A force de laisser faire et du manque d'autorité qui a conduit à instaurer une véritable jungle incontrôlable dans le paysage audiovisuel algérien, le retour de manivelle risque de faire mal. Très mal même de l'aveu de la Fédération algérienne de football (FAF) qui a prévenu que toute diffusion clandestine des matchs et des highlights (moments forts) du onze national peut entraîner de très graves sanctions à son encontre (la FAF) et même disqualifier l'Algérie des compétitions internationales et notamment la CAN et la Coupe du monde.
L'avertissement est clair et le bazar installé par ces chaînes de télévision privées peut avoir de graves répercussions en interne. Pourtant faut-il s'étonner qu'on en soit arrivé à ces extrêmes alors que l'Etat n'a rien fait, à part proférer des menaces, pour réglementer un secteur toléré et exporter une belle vitrine de la liberté d'expression dans un pays qui ne communique pas ? A chaque occasion, au détour de nouveaux dérapages, le gouvernement, par la voix de son ministre ou de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARAV), fraîchement installée par Sellal, hausse le ton, rappelle les fondamentaux et menace de sévir. Pourtant, lorsque le Premier ministre évoque la violation de la vie privée, les insultes et les atteintes à la dignité des citoyens algériens, le régionalisme et la fitna, l'apanage exclusif de certaines chaînes, il oublie que ces mêmes logos sont instrumentalisés à des desseins politiciens et à des fins personnelles.
Ces chaînes «taiwan», pourtant en sursis à croire les remontrances et les menaces du ministre de la Communication, ne se privent pas de diffuser des images volées au temps et à l'éthique. Devant cette menace imminente, le gouvernement est tenu de réagir fermement face à ces manquements au b.a.-ba du professionnalisme, de la déontologie et du code de commerce. L'instance internationale du football, la FIFA, qu'on présente parfois comme plus puissante que l'ONU, ne badine pas avec l'argent et c'est connu. Garante des droits de retransmission des rencontres internationales, la FIFA peut frapper d'une main de fer et décider de lourdes sanctions financières et sportives et ce n'est certainement pas Raouraoua qui l'en dissuadera.
Cette clandestinité dans la prise des images renvoie à l'état d'un pays qui se complaît de vivre à la marge des règles et des lois. De légiférer et de distribuer ensuite des passe-droits aux périphériques du pouvoir. Ces télévisions «pirates» n'existent que parce que l'Etat spectateur en a décidé ainsi, les laissant volontiers sans bornage dans un champ médiatique en ruine. Alors faut-il attendre une catastrophe de quelque nature qu'elle soit pour réagir ? Apparemment oui.