gazoducs-de-gazprom-vers_8e46c095973014c5f8703cdfd88510a2.jpg

Un arrêt des fournitures de gaz russe transitant par l'Ukraine en juin, à l'approche de l'été et à l'issue d'un hiver relativement doux, serait moins grave que lors de la crise du gaz de janvier 2009. Néanmoins, l'Europe s'inquiète. L'Union européenne« reste très vulnérable », a souligné le président de l'exécutif bruxellois, José Manuel Barroso, car elle importe depuis dix ans 53 % de sa consommation en énergie, et « le principal fournisseur est la Russie – pour 39 % de ses achats de gaz et 33 % de ses achats de pétrole (http://www.lemonde.fr/petrole/)».


En cas de crise prolongée cet hiver, les pays européens se trouveraient en difficulté. L'UE pourrait alors se tourner (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/tourner) vers ses autres fournisseurs (comme la Norvège (http://www.lemonde.fr/norvege/)) et puiser (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/puiser) dans ses réserves.
Mais les Etats membres devraient faire (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/faire) preuve de solidarité avec les partenaires les plus affectés par la rupture des approvisionnements et les réserves ne permettraient pas de tenir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/tenir) sur une longue période.
Augmenter (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/augmenter) les achats de gaz naturel liquéfié est aussi une alternative, mais les prix sont plus élevés que le gaz russe.
Les Etats pourraient enfin se tourner (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/tourner) vers Gazprom pour qu'il augmente les quantités transitant par le gazoduc North Stream, qui arrive directement en Allemagne.
Mais cette solution renforcerait la dépendance (http://www.lemonde.fr/dependance/) vis-à-vis de Moscou et ferait le jeu du président russe, qui a appelé les Européens à soutenir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/soutenir) la construction de gazoducs contournant l'Ukraine.
Chargée en mars de travailler (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/travailler) sur les options pour réduire (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/r%C3%A9duire) la dépendance énergétique de l'Europe, la Commission européenne a livré deux documents : une étude sur la sécurité énergétique et un plan d'actions. Les options présentées vont du « développement des renouvelables » à « l'exploitation du charbon, nucléaire (http://www.lemonde.fr/nucleaire/) et gaz de schiste (http://www.lemonde.fr/gaz-de-schiste/) » et seront soumises à tous les chefs d'Etat et de gouvernement lors d'un sommet européen à Bruxelles, les 26 et 27 juin.