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safir97
15/03/2014, 17h50
Centrafrique : Saleh Dido, dernier musulman de Mbaïki

(Le Monde 13/02/14)

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Un musulman en Centrafrique attaqué par les jeunes


Saleh Dido est entêté. Il refuse de partir. Il ne veut quitter ni sa ville de Mbaïki ni la Centrafrique. Le commerçant, vendeur de boulons devenu transporteur et maire adjoint, est le dernier des musulmans de Mbaïki : « Je suis né ici. J'ai fait des enfants ici. Je suis à la mairie depuis cinq ans, j'ai prêté serment, je suis patriote. Pourquoi devrais-je partir ? Je veux vivre dans mon pays… »

C'est à Mbaïki que la présidente de Centrafrique, Catherine Samba-Panza, a effectué, mercredi 12 février, sa première visite hors de Bangui. Elle accompagnait, sous la protection des soldats français de l'opération « Sangaris », le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian.

La visite des deux personnalités a débuté par un malentendu, voire par un mensonge. Les officiers de la force Sangaris, qui avaient déployé une unité à Mbaïki durant quatre jours la semaine dernière, alors que les musulmans de la région étaient encore présents, regroupés et assiégés dans le centre-ville, cernés par les miliciens chrétiens anti-balaka, ont évoqué « une ville qui a continué à vivre et où le pire a été évité ». La présidente a loué « cet exemple positif d'une ville où les communautés continuent à vivre ensemble ».

EFFORTS DE MÉDIATION DES AUTORITÉS RELIGIEUSES

Ce n'est pas le cas. En une semaine, presque tous les musulmans de Mbaïki sont partis : 90 % ont pris la route du Tchad et quelques-uns, d'origine malienne, attendent d'être évacués vers Bangui, où ils prendront un avion pour Bamako. Les villages où ils vivaient ont été brûlés, leurs maisons détruites. Les anti-balaka occupent la ville. A Mbaïki aussi, la purification ethnique que subit la Centrafrique a gagné la bataille.
« Nous avons toujours bien vécu ensemble à Mbaïki, chrétiens et musulmans », témoigne le maire, Raymond Mongbandi. Il loue les efforts de médiation des autorités religieuses et de l'opération Sangaris, qui ont sans aucun doute évité un massacre. Comme le dit le préfet, Alexandre Kouroupé-Awo, « l'entrée des anti-balaka dans la ville a été négociée, et le départ des musulmans organisé ».
Mbaïki est l'un des rares endroits où le conflit ne s'est pas transformé en tuerie. Pourtant, le résultat est le même : tous les musulmans sont partis, sauf Saleh Dido. « Ça me fait mal au cœur, dit le maire. Ce n'est pas bon. »

« CHASSER CES BANDITS »

Après ce malentendu, Mme Samba-Panza et M. Le Drian ont eu les mots que les Centrafricains voulait entendre. La présidente a galvanisé la foule en dénonçant autant la soldatesque de la Séléka, qui a perdu le pouvoir en janvier mais occupe encore plus de la moitié des villes du pays, que les milices anti-balaka, « qui sont des bandits, qui continuent leurs turpitudes, et qui seront traqués ». Deux jours auparavant, le commandant de Sangaris, le général Francisco Soriano, avait tenu un discours très ferme contre les anti-balaka, affirmant que la force française allait « chasser ces bandits, ces hors-la-loi », devenus, après le retrait de la Séléka de la capitale, « les principaux ennemis de la paix en Centrafrique ».
Initialement déployés pour désarmer la Séléka, après une année d'exactions, les soldats de l'opération Sangaris ont été accusés de trop souvent fermer les yeux sur les crimes des anti-balaka. Les officiers rétorquent que leurs hommes ne peuvent pas être sur tous les fronts et qu'il n'est pas aisé de distinguer ces civils armés de machettes. Le résultat est que Sangaris, qui, à l'évidence, a permis d'éviter un massacre encore pire, n'a pu empêcher un nettoyage ethnique d'une rapidité fulgurante.


A Mbaïki, Saleh Dido, l'entêté, s'est dit « rassuré ». « Ce sont les paroles que je voulais entendre, confiait-il après la cérémonie. J'ai moins peur… » Le maire adjoint avec sa femme et ses enfants n'en restent pas moins la dernière famille musulmane dans une ville occupée par des centaines de miliciens ivres de haine, et d'où Sangaris s'est retirée deux heures après la visite officielle.
« Nous allons tenter de protéger M. Dido. Il est notre frère, déclare le maire. Mais nous n'avons ni gendarmes ni policiers, et ces voyous anti-balaka sont partout dans la ville. » Saleh Dido, de son côté, malgré son incurable optimisme, avoue : « Les miliciens sont déjà venus trois fois me menacer. Rien ne les empêche de me tuer. »
Rémy Ourdan



Centrafrique : Saleh Dido, dernier musulman de Mbaïki | Africatime (http://fr.africatime.com/republique_centrafricaine/articles/centrafrique-saleh-dido-dernier-musulman-de-mbaiki)

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