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morocco
17/07/2013, 16h50
Le défi économique pour l’Ummah




Dépendance Auto-imposée - Restructuration de nos Systèmes Economiques

[Condensé d’une conversation animée par le Muphti de Justice Taqi Usmani, livrée à la Conférence Internationale du Congrès Musulman du Monde.]




Le dix-neuvième siècle fut un siècle d’oppression politique pendant lequel les nations occidentales puissantes ont asservi la plupart des peuples asiatiques et des nations africaines incluant un grand nombre de pays musulmans. Le siècle présent, qui s’approche de sa fin, a été témoin de l’émancipation progressive de ces pays soumis jusqu’alors à l’impérialisme Occidental. Cependant, malgré notre succès apparent dans la réalisation du but de la liberté politique, nous n’avons pas pu réussir dans l’acquisition de l’indépendance dans le domaine intellectuel, au niveau économique et stratégique. C’est pourquoi la Ummah musulmane n’a pas pu encore récolter les fruits de sa liberté politique. Maintenant, le monde musulman regarde vers le siècle naissant avec l’espoir qu’il apportera réellement une indépendance totale. Ainsi, les Musulmans pourront trouver leur place méritée parmi les nations mondiales et pourront être libres de vivre selon le Quran et la Sunnah du Prophète http://www.aslim-taslam.net/images/saws.gif.
Cependant, cet espoir ne peut pas se borner à des rêves esquissant ce qui serait souhaitable. Nous devrons travailler dur pour obtenir notre liberté totale, et même plus que nous n’ avons fait pour notre liberté politique. Nous avons besoin d’une révision totale de notre stratégie, un plan bien considéré, une résolution collective et une approche révolutionnaire. Dans ce texte, je voudrais me borner à deux questions principales.
Dépendance Auto-imposée
http://www.aslim-taslam.net/IMG/art82-3.jpgChacun sait que le problème économique fondamental de la Ummah est la dépendance des pays Musulmans vis-à-vis d’autres pays. La plupart d’eux emprunte des sommes d’argent énormes aux riches pays occidentaux. Certains pays contractent de prêts importants produisant des intérêts, non seulement pour les projets de développement, mais aussi pour leurs dépenses quotidiennes et, ce qui est plus préoccupant, pour le paiement d’intérêts ajoutés au montant de leurs prêts précédents, ce qui augmente sans cesse le poids de leur endettement par un cercle vicieux.
La dépendance aux prêts étrangers est la principale maladie de notre économie, qui a non seulement brisé notre vie économique, mais a aussi dévasté notre autodétermination et nous a forcés à nous soumettre aux demandes de nos créanciers, parfois, au prix de nos intérêts collectifs. Il est connu que les créanciers imposent leurs propres conditions avant d’avancer un prêt. Ces conditions nous maintiennent sous une pression étrangère constante, nous empêchent souvent de poursuivre nos propres objectifs et nous contraignent à suivre la politique dictée par d’autres. Les mauvaises conséquences résultant de la dépendance aux prêts étrangers sont trop évidentes pour avoir besoin d’un nouvel exposé. Les préceptes de l’islam considèrent "l’endettement" comme un phénomène détestable, auquel on ne doit pas recourir sauf dans les cas de nécessité extrême. Le Prophète http://www.aslim-taslam.net/images/saws.gif a même refusé d’accomplir la prière d’obsèques pour une personne qui était morte avant de rembourser son prêt.
En outre, les juristes Musulmans ont discuté de la légalité du cas où un dirigeant d’un Etat Musulman accepte les cadeaux offerts par un non-musulman. Il a été affirmé que c’est légal seulement lorsque l’acceptation de cadeaux n’aboutit pas à une sorte de pression contraire à l’intérêt de l’Ummah.
Les principes islamiques exigent que les Musulmans doivent éviter de contracter des dettes étrangères, même s’ils font face à quelques privations. Mais notre endettement présent n’a pas été créé par le manque de ressources. En fait, les Musulmans n’ont jamais été si riches en ressources. Ils possèdent d’énormes richesses naturelles. Ils occupent des positions stratégiques importantes sur le globe. Ils sont réunis dans un espace géographique continu du Maroc à l’Indonésie, interrompu seulement par l’Inde et Israël. Ils produisent presque 50 % du pétrole mondial. On dit qu’ils assurent plus d’un tiers de l’exportation mondiale de matière première. Qui plus est, l’argent comptant qu’ils ont investi dans les pays occidentaux, à lui seul, suffit sans doute largement à rembourser l’intégralité de leurs dettes. Selon un rapport récent de la Banque de Développement Islamique, la dette extérieur totale des Etats membres IDB en 1996 s’est élevée à 618.8 milliards de dollars. On dit que les dépôts et actifs appartenant aux Musulmans dans les pays occidentaux pourraient représenter un montant supérieur à cette somme.
Evidemment, il n’y a aucun rapport authentique concernant de tels dépôts, parce que leurs propriétaires ne les révèlent pas. Cependant, les experts économiques ont évalué leur montant entre 800 et 1000 milliards de dollars, dont 250 milliards que les Arabes disent avoir été soustraits à leurs propres pays après la Guerre de Golfe.
Pratiquement, cela signifie que nous empruntons une partie de notre propre argent à un taux d’intérêt élevé. Même si ces évaluations chiffrées étaient exagérées, on pourrait difficilement nier le fait que si a ces sommes énormes étaient restées dans le monde Musulman et y avaient été correctement employées, l’Ummah n’aurait jamais recouru à l’endettement pour un montant de plus de six cents milliards de dollars.
http://www.aslim-taslam.net/IMG/art82-1.jpgNotre dépendance aux prêts étrangers est « auto-imposée ». Nous ne pouvons donc blâmer personne, sinon nous-mêmes. Nous n’avons jamais examiné les facteurs étant à la base du vol de notre capital. Nous n’avons jamais essayé d’abolir ces facteurs et instiller la confiance en nos propres gens. Nous n’avons pas pu nous délivrer du système corrompu et oppressant de taxation. Nous n’avons pas été capables de créer une atmosphère paisible pour l’investissement. Nous n’avons pas pu fournir à nos pays un système politique stable. Nous ne nous sommes pas donné la peine de créer des occasions pour l’utilisation de ce capital et, par dessus tout, nous n’avons pas su mobiliser l’esprit d’unité Islamique et activer la force de la Ummah islamique dans l’ensemble.
La situation tragique ne peut pas être corrigée par des célébrations ferventes à l’apparition du nouveau siècle. Nous devrons prendre le défi du temps au sérieux. Notre direction économique et politique devra trouver des voies et cela signifie nous libérer de la dépendance aux pays étrangers. Nous avons déjà les ressources de base pour cela. Tout ce dont nous avons besoin est de concevoir la nouvelle politique pour utiliser la richesse de l’Ummah dans le monde Musulman et développer le concept de fraternité Islamique et la compréhension mutuelle et la coopération. Le Quran dit : "tous les Musulmans sont des frères." Les injonctions coraniques et les enseignements prophétiques exigent que la Ummah musulmane agisse comme un seul homme. Les barrières géographiques ne doivent pas la diviser en des nations différentes avec des objectifs contradictoires. Les frontières politiques peuvent seulement être tolérées pour les affaires administratives internes de chaque pays, mais tous les pays Musulmans doivent avoir un visage uni au moins en ce qui concerne les objectifs communs du Musulman Ummah vis-à-vis le reste du monde.
L’époque est révolue où le savoir-faire technique était le monopole de quelques pays Occidentaux. Maintenant, le savoir faire acquis par les musulmans est capable de traiter au moins les exigences immédiates de l’Ummah. Ce dont nous avons besoin c’est de chercher ce talent et le mettre au service de cet Ummah avec une ardeur de missionnaire.
Mais tout cela exige les efforts unifiés des gouvernants de nos pays. C’est le plus grand défi auxquels ils soient confrontés. Ils doivent y, non seulement pour l’amélioration de l’Ummah, mais pour leur propre survie. Une grande responsabilité, à cet égard, incombe à l’OIC, qui doit prendre l’initiative et créer une association musulmane regroupant des spécialistes pour concevoir la nouvelle politique pour l’Ummah comme un corps commun.
Restructuration de nos Systèmes Economiques
Le vingtième siècle a été témoin de l’expansion du communisme, du conflit entre des pays capitalistes et communistes et finalement de la chute du communisme. Les pays Occidentaux capitalistes célèbrent la chute du communisme comme si c’était une preuve empirique de leur propre victoire, non seulement sur un front politique, mais aussi sur le plan idéologique. Le fait est, cependant, que ce communisme était basé sur une réaction émotionnelle dirigée contre quelques mauvaises conséquences de l’économie capitaliste, particulièrement, contre la répartition injuste des richesses, qui a été subie dans les pays capitalistes pendant les siècles. L’échec du communisme n’est pas dû à sa critique justifiée des maux de capitalisme. Il résulte plutôt des défauts inhérents au système alternatif suggéré par cette prise de conscience des limites du capitalisme. Les économies capitalistes souffrent toujours des injustices dans la distribution des richesses. Il y a toujours un grand fossé entre les possédants et les pauvres et ’ la pauvreté au milieu de l’abondance ’ est toujours le problème principal de leur économie. Voilà les vrais problèmes créés par le capitalisme et à moins qu’ils soient résolus d’une manière satisfaisante , ils peuvent donner naissance à une autre réaction qui peut être plus agressive que le communisme.
Le monde, donc, a vraiment besoin d’un troisième système économique. La Ummah musulmane peut mettre au point ce système fondé sur les normes Islamiques. Les principes économiques tirés du Quran et de la Sunnah du Prophète http://www.aslim-taslam.net/images/saws.gif sont tout à fait capables de résoudre les problèmes économiques principaux qui assaillent le monde aujourd’hui. Tout en permettant la propriété privée et l’économie de marché, ils fournissent aussi un système de justice distributive, qui peut éliminer les injustices et créer un système dans lequel la notion de bénéfice n’est pas contraire à l’intérêt collectif de la société. L’erreur fondamentale du communisme était que, ennemi de l’injustice suscitée par le capitalisme, il a attaqué les institutions de propriété privée et des forces du marché et a développé une idée utopique d’économie planifiée qui était artificielle, artificielle et oppressante. La confiscation des libertés individuelles a amoindri l’ardeur pour la production et les larges pouvoirs dévolus à l’Etat ont laissé le destin des gens dans les mains de la classe dirigeante.
Il n’y avait ni propriété privée, ni institution des forces du marché, qui sont la cause principale des injustices dans le système capitaliste. Le principal facteur à l’origine des injustices dans les pays capitalistes était l’absence d’un critère pour différencier entre des bénéfices juste et injustes. On a permis l’intérêt, le jeu, des transactions spéculatives et tous les procédés exploitant les désirs immoraux des consommateurs pour garantir des profits énormes, qui ont tendance à créer des monopoles et paralyser à leur tour les forces de demande et fournir ou entraver au moins leur opération. Il est ainsi ironique que la théorie capitaliste affirme d’une part les principes de laissez-faire, mais, de l’autre, en permettant les instruments susmentionnés, se heurte à leur fonction naturelle et empêche les forces du marché de jouer leur rôle en créant les monopoles qui imposent leurs décisions arbitraires à la plus grande partie du peuple.
http://www.aslim-taslam.net/IMG/art82-2.jpgLe système d’intérêt favorise les industriels riches, qui profitent de la richesse du peuple qui dépose leurs économies dans la banque, et qui, après la production de profits énormes, ne permettent pas au peuple de partager ces profits [sauf à la mesure d’un taux d’intérêt fixé qui est de nouveau retiré par eux comme il est chargé au coût de production. Au macro niveau, cela signifie que ces gens riches emploient toujours l’argent de ceux qui le déposent pour leur propre avantage et ne leur payent rien en réalité parce que les paiements d’intérêt sont toujours ajoutés au coût de production.] De la même façon, le jeu est un instrument permettant de concentrer la richesse de milliers d’hommes dans quelques mains et d’encourager de façon désastreuse l’avidité, le désir de revenus non salariaux. Les transactions spéculatives sont aussi responsables de troubles dans le fonctionnement naturel du marché et contribuent aux injustices dans la distribution de la richesse.
L’Islam permet non seulement les forces du marché, mais fournit aussi le mécanisme pour les tenir en vigueur avec leur force naturelle sans les entraver par l’existence des monopoles. Il exerce deux types d’action sur les activités économiques.
D’abord, il soumet le processus de gain aux injonctions divines, qui définissent clairement les limites du halal et haram. Ces injonctions ont tendance à empêcher la création des monopoles et à refréner les bénéfices injustes et immoraux et des activités commerciales nuisibles à l’intérêt collectif de la société. Dans le contexte de besoins économiques modernes où les économies du peuple sont orientées vers le développement, l’utilisation des instruments Islamiques comme musharakah et mudarabah, au lieu de l’intérêt, permet au peuple de partager directement les fruits de développement, ce qui peut apporter la prospérité dans une façon équilibrée réduisant le vide entre les riches et les pauvres.
Deuxièmement, l’institution de zakat, sadaqat et d’autres obligations financières stipulent que même le revenu halal est de nouveau distribué aux personnes qui ne pouvaient pas gagner assez en raison des occasions insuffisantes du marché. Par cette double opération de régulation, la richesse continue à circuler et les chances de sa concentration sont presque éliminées.
Mais notre tragédie consiste essentiellement en ce que les principes d’économie islamique n’existent encore que sous forme théorique et qu’ aucun exemple d’application concrète de ces principes n’est disponible. Les pays Musulmans n’ont pas essayé de structurer leur économie sur des fondements islamiques. La plupart d’entre eux suivent toujours le système capitaliste mais d’une façon partielle seulement, ce qui rend la situation économique beaucoup plus difficile que dans les pays capitalistes développés. Malheureusement, malgré les limitations apportées par les injonctions Islamiques, les injustices existant dans des pays Musulmans sont beaucoup plus sévères que dans le monde Occidental.
Cette situation tragique ne peut pas durer éternellement. Si nous ne sommes pas préparés pour réparer nos voies, quelque processus naturel de révolution surviendra fatalement. Si nous voulons éviter les conséquences désastreuses d’une telle révolution, nous devrons restructurer notre système économique sur la base des conseils clairs fournis par le Qur’an et Sunnah. Notre succès dans l’élaboration d’un modèle de mise en œuvre des principes Islamiques sera notre plus beau présent à l’humanité, au seuil de ce nouveau siècle. J’espère que, si les principes d’économie islamique sont mis en œuvre sincèrement, le monde leur fera un meilleur accueil que celui que nous avons connu par le passé.