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edenmartine
15/11/2013, 16h57
MYTHE – « La Guerre des mondes » d’Orson Welles n’aurait pas suscité d’hystérie collective
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/files/2013/11/131314-530x711.jpgOrson Welles répond aux questions des journalistes après son canular radiophonique ayant créé la panique, le 30 octobre 1938 (AFP PHOTO/HO)

L'hystérie collective qu'a suscitée la célèbre pièce radiophonique d'Orson Welles La Guerre des mondes en 1938, pourrait relever de la légende. C'est ce que révèlent deux professeurs d'université américains, Jefferson Pooley et Michael Socolow, dans leur ouvrage intitulé La guerre des mondes dans les médias et dans un article de Slate (http://www.slate.fr/story/79512/guerre-mondes-welles-panique).
L'histoire de cette panique suscitée par le canular radiophonique – à cause duquel plus d'un million de personnes auraient cru que les Etats-Unis étaient réellement la cible d’attaques extraterrestres – reste pourtant largement relayée dans les livres et magazines et souvent enseignée dans les écoles de journalisme.
Retour sur l’événement de 1938. Travaillant pour la radio CBS depuis un mois, Orson Welles propose une énième adaptation de La Guerre des mondes, de H.G. Wells, pour la fête d'Halloween, à la fin d'octobre. CBS se demande vaguement pourquoi Welles insiste tant pour que la pièce soit ponctuée d'intermèdes musicaux plus longs que d'ordinaire. Le lundi 31 octobre 1938 à 20 heures, l'émission démarre par la retransmission d'une soirée dansante de Ramon Raquello, puis un présentateur intervient brusquement à l'antenne pour un "bulletin spécial" : on vient d'observer une série d'explosions sur la planète Mars. La musique d'interlude reprend.
Les bulletins spéciaux de plus en plus alarmants se succèdent, entre deux tunnels de musique légère, comme si les journalistes affolés cherchaient à gagner du temps. On apprend qu'un engin spatial a atterri dans le New Jersey. Sur place, un reporter horrifié décrit les monstres hideux qui en sortent, avant d'être lui-même dévoré en direct. Orson Welles tient le rôle d'un astronome glosant sur le type d'armes utilisées par les extraterrestres. Enfin, un présentateur interrompt les violons pour annoncer d'un ton grave qu'il s'agit là, chose incroyable, d'une invasion de l'armée des Martiens.
L'histoire raconte ensuite que les auditeurs américains – qui font pleinement confiance aux organes de presse – prennent le canular pour vrai. Des milliers d'entre eux auraient été tellement paniqués qu'ils auraient quitté leur foyer pour tenter de fuir les petits hommes verts.
Fêtant désormais ses 75 ans, le plus célèbre événement radiophonique américain est à nouveau raconté par la chaîne PBS, qui consacre un documentaire au sujet, renforçant l’idée selon laquelle les Américains de 1938 étaient si naïfs qu’ils pouvaient être terrorisés par leur radio.

"Quasiment personne ne fut dupé par l’émission d’Orson Welles"
Or Jefferson Pooley et Michael Socolow affirment aujourd'hui que "la panique fut si ridicule le soir de la diffusion qu’il est quasiment impossible de la chiffrer. Contrairement à ce qu’affirment, ou répètent, les livres et les programmes de PBS, quasiment personne ne fut dupé par l’émission d’Orson Welles".
A l'appui, les auteurs citent les mesures d'audience réalisées le soir de la diffusion auprès de quelque cinq mille foyers :

"A la question 'Quel programme êtes-vous en train d’écouter ?' seuls 2 % des interrogés répondirent : 'Une pièce', 'Le programme d’Orson Welles' ou quelque chose de similaire indiquant qu’ils étaient branchés sur CBS (...) ; 98 % des personnes interrogées écoutaient soit un autre programme, soit rien du tout ce soir du 30 octobre 1938. Cela n’a rien d’étonnant : la pièce d’Orson Welles était programmée en même temps que l’émission comique 'Chase and Sanborn Hour', du ventriloque Edgar Bergen, l’un des programmes les plus prisés dans le pays à l’époque."

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/files/2013/11/WAR-OF-THE-WORLDS-2.jpg"Une" du New York Times le 31 octobre titrant "Les auditeurs paniquent en prenant la guerre pour un fait réel".


Le lendemain de l’émission, CBS commanda d'ailleurs un sondage à l’échelle nationale et les responsables de la chaîne furent soulagés de découvrir à quel point l’audience avait été faible.
Une panique collective créée par les journaux
Cette hystérie collective entrée dans l'histoire officielle serait en fait le fruit d'une dramatisation méthodiquement orchestrée par les journaux. Dans le contexte moribond que connaît la presse écrite américaine après la crise de 1929, les journaux avaient tout intérêt à trouver un moyen de discréditer le nouveau grand concurrent qui risquait de les balayer : la radio.
"Aussi, ces derniers sautèrent sur la chance fournie par le programme de Welles pour discréditer la radio comme source d’informations." Du Daily News au New York Times, les grands titres n'hésitèrent pas à exagérer la panique des auditeurs, usant et abusant de la rhétorique de la "panique", voire de la "terreur" Ainsi du Daily Newsqui titre "Une fausse guerre à la radio sème la terreur à travers les Etats-Unis".

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/files/2013/11/WAR-OF-THE-WORLDS-530x662.jpg"Je n'ai absolument rien vu de la prétendue terreur"
Les auteurs rapportent pourtant que quatre jours après l’évènement, le Washington Post publia la lettre d’un lecteur qui avait descendu F. Street en plein pendant l’émission. Il ne remarqua "rien qui aurait pu s’apparenter à une quelconque scène d’hystérie collective. Dans de nombreux magasins, les radios fonctionnaient, mais je n’ai absolument rien vu de la prétendue terreur qui était censée agiter la population. Rien de rien".
La légende de l'hystérie collective n'aura pourtant de cesse de se propager dans les années qui suivent, renforcée par un universitaire reconnu de Princeton en 1940, Hadley Cantril, qui officialisa le chiffre d'un million d'américains paniqués par l'émission et qui rangea dans la même catégorie les auditeurs "effrayés", "dérangés", "excités" par le programme, avec les auditeurs "paniqués".
Les journaux relayèrent aussi de sensationnelles histoires de tentatives de suicide ou d'hospitalisation d'auditeurs en état de choc, alors qu'aucune des recherches menées dans le New Jersey ou à New York ne fit état d’un cas vérifié de suicide ou d'une hospitalisation enregistrée liée à l'émission, malgré des recherches dans des hôpitaux new-yorkais et du New Jersey jusqu'à six semaines après le programme. Aucune mort ne put non plus être attribuée à la pièce.
Le professeur américain W. Joseph Campbell, de l’American University, a d'ailleurs montré que presque tous les journaux s'étaient rapidement lassés de l'évènement."Les articles sur l’émission disparurent rapidement des unes, le plus souvent au bout d’un jour ou deux", écrit Campbell, ajoutant que si l’hystérie avait vraiment été généralisée, "il aurait été attendu que les journaux publient encore des jours, voire des semaines après, des articles détaillés sur les dimensions et les répercussions d’un évènement aussi extraordinaire".
De quoi donner du fil à retordre aux spécialistes des médias.