S'identifier

Voir la version complète : Six morts sans ordonnance: pas une affaire d'euthanasie



harroudiroi
16/12/2013, 16h55
Jacob-Bellecombette, le vendredi 13 décembre 2013 – Comme l’énonce avec simplicité, le directeur de l'hôpital de Chambéry, Guy-Pierre Martin « une maison de retraite avec des personnes très âgées : c'est un endroit où l'on meurt beaucoup, c'est dans la nature des choses ». Néanmoins, quand le 27 novembre, une pensionnaire de 84 ans, qui quelques jours auparavant se promenait encore sans peine dans le jardin de la résidence Le Césalet à Jacob Bellecombette (Savoie) sombre brutalement dans le coma avant de mourir deux jours plus tard, les médecins ne peuvent que s’interroger.
Des analyses toxicologiques sont alors réalisées : non seulement un taux anormal de psychotropes est retrouvé, mais surtout aucune des substances décelées n’avaient été prescrites à la vieille dame. L’alerte est alors donnée par la direction du centre hospitalier de Chambéry dont dépend l’établissement. Les suspicions convergent très rapidement sur une jeune aide-soignante Ludivine Chambet, 30 ans. Elle admet très vite les faits. L’enquête et ses aveux permettront de déterminer qu’elle a été à l’origine ces derniers mois de neuf empoisonnements perpétrés au sein de la maison de retraite, dont six mortels (des décès non suspectés en raison du taux de mortalité élevé dans ce type d’établissement). Si la police estime qu’il n’existe pas aujourd’hui d’éléments permettant de suspecter d’autres crimes, des investigations supplémentaires sont néanmoins en cours.
Il y a fin de vie et fin de vie


Si aux premières heures de l’annonce de la mise en examen hier de la jeune femme, certains ont voulu y voir une nouvelle affaire d’euthanasie, très vite les faits ont conduit à une interprétation bien différente. Tout d’abord parce que plusieurs des pensionnaires concernés ne souffraient pas de pathologies les condamnant à une mort prochaine. Une situation que le vice procureur Dietlind Baudouin résume d’une formule quelque peu ambiguë s’agissant de personnes âgées : « elles n’étaient pas en fin de vie ». Les octogénaires visés étaient en « bonne santé avec les fragilités liées à leur âge » indique-t-elle encore. Par ailleurs, la jeune aide soignante n’invoque pas elle-même la notion d’euthanasie. Au cours de ses interrogatoires où elle est apparue « très calme » mais affectée par les faits qui lui sont reprochés, elle a principalement indiqué avoir voulu « soulager » les personnes âgées qu’elle devait prendre en charge mais elle ne reconnaît pas avoir voulu les « tuer ». « Toute la difficulté dans cette affaire, c'est le problème de l'intention d’homicide » observe même une source policière.
Personnalité fragile


Cette situation particulière a incité la presse à se pencher sur le profil psychologique de cette aide-soignante. Bien notée par sa hiérarchie, la jeune femme a néanmoins été unanimement décrite comme très fragilisée par la perte récente de sa mère, terrassée par une leucémie et dont elle avait pris grand soin. L’aide-soignante faisait d’ailleurs l’objet d’un suivi par la médecine du travail dans ce cadre, mais avait néanmoins été déclarée apte à travailler. Le traumatisme provoqué par la mort de sa mère « est peut-être une piste que va explorer le juge d'instruction » a noté Dietlind Baudouin. Si l’enquête se doit d’analyser les éléments ayant favorisé le passage à l’acte, une telle situation de deuil, malheureusement presque universelle, ne saurait en tout cas valoir circonstances atténuantes automatiques.
Comparaison n’est pas raison
Les premiers éléments révélés confirment en tout cas que les rapprochements avec l’affaire de l’urgentiste de Bayonne Nicolas Bonnemaison ne semblent pas pertinents, puisqu’en dépit de zones d’ombres, il apparaît que ce praticien est intervenu sur des patients dont les jours étaient comptés.
La médiatisation de cette affaire a néanmoins peut-être pu jouer un rôle de « catalyseur » sur une jeune femme perturbée. De même, l’analogie proposée ce matin sur RTL avec le médecin britannique Harold Shipman, très marqué lui aussi par la mort de sa mère (quand il était adolescent) et qui a tué des dizaines de femmes par injection d’héroïne n’est sans doute pas probante. En dépit de quelques similitudes, le cas du docteur Shipman qui a toujours nié les faits paraît en effet très différent. Cet homme était probablement animé par la jouissance perverse de contrôler la vie et la mort, comme l’avaient analysé les psychiatres lors de son procès.
Quelles que soient les analogies et les différences avec d’autres assassinats de personnes âgées, Ludivine Chambert qui devrait prochainement être l’objet d’une expertise psychiatrique risque la réclusion criminelle à perpétuité.