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edenmartine
15/11/2013, 16h30
Typhon aux Philippines: Comment identifier les corps?
(http://www.20minutes.fr/monde/1249991-20131114-typhon-philippines-comment-identifier-corps#commentaires)




http://cache.20minutes.fr/img/photos/20mn/2013-11/2013-11-12/article_typhonok.jpgDes rescapés du typhon à Tacloban, aux Philippines, le 12 novembre 2013. AARON FAVILA/AP/SIPA

INTERVIEW – Le colonel François Daoust, directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), avait effectué le travail d’identification des corps après le tsunami en Asie en 2004 et le séisme en Haïti en 2010. Il livre son éclairage à «20 Minutes»...Le puissant typhon qui a frappé les Philippines ce week-end (http://www.20minutes.fr/monde/philippines/1248093-20131111-typhon-philippines-milliers-morts-evacuation-vietnam)a fait au moins 2.357 morts et 77 disparus, selon un bilan provisoire. Face au risque sanitaire, de nombreux corps ont commencé à être enterrés jeudi dans des fosses communes. Comment identifier les victimes pour permettre aux familles de faire le deuil? Le colonel François Daoust, directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), dispose depuis 1992 en France du seul laboratoire criminaliste apte à identifier les cadavres de A à Z, l'unité gendarmerie d'identification des victimes de catastrophes (UGIVC). Il explique comment se déroule le processus d’identification.
Comment identifier les corps des victimes du typhon aux Philippines?
Cela sera un travail de titan si les Philippins souhaitent que les corps soient identifiés après avoir été mis dans des charniers, car ils ne seront pas référencés et vont se dégrader rapidement. On ne pourrait travailler que sur des os.
Vous aviez participé à cette tâche en Thaïlande en 2004 après le tsunami et en Haïti en 2010 après le séisme. Allez-vous là aussi intervenir?
La communauté internationale se tient à la disposition des Philippines si le pays souhaite qu’on l’aide à identifier les victimes. Mais les pays ne l’acceptent pas forcément. En 2004, lors du tsunami (http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_et_tsunami_de_2004_dans_l%27oc%C3%A9an _Indien), l’Indonésie n’avait pas donné suite aux propositions d’aide internationale, ce qui équivaut à un refus, alors qu’il y avait plus de 200.000 victimes. Seule la Thaïlande avait accepté. C’est la difficulté lorsque la catastrophe se déroule à l’étranger. Après le drame de Fukushima (http://www.20minutes.fr/thematique/fukushima), le Japon a lui aussi décliné notre aide.
Comment procédez-vous pour identifier les milliers de corps après ce type de catastrophe?
Nous avons deux équipes. L’une travaille sur l’ante mortem [avant la mort], l’autre sur le post mortem [après la mort]. Le travail de la première consiste à récupérer auprès de la famille du défunt tout ce qui peut permettre son identification. Le premier moyen d’y parvenir c’est le dossier dentaire, très fiable. Ensuite, le dossier médical: opérations antérieures, port éventuel de prothèse, etc. Les empreintes digitales sont elles aussi un moyen d’identification. Si rien de tout ça n’est possible parce que le corps est en trop mauvais état, on utilise l’ADN. L’équipe post mortem effectue les autopsies. Elle regarde si la victime a eu des opérations, etc., puis fait des prélèvements ADN. Ensuite, les données des deux équipes sont confrontées dans un logiciel d’Interpol [l’organisation internationale de police la plus importante au monde], qui les met en correspondance. Lorsque la personne a été identifiée, le corps est rendu à la famille.
Combien de temps a pris ce travail pour les victimes du tsunami?
Plus d’un an. Pendant ce temps, les corps étaient maintenus dans des containers réfrigérés en Thaïlande. Mais en Haïti, où tout avait été détruit, il y avait très peu de containers. L’urgence sanitaire a primé. De nombreux corps ont été enterrés avant leur identification face au risque de propagation de maladies. Nous étions, avec les Américains, les deux gros contingents sur place pour identifier les victimes. Nous avons identifié les victimes françaises –un peu moins de dix. Je n’ai pas les chiffres des Etats-Unis. Lorsqu’on identifiait des victimes américaines, on leur confiait les corps, et vice-versa.
Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ce processus d’identification?
La partie ante mortem. C’est le moment où l’on est avec les familles et où l’on recueille les éléments nécessaires à l’identification. C’est un moment éprouvant car elles viennent de vivre un drame. Une empathie se crée, on découvre la vie du disparu, on a accès à des documents de sa vie médicale, c’est intime. C’est pour cela que les deux équipes, ante et post mortem, ne travaillent jamais ensemble, car autopsier un corps dont on connaît l’histoire est trop difficile. Les familles nous recontactent souvent après l’identification. Un vrai lien s’est créé.
A partir de quand est-il trop tard pour identifier les corps?
Il n’y a pas de délai. On peut travailler sur des squelettes. Mais c’est plus long et compliqué.
Quand est-ce impossible?
Si des dossiers dentaires ont été emportés par la catastrophe, par exemple, ou si toute la famille a été décimée. En Haïti, la majorité des corps n’ont pas été identifiés. Il n’y avait plus d’infrastructures, plus d’état civil, et parfois plus de survivants de la même famille.