PDA

Voir la version complète : L’art de la guerre de l’armée islamique est imprégné du dogme de l’Islam



sindbad001
14/08/2013, 14h25
Après l’avènement de l’Islam, il fut permis aux musulmans de mener le gihad dans le chemin d’Allah, chaque musulman devint alors un soldat dont l’amour pour sa religion le poussait à s’engager dans la voie du gihad et donc à mourir en martyr pour Allah, d’ailleurs Allah, exalté soit-Il, a fait du martyre l’une des actions les plus méritoires.
Le Prophète (http://www.islamweb.net/ver2/Archive/images/icon--1.gif) fut le plus grand commandant ou chef de l’armée des musulmans, puis après sa mort les choses liées à la guerre ont beaucoup évolué, les armées de l’Islam grossirent et se répandirent un peu partout où elles menèrent des batailles toujours plus nombreuses ; ainsi, il devint de plus en plus dur pour le Calife de diriger lui-même cette armée en expansion, par conséquent, il se fit assister dans cette tâche par des hommes de confiance connus pour leur bravoure, leur détermination et leur esprit d’initiative. Les hommes de rangs musulmans devaient une obéissance totale à ces différents chefs, ces derniers réunissaient les combattants avant de rencontrer l’ennemi afin de s’assurer qu’ils étaient bien préparés et dans les meilleures dispositions (physiques et psychologiques), comme le faisait d’ailleurs le Prophète (http://www.islamweb.net/ver2/Archive/images/icon--1.gif) ; et quand les armées ne combattaient pas, la mission principale du commandant était de s’occuper de ses soldats, c’est-à-dire qu’il devait veiller à ce que ces derniers subissent un bon entraînement et à ce qu’ils reçoivent et utilisent de bons équipements et armements.
Il est à noter que ‘Umar ibn al-Khattâb (Radhia Allahou Anhou) était de ces chefs militaires qui se préoccupent beaucoup de la situation des soldats ; ainsi, il mit sur pieds une administration (dîwân) spécialement dédiée à l’organisation de leurs affaires, il s’agissait notamment de consigner dans divers registres leurs noms, leurs caractéristiques, leurs grades, leurs fonctions exactes ou bien le montant de leur solde. Par ailleurs, c’est également ‘Umar qui fut à l’origine de la fondation de forteresses et de garnisons permanentes un peu partout afin que les armées en campagne puissent s’y reposer en sécurité, on trouvait donc ce genre de lieux fortifiés dans des villes comme al-Kûfa, al-Basra ou encore al-Fustât.
Les souverains omeyyades continuèrent ce qu’avait initié ‘Umar (Radhia Allahou Anhou) dans le domaine de l’organisation de l’armée ; ainsi, ces derniers développèrent encore un peu plus l’administration militaire (dîwân) et firent montre d’un grand intérêt pour les conditions d’existence et les traitements des soldats. Puis, quand la situation politico-militaire des Omeyyades se stabilisa vraiment, et donc que les guerres furent moins nombreuses et que de nombreux combattants retrouvèrent leurs pénates, ‘Abd al-Malik ibn Marwân institua un système de conscription obligatoire.
Non seulement les musulmans posèrent les bases de traditions militaires, mais ils inventèrent en outre de nombreux arts militaires. Ainsi, nous savons que les Arabes de l’ère préislamique (al-Djâhiliyya) pratiquaient la guerre de manière très sommaire, leur principale tactique militaire consistait en l’exécution de ce qu’on appelle le Karr wa-l-farr, c’est-à-dire qu’ils attaquaient leurs ennemis en petits groupes et se retiraient aussitôt puis ils recommençaient cette manœuvre de persécution afin de les épuiser. Si cette tactique pouvait être efficace dans des combats qui opposaient des tribus peu nombreuses et disposant d’armements basiques, face à une armée imposante, bien organisée et bien armée, elle était tout à fait inefficiente, on pourrait donc presque dire que cette tactique du Karr wa-l-farr était primitive. De plus, les Arabes de la Djâhiliyya avaient du mal à mettre en place une stratégie alliant plusieurs tribus contre un ennemi commun, il n’était pas rare en effet que l’une des tribus cesse le combat au milieu des hostilités. Les Arabes préislamiques en plus d’être désunis et sous-équipés pratiquaient donc un art de la guerre instinctif et improvisé, non dénué toutefois d’un certain panache, qui ne pouvait rien faire de concluant contre des armées organisées dans le cadre de grandes batailles rangées.
Puis, après l’avènement de l’Islam, Allah, exalté soit-Il, révéla la parole suivante : «Allah aime ceux qui combattent dans Son chemin en rang serré pareils à un édifice renforcé » (Coran 61/4) ; les musulmans organisèrent donc de manière rigoureuse leurs armées, et ce, notamment lorsque le mouvement des conquêtes s’étendit, c’est ainsi que les armées musulmanes durent affronter les armées de civilisations anciennes ayant une longue expérience de la chose militaire et fort bien organisées et préparées, telles que les armées des Perses et des Byzantins. D’ailleurs, il est important de dire que les musulmans furent grandement influencés par les arts de la guerre de ces deux ensembles civilisationnels, notamment dans les domaines de l’ordonnancement, de la poliorcétique et de la fortification.
Ainsi, peu à peu, les musulmans commencèrent à ordonnancer les rangs de leurs armées en karâdîs, ce dernier terme signifie régiments ou unités ; par ailleurs, ils divisèrent leurs armées en cinq groupes principaux : l’avant-garde, l’aile droite, l’aile gauche, le cœur au milieu et enfin une unité à l’arrière, appelée sâqa, c’est-à-dire l’arrière-garde.
Les batailles de Yarmouk, d’al-Qâdisiyya ou d’Adjnâdîn sont considérées comme des événements militaires exemplaires en termes d’ordonnancement des armées et de commandement ; c’est ainsi que lors de la Première guerre mondiale (1914-1918), les Alliés imitèrent d’une certaine manière ce que fit Khâlid ibn al-Walîd (Radhia Allahou Anhou) durant la bataille de Yarmouk, et ce, notamment du point de vue de l’unification du commandement et du choix stratégique du lieu de l’affrontement.
Nous savons que les musulmans ont commencé à utiliser un engin de guerre appelé dabbâba dès l’époque du Prophète (http://www.islamweb.net/ver2/Archive/images/icon--1.gif), cette machine était destinée à attaquer les murs des lieux fortifiés, c’est-à-dire que grâce à elle des hommes pouvaient s’approcher au plus près du mur, tout en étant protégés des flèches des défenseurs, afin de déchausser ses pierres avec des outils adéquats (pioches), de l’enfoncer à l’aide d’un bélier ou encore tout simplement de le brûler ; voici ce que dit Ibn Kathîr au sujet de la dabbâba dans son célèbre ouvrage Al-bidâya wa-l-nihâya : « Un groupe de Compagnons se placèrent à l’abri de la dabbâba, puis ils avancèrent jusqu’aux murs de la forteresse des gens de Tâ’if afin de les brûler pour qu’ils s’écroulent… », la dabbâba était à l’époque faite de bois, des peaux de bêtes fraîches étaient posées sur elle afin de la protéger contre les incendies provoqués par des flèches enflammées, il est à noter que le termes dabbâba est le nom donné aujourd’hui aux chars d’assaut ou tanks.
Les Omeyyades ont beaucoup fait pour développer la construction des trébuchets ou catapultes (al-madjânîq), à ce propos al-Hadjâdj ibn Yûsuf al-Thaqâfî fit construire un trébuchet qu’il nomma al-‘Arûs (le nouveau marié), son fonctionnement nécessitait le travail de cinq cents servants, al-Hadjâdj donna à son neveu, le commandant et combattant de la foi Muhammad ibn al-Qâsim al-Thaqâfî, plusieurs modèles de ce type de trébuchet, ce dernier put grâce à eux prendre la ville d’al-Daybul (Karachi au Pakistan actuel) en 89 de l’Hégire et encore d’autres villes fortifiées de la vallée du Sind.
Par ailleurs, les armée islamiques firent un grand usage de compagnies de combattants appelés al-naffâtûn dont la fonction était de lancer du naft ou feu grégeois sur l’ennemi avec l’aide de flèches enflammées ou bien avec des pots de terre, sortes de grenades, remplis de naft qui est une substance hautement inflammable fabriquée à base de pétrole pur et de souffre ; les naffâtûn furent généralement intégrés systématiquement aux armées islamiques à partir de l’époque du règne des Abbassides, les musulmans eurent beaucoup recours à eux durant les croisades, à ce propos les naffâtûn qui combattirent les Croisés avaient pour principale mission de détruire les terribles machines de siège adverses ainsi que les navires ennemis.
Nous devons rappeler, bien que cela soit étonnant, que les armées musulmanes utilisèrent la poudre bien avant les Occidentaux – poudre qui fut inventée par les Chinois rappelons-le – et ce, n’en déplaise à certains orientalistes qui soutiennent le contraire ; en fait, les musulmans utilisèrent la première fois la poudre en Egypte car cette région possédait d’immenses réserves de carbonate naturel de sodium cristallisé qui est l’élément chimique de base servant à la fabrication de la poudre. Ainsi, le chroniqueur musulman al-Maqrîzî nous dit que la poudre fut utilisée en Egypte à côté du naft lors de divers événements en 727, et notamment durant la fête de mariage de la fille du Sultan d’Egypte al-Nâsir Muhammad ibn Qalâwûn, selon lui : « Une tour de la citadelle du Sultan servit à entreposer le naft et la poudre ». Il semblerait que les musulmans avaient appris à l’utiliser bien avant cette date ; en effet, selon le grand penseur musulman Ibn Khaldûn, les Marîniyyûn, une dynastie du Maghreb, utilisèrent la poudre lors des diverses guerres qu’ils menèrent, et notamment durant la prise de la ville de Sadjalmâsa, Ibn Khaldûn rappelle en outre que le Sultan des Marîniyyûn, Ya’qûb ibn ‘Abd al-Haqq, fit un usage habile de la poudre en l’utilisant pour lancer des boulets de fer afin de détruire les murs de cette cité. Lors de cet événement, qui eut lieu en l’an 672 de l’Hégire, il semble que les musulmans ont utilisé pour la première fois dans leurs guerres les ancêtres des canons. Rappelons que les Mamlouks utilisèrent beaucoup les canons durant leurs multiples guerres, d’ailleurs ils en conçurent diverses sortes, parmi ces dernières on trouve « la grande aiguille à kohol » ou encore « le petit canon ». A ce propos, al-Qalaqchandî nous a donné, dans son Subh al-a’châ, une description précise de différentes sortes de cette « grande aiguille à kohol » : « Ce sont des canons qui projettent généralement du naft, mais on en trouve différentes variantes, certains de ces canons projettent d’immenses flèches pouvant quasiment pénétrer la pierre, d’autres projettent des boulets de fer pesant environ dix ratl-s égyptiens (un ratl équivaut à 2,5 kilos). Il m’a été donné de voir dans la ville d’Alexandrie, à l’époque où y régnait Cha’bân ibn Husayn au nom du Prince Salâh al-dîn ibn ‘Arâm, un canon fait de cuivre et de plomb fixés au sol par de solides éléments métalliques, ce canon projeta de la place de la ville un très gros boulet d’acier qui tomba dans la mer, à l’extérieur de la Porte de la mer, ce qui représente une distance extraordinaire ».
Il est tout à fait remarquable que la civilisation islamique s’est, depuis son apparition, particulièrement distinguée en produisant des spécialisations dans de nombreux domaines scientifiques, et notamment dans le domaine militaire ; d’ailleurs, on trouve aujourd’hui encore dans de nombreuses bibliothèques à travers le monde des manuscrits islamiques anciens traitant des armées de l’Islam et de leurs divers aspects comme leurs stratégies, leurs armements, leurs ordonnancements, leur logistique, leur organisation, les évolutions des concepts militaires adoptés par elles, mais outre ces aspects purement techniques, ces ouvrages traitent également des aspects éthiques, spirituelles et religieux ayant trait à ces armées. Il est à signaler que les informations concernant ces derniers aspects sont encore en friche, elles nécessitent donc que des chercheurs s’y intéressent sérieusement et y consacrent de grands efforts.
Les recherches très sérieuses et les vérifications (tahqîqât) profitables effectuées avec passion par le général iraquien Mahmûd Chayt Khitâb - aujourd’hui décédé - dans ce champ peu exploré de notre civilisation méritent que nous faisions beaucoup d’invocations pour lui ; en effet, ce général a notamment accompli un travail d’une grande importance, il s’agit de la vérification, de la retranscription et de l’analyse fouillée d’un manuscrit ancien datant de l’époque des Mamlouks intitulé Al-adilla al-rasmiyya fî al-ta’âbî al-harbiyya (Les preuves officielles concernant les ordonnancements militaires), l’auteur de cet ouvrage est un capitaine et chef militaire de l’armée égyptienne de l’époque durant laquelle régna le Sultan al-Achraf Cha’bân ibn Husayn ibn Muhammad ibn Qalâwûn (décédé en 778 de l’Hégire), le nom de ce capitaine est Muhammad ibn Mahmûd Mankilî.
Le général Chayt Khitâb dit à propos de ce manuscrit : « J’ai pris beaucoup de plaisir à lire et à étudier en profondeur ce livre, car j’ai grandement profité à titre personnel de données militaires qui étaient pour moi neuves, la plus importante de ces dernières est peut-être ce que l’on peut appeler la « nature militaire » ou bien l’« éthique militaire », de plus j’ai découvert que nos ancêtres étaient des savants de haut niveau dans le domaine militaire, enfin, ce livre, à l’instar des autres manuscrits anciens arabo-musulmans traitant de l’art de la guerre, a répondu de manière claire à mon principal questionnement : comment nos ancêtres ont-ils vaincu leurs nombreux ennemis ? Je pensais que nos ancêtres avaient le dessus sur leurs adversaires d’abord grâce au dogme islamique authentique dont ils étaient imprégnés, ce dogme fondateur qui fut protégé par de vaillants défenseurs, mais la lecture de ce livre et des autres livres militaires que j’ai eus entre les mains m’ont appris en outre que nos ancêtres étaient de véritables experts en matière d’arts et de techniques militaires, ainsi je fus convaincu qu’ils devaient leurs multiples victoires évidemment et avant tout à leur dogme pur et solide, mais également à leur commandement expérimenté ainsi qu’à leur grande maîtrise des divers secteurs de l’art de la guerre ».
Ainsi, à travers ce court aperçu de ce qu’était l’art de la guerre dans la civilisation islamique, nous avons constaté que les musulmans ont apporté beaucoup de choses essentielles à ce domaine, ainsi que l’habilité militaire dont ils firent montre et qui leur permit d’effectuer de nombreuses conquêtes qui s’étendirent de la France à la Chine et de la Russie à Oman, enfin, nous avons vu que cet art de la guerre islamique était imprégné d’une éthique et d’une spiritualité, ce qui distingue la civilisation islamique des autres civilisations.