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edenmartine
12/03/2014, 08h19
Menacée par un rapport sur la torture, la CIA soupçonnée de piratage du Sénat américainLe Monde.fr | 12.03.2014 à 06h34 • Mis à jour le 12.03.2014 à 07h19 |


http://s2.lemde.fr/image/2014/03/12/534x267/4381343_3_1cdc_une-senatrice-democrate-proche-d-obama_a503a967c7a73626f0e24cbeda361c8f.jpgQuand la sénatrice de Californie Dianne Feinstein, présidente de la commission du renseignement, a fini son discours, après trente-huit minutes d'une intervention solennelle, debout, dans la chambre du Sénat, son collègue Patrick Leahy, 73 ans, ancien procureur et président de la commission des affaires judiciaires, s'est approché du micro. « En quarante ans au Sénat, j'ai entendu des milliers de discours. Je n'en vois pas un, d'aucun membre d'aucun parti, qui n'ait été aussi important que celui-ci. »
Patrick Leahy a rappelé qu'il avait été l'un des sénateurs qui avaient voté pour la création de la commission Church, formée en 1975 pour faire (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/faire) la lumière sur les excès de la CIA après le Watergate. « Nous sommes censés être (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/%C3%AAtre) la conscience du pays, a-t-il insisté. Dianne Feinstein s'est adressée à notre conscience. »
L'EFFET D'UNE BOMBE
La sénatrice – une figure de la classe politique (http://www.lemonde.fr/politique/) américaine – a accusé la CIA d'avoir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/avoir) enfreint la loi pour empêcher (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/emp%C3%AAcher) la diffusion d'un rapport révélant l'ampleur de l'utilisation de la torture infligée aux accusés des attentats du 11 septembre 2001 (http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/10/22/les-accuses-du-11-septembre-invoquent-la-convention-contre-la-torture_3501184_3222.html). Des agents se sont infiltrés à plusieurs reprises – la dernière en janvier – dans les ordinateurs utilisés par les membres de la commission du renseignement enquêtant sur les programmes d'interrogation « renforcée » mis en place sous George W. Bush. Un millier de pages ont été soustraites. « La fouille opérée par la CIA pourrait bien avoir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/avoir) violé le principe de séparation des pouvoirs inscrit dans la Constitution américaine, y compris la liberté d'expression et de débat », a dénoncé Mme Feinstein.Le discours a fait l'effet d'une bombe. Agée de 80 ans, Dianne Feinstein est l'une des personnalités les plus influentes du Parti démocrate et une amie de Barack Obama (http://www.lemonde.fr/barack-obama/), qu'elle a soutenu depuis les débuts. A la commission du renseignement, elle a la réputation d'être (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/%C3%AAtre) une « dure ». Après les révélations d'Edward Snowden (http://www.lemonde.fr/scandale-prism/), elle a pris la défense (http://www.lemonde.fr/defense/) de la NSA (« National security agency », agence nationale de sécurité) et a continué à soutenir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/soutenir) la pratique de collection de masse des données.
Qu'elle ait choisi d'embarrasser (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/embarrasser) le camp du président, qui se retrouve à défendre (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/d%C3%A9fendre)les tentatives de la CIA pour étouffer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/%C3%A9touffer) les égarements de l'époque Bush, est le signe que la guerre est engagée entre le pouvoir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/pouvoir) législatif, qui tient à exercer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/exercer) sa mission constitutionnelle de supervision, et les agences de renseignement. « La CIA a peur que les interrogatoires soient rendus publics, a résumé le sénateur démocrate Ron Wyden. Mais les Américains ont le droit de savoir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/savoir). »
« JAMAIS NOUS NE FERIONS UNE CHOSE PAREILLE »
La sénatrice Feinstein a livré une accumulation de détails sans précédent dans une instance qui a le culte du secret. Elle a cité le résultat de ses (http://www.lemonde.fr/bourse/nyse-euronext-paris-equities/ses/) conversations avec l'ancien conseiller (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/conseiller) du président à l'antiterrorisme et actuel directeur de la CIA, John Brennan, un homme qui était directeur adjoint de l'agence en 2001 et qui a toujours soutenu les interrogatoires poussés. Brennan, qui était l'invité du comité des affaires étrangères (http://www.lemonde.fr/affaires-etrangeres/), a réfuté les accusations de piratage (http://www.lemonde.fr/piratage/) des ordinateurs de la commission sénatoriale par la CIA. « Jamais nous ne ferions une chose pareille,a-t-il assuré. Cela dépasse l'entendement. »
http://s2.lemde.fr/image/2014/03/12/534x267/4381346_3_93e7_ill-4381346-b8f8-545475_59cf6e3d90c44722a4f335522ee8dc0a.jpgLe porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a assuré que le président gardait « une grande confiance » dans son ancien conseiller (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/conseiller). Mme Feinstein a rappelé que l'enquête (http://www.lemonde.fr/enquetes/) de sa commission avait commencé parce que des responsables de la CIA avaient détruit en 2005 des vidéos (http://www.lemonde.fr/centenaire-14-18-videos/) des séances dewaterboarding (« simulacre de noyade » (http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/04/20/la-cia-a-utilise-le-waterboarding-266-fois-sur-deux-prisonniers_1182859_3222.html)) infligées en 2002 à Khaled Cheikh Mohamed, le cerveau des attentats du World Trade Center, aujourd'hui incarcéré à Guantanamo. Le Congrès n'avait été prévenu de l'existence du programme d'interrogations que quelques heures avant que George Bush révèle au public l'existence des prisons (http://www.lemonde.fr/prisons/) secrètes de la CIA, en septembre 2006. Et il lui a été présenté de manière beaucoup plus anodine que la réalité, a-t-elle relevé.
« NOYÉS » SOUS 6,2 MILLIONS DE DOCUMENTS
En 2009, quand Mme Feinstein a pris connaissance des comptes rendus correspondant aux vidéos (http://www.lemonde.fr/videos/) détruites, elle s'est émue de ce que les interrogations et les conditions de détention dans les prisons de la CIA soient « très différentes et beaucoup plus dures que ce que la CIA avait décrit ». Elle a demandé une étude plus vaste, que sa commission a approuvée à la quasi-unanimité.
Pour leur investigation, les chercheurs de la commission sénatoriale ont dû sedéplacer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/d%C3%A9placer) jusqu'à un bâtiment spécial loué par la CIA non loin de son siège, en Virginie. L'agence leur a fourni des ordinateurs en circuit fermé, sans possibilité d'accès au réseau de la CIA. Selon Mme Feinstein, elle les a ainsi « noyés » sous un déluge de 6,2 millions de documents.
En 2010, les enquêteurs du Sénat ont commencé à remarquer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/remarquer) que des documents manquaient. La commission a achevé son rapport (6 300 pages) en décembre 2012. L'une de ses conclusions déplaît particulièrement à la CIA : rien ne permet d'affirmer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/affirmer) que les mauvais traitements ont été utiles et que des informations de valeur ont été obtenues par la torture.
« MANŒUVRES D'INTIMIDATION »
Une autre intrusion dans les ordinateurs sénatoriaux a eu lieu en janvier (http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/03/06/la-cia-espionnait-des-travaux-parlementaires-confidentiels_4379074_3222.html), quand la CIA s'est aperçue que la commission possédait – à tort, selon elle – un rapport interne admettant des « erreurs ». L'un des agents, dont le nom revient 16 000 fois dans les documents, selon la sénatrice Feinstein, est Robert Eatinger, aujourd'hui directeur adjoint du service juridique de la CIA. C'est lui qui a saisi le ministre de lajustice (http://www.lemonde.fr/justice/), accusant implicitement les employés de la commission de s'être (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/%C3%AAtre) procuré illégalement les documents.
« Manœuvre d'intimidation », a rétorqué Mme Feinstein, qui a elle aussi saisi le garde des sceaux. Selon elle, la CIA pourrait avoir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/avoir) enfreint le décret 12333, qui lui interdit de procéder (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/proc%C3%A9der) à des surveillances ou des fouilles sur le territoire américain.
Le sénateur républicain Lindsey Graham a comparé l'affaire aux scandales de l'époque de Richard Nixon. Son ami John McCain a préconisé la création d'une commission d'enquête indépendante. Le démocrate Ron Wyden a souligné que les intrusions de la CIA s'ajoutaient à diverses déclarations « mensongères ou erronées » des autres agences de renseignement. Quand Barack Obama a pris ses fonctions, en 2009, il a préféré tourner (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/tourner) la page et renoncer (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/renoncer) à l'enquête sur le programme de détentions demandée par la gauche. Cinq ans après, il pourrait setrouver (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/trouver) contraint d'ouvrir (http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/ouvrir) la boîte de Pandore des agissements de la CIA.