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xalim
19/10/2017, 07h10
La chaîne de télévision Russia Today est accusée d'ingérence dans l'élection américaine. Elle émettra en France à partir du mois de décembre.

"RT France est une chaîne d’information internationale créée à l’initiative des autorités russes" : voilà comment le média russe est décrit par le CSA qui en a autorisé la diffusion en décembre 2015. Pourtant RT (Russia Today) est un média largement controversé et même qualifié "d’organe de propagande" par Emmanuel Macron.

Disponible dans une centaine de pays, Russia Today a été créé en 2005 à Moscou et est financé intégralement par le gouvernement russe. Si la chaîne émet en continu en langue arabe depuis 2007, en espagnol depuis 2009 et depuis 2010 en anglais, elle se lance tardivement à l’assaut du marché français.

RT France a commencé à s'installer à Paris fin 2014, grâce à son site internet qui emploie une douzaine de journalistes, mais le lancement de la chaîne d’informations en continu a été retardé par la chute du rouble. Présentée mardi 17 octobre à Cannes, elle doit maintenant être lancée en décembre sur le câble, le satellite et sur certaines box avec un budget de quelque 20 millions d'euros.

Menée par Xenia Fedorova, RT France ambitionne de recruter à terme une centaine de personnes dont la moitié seront des journalistes de langue française. Le média russe compte bien s’inscrire dans le paysage audiovisuel français dans la durée puisque qu’il a signé un bail de neuf ans pour ses locaux de Boulogne, aux côtés de TF1 et Canal+. De son côté, la présidente de RT France promet qu’un des shows de la chaîne sera animé par un présentateur connu, sans en dévoiler de nom pour l’instant.

En se lançant en langue française, la chaîne espère s’offrir un auditoire en France mais aussi en Afrique et au Canada, soit quelque 274 millions de locuteurs francophones.

Proposer "un point de vue alternatif" et un "aperçu de la position russe"

Régulièrement accusée d’être le bras armé du Kremlin, la chaîne russe affirme qu’elle cherche juste à proposer une autre vision de l’information, un monde "multipolaire" où les Etats-Unis ne règnent pas en maître. Avec un ton cash et se posant régulièrement en pourfendeur de la vérité, les journalistes tentent de démentir les informations diffusées en Occident pour valoriser les positions de la Russie.

À l’origine, RT se targuait d’être construit sur le même modèle qu’Al Jazeera, précise Julien Nocetti, chercheur à l’Institut français des relations internationales et spécialiste de la Russie. La chaîne "avait pour ambition que ce soit la société civile qui s’exprime" mais RT n’a rien à voir avec Al Jazeera, en réalité "les choses sont beaucoup plus verticales" détaille Julien Nocetti.

Le média russe a d’abord donné la priorité à l’Amérique latine, où il y avait une quasi invisibilité des positions russes, puis au Moyen-Orient où là aussi la parole du Kremlin avait très peu d’écho. Aujourd’hui, elle investit le marché français mais compte aussi se déployer en Allemagne où un bureau devrait ouvrir à Berlin selon le chercheur de l’IFRI.

L’enjeu : percer sur un marché pléthorique

Avec pas moins de six chaînes d’informations en continu en France, RT va devoir faire sa place au milieu d’un paysage audiovisuel saturé. Pour y parvenir, elle compte sur sa stratégie de segmentation qui varie selon les continents de diffusion. Selon Julien Nocetti, en France, le discours va être essentiellement anti-Europe et mettre l’accent sur les divisions européennes et le rôle de Bruxelles, rejoignant les positions de partis eurosceptiques. Mais la chaîne russe est plutôt confiante, elle se targue d’être la plus regardée sur Youtube et compte déjà plus 2,2 millions d’abonnés dans le monde : c’est presque autant que CNN (avec 2,9 millions).

Russia Today suspectée d’ingérence dans les campagnes américaines et françaises

Si Russia Today est connue du grand public c’est aussi pour son rôle présumé dans la campagne électorale américaine. Fin septembre, Twitter annonçait que le média russe avait financé près de 1800 tweets promotionnels l’an dernier pour un total de 274.000 dollars aux États-Unis. Les services de renseignements américains ont accusé la Russie d’avoir organisé une campagne d’influence contre la candidate démocrate Hillary Clinton, notamment avec le piratage des emails du parti. Dans un rapport rendu public on décompte sept pages dédiées à Russia Today. Les services secrets y rapportent une couverture "constamment négative" de la campagne d’Hillary Clinton.

En France, le Président Emmanuel Macron a attaqué frontalement Russia Today devant Vladimir Poutine en mai à Versailles. Il a justifié son refus d’accréditer les journalistes du média russe en les accusant de faire partie "d'organes d’influences, de propagande et de propagande mensongère". Pendant la campagne, RT avait relayé plusieurs rumeurs sur le candidat Macron et notamment l’affaire du compte caché aux Bahamas. Dans le même temps, le site avait accordé à Marine Le Pen une longue interview sur son site français.