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edenmartine
24/02/2014, 08h13
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/files/2014/02/Pulsars-1024x576.jpg (http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/files/2014/02/Pulsars.jpg)Les pulsars, métronomes du cosmos, naissent de la mort d'étoiles massives. C'est un scénario brutal. Lorsqu'une telle étoile arrive au bout de ses réserves d'atomes assurant les réactions thermonucléaires, plus rien ne vient s'opposer à la masse. Le cœur de l'astre se comprime tant que les protons et les électrons qu'il contient fusionnent et forment des neutrons. Quand les couches extérieures de l'étoile, dans leur écroulement, viennent taper sur cette sphère de neutrons ultra-dense, elles rebondissent comme une balle et sont expulsées dans l'espace en une monstrueuse libération d'énergie connue sous le nom de supernova. Que reste-t-il ? Une étoile à neutrons, tellement dense que plus de la masse de notre Soleil est contenue dans une boule du diamètre de Paris.

Un pulsar est une étoile à neutrons qui tourne très vite sur elle-même en émettant un faisceau d'ondes électromagnétiques (souvent des ondes radio), lequel se comporte un peu comme une toupie, tournoyant autour de l'axe de rotation de l'étoile morte et formant un cône qui balaie l'espace. Si la Terre a la chance de se trouver en face, elle va recevoir de manière très régulière, parfois jusqu'à plusieurs centaines de fois par seconde, la pulsation émanant de l'astre.
Voilà donc pourquoi on parle de métronome céleste. Même si sa fréquence ralentit lentement au fil du temps, on peut considérer ce signal radio remarquablement stable sur des périodes courtes. Mais, parfois, l'horloge se dérègle brusquement. C'est ce qu'a constaté une équipe internationale d'astronomes, qui relate l'événement dans une étude publiée en janvier par (http://iopscience.iop.org/2041-8205/780/2/L31/article)The Astrophysical Journal Letters (http://iopscience.iop.org/2041-8205/780/2/L31/article). Ces chercheurs s'intéressent au pulsar J0738-4042 qui est très bien connu car suivi depuis un quart de siècle par le radiotélescope sud-africain de Hartebeestoek (http://www.hartrao.ac.za/), doté d'une antenne de 26 m de diamètre. Depuis 2007, cette surveillance est renforcée par un programme tournant sur le radio-télescope australien de Parkes (http://www.parkes.atnf.csiro.au/), dont la parabole est nettement plus grande (64 m de diamètre).
En épluchant les données, les astronomes se sont aperçus qu'en septembre 2005, la belle mécanique du pulsar avait été déstabilisée. Quelque chose était venu perturber l'émission du signal radio. Mais quoi ? Pour les auteurs de l'étude, l'hypothèse la plus réaliste implique un astéroïde. Ces chercheurs partent en effet du principe qu'après la phase supernova, de la matière demeure autour de l'étoile à neutrons sous la forme d'un disque de débris susceptibles de s'agglomérer et de donner, in fine, des astéroïdes. Si, pour une raison x ou y, ceux-ci sont éjectés de leur orbite vers la sphère de neutrons, les choses intéressantes commencent. D'après les astronomes, un astéroïde se dirigeant vers un pulsar ne va pas s'y fracasser : il est littéralement vaporisé avant par le rayonnement qui en émane. La matière est alors ionisée, c'est-à-dire que les atomes deviennent chargés électriquement après que des électrons leur ont été arrachés. Ces ions entrent en interaction avec le champ magnétique du pulsar et viennent perturber le mécanisme qui crée le faisceau.
Un des intérêts de cette étude tient dans le fait qu'en analysant les changements dans la pulsation radio de J0738-4042, les auteurs ont pu calculer la masse de matière injectée dans la magnétosphère du pulsar : environ un milliard de tonnes, ce qui devait représenter un astéroïde de quelques centaines de mètres de diamètre. C'est à la fois peu – si l'on compare ce corps à certains astéroïdes du Système solaire, qui mesurent plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre, voire plus de 200 km pour une trentaine d'entre eux – et beaucoup si l'on se représente les dégâts qu'un astre de cette taille ferait en entrant en collision avec la Terre : il y provoquerait des destructions considérables à l'échelle d'une région ou d'un petit pays, voire un tsunami monstrueux en cas d'arrivée dans la mer.
Dans le jeu de données dont ils disposaient, les astronomes ont noté deux autres perturbations, de moindre importance, dans la pulsation émise par J0738-4042, survenues en 1992 et 2010. Ils se demandent donc si, à bonne distance du pulsar, n'existerait pas une planète dont le champ gravitationnel serait suffisant pour, de temps à autre, perturber le disque de débris et en éjecter des blocs de roche qui iraient finir leur route sur le tournoyant cadavre stellaire. Une hypothèse à tester au cours des prochaines années. J0738-4042 n'a pas fini de faire parler de lui.